13 septembre 2024
24H du Mans 1930 - un plateau homéopathique, un joint homocinétique
Dix-neuf inscrits sur les tablettes de l’Automobile club de l’Ouest cette année-là. Charles Faroux et ses collaborateurs s’inquiètent de la désaffection des constructeurs. L'effervescence de ces années folles - ainsi nommées par les historiens - a pour corollaire une course effrénée à la production. Les marques ont certes autre chose à faire qu’à dépêcher des équipes sur le circuit des 24 Heures pour défier des adversaires. Une alternative se présente : accepter et encourager les initiatives privées.
François Coeuret
Plateau et ambiance pré-course
Les organisateurs pour cette huitième édition peuvent compter sur Bentley (Bentley Motors - 3 voitures 6.6L), Tracta (A28 1L usine - 2 voitures - traction avant - innovation de l’ingénieur Jean Albert Grégoire qui a mis au point le joint homocinétique), Lea-Francis 1.5L (une voiture).
Odette Siko
Les équipages privés sont autorisés à participer. Ils vont grossir le plateau qui se serait avéré squelettique sans ce renfort. Le duo qui attise le plus de curiosité est celui de Mesdames Marguerite Mareuse et Odette Siko qui vont disputer l’épreuve mancelle sur leur Bugatti type 40 1,5L. C’est le premier engagement féminin enregistré par l’organisation mancelle. La firme américaine de voitures de luxe Stutz (modèle M 5.4L) est représentée par Edouard Brisson et « Georges Philippe » (de Rothschild).
Deux nouveaux compétiteurs se présentent dans la Sarthe (une voiture chacun), l’allemand Mercedes-Benz (SS 7,1 L compresseur) par l’entremise de Rudolf Caracciola et l’italien Alfa Romeo (6C 1.8L suralimenté - Lord Howe). Deux MG Midget 0.8L sont engagées, l’une par Mrs Huskinson & Fane et l’autre par Francis Samuelson. Trois Bentley privées sont présentes (Hon. Miss Dorothy Paget - trois 4,4L)(1). Deux Talbot A090 2.3L (W. Fox/Nicholl) et une BNC AER 2L (Bollack-Netter et Cie) complètent la liste des participants.
Le public n’a cependant pas tenu compte du maigre plateau. C’est l’enjeu qui a attiré les spectateurs venus en masse. La confrontation entre les Bentley britanniques et les Stutz américaines arbitrée par les allemands de Mercedes Benz a motivé la foule. Les Stutz comme les Bentley et la Mercedes font forte impression, les voitures les plus puissantes en lice. Les premières sont mues par un 8 cylindres en ligne de 5400 cm³. Les secondes sont équipées d’un 6 cylindres en ligne de 6600 cm³. La troisième possède un 6 cylindres avec compresseur de 7100 cm³ ». Créée en 1913 par Harry C. Stutz, américain d’origine allemande, la Stutz Motor Car Cie prend part d’abord aux 500 miles d’Indianapolis puis participe aux 24h du Mans. En 1928 la Stutz d’Edouard Brisson finit seconde derrière la Bentley de Barnato. Après une cinquième place en 1929 derrière les Bentley deux Stutz défient à nouveau les redoutables anglaises.
(1) Hon. = The Honorable
La course
Elle fut intense, disputée jusqu’au dimanche matin. Preuve que ce n’est pas la quantité qui compte mais la qualité des participants.
Suite à deux défections (une Bentley privée forfait et la BNC AER en panne de démarreur sur la grille), dix-sept voitures prennent donc le départ pour deux tours d’horloge… C’est le record de la plus faible participation. La Mercedes domine le début de course alors que Birkin éclate un pneu de sa Bentley et chute au classement. Le public attendait un duel intense entre les Bentley et les Stutz mais ces dernières déçoivent en raison de leur moteur vieillissant à deux soupapes par cylindre.
Elles ne tiennent pas l’allure de la Mercedes et des Bentley. Lors du premier ravitaillement les pilotes Bentley sont très rapides. Ils ont bénéficié d’un entraînement pré-course dans les garages sachant qu’un seul pilote est admis à réaliser la manœuvre. Barnato rattrape et passe la Mercedes de Werner à la tombée du jour. Caracciola ne cède pas et bataille avec Barnato. Il reprend la tête au cours de la nuit alors que ce dernier s’éternise au stand pour ravitailler en huile. Le duel enchante le public mais au petit jour la Mercedes rejoint les stands, batteries sèches, en panne de dynamo. C’est un élément que le règlement interdit de changer. La voiture allemande se retire. Les Stutz ont abandonné aussi, pont arrière cassé pour l’une et incendie causé par un échappement endommagé pour la seconde.
De la sorte deux Bentley officielles vont maintenant survoler la course. L’équipe a perdu un élément sur une sortie de route de Dunfee qui a cassé un essieu. Barnato-Kidston se montrent le plus rapide des équipages devant Clement-Watney. Ils franchissent la ligne en vainqueurs à la moyenne de 122,110 km/h. Woolf Barnato en est à sa troisième victoire consécutive pour le constructeur britannique. Les Talbot s’emparent des troisième (Lewis-Eaton) et quatrième positions (Hindmarsh-Rose Richards) suivies de l’Alfa Roméo de Curzon-Callingham et la Lea-Francis de Peacock-Newsome. L’équipage féminin Mareuse-Siko termine brillamment la course en septième position. Les deux femmes sont deuxièmes de la classe 1,5l. Les Tracta finissent huit et neuvième, doublé en catégorie 750-1100cc.
Quatrième victoire d’affilée de Bentley au Mans (cinquième au total depuis 1923). Le record de la distance est battu, 2930,663km, comme celui du tour parcouru, Tim Birkin à 144 km/h. Le constructeur britannique fut le plus redoutable compétiteur lors des courses d’endurance de cette décennie. Alfa Romeo se prépare à reprendre le flambeau, ce sera dès 1931 au Mans.
Dessin ©Rob Roy
- Illustrations ©DR
17:25 Publié dans t.birkin, w.barnato | Tags : le mans, bentley | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | |
Commentaires
Mmes Siko et Mareuse formèrent le premier équipage féminin des 24 Heures du Mans. Elles terminèrent l'épreuve à la 7ème place en ayant couvert 2164,701 kilomètres à la moyenne de 90,195 km/h.
Écrit par : Raymond Jacques | 14 septembre 2024
Répondre à ce commentaireDeux choses qui me frappent pour l'époque: sur les photos, on peut voir le très bon état de la chaussée qui avait l'air d'offrir une surface assez lisse et performante; puis déjà l'écart de cylindrée considérable entre les petites et les grosses voitures. Sinon le déroulement de l'épreuve rappelle bien d'autres éditions ultérieures. Je note qu'à l'instar des GP actuels, on s'entrainait dejà pour les ravitaillements.Et Madame SIKO était ravissante.
Écrit par : Daniel DUPASQUIER | 18 septembre 2024
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