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29 janvier 2017

Comme un air de famille ...

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Observons bien ces deux monoplaces. On est d'accord, à chaque fois c’est bien John Surtees qui est derrière le volant, mais ce n’est pas ce qui nous importe aujourd'hui. Ce que l'on remarque surtout, c'est l'étrange similitude entre les deux voitures blanches, même s’il s'agit respectivement d'une Lola de formule USAC et d’une Honda de formule 1 et que leurs motorisations visiblement diffèrent. Et l’on comprend mieux cette ressemblance quand on sait que la Honda RA300 à été conçue chez Lola sur la base de la T90 qui, à peine modifiée, deviendra la T92. Cette RA300 est d’ailleurs identifiée T130 chez Lola (1). Vous suivez ? Et si cette pratique est aujourd’hui devenue monnaie courante, elle était encore assez rare à une époque où chaque voiture de course se targuait d’être « la seule et l’unique ». Raison de plus pour passer en revue quelques contre-exemples qui nous ont marqué.

(1) Lola elle-même ayant projeté une T110 F1 en 1967.

par Francis Rainaut


 Lancia D50 / Ferrari D50

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Lancia D50, by Tony Matthews

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Ferrari D50 ©DR

 

Qu’on ne s’y méprenne pas, si la Ferrari D50 ressemble tant à la Lancia D50, il n'y a rien en soi de plus naturel.

Reprenons cette histoire depuis le commencement. Au début des années cinquante, Gianni Lancia, fils de Vincenzo Lancia prématurément disparu, décide du retour de la firme éponyme à la compétition. Il recrute alors l’ingénieur Vittorio Jano - l’Adrian Newey de l’époque – et remporte rapidement de nombreux succès en catégorie sport. Mais Gianni est un passionné, comme tel il vise plus haut.

Justement en 1954, les règles de la formule 1 changent, c’est le retour à une motorisation plus puissante. Jano conçoit un V8 de 2,5 litres semi-porteur compact et léger et construit la D50 autour. En inclinant le V8, il réussit à faire passer l’arbre de transmission à coté du pilote et non plus au-dessus. Pour clore le tout, l’ingénieur italien – 15 ans avant la MS80 - recentre les masses en logeant les réservoirs d’essence et les radiateurs d’huile dans deux pontons latéraux. Mais défricher simultanément autant de voies nouvelles n’est jamais simple. La Lancia est extrêmement prometteuse, mais sa mise au point s’éternise. Il faudra attendre mars 1955 pour que la D50 remporte son premier Grand Prix, le VII Gran Premio del Valentino, encore ce dernier ne comptait-il pas pour le championnat du monde.

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Gianni Lancia, Alberto Ascari, Lancia D50

 

Fin mai se déroule le Grand Prix de Monaco qu’Alberto Ascari domine de la tête et des épaules avant de déraper sur l’huile laissée par la Mercedes agonisante de Stirling Moss. L’épopée de termine par le célèbre plongeon de la D50 et de son pilote dans le port, mais ensuite les mauvaises nouvelles vont s’enchaîner, tout d'abord la disparition d’Ascari, puis la faillite de la firme Lancia qui est vendue au géant du ciment Italcementi, et enfin le drame des 24 heures du Mans. L’ensemble du matériel de la Scuderia Lancia, racheté par FIAT, est alors cédé à Ferrari.

La Lancia D50 devient ainsi Lancia-Ferrari D50. L’ingénieur Jano fait aussi partie des bagages, d'évidence tout ceci constitue du pain bénit pour la Scuderia Ferrari, techniquement à la traine à ce moment-là. Pour la saison 1956, Jano va perfectionner son concept, renforcer le châssis et accroitre la puissance moteur et enfin, élément plus perceptible, déplacer les réservoirs latéraux à l’arrière. Leur emplacement sera désormais occupé par des carénages latéraux accueillant les échappements. Nous n’allons pas ici faire le panégyrique de la Ferrari D50, on retiendra seulement qu’elle connut triomphes et gloire – bien mérités - au cours de sa deuxième partie de son existence, vengeant en quelque sorte Gianni Lancia de quelques-uns de ses déboires.

 

Brabham BT10 / Alpine P64

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Novembre 1963. J'ai encore l’âge des culotte courtes; premier levé, je vais chercher « Le Petit Marocain » que l’on dépose tous les matins sous notre porte, un titre immense en majuscules barre la une du journal :

KENNEDY

ASSASSINE

C’est ma première confrontation avec l’extrême violence du monde des adultes...

Novembre 1963. Pour le sport automobile français, c’est l’époque du renouveau, après des années cinquante qui furent un peu celles de la désillusion; on pense bien sûr à Gordini, mais aussi à Bugatti et autres Sacha Gordine, sans parler de CTA-Arsenal. Ensuite vint la Sirmac de Bernard Boyer, prémisse du réveil français.

Mais tout, bientôt, s’accélère. Les règles des futures formule 2 et 3 sont édictées. René Bonnet est prêt, il va mettre en chantier une formule 2 motorisée par un bloc Renault. Alpine n’est pas en reste. Mais la firme a tout à apprendre dans le secteur de la monoplace, et le moteur Renault qui les équipe constitue à lui seul une nouveauté.

Conseillé par Gérard Crombac, Jean Rédélé choisit donc de faire appel à ceux qui savent, en l’occurrence Ron Tauranac, et c’est comme ça que José Rosinski se retrouve fin 63 à traverser le Channel pour ramener à l’arrière de son break 203 un châssis de Brabham BT9/BT10 de F3, qui sera suivi un peu plus tard par deux autres. Cette BT10, après réalésage des attaches au pas métrique et adaptation du berceau moteur, va devenir BT10S, puis Alpine P64-1. La carrosserie est l’œuvre de l’aérodynamicien maison Marcel Hubert, mais si on la regarde attentivement elle n’est pas si  éloignée que cela de celle des Brabham.

Quant au châssis Brabham de Ron Tauranac, et ce depuis la toute première BT2 de formule junior, on peut considérer qu’il a fait office de matrice pour toute une génération de monoplaces, que ce soient en formule 3 avec les Alpine ou la Narval des frères Crozier, en formule 1 avec la Bellasi de Silvio Moser, et encore plus en formule Indy où furent produites une pléiade de copies de Brabham, qu’elles portent le nom de Colt, de Mongoose ou de quoique ce soit d’autre.

 

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Arrows FA1 / Shadow DN9 

(Ou à l’ombre des flèches.)

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Nous voici en Angleterre, à la fin de l’année 1977. Las des sautes d’humeur de Don Nichols, patron du Shadow Racing Team, un groupe de dissidents, emmenés par l'ex-pilote Jackie Oliver et l’ingénieur Tony Southgate, décide de quitter le navire et de fonder sa propre écurie de F1, aidé en cela par l’argent du financier italien Francesco Ambrosio. La nouvelle écurie installe ses locaux à Milton Keynes, elle à pour mission de sortir une formule 1 en moins de trois mois, les pilotes choisis sont Ricardo Patrese et Günnar Nilsson. Ni fou, ni naïf,  Southgate n’a pas quitté le team Shadow les mains vides…

Quand l’Arrows FA1 (2) est présentée à Silverstone, dans une ambiance très hivernale, elle impressionne d’emblée par la beauté de ses lignes.

Dès son deuxième Grand Prix en Afrique du Sud, l’Arrows crée la surprise. Patrese se permet de mener la course en Afrique du Sud avant qu’une casse moteur ne l’empêche de concrétiser. Mais de pareils débuts ne manquèrent pas de marquer les esprits, ces flèches-là n’allaient pas tarder à rejoindre le club des vainqueurs.

Mais tout cela ne plait pas à tout le monde. Le patron du Shadow Racing Team, a shadowy character, n’a pas franchement apprécié la désertion de son staff, et lorsqu’il découvre la nouvelle monoplace, il comprend vite que son ex-ingénieur Southgate n’a fait que reproduire assez fidèlement sa dernière œuvre effectuée chez lui, la Shadow DN9. Et comme il n’est guère homme à plaisanter, il engage aussitôt des poursuites judiciaires envers l’écurie dissidente.

La justice lui donnera finalement raison, toutes les pièces de l’Arrows FA1 devront être cédée à Shadow, mais tout ceci ne suffira pas à faire de la DN9 une gagnante, et pour ce qui est du Shadow Racing Team, il déclina lentement et finit par être vendu au Theodore Racing du chinois Teddy Yip en 1981.

Quant à l’écurie Arrows, de péripéties en péripéties, elle frôlera à nouveau la victoire en 1997 en Hongrie avec Damon Hill, mais comme en 1978 à Kyalami la manquera d’un cheveu. Pour elle aussi ce fut le début de la fin.

 

(2) FA pour Francesco - dit Franco - Ambrosio, homme d’affaire italien impliqué dans plusieurs scandales financiers, et qui finit assassiné avec son épouse dans sa villa près de Naples.

 

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Silverstone 1978. Présentation Arrows FA1 ©Frank Barratt gettyimages

 

Lotus 79 / Tyrrell 009, etc…

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Tyrrell 009. Dijon 1079

 

Évoquons rapidement le cas Tyrrell 009, clone à peu de frais de la – déjà vieillissante – Lotus 79 archi-dominatrice la saison précédente. Jean-Pierre Jarier étant le seul pilote à avoir l'opportunité de piloter ces deux monoplaces, il serait intéressant de connaitre un jour son point de vue sur la question.

 

En guise de conclusion

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Honda RA301, châssis fabriqué chez Lola

 

Conception DAO et règlements obligent, aujourd’hui les monoplaces se ressemblent toutes, on a parfois un peu de mal à leur trouver une identité propre et surtout visible.

Bien souvent la décoration l’emporte sur le style, et il faut bien admettre que les designers modernes ne font pas toujours dans la sobriété, en témoignent les décos surchargées de la Ferrari SF16-H ou de la Force India VJM09, pour n’en prendre que deux au hasard.

Aussi devient-il de plus en plus difficile de se livrer au jeu des comparaisons.

Et pourtant chaque année à la fin de l'hiver, au moment où sont présentées les dernières nouveautés, on devient tout à coup aussi impatient qu'un môme pressé de découvrir ce qu'il y a au pied du sapin. Et une fois les présentations effectuées commence alors le jeu des ressemblances, comme lorsque l'enfant paraît, et là on ne peut s'empêcher de trouver à l'une ou à l'autre comme un air de famille avec toutes celles qui les ont précédées...

 

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Lola Indy T150

 

- Illustrations ©DR

Commentaires

Bonsoir .Trés bon article et belles photos .

Écrit par : Robin Daniel | 29 janvier 2017

Sur la première Lola , Surtees aurait dû en prendre le volant à Indy, mais son grave accident de canam l'en a empêché... Hill en hérita et remporta les 500 miles

Écrit par : Hawotte | 29 janvier 2017

La F1 de John Surtess en 1968, ce n'était pas la Lol'Honda .

Écrit par : Bruno | 29 janvier 2017

Hondola de mémoire ;-)

Écrit par : Marc Ostermann | 29 janvier 2017

Bruno, la RA301 aurait bien été développée chez Lola Cars, elle porte chez eux la référence T180, mais c'est bien sa grande sœur que les journalistes avaient surnommée "Hondola".
cf. l'excellent site, http://www.lolaheritage.co.uk/history/type.htm

Écrit par : RMs | 29 janvier 2017

Peut-être que le succès de la Ferrari D50 ex Lancia était dû aux amères déceptions éprouvées avec la 555 Super Squalo à la tenue de route aléatoire - voire erratique - et que la D50, enfin au point, a remplacée très efficacement...

Écrit par : Raymond Jacques | 29 janvier 2017

Sujet original et excellent article comme toujours. Contrairement à la RA300, j'ignorais la similitude entre la RA301 et la lola T150.
C'est vrai qu'aujourd'hui, soufflerie (et manque de prise de risque ?) rend les F1 (et protos) tristement similaires.

Écrit par : Marc Ostermann | 29 janvier 2017

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