15 février 2024
24 H de Daytona 1967 - un air de vendetta
Au début des années soixante Ferrari est en proie à de sérieuses difficultés financières. Ford qui veut se faire un nom en Europe saisit cette occasion pour tenter d’acquérir l’entreprise transalpine. Les négociations Ford-Ferrari sont brutalement interrompues en 1963 par le « Commandatore » qui a bien compris qu’il perdrait le contrôle de son entreprise, tant au niveau de la production de série que du département sportif(1). La prise de participation de Fiat, effective en 69, lui parut la moins mauvaise des solutions pour pérenniser son œuvre.
Après ces pourparlers les rapports du « Drake » avec « the Deuce » (Henri Ford II, ainsi qu'on le surnomme à Dearborn) devinrent extrêmement tendus. En fait une passe d’armes qui ne pourra se poursuivre que sur la piste.
François Coeuret
(1) la légende voudrait qu’il se soit tout simplement levé, en pleine réunion, en disant à son avocat, de façon désinvolte : « bon, c’est l’heure d’aller dîner. »
Premiers affrontements
Ford pressé d’en découdre en terre européenne sur le circuit des 24 Heures rachète le projet Lola MK6 GT (future GT40) et lance l’offensive qui se solde par deux échecs en 1964 et 65. Les débuts du prototype sont laborieux mais des progrès sont accomplis par la voiture US grâce à Caroll Shelby. Ford remporte Daytona Continental 2000 en 1965. 1966 sera la bonne année à Daytona 24H comme en terre sarthoise où le géant américain fait trébucher l’artisan italien. Ce dernier ne compte pas en rester là et fourbit ses armes pour les prochains combats. L’affrontement suivant a lieu sur les terres de l’oncle Sam et Enzo Ferrari y voit l’occasion d’une « vendetta ».
Ambiance - plateau
Après trois saisons de rivalité, 1967 est présentée comme le combat du siècle en raison de l'effort que les deux marques ont mis dans leurs voitures respectives. Le Speedway de Daytona transpire d’une atmosphère fiévreuse autour des deux rivaux. Des tests effectués par les deux écuries en décembre il ressort que la P3 équipée du futur moteur de la P4 est plus rapide que la Ford. On s’empresse de revoir la copie chez le géant de Détroit qui travaille essentiellement sur l’augmentation de la puissance. Ford présente une MKII boostée mécaniquement, tandis que la Ferrari P4 plus légère compte sur son homogénéité. En arrivant en Floride où se déroule le premier événement de l'année, les deux marques se sont mises en quatre. Ford engage six Mk II et trois anciennes GT40 en soutien. Ferrari a acheminé une nouvelle 330 P4 avec boîte maison et moteur 36 soupapes 450 CV, un coupé P3/P4, une 412P entretenue par Luigi Chinetti, importateur Ferrari aux USA et responsable du North American Racing Team ainsi qu’une autre 412P de l'écurie Francorchamps. La 412P n'est autre qu'une P3/P4 version client équipée du moteur 4L 24 soupapes.
Les essais
Ainsi débutent les entraînements de la deuxième édition des 24 heures en février 1967. Ford est le tenant du titre mais Ferrari n’a jamais été si menaçant. A l’issue des essais la Ford Mk II de Foyt-Gurney réalise la pole position sur le Speedway couplé au routier. Les autres sont aux cinquième (Andretti-Ginther), septième (McLaren-Bianchi), neuvième (Hulme-Ruby), dixième (Bucknum-Gardner) et douzième position (Donohue-Revson). Les Ferrari, pour leur part, occupent les troisième (Rodriguez-Guichet), quatrième (Bandini-Amon), sixième (Parkes-Scarfiotti) et onzième positions (Mairesse-Beurlys). Elles n’ont peut-être pas donné la pleine mesure de leurs performances. La deuxième position de la Chaparral 2F de Phill Hill-Mike Spence à moteur Chevrolet 7L et transmission automatique sème le trouble parmi les deux belligérants. L’oiseau coureur pourrait être un concurrent sérieux pour Ford et Ferrari.
La course
Dimanche vers 15 Heures la Chaparral s'échappe au départ, elle imprime un rythme de course effréné, quatre Ford emboîtent le pas mais à distance tant la 2F est rapide. Ferrari ne cherche pas l’affrontement direct et suit son tableau de marche. Dès la première heure une Ford (Mc Laren-Bianchi) stoppe au stand victime d’une surchauffe. Puis La Ford de Bucknum-Gardner s’arrête avec la perte des rapports 3 et 4. Le staff Ford est inquiet, on imagine que l’épidémie peut gagner les autres Mk II. Après trois heures de course Hill toujours en tête vient de prendre son relai et sort sur un secteur de piste dégradée à l’entrée du banking. Il endommage l’arrière de la Chaparral sur le mur. Retour laborieux au box. Après réparation sommaire et un retour en piste la Chaparral renonce finalement. L’américain reproche à Spence de n’avoir pas signalé le secteur gravillonné. Au jeu des rythmes de ravitaillement deux Ferrari prennent le relai en tête devant la Ford de Foyt-Gurney. Les soucis de transmission se poursuivent chez les américains. A 18H c’est le cas pour Andretti-Ginther; après démontage de la transmission, des éléments s’avèrent défectueux. Les mines se liquéfient dans les stands. Donohue-Revson sont également au box pour changer un amortisseur.
Le combat Ford/Ferrari tourne à l’avantage de Maranello qui porte quatre voitures en tête à la sixième heure. Bien que les Ferrari soient réputées plus fragiles, ce sont les Ford qui trébuchent. La sagesse de la Scuderia paye. Chez Ford on possède deux anciennes transmissions plus fiables type GT40 que l’on pose sur les voitures de McLaren-Bianchi et Gurney-Foyt qui perdent beaucoup de temps au box. Les autres Mk II ont abandonné. Les Ferrari confortablement installées en tête passent une nuit paisible sans forcer sur la mécanique. Le constructeur américain conserve un espoir avec Gurney-Foyt qui sont remontés à la dix-huitième heure en cinquième position. Au cours de la partie nocturne de la course Amon et Bandini ont construit une avance de trois tours sur Parkes-Scarfiotti tandis que Rodriguez-Guichet concèderont 29 tours car ils furent retardés vingt minutes au stand en fin de course.
L’espoir est retombé chez Ford lorsque la Mk II cinquième casse son embiellage après 464 tours. Ne reste plus que la voiture de McLaren-Bianchi qui seront secondés par Gurney-Foyt. Cette dernière chauffe et ne peut inquiéter les rouges. Les voitures italiennes se sont regroupées et mènent un rythme de sénateur dans les dernières heures. Seule la 412 Francorchamps a renoncé sur rupture de boîte comme la seconde Chaparral, une 2D. Franco Lini demande à ses pilotes de franchir la ligne en formation au terme des 24 heures. Ford a subi une sévère correction sur son terrain à cette occasion. Chris Amon ancien pilote Ford explique l’aisance des Ferrari : « Les Ford étaient trop lourdes, nous pouvions être plus rapides sur le routier alors que nous tenions leur rythme sur l’anneau ». Si Ferrari a renoué avec la victoire au mois de juin 2023 au Mans, cette lointaine victoire à Daytona est devenue une légende. Elle est empreinte d’une saveur particulière de « vendetta à l’italienne ».
Résultats des 24 Heures de Daytona 1967
1 Lorenzo Bandini/Chris Amon Ferrari 330P3/4 Spa Ferrari SEFAC – 666 tours 1er P +2L
2 Mike Parkes/Ludovico Scarfiotti Ferrari 330P4 Spa Ferrari SEFAC – 663 t
3 Pedro Rodriguez/Jean Guichet Ferrari 412P N.A.R.T – 637 t
4 Hans Hermann/Jo Siffert/Jochen Rindt* Porsche 910 Porsche System Engineering – 618 t 1er P 2L
5 Dieter Spoerry/Rico Steinemann Porsche 906LH Squadra Tartaruga – 608 t
6 Dick Thompson/Jacky Ickx Ford GT40 John Wyer Automotive – 601 t 1er S
7 Bruce McLaren/Lucien Bianchi /Dan Gurney*/AJ Foyt *Ford MkII Shelby American – 593 t
8 William Wonder/Ray Caldwell Ford GT40 Bill Wonder – 573 t
9 Jack Ryan/Bill Bencker Porsche 911S Jack Ryan – 555 t 1er GT
10 George Drolsom/Harold Williamson Porsche 911 George Drolsom – 542 t 1er T 2L
(*) Pilotes engagés sur ces voitures mais n'ayant jamais pris le volant
- Illustrations ©DR
18:43 Publié dans c.amon, l.bandini, l.scarfiotti, m.parkes | Tags : daytona 67, ferrari p4 | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook | |
Commentaires
Merci pour le résumé (je ne savais pas comment c'était déroulé la course) de ces 24h de Daytona, qui m'on inoculés le virus.
Je ne suis jamais aller voir un medecin pour cette maladie, et jamais je n'irais voir qui que ce soit.
essereFerrari
Écrit par : Bruno | 15 février 2024
Répondre à ce commentaireRetour triomphant en Italie, tout le monde a en tête la descente d'avion des champions à l'aeroport de Rome, le moment de gloire pour Franco Lini
Écrit par : Jean-Paul Orjebin | 25 février 2024
Répondre à ce commentairePer me, una recensione di Bruno e di Gianpaolo sul Ferrari vale dieci, forse cento volte di più.
Grazie mille
Écrit par : Francis Rainaut | 28 février 2024
Répondre à ce commentairePrego Francesco , Forza Racing' Memories !
Écrit par : Jean-Paul Orjebin | 02 mars 2024
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