23 septembre 2025
Le jour de gloire du "gorille de Monza"
Vingt-neuvième tour de course. La pluie redouble, nombre de pilotes au volant de leur formule 1 ont frôlé le tête-à-queue. Les conditions de piste sont devenues catastrophiques. Les organisateurs décident d’interrompre la course. La monoplace orange reçoit le drapeau à damier. Son pilote s’est porté en tête depuis onze tours. Des tours couverts de manière plutôt acrobatique. Il exulte mais en lâchant le volant une fois la ligne franchie perd le contrôle de sa monoplace qui va heurter le rail. Son train avant est faussé et le bouclier de la March bien froissé. C’est dans cet équipage que le vainqueur boucle son tour d’honneur.
François Coeuret
Titre imminent ?
Le Grand Prix d’Autriche 1975 peut déjà décider du vainqueur du Championnat. Lauda compte dix-sept points d’avance sur Reutemann. S’il totalise plus de dix-huit points d’avance sur le second à l’issue de cette course, le titre est en poche. Deux Grands Prix resteront à disputer. Vittorio Brambilla est bien loin de se préoccuper de telles considérations. Les comptes d’apothicaire ne sont pas son lot, il totalise deux points au classement. L’italien s’est qualifié en huitième position sur la grille au volant de sa March 751. Une performance honorable mais un ton en dessous son équipier Stuck (March Lavazza), étonnant quatrième chrono des qualifications.
Mark Donohue ©Guy Royer
Une course perturbée
Si Niki Lauda sur la Ferrari 312T s’est offert la pole position, quelques clients sérieux pointent le nez espérant mener la vie dure à l’Autrichien. Hunt (Hesketh), quatrième du Championnat et Fittipaldi (McLaren), troisième, sont de ceux-là. Ils pointent respectivement deuxième et troisième sur la grille. Carlos Reutemann, le provisoire dauphin de Lauda, n’a pu faire mieux que le onzième temps des essais. Un handicap certain compte tenu de la forme affichée par le Viennois. Lella Lombardi sur sa March Lavazza part en vingtième position sur la grille composée de vingt-six pilotes. Elle se positionnera au côté de Mario Andretti qui pilote une Parnelli.
Lors du warm-up un accident dramatique va avoir lieu. Mark Donohue éclate un pneu de sa March-Penske à 200km/h. La monoplace heurte le rail, se soulève et s’écrase en contrebas dans le fossé. L’américain est évacué vers l’hôpital sérieusement commotionné. Il perd connaissance durant son transport en hélicoptère(*). Un commissaire est grièvement blessé lors de cette sortie de piste, il est dirigé lui aussi vers l’hôpital.
Énorme orage avant le départ
Peu avant que l’on donne le départ un violent orage s’abat sur le circuit. La course est retardée. Les pneus pluie doivent être montés sur les monoplaces. Le déluge se calme mais le départ est donné sur une piste détrempée. Lauda se maintient en tête. Le pilote de la March orange sponsorisée par la marque d’outils Beta se sent très à l’aise dans ces conditions de pilotage scabreuses. Sa progression en atteste : il pointe sixième au premier tour, cinquième au second, il prend la quatrième position au cinquième passage, troisième place au sixième tour. L’Italien semble se jouer des trombes d’eau soulevées par les autos qui le précèdent. Il joue les funambules maîtrisant sa voiture proche du décrochage. Il ose des dépassements limite. L’offensive de Vittorio Brambilla est telle qu’au treizième tour il a rejoint les deux leaders Lauda et Hunt. Il pleut à nouveau mais des ailes lui ont poussé !
L’Italien est sur un nuage et non en dessous ! Alors que Hunt prend le dessus sur l’Autrichien par l’extérieur de la courbe Texaco, Brambilla se faufile sur l’intérieur profitant de la prudence de Lauda. Il va maintenant harceler le pilote anglais. L’homme de Monza est bien décidé à le faire céder. Il trouve la faille lorsque Hunt géné par un concurrent avant le virage Bosch voit l’Italien piquer à l’intérieur et le passer. Son jour semble être arrivé. Il s’échappe, Hunt ne peut suivre la March orange, il a perdu un cylindre et concède peu à peu du terrain. Le bouillant gorille de Monza mène la course. Les conditions de piste qui ne s’améliorent pas vont pousser les officiels à abaisser le drapeau à damier libérant la joie de Vittorio. Mais il lève les deux bras et perd le contrôle de sa monoplace heureusement sans trop de dégâts. Ceux-ci sont tout de même suffisants pour lui faire réaliser un tour d’honneur dans une configuration plutôt chiffonnée. Le vainqueur Vittorio n’en a cure...
La moitié des points seulement furent attribués à l’issue de la course qui ne compta que vingt-neuf tours. Lauda qui a terminé sixième n’a que 17,5 points d’avance sur Reutemann dont la course fut bien pâle (quatorzième). Ce qui recule son sacre au Grand Prix suivant à Monza, la terre natale de Vittorio Brambilla.
Gare au gorille
Né en 1937 à Monza Vittorio baigne très jeune dans l’ambiance du garage paternel avec son frère ainé Ernesto. Féru de mécanique il se lance en compétition moto et devient champion d’Italie catégorie 175 cm³. Il passe au karting, officie comme mécanicien de son frère qui court en F2. Il passe derrière le volant d’une F3 de l’équipe Picchio Rosso en 69. Il monte en F2 et cumule avec la F3. 1972 le voit remporter le titre national italien en F3. Le pilote transalpin court sur une March F2 du Beta Racing en 73, remportant deux victoires significatives à Salzbourg et Albi. Il accède à la Formule 1 toujours chez March en 74 avec l’aide de Beta. Réputé pour son pilotage musclé c’est en 75 qu’il touche le Graal en Autriche. Ses performances déclinent ensuite. Il pilote une Surtees en 77 et 78 alors qu’il trouve un volant en sport chez Alfa Roméo. Brambilla est impliqué dans le carambolage de Monza qui coûtera la vie à Ronnie Peterson. Ecarté un an des circuits à la suite d’une sérieuse commotion il reprend du service en sport chez Alfa puis chez Osella avant de mettre fin à sa carrière en 1981.
(*) Opéré le pauvre Mark Donohue décédera deux jours après son hospitalisation à la suite d’une hémorragie cérébrale. Il avait 38 ans. Le commissaire hospitalisé est aussi décédé des suites de ses blessures.
La veuve de Mark Donohue, Eden Donohue Rafshoon, a ensuite porté l’affaire en justice, prétextant que la mort de son époux était due à une négligence de la part de Goodyear Tire and Rubber et de Penske Corporation, propriétaire de la voiture.
En 1986, soit 11 ans après l’accident, la Cour suprême de l'État du Rhode Island a obligé Goodyear et Penske à verser la somme de 9,6 millions de dollars aux héritiers de Donohue.
- Illustrations ©motorsport IMAGES, ©LAT images, ©gettyimages, ©DR
10:57 Publié dans j.hunt, m.donohue, n.lauda, v.brambilla | Tags : monza gorilla | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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