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A Monza les Italiens n'étaient pas à la fête

Écrit par Jean Genet, publié dans Sport-Auto n°19 d’Août 1963

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« Cher Gérard Crombac,

  Voici d'abord ce qui s'est passé avant la course de Maglia : aux essais officiels, les policiers italiens sont intervenus, pour que descende du mur longeant les stands, une amie de Maglia, qui chronométrait ses temps. La jeune Anglaise s'étonne, refuse de descendre, les policiers l'injurient. Le lendemain, après le départ de la deuxième manche, les mêmes policiers s’énervent parce que le mécanicien de Maglia s'attardait, trop pour eux, sur la piste. Peu maîtres d'eux-mêmes - ni d'ailleurs de rien - ils saisissent le mécanicien : or Jeff est Anglais. Il admet peu que des flics l'empoignent. Je le calme autant que je peux, et il accepte de les suivre. C'est le directeur de course qui le fait arrêter, alors qu'il n'est déjà plus sur la piste. Pendant quinze tours, Maglia sera privé de son mécanicien. Maglia arrive premier à la seconde manche. Quelques officiels me serrent la main. L'incident sera oublié. Quelqu'un en parle - mais très peu - à Maglia quand il rentre aux stands.

  Les fleurs, et la couronne rituelle mais funéraire ? Maglia vient de terminer le trentième tour mais il a vu trop tard le signal. Au lieu de s'arrêter à la ligne d'arrivée, il continue et il se trouve dans l'obligation de boucler un tour de plus. Il a gagné la course. Ce qui se passe en lui est peut-être un mélange de fierté, et de pudeur. La course l'animait, comme il animait la course, la victoire est gagnée, pour lui le circuit paraît mort : un peu étourdi et penaud - parce que la victoire était facile - il rentre simplement à son stand.

  Le public milanais se sent offensé ? Mais pourquoi ? Maglia, dans la même soirée, est arrivé premier à la seconde manche, premier à la finale, et il a battu le record du tour détenu par Arundell ? Cela ne suffit pas au public italien qui attendait la victoire d'un Italien ?

  L'attitude irrévérencieuse de Maglia, à l'égard du directeur de course ? Son travail achevé qui était la course - Maglia oubliait aussi le directeur de course et les officiels.

  Quant à la présence de policiers chargés de l'ordre sur le circuit, je me demande où ils prendraient assez d'autorité pour réglementer des hommes de qui ils exigent, pendant plusieurs heures, de se conduire en héros, d'enfreindre là, sous leurs yeux, les règles habituelles pour y substituer celles plus sévères d'un jeu parfois mortel.

  Au lac de Garde, Boddi sort de la route, tombe dans un ravin, sa voiture flambe.

  Beaucoup de coureurs ont vu l'accident, tous ont vu les flammes : aucun d'eux n'est poursuivi pour non-assistance à personne en danger. Un camarade s'arrêtant pour aider Boddi, aurait bel et bien perdu la course.

  Mais c'est peut-être vrai : le public milanais est plus flatté par le coureur habile à recevoir les fleurs que par celui qui les mérite et les refuse.

  A Monza les Italiens n'étaient pas à la fête.                                                                         

J.G. »

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Jacques Maglia et son mécano Jeff Elmes (ex Cooper)

- Photos ©D.R.

Écrit par chaparral Lien permanent | Commentaires (0)

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