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29 mars 2016

Mécanique Aviation TRAction

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Peu de Matra(s) le mois dernier Porte de Versailles. Pour combler notre manque, allons donc faire un tour du coté de Velizy, pour revenir ensuite à Romorantin, là où il est encore des gens qui "savent".

Première découverte, une visite aux ateliers Matra de Vélizy faite par le journaliste Karl Ludvigsen à la fin de l'année 1969.

Vous avez sans doute reconnu l'image d'en-tête, il s'agit d'une coque de MS 80 - probablement jamais utilisée - qui symbolise à elle seule la technique du cloisonnement des coques qui a fait le succès de Matra Sports.

par Francis Rainaut


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Matra Velizy Works Visit ©Revs Digital Library

 

Visite à Velizy :

Parmi ces photos, une pépite à découvrir, ou à redécouvrir. Mais quelle est donc cette mystérieuse Matra V12 à moteur porteur, avec sa une coque très différente de celle de la MS11, où le moteur était soutenu par un « berceau » ? 

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Matra Velizy - A.Legan, J-F Robin, J.Bée, J.Morin ©Revs Digital Library

 

Il s’agit là du modèle MS11/12 construit à la fin de l’année 1969 – et non 1968 comme indiqué au Musée Matra – dans le but de tester le montage du nouveau V12 porteur dans la future monoplace de 1970. Cette formule 1 va aussi servir d’appât pour tenter de rallier Jackie Stewart à la cause du V12. Peine perdue. Enfin, comme cette construction avec ses réservoirs caissonnés n’est plus autorisée à concourir dans le championnat du monde de F1, Matra l’engagera en course de côte en 1970 pour ses pilotes Beltoise et Pescarolo. Qu’il nous soit permis de rêver au devenir de cette superbe monoplace si les dieux de la course avaient voulu qu’elle soit prête deux ans auparavant. Elle n’aurait probablement pas eu à rougir de la comparaison avec la championne 1968, la Lotus 49.

Mais avant d'en arriver là, un petit retour en arrière s'impose.

 

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Maquette du CAPRA R.20 ©Stéphane Guerrero

 

On connait tous plus ou moins  la genèse.

1937 : Sur les restes de la Société des avions Bernard en liquidation judiciaire, Marcel Chassagny crée la CAPRA, Compagnie anonyme de production et réalisation aéronautique.

1941 : CAPRA devient Matra et se spécialise dans l'armement.

1962: Matra se diversifie dans l'aérospatiale, l'automobile et la plasturgie.

1964 : La Société des Engins Matra prend en location-gérance les Automobiles René Bonnet et la GAP (Générale d'Application des Plastiques), ce qui entraîne la création de la Société Matra Sports le 14 octobre. L’absorption des deux firmes sera définitive en 1969 pour la GAP et en 1972 pour les Automobiles Bonnet (ainsi dénommée à partir d’octobre 1964).

 

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Le Musée Matra à Romorantin:

Le Musée a élu domicile sur l'ancien site de production des caméras Beaulieu. L'ex-usine Matra a été démolie pour laisser place à des logements sociaux.

La toute première monoplace siglée Matra est donc cette MS1 (reconstruite) qui garde en elle un peu de l'ADN des René Bonnet de formule 2 de 1964.

Le concepteur des F2 Jacques Hubert - à ne pas confondre avec Marcel Hubert récemment disparu - a en effet suivi le mouvement en intégrant Matra Sports, comme va le faire très rapidement l'ancien motard Jean-Pierre Beltoise, sévèrement touché à Reims, qui rejoint Eric Offenstadt et Jean-Pierre Jaussaud dans l'équipe pilotes.

Après des débuts difficiles - il sera même question de tout arrêter - notre JPB va très vite se charger d' « allumer le feu » au sein des pelotons de fous furieux de la formule 3 sous les regards admiratifs de toute une bande de « baby-boomer » qui n'en demandait pas tant.

 

DSC_0517.JPGLa  MS11/12 évoluée, nous la retrouvons 45 ans plus tard à Romorantin, juste derrière la MS5-B.R.M. formule 2 de Graham Hill, reconstruite par l'Epaf.

 

Bien avant de remporter les 24 Heures du mans au volant de la Matra 670, le britannique, seul détenteur de la triple couronne F1 / Le Mans / Indianapolis, fut l'un des premiers en 1966 à rouler avec le châssis français, accouplé pour l'occasion à un moteur B.R.M., l'employeur de Graham. Cette MS5 était engagé par John Coombs, autre figure des circuits des sixties et même des seventies, lui qui ne fut pas loin de s'engager en formule 1 en 1970 avec l'ami Servoz-Gavin, animateur incontournable de la saga Matra.

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Autant le dire tout de suite, le parcours de Graham Hill sur cette MS5 fut plutôt laborieux, avec pour seuls résultats une 5e place à Rouen puis une 8e à Montlhéry, une année cependant où les Brabham avec leur diabolique moteur Honda avaient atomisé la concurrence, un peu à l'image d'une certaine équipe Mercedes un demi-siècle plus tard.

 

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Puisqu'on en est aux Matra B.R.M., intéressons-nous à cette MS4 - Matra 620 - qui marque les débuts du constructeur dans la catégorie « Prototypes », classe 2 litres. On aime ou on aime pas, moi je lui ai toujours trouvé une « gueule » incroyable, elle a un véritable air de famille avec la  Matra 530 de tourisme mais aussi de façon assez troublante avec la Rover B.R.M. à turbine du Mans 1965.

Entièrement restaurée, elle est présentée dans sa livrée « 1000 km de Spa 1966 » où l'équipage Alan Rees / Johnny Servoz-Gavin ne verra pas l'arrivée, sur défaillance mécanique.

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Derrière la M620 on aperçoit le coupé Napoléon MS3 - M610, superbement reconstruit par l'Epaf, qui pourrait presque prétendre au titre de premier proto Matra puisque sous une robe de coupé Jet on trouve des suspensions de formule 3 et un moteur de Cortina Lotus.

 

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Des Protos, on voici justement une belle brochette, j'avoue avoir un faible pour la 660 qui a nous a offert une splendide victoire aux 1000 km de Paris en 1970, je pense que j'en porte encore la marque sur la poitrine tellement j'étais collé aux barrières en béton à environ trois-quatre mètres de la ligne de départ.

 

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On vous laisse deviner à quelle occasion les « rats » de l'équipe Matra ont pu sortir ce panneau, qui ne réjouira pas forcément notre ami Bruno, nous dirons qu'il y a prescription...

 

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La M640 elle, n'était pas au musée Matra, du moins sa reconstruction à l'échelle 1, due elle aussi à l'Epaf. Il nous reste cette splendide maquette, qui fait penser à une sculpture de Manou Zurini, mais non il s'agit bien du prototype dessiné par Robert Choulet, dans toute sa pureté.

 

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Après les châssis, allons voir les moteurs. On connait peu cette version MS71 du moteur F1, dans la configuration « 12 cylindres à plat ». Las, les avantages escomptés n'étaient pas au rendez-vous, avec un encombrement moins favorable que celui du V12. Tout de même, on aurait bien aimé l'entendre rugir dans le dos d'une MS160 !

Le second est plus connu, il s'agit du V6 Turbo MS 82 qui, outre l'équipe Ligier, aurait pu équiper l'écurie Williams au début des années 80.

 

Les Matra au cinéma :

Terminons cette note en images. Le musée propose une rétrospective de la carrière des Matra au cinéma. N'oublions pas que nous sommes dans l'ancienne usine des caméras Beaulieu, celles-là mêmes qui ont connu leur heure de gloire avec l'arrivée de la nouvelle vague. Que seraient Jean-Luc Godard ou Claude Lelouch sans leur Beaulieu 16mm qu'ils trimballaient partout ?

Pour en revenir aux Matra, et à nos classiques, il est impossible de ne pas citer « Le Pacha » de Georges Lautner, qui de mon point de vue est à peu près ce qui se fait de mieux dans un certain style de cinéma noir à la française. Et les Matra de ville y sont omniprésentes, l'improbable Jet 6 de la police mais surtout la 530. A propos de la 530, Gabin - parait-il - demandait tous les jours aux autres acteurs du film  « vous n'avez pas oublié le tube de vaseline, afin que je me glisse plus facilement dans cet engin ? ». Et si on ajoute à cela le joli minois de Dany Carrel et le thème musical signé Gainsbourg, vous conviendrez que l'on a là tous les ingrédients du chef d’œuvre, tout du moins la certitude de passer un très bon moment. Alors la prochaine fois que vous verrez « Le Pacha », observez bien les Matra.

La 530 avait sans doute un physique qui passait très bien à l'écran, outre Le Pacha, on peut la voir notamment dans « Fleur d'Oseille » de Georges Lautner, « Une femme douce » de Robert Bresson, « Le gendarme se marie » de Jean Girault, « Trafic » de Jacques Tati, « L'héritier » de Philippe Labro, « Les seins de glace » de Georges Lautner et même plus récemment « Narco » de Guillaume Canet.

Il est un autre film dans lequel les voitures bleues crèvent l'écran, mais là il s'agit des Matra de course. Ce film c'est « Ho » de Robert Enrico dans lequel notre autre Bébel national incarne un ancien pilote impliqué dans un grave accident et qui s'est ensuite reconverti comme chauffeur dans « le milieu ». C'est l'occasion de faire un tour du circuit de Montlhéry à bord de la 630 à moteur Ford 4,7 litres. On y voit aussi un Jet 6 et une MS5 de formule 2.

Les Matra Sports apparaissent aussi de manière anecdotique dans « Je ne sais rien mais je dirai tout » de Pierre Richard pour la MS120 et dans « le Ruffian » de José Giovanni pour la MS670. Terminons ce quart d'heure cinéma en citant la Matra Rancho qui partage la vedette de « la Boum 2 ».
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Eh oui c'était tout ça Matra, et même plus encore, je ne détaillerai pas ici le sous-sol du musée qui renferme la plupart des projets réalisés par son bureau d’étude, ils sont nombreux, cela va de la Rancho au vélo électrique, tous étant porteurs de cet ADN bien particulier qui était la signature des créations Matra.

Au terme de cette visite, on ne peut que regretter que toute cette époque soit définitivement révolue et qu’un peu de l’enthousiasme et de la passion qui animaient des capitaines comme Marcel Chassagny ou Jean-Luc Lagardère n’aient semble-t-il pas été transmis aux héritiers. Alors oui Matra s’est fait connaître auprès du grand public et y a gagné une image valorisante, mais de tout cela il ne reste pratiquement rien, même le scooter électrique c’est terminé.

Aussi on quitte un peu Romorantin comme on quitterait son cinéma de quartier après avoir assisté à sa « dernière séance ». Tout en restant émerveillé quand les hasards du world wide web nous mettent en présence d’un reportage à Velizy du journaliste Karl Ludvigsen avec ces quelques images rares de la grande époque Matra...

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- Photos 1 à 3 ©Revs Digital Library, Karl Ludvigsen

- Photos 5, 6, 8, 10 à 14 ©F.Rainaut

- Autres photos ©DR

Commentaires

Matra Automobiles a aussi œuvré dans le domaine des transports en commun automatiques, avec les projets VAL et ARAMIS. Ils ont donné naissance à de multiples lignes de métro sans conducteur, à commercer par celles de Lille. Le bureau d'études qui travaillait sur le sujet était rue Paul Dautier à Vélizy. Dans le domaine des projets, non aboutis cette fois, Matra s'intéressa aussi à la motocyclette, au réfrigérateur (!) et à la télévision (?).

Écrit par : Raymond Jacques | 29 mars 2016

Oui, il y a prescription.
Qui avait brandit ce bras? François Cevert Je crois, à Vallelunga?

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Je ne sais plus qui a dit ça.

J'ai toujours respecter Matra, même quand ils ont battu Ferrari en 1973.
Et je vais même aller plus loin, la plus belle mélodie que j'ai entendu sur un circuit, c'est celle qui avait été distiller dans les rues de la Principauté de Monaco les 25 et 26 mai 1968.
Il est vrai que ce jour là, il n'y avait pas péril puisque les deux 312 F1 étaient rester à l'Usine.

Écrit par : Bruno | 29 mars 2016

Une belle rétrospective. Bravo Francis. Tu maîtrises ton sujet et tu n'as oublié
aucun aspect. A la limite,quand Lagardère décida de quitter la F.1,à la fin de la
saison 72,maintenant un département "moteurs",tu aurais pu mentionner que le
mythique V.12 équipa "Shadow"(DN7 en 1975) puis "Ligier"(1976 à 1978)ainsi
que les années 81 et 82,prolongeant l'aventure...
Mais,bon,ce détail n'enlève rien à la qualité de ta "prose".
Bien à toi.

Écrit par : Michel Lovaty | 29 mars 2016

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