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16 février 2021

Excusez-moi si je vous demande pardon…

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Le Mans 68 : #3 Greder-Maglioli,  #4 Giorgi-Garant

Mais j’en suis rendu au point où la compétition automobile moderne ne m’intéresse plus du tout. Les derniers pilotes dont j’étais capable de reconnaitre les visages sur des photos étaient Prost et Senna. Et Schumacher, bien sûr, mais dont l’écrasante domination sur la F1 avait légèrement tendance à me « courir sur le haricot » (comme dans une chanson d’Henri Salvador…).

La « big money » a envahi le sport auto, comme beaucoup autres sports, pour faire la fortune de quelques « happy few », me transformant ipso facto en vieux schnock nostalgique et presque gâteux. Mais il y a de vieux souvenirs de visages et de voitures qui restent tapis sous la voute de mon crâne (j’ai failli écrire « dans un coin de la voute », ce qui aurait été une prouesse architecturale). En voici quelques uns et quelques unes.

Je ne vous bassinerai pas avec les « héros » de mes précédentes notes tels que Jean Behra, Fon de Portago, Annie Bousquet, Claude Storez et quelques autres… Je rapporte ici quelques souvenirs de l’autodrome de Montlhéry ainsi que du Mans et de ses environs, souvenirs qui remontent à un certain temps, voire un temps certain.

Raymond Jacques


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En « pole » avant une nette victoire

 

La Cobra de Jean-Marie Vincent

J’ai vu pour la première fois (en vrai !) ce bizarre bolide d’un rouge éclatant au départ des Coupes de Paris (29/09/1964), où Jean-Marie Vincent remporte une toute aussi éclatante victoire en GT avec 25’32" et 9/10 sur le 3,3 km :

 

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Tour de France 1964 (11/9 – 20/9) : abandon sur bris de différentiel

 

Cette Cobra est profondément remaniée avec un refroidissement du moteur amélioré par des entrées d’air frais supplémentaires et une évacuation de l’air chaud par une ouverture sur le dessus du capot. Mais le plus spectaculaire est une sorte de hard top, qui pourrait ressembler au pavillon d’une Ferrari GTO 64 ou d’une Ferrari 250 LM, en beaucoup plus mastoc.

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1000 km de Paris 1964 : J-M Vincent - J de Mortemart

 

Elle figure au départ des 1000 km de Paris le 11 octobre 1964[1], où elle abandonnera au soixantième tour sur panne de démarreur :

Mais d’où diable est sorti ce « monstre » ? La piste est difficile à suivre. Jean-Marie Vincent aurait (j’insiste sur le conditionnel) « cannibalisé » deux voitures :

  1. COX6010, bleue, matricule « 3608PW75 » accidentée à l’avant par Jean de Mortemart (quand ?), elle court sous le n° 64 aux 24 Heures du Mans 1964.
     
  2. CSX2142, blanche, registration plate « 645 CGT » pilotée par Jo Schlesser, elle prend feu à la course de côte du Mont Ventoux (quand ?).

Pour le moment, ça colle à peu près. La suite devient carrément hypothétique car interviennent plusieurs Cobra (ou plusieurs fois la même ?) vendues aux enchères…

 

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D’après RM Auctions :

« J-M Vincent reconstitue une Cobra avec les deux tiers arrières de COX6010[2] et l’avant et la transmission de CSX2142, avec un capot en une pièce. Vendue à M Gaudard qui casse le moteur et abandonne la voiture dans un parking. Partie à la casse, elle est sauvée par B. Maitre, revendue à Bernard Alter et Bernard Afchain, qui obtient une CG collection indiquant S/N # CSX2142, après reconstruction de la voiture avec des pièces d’origine ».

D’après Artcurial :

« J-M Vincent rachètera COX6010 après que Mortemart l'accidenta à l'avant. L'histoire de son reconditionnement commence ici. Vincent possédait 3 Cobra, CSX2001, CSX2142 et COX6010 en même temps. Il répara COX6010 en ajoutant la partie avant du châssis de COX2142 et modifia l'avant de la carrosserie en adaptant un bloc en fibre de verre s'ouvrant avec les ailes, très laid mais pratique et continue de courir ».

La zone d’incertitude concernant cette surprenante voiture est plutôt large. Il semble qu’elle a été restaurée pour redevenir « 645 CGT » mais un lecteur en saura peut-être un peu plus long que moi…

 

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La formule trois de Monsieur le comte est avancée. Adam Potocki.

C’était au temps des formules 3 de 1000 centimètres cube, celles que l’on surnommait les « screamers » à cause des hurlements sauvages que poussaient leurs moteurs. Ceux-ci étaient obligatoirement des quatre-cylindres issus de la série avec leur distribution culbutée d’origine et un seul carburateur[3]. On trouvait le Ford 105E des Anglia, le BMC des Austin et Morris 1000 et le Renault Sierra, plus connu sous le nom de « Cléon Fonte » dans une version dérivée du 956 cc de la Renault 8.

Des « sorciers » s’en emparèrent pour « les gonfler » jusqu’à des puissances ahurissantes pour l’époque avoisinant les 120 chevaux pour les meilleures préparations, telles que celles de Holbay, Broadspeed, Novamotor, et… Richard Belkechout. Bien sûr la solidité de ces moteurs était tout à fait aléatoire, plutôt du domaine du cristal plus que de celui du Diesel agricole…

 

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Une marque de lessive « Crio au Tournesol » tente l’aventure du sponsoring automobile pour la première fois en France en 1967. Elle achète deux Matra MS5 et engage à titre privé deux pilotes : Jean-Pierre Jabouille et Philippe Vidal. L’aventure s’arrête l’année suivante et les voitures sont revendues. Jabouille en achète une et court avec l’aide d’un copain mécano, un certain Jacques Laffite.

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Pas celle de l'écurie Crio... (image collection Matra)

 

Le comte Adam Potocki, véritable noble polonais féru de compétition automobile venait de terminer une saison sur Austin Cooper S lorsqu’il récupéra une des voitures de l’écurie Crio au Tournesol et il l’utilisa en 1968 et 1969. Son patronyme inhabituel et sa moustache que n’aurait pas reniée un druide Gaulois avaient retenu mon attention. Je l’ai vu plusieurs fois à Montlhéry où il ne brillait pas particulièrement aux avant-postes...

 

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Victoire sur le toboggan des Essarts

 

Il connut toutefois son heure de gloire à Rouen les Essarts où il remporta le 7 juillet 1968 la Coupe de Vitesse de l’A.C. Normandie de formule 3, devant des « clients » comme Depailler, Jabouille et Cevert ! Monsieur le comte passe alors du statut de poireau à celui de champion dans le terrible toboggan rouennais, grâce à un moteur bien bichonné par Richard Belkechout avec trois cylindres neufs et un d’occase, faute d’avoir pu trouver à temps les quatre gamelles... Le même jour Jo Schlesser était victime d’un accident fatal dans le virage des Trois Frères.

 

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La Ferrari 250 LM aux 1000 km de Paris 1968

 

Sylvain Garant, l’habitué de l’autodrome…

A chaque fois que prenait fin le dimanche de course à Montlhéry, je rentrais chez moi avec une sorte de nostalgie et de gout d’inachevé. Ce jour-là, la circulation du carrefour de la route de l’autodrome avec la Nationale 20 est réglée par la gendarmerie. Un militaire me stoppe en pole position et fait passer les voitures sur la nationale devant mon capot. Un V12 Ferrari arrive en trombe et en fanfare derrière moi et s’arrête juste à ma hauteur. Sylvain Garant rentre chez lui au volant de sa 250 LM ! ! ! Instant fugitif, dès que le gendarme nous fait signe de passer, la Ferrari s’envole…

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Pilote éclectique, il roule aussi bien en rallye qu’en circuit ou en course de côte. A une certaine époque, à chaque fois que j’allais à Montlhéry, Sylvain Garant était là, le plus souvent avec une Ferrari 250 GT, ou une GTO, ou une 250 LM.

Entre 1965 et 1972, il se présente six fois aux 24 Heures du Mans : 

  • 1965 Ferrari GTO, non-admis ;
  • 1967 Porsche 911suppléant, pas au départ ;
  • 1968 Chevrolet Corvette, accident ;
  • 1970 Porsche 911 T, non-classé, (avec Guy Verrier) ;
  • 1971 Porsche 911, transmission cassée ;
  • 1972 victoire de classe. Il termine à la treizième place sur Porsche 911 S, premier du groupe GTS de moins de 2,5 litres, avec Jürgen Barth et Michael Keyser.

 

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La Porsche vainqueur de classe aux 24 Heures 1972

 

En 1968, il remporte le championnat de France des Circuits, l’année suivante il termine dixième des 24 Heures de Daytona sur une Porsche 911 T du Wicki Racing Team.

Sylvain Garant était né le 29 juin 1925 à Palaiseau, il est décédé le 6 juin 1993 à Clearwater, Florida.

 

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Guy Verrier, le pilote « à trois roues »

C’était un beau dimanche à Montlhéry. Par une curiosité météorologique les dimanches étaient toujours beaux à Montlhéry, même quand il pleuvait. Ce jour-là, il y avait une course de voitures de tourisme. Je m’étais installé dans les tribunes devant lesquelles il y avait une chicane, exactement la même que celle qui vit le combat singulier de Beltoise contre Masten Gregory pendant les 1000 kilomètres de Paris 1969. Une Ford Escort RS pilotée par un furieux sortait de la chicane sur trois roues, à chaque tour. Je m’attendais à ce qu’il lui arrive la même mésaventure que celle survenue au même endroit à Jean Todt, qui avait fait un splendide « béret » avec sa NSU TTS, le béret étant une figure de style consistant à retourner la voiture sur le toit, immobilisée les quatre roues en l’air. Mais non, l’Escort restera scotchée à la piste…

Guy Verrier débute sa carrière sportive par la « baston » ! En 1943, à quinze ans il commence par le jiu jitsu, puis il vient au judo et il devient champion de France toutes catégories en 1948 et 1952, et champion d’Europe cette même année. Il passe ensuite au catch professionnel pendant un an, avec une incursion sur les pistes de bobsleigh.

 

Guy Verrier possédait un C.V. édifiant dans le domaine automobile et tout à fait foisonnant :

  • Il travaille chez Alpine comme pilote d’essais des projets M63, M64 et A210, ce qui ne l’empêche pas d’aller « faire des ménages » chez Citroën comme copilote, puis comme pilote.
     
  • Il est directeur général de la FFSA pendant l’ère J-M Balestre.
     
  • Responsable du département compétition de Citroën, il engage des ID, DS et même des SM sur différents terrains en France, en Europe et en Afrique. Citroën est aussi présent sur tous les rallyes-raids.

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Londres Mexico en 1970

 

Ses participations aux 24 Heures du Mans :

  • 1962 CD Panhard abandon sur casse moteur ;
  • 1963 Alpine M63 abandon sur casse moteur ;
  • 1964 CD Panhard abandon sur bris de transmission ;
  • 1966 Alpine Renault A210 12e;
  • 1970 Porsche 911 T (avec Sylvain Garant) non classé ;
  • 1971 Porsche 911 S 11e;
  • 1972 Citroën SM non qualifié ;
  • 1975 Porsche Carrera RS abandon sur casse moteur.

 

La sale histoire : Jean-Luc Thérier est engagé sur le Paris Dakar 1985 au volant d’une Visa 1000 Pistes, pas vraiment préparée pour un tel raid. Thérier ne reconnaît jamais les parcours des courses auxquelles il participe. C’est l’accident grave qui écartera définitivement le pilote de la compétition automobile. C’est Guy Verrier qui est alors le responsable de l’équipe Citroën, et cet accident va lui empoisonner la vie très longtemps… 

Guy Verrier était né le 28 juillet 1928 à Salin les Bains et il est décédé le 30 octobre 2019 à Cancun au Mexique.

 

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Podium au Mans en 1987 - Cougar Porsche C20

 

« Objectif Le Mans ! » : Yves Courage ou le courage du cougar…[4]

J’ai rencontré Yves Courage (de son vrai nom Yves Emilienne) dans les années quatre-vingt. J’étais alors commercial chez Simmonds S.A., un fabricant d’écrous de sécurité dont l’usine était située à Saint-Cosme-en-Vairais, à une quarantaine de kilomètres du Mans (elle y est toujours, je crois). Dans mes attributions, il y avait la communication externe et la publicité. Il y avait, au plan régional, des contacts très étroits entre Courage Compétition et Simmonds qui assurait une assistance technique massive : heures de bureau d’études, fabrication de pièces, conception et réalisation du camion de l’équipe à partir d’un poids lourd d’occasion, études extérieures par le CETIM (Centre Technique des Industries Mécaniques), etc.[5]. Pascal Emilienne, le frère d’Yves Courage, qui assurait la direction technique du team me dit un jour : « Si Simmonds n’était pas là, Courage Compétition n’existerait pas dans la forme que l’équipe a aujourd’hui ».

 

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Cougar Porsche C28 S (musée des 24 Heures)

 

A la même époque, Yves Courage avait ouvert une concession Porsche et Mitsubishi au Mans, sur le boulevard Demorieux. Derrière la concession Porsche, il y avait les locaux de « Courage Compétition », l’antre des Cougar de course. C’était un de ces endroits où la mécanique ressemble à de la chirurgie : rangement méticuleux, propreté sans faille, de la lumière à profusion. J’ai visité un certain soir où il y avait plusieurs voitures en cours de montage, et Marcel Hubert prit le temps de m’expliquer l’écoulement de l’air sur la carrosserie de la Cougar…

J’étais chargé d’organiser les invitations des clients Simmonds à assister « de l’intérieur » aux 24 Heures, tous frais payés. C’était en général très apprécié… Yves Courage, surchargé de travail, prenait quand même le temps de m’aider à préparer l’opération… Pour moi, c’était la récré. Pour lui, non… Mais il m’a permis de louer des loges – celles des bâtiments de 1956 - juste au dessus des stands, que je n’aurai jamais pu avoir dans d’autres conditions.

 

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Les loges, fort appréciées par « mes » invités !

 

Puis survint la crise de 1993, et le conséquent budget de sponsoring automobile de Simmonds disparut sous les coups de la dure réalité économique. Moi, je suis parti faire autre chose ailleurs.

 

Notes et références

  1. Théâtre du terrible accident qui fit 5 victimes : les pilotes Peter Lindner (Jaguar E lowdrag 4868 WK « the fastest E type ever ») et Franco Patria (Simca Abarth 2000 GT) et trois commissaires de course : Jean Pairard (le "P" des voitures de course VP), René Dumoulin et Roger Millot.
     
  2. 6010 ou 6001 ?
     
  3. Assez rapidement, ces moteurs furent équipés de carbus double corps du style Weber DCOE dont l’un des corps était obturé. Ils étaient montés sur une admission verticale, alors qu’ils étaient prévus pour fonctionner horizontalement. Mais le résultat était décoiffant.
     
  4. La faute d’orthographe est voulue !
     
  5. Le personnel de l’entreprise était clivé en « pro-Courage » et en anti-Courage ». Les « pro » étaient des fanatiques irréductibles, les « anti » considéraient qu’il eut mieux valu augmenter les salaires et les chefs d’ateliers râlaient parce qu’on leur diminuait leurs budgets. Abus de bien social ? Sans doute oui. Utilisé par un membre du top management pour se préparer une carrière politique de sénateur de la Sarthe pour « occuper » sa retraite. Ce qui n’eut pas lieu, car l’entreprise était virtuellement en faillite, seul son statut d’entreprise stratégique la sauva d’un désastre total. J’écris ceci le cœur tranquille, car les acteurs de ce désastre ne doivent plus être de ce monde…

Commentaires

Un tour d'horizon passionné et ...Passionnant. Juste une petite rectif Raymond, les "Trois Frères" aux essarts : il faut multiplier par deux : le virage des Six Frères.

Écrit par : F.Coeuret | 16 février 2021

Normal, avec l'âge, j'ai perdu un neurone sur deux...

Écrit par : Raymond Jacques | 16 février 2021

Merci pour ces témoignages, moi aussi je ne suis plus passionné par la F1 et les photos comme je l’ai été. Le Mans Classic m’intéresse plus que Le Mans, je me régale avec les photos que l’on trouve sur Pinterest, même Sport-Auto c’est plus çà ...
Est-ce la vieillesse ? Je crois pas, c’est une évolution qui est néfaste au sport automobile.

Écrit par : JC Albert | 16 février 2021

Dans certains milieux, il est de bon ton de se moquer du "c'était mieux avant". Cette critique émane en général de gens qui n'ont pas connu cet "avant"...

Écrit par : Raymond Jacques | 17 février 2021

J’ai voulu écrire la F1 et les protos ! Je me suis encore fait avoir par le correcteur automatique !

Écrit par : JC Albert | 16 février 2021

Les commentaires sont fermés.