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13 juin 2025

24 Heures du Mans 1939 - à l’aube de la guerre

Départ Mans39.jpg

Le Grand Reich germanique rêvé par Hitler est en phase d’expansion depuis 1934. Après l’Autriche, la Tchécoslovaquie, une partie de la Lituanie, l’armée allemande va bientôt envahir la Pologne. L’ouest de l’Europe est menacée. C’en est trop pour les alliés franco-anglais.  

A moins de trois mois de la déclaration de guerre menant au second conflit mondial les organisateurs manceaux ont enregistré 49 équipages inscrits pour la 16e édition des 24 Heures du Mans disputée les 17 et 18 juin.

François Coeuret


bugatti,jean-pierre wimille,gordini

Le circuit, l’ambiance

Le circuit couvre 13,492 km, de nouveaux aménagements ont été réalisés depuis l’épreuve de 1938. Des gradins sont présents dans toute la zone des stands et de la courbe Dunlop. Les voies d’accès ont été élargies et les possibilités d’accueil des parkings ont été nettement augmentées. Une prime de 1000 francs sera attribuée à la voiture de tête à la fin de chaque heure de course. Cette initiative de l’ ACO et du quotidien Le Matin est inspirée par les Six jours cyclistes de Paris.

 

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Les forces en présence

Quinze marques sont représentées. Pas moins de vingt équipages disposent des voitures les plus puissantes du plateau. Des candidates à la victoire que sont les Delage, Delahaye, Talbot, Lagonda et les uniques Alfa Roméo et Bugatti engagées pour ces 24 Heures.

Il n’y a donc qu’une seule Bugatti en lice, la 57C, 3,3L, 200 chevaux, 220 km/h qui est une version Tank comme le modèle vainqueur lors de l’édition 1937. Elle a été allégée et suralimentée. Elle fait partie des favorites. Elle est menée par Wimille-Veyron. Face à elle, on trouve un coupé Alfa 2500 SS piloté par Sommer-Bira.

 

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Six Talbot (T26-150SS) dont trois 4.5 litres sont présentes, au volant Chinetti-Mathieson, Morel-Bradley, Dreyfus-Schumann-(T26), Levegh-Bègue, De Massa-Mahé, Trémoulet-Forestier-(SS).

 

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Huit Delahaye (135CS-3,6L) font partie de la liste des engagés pour Mazaud-Mongin, Chaboud-Giraud Cabantous, Villeneuve-Biolay, Walker-Connell, Chotard-Seylair, Contet-Brunet, Paul-Trévoux, Bellecroix-Serraud.

 

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Deux Delage D6 3L participent à la course, pilotes Gérard-Monneret et Hug-Loyer.

 

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Deux nouvelles Lagonda V12 4,5L sont inscrites, pilotes Dobson-Brackenbury et Selsdon-Waleran.

 

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A noter la solide équipe allemande BMW a dépêché trois équipages sur des 328 2L (Chaumburg Lippe-Wencher)-(Roese-Heinemann)-(Briem-Scholz). Deux voitures découvertes et une « fermée ».

Les recherches aérodynamiques commencent à poindre. La Bugatti tranche avec les autres voitures favorites, les Delahaye, Delage, Lagonda, Talbot qui conservent leur traditionnel fuselage au centre des roues surmontées de garde-boue. Sa robe effilée au carénage galbé lui donne un aspect massif. C’est le cas de l’Adler allemande qui cassera son moteur aux essais. La petite Simca Huit de Gordini-Scaron arbore aussi une carrosserie enveloppante.

 

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Les aléas de la course

La voiture de Raymond Sommer est prête tardivement en Italie avant la course. Le français part le lundi pour Milan et va devoir la convoyer jusqu’au circuit du Mans. Après avoir roulé quasiment non stop sauf arrêts impérieux, il arrivera juste à temps pour les vérifications !

Lors des essais Jean Pierre Wimille stoppe à Maison Blanche suite à une avarie moteur. En fait trois pistons sont bloqués à la suite d’un défaut probable d’usinage. Jean Bugatti veut jeter l’éponge mais son chef mécanicien insiste pour tenter de présenter la voiture au départ. Une course contre la montre se prépare chez Bugatti pour réparer. Les pièces et deux mécanos restés à l’usine de Molsheim prennent le rail à Strasbourg pour rejoindre la gare de l’Est où une voiture attend pour rallier Le Mans. Le moteur est réalésé, reconditionné dans un garage non loin de la gare. La voiture sera prête pour le départ samedi grâce à l’intense travail des mécanos.

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La course

42 voitures sont au départ dont 25 françaises (7 forfaits enregistrés). L’hymne allemand est sifflé par le public lors du placement en épi avant le lâcher des pilotes. En début de course Chinetti au volant de la Talbot 4,5 litres prend la tête. Au troisième tour la Delage #21 (Gérard-Monneret) passe au premier rang alors que Wimille se hisse en deuxième position et que Chinetti perd du terrain. Les Delahaye #15 et #16 passent à l’offensive et doublent la Bugatti. Cette dernière ainsi que la Talbot de Chinetti, qui a mené le début de course, se trouvent maintenant un peu en retrait.

A 18h30 Sommer, double vainqueur des 24 Heures du Mans, stoppe son Alfa Roméo au stand, changement des bougies et du joint de culasse. Sa course est compromise. En soirée à 21h30 Mazaud (Delahaye #15) attaque la Delage leader et s’empare du commandement. Chinetti remonte, il est troisième. Durant la nuit Les Delahaye et les Talbot vont subir des aléas. La plus véloce 135CS (#15) abandonne suite à un incendie. Les #11, #18, #19 renonceront aussi. C’est alors la Delage #21 de Gérard-Monneret qui reprend la tête. A 4h du matin la Bugatti est troisième.  Au petit matin la Talbot de Chinetti-Mathieson abandonne à son tour suite à une sortie de piste. La seconde Delage aussi, axe de roue cassé. En matinée Monneret domine toujours. Il va même posséder 5 tours d’avance sur la Bugatti classée deuxième. Elle s’est arrêtée à cause d’une roue cassée en raison d’une crevaison dans les Hunaudières. Il faut changer également un amortisseur.

En fin de course tout se joue donc entre la Delage et la Bugatti, mais la première nommée casse son échappement ainsi qu’un ressort de soupape. Quarante-deux minutes sont nécessaires pour réparer. Lorsqu’elle repart, la 57C alsacienne est trop loin et remporte l’épreuve devant la Delage malchanceuse et les deux régulières Lagonda.

 

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Quelques chiffres sur la course :

On enregistre 49 autos sur la liste des engagés, mais il y aura 7 forfaits dont une Delahaye 12 cylindres et une Adler retirée lors des essais. La Singer Nine Le Mans Replica #44 est disqualifiée pour ravitaillement anticipé. Il s’agit de la 2e victoire de Bugatti, mais aussi la dernière. C’est la 6e victoire française depuis la création des 24 Heures du Mans en 1923. Un nouveau record du tour est établi en 5’12’’1 (Mazaud-Delahaye). Ce record du tour et la distance parcourue ne seront battus qu’en 1950. Wimille-Veyron et leur Bugatti ont couvert 66,822km de plus qu’en 1937. Victoire et triplé de BMW dans la classe 1501-2000cm3.

 

Les vainqueurs : la Bugatti 57 C #1 (3251 cm³) de J.-P. Wimille et P. Veyron a parcouru 3354,760km.

Vitesse moyenne : 139,781km/h. Écart avec les seconds :42,538km.

Meilleur temps en course : Robert Mazaud (Delahaye 135CS#15) en 5’12’’1 à 155,627 km/h de moyenne.

Indice de Performance : 1ère Simca Huit #39 (Gordini / Scaron).

14e Coupe Biennale : 1ère Simca Huit #39 (Gordini / Scaron)

 

 

 

Cylindrée

 

Distance

Moyenne

Classe

1

1

BUGATTI 57 C

3251(C)

J.P. Wimille / P. Veyron

3354,760

139,781

3001-5000

2

21

DELAGE

2991

Gérard / Monneret

3312,222

138,009

2001-3000

3

5

LAGONDA

4479

Dobson / Brackenbury

3229,451

134,560

 

4

6

LAGONDA

4479

Selsdon / Waleran

3219,481

134,145

 

5

26

B.M.W.

1976

Von Schaumburg Lippe / Wencher

3188,450

132,852

1501-2000

6

12

DELAHAYE

3590

Villeneuve / Biolay

3180,287

132,511

 

7

27

B.M.W.

1976

Roese / Heinemann

3106,969

129,457

 

8

20

DELAHAYE

3557

Walker / Connell

3025,799

126,074

 

9

28

B.M.W.

1976

Brien / Scholz

2975,903

123,995

 

10

39

SIMCA HUIT

1087

Gordini / Scaron

2885,906

120,246

751-1100

 

 

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La période qui suit les 24 Heures...

Bugatti va subir un évènement dramatique après les 24 Heures lors d’un essai de la 57C en vue de préparer le Grand Prix de La Baule. Non loin de l’usine Jean Bugatti qui aime tester ses voitures effectue des allers-retours sur un secteur de route barrée par des membres de l’écurie. En direction d’Entzheim sur une bosse la voiture lancée à vive allure heurte un cycliste qui a emprunté tout de même la route. L’auto déséquilibrée mord sur le bas-côté, termine sa course contre un arbre. Le cycliste grièvement blessé survivra(*) mais Jean décédera avant son arrivée à l’hôpital de Strasbourg.  

L’entreprise en proie a de gros problèmes financiers ne se remettra pas de ce drame. Le Grand Prix de la Baule sera annulé : la déclaration de guerre est officialisée le 3 septembre.

 

(*) Souffrant de graves séquelles après l’accident il se suicidera plus tard. 

 

bugatti,jean-pierre wimille,gordini

- Illustrations  ©DR

Commentaires

Merci François pourcette évocation des dernières "24 Heures" avant la guerre. On peut voir que la majorité des voitures engagées sont 100 % françaises. Toutes celles qui pouvaient espérer gagner sont animées par de gros six-cylindres en ligne qui étaient "mis à toutes les sauces", à commencer par la Bugatti gagnante, qui, de plus, arborait une carrosserie "tank", c'est-à-dire sans ailes saillantes. Cette dénomination étant par trop guerrière, elle fut remplacée après la guerre par le plus paisible dénomination "ponton". Chez Delahaye, on fabriquait seulement 2 moteurs : un quatre-cylindres et un six-cylindres. Ils équipaient indifféramment les voitures des pompiers, les autocars, les limousines de luxe et les voitures de course, avec des réglages diférents. C'est la raison pour laquelle des faussaires partant d'un chassis et d'un moteur de pompiers recréairent des biplaces course... On peut aussi comprendre le drame de 1955 en voyant l'exiguité de la piste devant les stands et la proximité du public devant les tribunes!

Écrit par : Raymond Jacques | 13 juin 2025

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Merci François pourcette évocation des dernières "24 Heures" avant la guerre. On peut voir que la majorité des voitures engagées sont 100 % françaises. Toutes celles qui pouvaient espérer gagner sont animées par de gros six-cylindres en ligne qui étaient "mis à toutes les sauces", à commencer par la Bugatti gagnante, qui, de plus, arborait une carrosserie "tank", c'est-à-dire sans ailes saillantes. Cette dénomination étant par trop guerrière, elle fut remplacée après la guerre par le plus paisible dénomination "ponton". Chez Delahaye, on fabriquait seulement 2 moteurs : un quatre-cylindres et un six-cylindres. Ils équipaient indifféramment les voitures des pompiers, les autocars, les limousines de luxe et les voitures de course, avec des réglages diférents. C'est la raison pour laquelle des faussaires partant d'un chassis et d'un moteur de pompiers recréairent des biplaces course... On peut aussi comprendre le drame de 1955 en voyant l'exiguité de la piste devant les stands et la proximité du public devant les tribunes!

Écrit par : Raymond Jacques | 13 juin 2025

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Merci François pourcette évocation des dernières "24 Heures" avant la guerre. On peut voir que la majorité des voitures engagées sont 100 % françaises. Toutes celles qui pouvaient espérer gagner sont animées par de gros six-cylindres en ligne qui étaient "mis à toutes les sauces", à commencer par la Bugatti gagnante, qui, de plus, arborait une carrosserie "tank", c'est-à-dire sans ailes saillantes. Cette dénomination étant par trop guerrière, elle fut remplacée après la guerre par le plus paisible dénomination "ponton". Chez Delahaye, on fabriquait seulement 2 moteurs : un quatre-cylindres et un six-cylindres. Ils équipaient indifféramment les voitures des pompiers, les autocars, les limousines de luxe et les voitures de course, avec des réglages diférents. C'est la raison pour laquelle des faussaires partant d'un chassis et d'un moteur de pompiers recréairent des biplaces course... On peut aussi comprendre le drame de 1955 en voyant l'exiguité de la piste devant les stands et la proximité du public devant les tribunes!

Écrit par : Raymond Jacques | 13 juin 2025

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Merci François pourcette évocation des dernières "24 Heures" avant la guerre. On peut voir que la majorité des voitures engagées sont 100 % françaises. Toutes celles qui pouvaient espérer gagner sont animées par de gros six-cylindres en ligne qui étaient "mis à toutes les sauces", à commencer par la Bugatti gagnante, qui, de plus, arborait une carrosserie "tank", c'est-à-dire sans ailes saillantes. Cette dénomination étant par trop guerrière, elle fut remplacée après la guerre par le plus paisible dénomination "ponton". Chez Delahaye, on fabriquait seulement 2 moteurs : un quatre-cylindres et un six-cylindres. Ils équipaient indifféramment les voitures des pompiers, les autocars, les limousines de luxe et les voitures de course, avec des réglages diférents. C'est la raison pour laquelle des faussaires partant d'un chassis et d'un moteur de pompiers recréairent des biplaces course... On peut aussi comprendre le drame de 1955 en voyant l'exiguité de la piste devant les stands et la proximité du public devant les tribunes!

Écrit par : Raymond Jacques | 13 juin 2025

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