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07 avril 2017

Les Femmes Aussi ...

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Bien avant Michèle Mouton et Marie-Claude Beaumont, des femmes se sont lancées dans la course automobile. En 1930, le duo Marguerite Mareuse et Odette Siko constitue le premier équipage féminin qui s’engage aux 24 Heures du Mans et elles finissent l’épreuve en septième position sur une Bugatti T40 ! Anne Rose-Itier s’alignera dans cette course de 1934 à 1939 sans interruption.

Au cours des « années folles » de l’entre deux guerres, les femmes ont conquis une certaine forme de liberté par le travail : elles viennent, pour beaucoup, de remplacer les hommes occupés à des tâches guerrières… Deux d’entre elles, aux destins très différents mais quelque peu parallèles, sont particulièrement remarquables par leurs parcours à la fois singuliers et tragiques. Voici leurs histoires.

par Raymond Jacques


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Mariette-Hélène Delangle, alias Hellé Nice.

 

  Elle nait le 15 décembre 1900 à Aunay-sous-Auneau dans l’Eure et Loir. Sa mère, Alexandrine Bouillie, est mariée avec le facteur du village, Léon Delangle. Ce dernier, gravement malade, décède lorsque sa fille Mariette-Hélène a quatre ans et sa mère l’élève seule avec ses frères et sœurs. Puis Alexandrine rencontre un nouveau compagnon, et la famille part s’installer à Sainte-Mesme en Seine-et-Oise (Yvelines maintenant).

  A seize ans, Mariette-Hélène quitte son village et sa famille et tente sa chance à Paris. Jolie fille et peu farouche, elle décroche vite des engagements de danseuse dans les cabarets parisiens. Elle choisit alors le pseudonyme d’Hélène Nice, qui deviendra vite Hellé Nice. Très sportive, elle se produit aussi au cirque dans des numéros de trapèze. Elle est également très appréciée comme modèle nu... En 1920, elle achète sa première voiture, une Citroën. Bénéficiant d’une solide réputation dans les milieux artistiques, elle part en tournée en Europe en 1926 avec le danseur et acteur de cinéma muet Robert Lisset, et ses conséquents cachets lui permettent d’acheter une maison, un bateau, et… une Hispano-Suiza ! Au début de 1927, elle est engagée au Casino de Paris comme meneuse de revue.

  Dans un magasin de mode parisien, Hellé Nice rencontre Henri de Courcelles, dit « Couc », un riche aviateur décoré de la Croix de Guerre et grand amateur de course automobile qu’il pratique en « gentleman driver ». Avec lui et son mécanicien Marcel Mongin, elle va découvrir les circuits de Brooklands et de Monza, et bientôt celui de Montlhéry. Le trio passe du bon temps sur les plages de la Riviera l’été et à skier dans les Alpes l’hiver. Mais en juillet 1927 « Couc » se tue à Montlhéry au volant d’une Guyot. Profondément choquée, Hellé est incapable de danser… Néanmoins, en fin d’année, elle revient sur scène avec Maurice Chevalier. En 1929, elle est victime d’un accident de ski au cours duquel elle s’abime sérieusement un genou. Vivre de la danse devient impossible. Comme elle aime les voitures et la vitesse et qu’elle fréquente toujours le milieu de la course automobile, elle décide de devenir pilote de courses.

  En juin 1929, elle s’inscrit au Grand Prix Féminin à Montlhéry sur une Omega Six, prêtée par son constructeur Gabriel Daubech, auprès de qui Marcel Mongin est intervenu pour suggérer ce prêt. Elle remporte le Grand Prix Féminin couru sur 50 kilomètres, le Championnat Féminin couru sur 150 kilomètres et le Concours d’élégance ! Elle devient ce jour-là l’égérie des cigarettes Lucky Strike, qu’elle a l’habitude de fumer… Mais elle a aussi attiré l’attention d’Ettore Bugatti qui tient à profiter de la célébrité d’Hellé : il lui propose de prendre le volant d’une 35 C dans une épreuve sur 10 tours de l’autodrome pour attirer une clientèle féminine. Le 18 décembre 1929, Hellé bat le record du tour à plus de 194 kilomètres heure. Elle devient l’héroïne de la presse nationale qui en fait une célébrité mondiale… En 1930, elle achète la Bugatti de Montlhéry pour 40000 francs (1) et elle est conviée aux USA par Ralph Hankinson de l’agence publicitaire Hot News Agency, qui la présente comme « la meilleure conductrice du monde ». Elle pilote alors une Miller américaine sur différents circuits de dirt track avec une dérogation, car les femmes ne sont pas admises dans ce genre de course.

 

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Hellé Nice et sa Bugatti

 

  Après l’abominable boucherie de la guerre de 14-18, les Françaises et les Français veulent faire la fête pour oublier, se rassurer avec le si vain « plus jamais ça » et tenter d’y croire fermement. Les femmes ont été appelées à prendre la relève des hommes dans les usines, au volant de poids lourds, dans les garages, aux commandes de grues et de machines diverses. C’est à cette époque que nait le mythe de « la Garçonne », inspiré par le roman éponyme de Victor Margueritte publié en 1922 et qui décrit la vie sexuelle extrêmement libre d’une jeune femme. Enorme scandale, mais gros succès de librairie. Hellé Nice est une manière de personnification de ce mythe. En 1930, dans un bar des Champs Elysées, elle rencontre Philippe de Rothschild, bel homme immensément riche et puissant, amateur de course automobile, organisateur de spectacles, et propriétaire de vignobles de Bordeaux prestigieux. Elle devient vite sa maitresse.

  En 1936, elle part pour le Brésil, où elle va courir le Grand Prix de Sao Polo sur une Alfa Romeo 8 C. En effet, l’Italie a adopté, comme l’Allemagne avec ses « Flèches d’Argent », une politique agressive de communication par la course automobile, et les Italiens ont recruté la célèbre femme pilote. Alors qu’elle est en seconde position derrière le champion local Manuel de Teffe qu’elle s’apprête à doubler, son Alfa heurte une botte de paille tombée sur le circuit. La voiture s’envole et retombe dans le public, où elle tue quatre spectateurs et en blesse une trentaine d’autres. Hellé est éjectée de son auto et elle retombe sur un soldat, qui décèdera quelques jours plus tard. Elle restera trois jours dans le coma et plusieurs semaines à l’hôpital. Hellé est psychologiquement dévastée, hantée par le souvenir de l’homme qui l’a involontairement sauvée et qui en est mort. Elle ne se remettra vraiment jamais des conséquences physiques et morales de cet accident. Arnaldo Binelli, son amant qu’elle a rencontré l’année précédente, filme l’accident et son film contribuera à disculper Hellé, car il montre des spectateurs poussant sur la piste une balle de paille pratiquement sous les roues de l’Alfa Romeo.  Elle est innocentée avec le concours déterminé de ses amis parisiens et substantiellement indemnisée. Curieusement, elle devient une icône au Brésil grâce à cette catastrophe et à son épilogue : nombre de petites filles seront baptisées Helenice ou Elenice. En mai 1937, elle participe à une tentative de record sur 10 jours sponsorisée par les huiles Yacco avec Odette Siko comme chef d’équipe, Claire Descolas, Simone des Forest. Leur Matford V8 3,6 litres spéciale parcourt 32000 kilomètres à plus de 139 kilomètre à l’heure de moyenne, battant dix records du monde.

 

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L’accident de Sao Paulo

 

  Le 11 juin 1939, Hellé Nice termine à la seconde place d’une course féminine de dix Juvaquatre Renault organisée en préambule du Grand Prix de Picardie à Péronne. Le 6 aout suivant, elle remporte un nouvel épisode de cette même série d’épreuves monotype sur le circuit du Comminges. Cette course sera sa dernière course. Pendant ce même mois d’aout 1939, son ami Jean Bugatti se tue en essayant l’ultime évolution du type 57 C. Le premier septembre, le monde entier plonge dans six années de plomb…

  De retour en France depuis 1937, Hellé et Arnaldo louent une villa à Beaulieu-sur-Mer, qu’ils habitent jusqu’en 1940, date à laquelle ils retournent sur la région parisienne. Vivant modestement à Arcueil, ils font de fréquentes visites à Sainte-Mesme pour se ravitailler, où l’accueil que leur réservent la mère et la sœur d’Hellé, Solange, est souvent glacial. En 1943, elle achète une villa à Nice, et s’y installe avec Arnaldo Binelli.

 

  En 1945, la paix est revenue dans les froides rancœurs, les haines inextinguibles et les désirs de vengeance. On n’oublie pas les dénonciations, les arrestations arbitraires et les rafles, les déportations, le marché noir, les morts et les disparus. Des collaborateurs sont exécutés sans jugement, beaucoup d’autres sont emprisonnés, jugés et condamnés, souvent à mort. En 1949, certains procès sont toujours en cours comme celui de René Bousquet qui ne sera acquitté que le 23 juin 1949, dans l’indignation des victimes de l'ancien secrétaire général à la police de Vichy… C’est dans ce climat délétère qu’a lieu à Monaco la réception donnée pour célébrer le retour du Rallye de Monte-Carlo.

  Hellé Nice, qui a décroché un engagement pour le rallye, est là, quand soudainement le grand pilote Louis Chiron l’agresse verbalement avec une extrême violence en l’accusant de collaboration avec la Gestapo devant l’assistance médusée !  Totalement prise au dépourvu, figée de stupeur, impressionnée par la personnalité de Chiron, Hellé ne se défend pas… Elle pensera par la suite intenter un procès à Chiron pour diffamation, mais l’évènement s’étant passé à Monaco et impliquant un monégasque, elle en sera dissuadée par son entourage. L’accusation s’avèrera totalement gratuite et infondée, mais ses conséquences presque immédiates sont dévastatrices. Hellé Nice perd ses « amis » de la compétition automobile, ses sponsors et ses soutiens. Le volage Arnaldo disparait de plus en plus souvent et il dilapide les économies qu’Hellé a eu l’imprudence de lui confier. Ruinés, ils vendent leurs tableaux, leurs meubles, puis la maison de Nice pour payer leurs dettes. Et Arnaldo Binelli finit par disparaitre définitivement.

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1947. GP de l'A.C.F, Lyon. Louis Chiron

 

  Loin des conquêtes masculines fortunées, des voitures de course et des gros chèques, Hellé Nice se retrouve désespérément seule et tombe dans l’oubli. Elle ne survivra dans le petit logement niçois qu’on lui prête que par les aides que lui feront parvenir des associations d’aide aux anciens artistes, « La Roue Tourne » en particulier. Pour s’installer dans ce logement, elle a été obligée d’abandonner son seul ami, son chat « Minette ». Elle survit entourée de ses albums de souvenirs, fume des cigarettes maïs en quantité. Son état physiologique et psychique est épouvantable, édentée et couverte de psoriasis, Hellé Nice ne supporte plus son image... Parfois, elle descend dans la rue pour démarrer sa Simca hors d’âge. Elle se contente d’en caresser le volant, écoute quelques instants le moteur qui tourne au ralenti, puis elle coupe le contact et rentre chez elle…  Elle décède le premier octobre 1984. C’est encore « La Roue Tourne » qui paiera sa crémation. Ses cendres seront envoyées à sa sœur Solange, qui ne se donnera même pas la peine de faire graver son nom sur le caveau de famille de Sainte-Mesme. Il faudra attendre 2010 pour que la Hellé Nice Foundation Inc. Atlanta GA (2) réunisse des fonds provenant de divers organismes pour qu’une plaque commémorative soit installée sur la tombe. Quant à Louis Chiron, on peut se demander quelles étaient ses motivations. On ne peut émettre que des suppositions : la misogynie, courante dans le milieu machiste de la course ? Ou bien avait-il été éconduit ? Savait-il quelque chose sur la provenance des fonds ayant servi à l’achat de la villa de Nice, et dont l’origine n’était pas claire ? Etait-il jaloux de Huschke Von Hanstein, à qui l’on avait prêté une très hypothétique aventure avec Hellé ? On ne le saura sans doute jamais…

 

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Mémorial Hellé Nice au cimetière de Sainte Mesme

 

 

Violette Morris, alias « la Hyène de la Gestap’ ».

 

  Elle nait le 18 avril 1893 à Paris dans le 6ème arrondissement. Son père, le baron Jacques-Pierre Morris est un capitaine de cavalerie en retraite et sa mère Elizabeth Sakakini, est issue d’une riche famille levantine. Elle est la dernière et sixième fille du couple, et le baron, qui aurait tant voulu un garçon, ne s’intéressera pas beaucoup à sa petite dernière… Elle passe son adolescence au couvent de l’Assomption à Huy en Belgique. Déjà dotée d’une constitution fortement charpentée, elle s’initie à différents sports, dans lesquels elle affronte des garçons de son âge. En 1914, elle se marie avec Cyprien Gouraud dont elle divorcera en 1923. Elle s’engage en 1915 dans l’armée comme ambulancière sur la bataille de la Somme, puis elle devient estafette motocycliste au guidon d’un side-car civière dans un groupe de la Croix-Rouge à Verdun. Une pleurésie l’envoie à l’hôpital en mai 1916 pour plusieurs mois…

  Dans l’immédiat après-guerre, Violette se lance à fond dans le sport, dans tous les sports, qu’elle avait commencés dès 1912. Sa devise est : « Ce qu’un homme peut faire, Violette peut le faire ! ». Elle boxe, joue au football, elle pratique la lutte gréco-romaine, la natation, le water polo, le cyclisme, l’équitation, le tennis, le tir à l’arc, le plongeon et l’haltérophilie mais sa grande spécialité, c’est le lancer de divers engins : poids, disque et javelot. Son palmarès sportif de poly-athlète est ahurissant: plus de 200 matches de football avec l’Olympique de Paris et le Red Star, championne de France en 1920, 1925 1926. Détentrice de plusieurs records du monde de lancer du disque, du poids et du javelot. Multiple championne de France et championne de Paris dans ces disciplines.

 

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Violette Morris championne du lancer du disque (photo Keystone)

 

  Mais Violette Morris est une personnalité assez particulière. Ouvertement lesbienne, elle nargue la société par son aspect ostensiblement masculin, toujours sanglée dans des complets-vestons, le cheveu coupé court et la cigarette au bec (elle fume deux à trois paquets de cigarettes américaines par jour). D’un caractère rugueux, elle est connue pour son langage peu châtié et sa facilité à insulter les arbitres et le public. Ayant acquis une célébrité certaine, elle fréquente Joséphine Baker, Jean Cocteau et Jean Marais, mais aussi les milieux interlopes de Pigalle et les malfrats.  Les fédérations lui reprochent ses écarts de langage, son agressivité, ses accoutrements masculins, son habitude déplorable à draguer les filles dans les vestiaires et on lui reprochera même d’avoir fourni des produits dopants à son équipe de football. Elle sera écartée des Jeux Olympiques de 1928, les premiers ouverts aux femmes, pour « atteinte aux bonnes mœurs ». Elle perdra en 1930 le procès qu’elle avait intenté à la fédération à ce sujet.

  La carrière de pilote de courses automobiles de Violette débute en 1922. Elle se fera essentiellement sur des cycle-cars Benjamin 750 cc et BNC 1100 cc :

 

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 Cycle-car Benjamin du Bol d’Or 1923

 

Le Bol d’Or. Couru en 1922 à Saint-Germain en Laye. 35 pilotes prennent le départ, 18 vont arriver. Violette se classe quatrième sur Benjamin 750 cc. En 1923, elle finit aussi quatrième sur la même voiture. En 1926, elle court sur Benjamin (?) 1100 cc et prend la troisième place. En 1927, sur BNC 1100 elle remporte l’épreuve courue à Fontainebleau. 

 

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Bol d’Or 1927, la BNC du meilleur résultat de Violette Morris

 

Rallye automobile et motocycliste Paris Les Pyrénées Paris. Elle remporte la catégorie 750 cc en 1922 et 1923.

Paris Nice 1923, première en 750 cc, en 1927 première en 1100 cc.

Autres participations et classements.

  Les 6 Heures de Routes Pavées en 1922 (circuit organisé autour de Lille, comme son nom le laisse supposer) victoire en 750cc. Trophée Amarangué, seconde place en 1923. Grand Prix de San Sebastian en 1926 première en 1100 cc. Grand Prix Féminin à Montlhéry1929 (classement ? Course remportée par Hellé Nice). Première place au rallye des Dolomites en 1934 sur BNC.

  Violette Morris se passionne pour les courses automobiles, et elle tente de quitter la catégorie des cycle-cars pour piloter des autos plus puissantes et plus rapides, mais sa mauvaise réputation l’a précédée et elle ne trouve aucun engagement malgré ses excellents résultats en cycle-cars. Elle ouvrira un commerce de pièces pour cycles et automobiles en 1928 mais elle fera faillite en 1932, et elle revendra l’entreprise à BNC. Après quoi, elle tente, sans aucun succès, de devenir chanteuse.

 

  En 1934, Violette Morris voyage en Allemagne et elle y fait la rencontre de nazis avec qui elle entretien ensuite des relations régulières. En 1936, elle est invitée aux Jeux Olympiques de Berlin, pendant lesquels elle est approchée par les services secrets allemands qui sont très intéressés par ses relations très diverses : mondes du sport, du spectacle, des intellectuels et des truands… Elle devient officiellement espionne salariée au profit du IIIème Reich. Elle va fournir aux nazis des informations sur la ligne Maginot, sur les plans de défense de diverses grandes villes, sur le char Somua et son équipement. En ce qui concerne ce dernier, les fantassins allemands se rendront vite compte par eux-mêmes qu’un tir ajusté sur les radiateurs situés sur les côtés du char et mal protégés suffit à l’immobiliser…

  Après la débâcle de 1940 et l’occupation de Paris par les troupes nazies, elle intègre les services de la Gestapo au tristement célèbre numéro 93 de la rue Lauriston à Paris, sous la direction du sinistre duo Lafont-Bonny. Cet endroit est un repaire de gangsters, d’assassins, de proxénètes, de prostituées qui exécutent les basses besognes des nazis : interrogatoires « musclés », tortures et sévices divers sont au programme. Violette Morris y déploie un zèle sans faille, torturant les femmes après que celles-ci aient été préalablement « questionnées » par les hommes de la bande. De plus, elle développe un talent sans pareil pour débusquer et faire éliminer les réseaux de la Résistance sur la région Ouest de la France (3). Elle devient tellement néfaste que les Britanniques décident de la faire supprimer : elle a anéanti quatre réseaux du « Special Operation Executive », en plus d’une bonne demi-douzaine de réseaux nationaux. Une opération d’élimination est organisée conjointement par les Britanniques et la Résistance.

  Les résistants du maquis « Surcouf » savent que Violette Morris vient souvent dans leur région et ils lui tendent une embuscade. Le 26 avril 1944 à 18 heures 30, la traction avant 15-Six Citroën de la Gestapiste est attendue par un groupe de partisans sur une petite route de campagne à côté du village d’Epaignes. Ils l’arrosent de tirs d’armes automatiques et la voiture s’arrête sur le bas côté de la route. Violette en sort, blessée mais tenant un pistolet à la main. Elle n’a pas le temps de l’utiliser et tombe, tuée par une dernière rafale. Les autres occupants de la traction, un couple de collaborateurs, leur gendre et leurs deux enfants ont été tués dès les premiers tirs. Les résistants récupèrent des documents importants et une forte somme en argent liquide, puis ils enterrent discrètement les corps dans la campagne en laissant derrière eux un terrain vierge de toute trace…

 

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Violette Morris devant son magasin de la Porte Champerret

 

(1) Cet achat a peut-être été effectué AVANT la course de Montlhéry, car Ettore Bugatti aurait craint que la voiture soit abimée dans un accident, compte tenu de l’inexpérience de la conductrice. Les sources d’information à ce sujet sont divergentes.

 

(2) L’auteure Miranda Seymour publia aux USA en 2004 un livre intitulé « The Bugatti Queen » relatant la vie d’Hellé Nice. A la suite de cette publication, The Hellé Nice Foundation Inc. Atlanta GA a été fondée en 2008 par Sheryl Greene pour honorer la mémoire des pionnières de la course automobile et aider les jeunes femmes à débuter dans ce sport.

 

(3) Les archives de la Gestapo de la rue Lauriston ont été détruites par Bonny avant la libération de Paris. Il n’existe plus aucun document attestant de ce qui se passait réellement à cette adresse, seulement des témoignages. Pour plus d’informations sur Violette Morris, lire les ouvrages de Raymond Ruffin, historien de la Résistance dont les informations de la présente note sont en partie issues. D’autre part, dans son livre « Histoire d’une scandaleuse » l’historienne Marie-Josèphe Bonnet prend le parti de minimiser, voire de nier, l’action de Violette Morris auprès des autorités nazies, sans toutefois pouvoir utiliser des sources historiquement confirmées et indiscutables. Elle n’évoque que l’organisation de la rue des Saussaies et passe sous silence celle de la rue Lauriston.  Elle laisse entendre que le guet-apens du maquis « Surcouf » visait les passagers de la traction et que Violette Morris en avait été une victime collatérale. Marie-Josèphe Bonnet est une militante LGBT de longue date.

 

Nb. L’histoire d’Hellé Nice est contée dans le livre « Femmes d’Exception en P.A.C.A. » de Sylvie Reboul, aux éditions « Le Papillon Rouge ».

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Hellé Nice. Rio de Janeiro 1936

 

- Illustrations ©D.R.

Commentaires

L'histoire d'Hellé Nice et surtout sa fin de vie me rendent toujours un peu triste car d'une part il a été avéré qu'elle n'a jamais eu aucune activité anti-française ni de relations avec l’occupant mais qu’elle fit comme beaucoup de français durant cette période : rien sinon subir ! Louis Chiron lui est allé se planquer en suisse durant toute la guerre et il fut bien mal inspiré, c’est le moins qu’on puisse dire, de répandre cette allégation. On pourra presque dire qu’il s’est comporté comme un parfait salaud. A sa décharge, il était citoyen monégasque, principauté qui eut des relations plus que troubles avec les dirigeants du III Reich.

Quant à la vignette "A propos", elle nous rappelle qu’il ya 49 ans déjà ce jour, disparaissait le plus grand des plus grands et pour toujours !

Écrit par : Daniel DUPASQUIER | 07 avril 2017

A Jackie Stewart, qui émettait des doutes sur la sécurité du circuit de Monaco, Chiron répliqua : "Alors quoi ! Les pilotes ne savent plus mourir de nos jours !". Charmant garçon......................

Écrit par : Raymond Jacques | 08 avril 2017

un sacré et magnifique document !! merci

Écrit par : Adrien Legros | 07 avril 2017

Il y a de cela peu de temps, je me suis rendu en vacances près de Nice, où résidait ma belle-fille. Poussant un peu plus loin vers Monaco, j'ai tenu à faire le tour - à pied - du circuit. Arrivé sur le port, je tombe nez à nez avec la statue de "la Louisette"...
Et alors j'ai commencé à me poser des questions. Je savais qui était Hellé Nice, je savais aussi qui fut son mauvais génie. Alors ce Louis Chiron, pourquoi est-il toujours autant respecté, au point que certains n'hésitent pas l'afficher en exergue sur leur site ou bien encore à baptiser des Bugatti à son nom ! Le beau Louis aurait-il confondu Violette et Hellé, de cela je doute, JPB aussi qui avait tenu à être là lors de l'hommage rendu à Hellé.
Je suis retourné à Nice, au dessus du vieux port, le Nice authentique, cherchant des "Rainaut" au cimetière du Mont-Boron, puisqu'il y en a tant dans le coin. Sans le savoir, j'arpentais les rues où Mariette-Hélène Delangle, nom de scène Hellé Nice, passa ses derniers jours. Qu'il me soit permis aujourd'hui de citer les noms de Janalla Jarnach et de Paul Azaïs, ces gens extraordinaires à l'origine de "La Roue Tourne". Janalla - Jeanne Hostetter -, contrairement au beau Louis, était entrée dans la Résistance en 1942 dans le réseau Alliance, après que son mari, pilote d’essai et de chasse, ne fût pas rentré d'une mission.
On a les valeurs qu'on peut...

Écrit par : Francis Rainaut | 08 avril 2017

Que "Bugatti", et je mets des guillemets à Bugatti, ait voulu baptiser sa super-hyper-car-de-la-mort-qui-tue "Chiron" fut une grande surprise pour moi, compte tenu de ce que ce personnage véhicule de négatif, de sournois, de rétrograde, voire même de puant. C'est certainement le résultat d'une décision plus que hâtive prise par des gens plus diplômés en marketing qu'en histoire... Quand à la statue de "Louisette", y aurait-il une vague relation entre Chiron et "la Morris" ?.....................

Écrit par : Raymond Jacques | 09 avril 2017

D'autant que la corporation des pilotes de courses n'a pas été épargnée dans sa lutte contre l'envahisseur. Certains comme Jean Pierre WIMILLE, Robert BENOIST et Gover WILLIAMS, tous membres du fameux service secret SOE, se sont héroïquement illustrés, les deux derniers ayant été arrêtés, torturés puis exécutés par les allemands durant leur déportation. Il faut de tout pour faire un monde comme celui dans lequel Chiron a fini sa vie paisiblement. Je suis sensible au fait que notre cher JPB ait tenu à rendre hommage à Hellé Nice.

Écrit par : Daniel DUPASQUIER | 10 avril 2017

La vignette nous annonce-t-elle une note sur le beau et taciturne Carlos ? On dirait que les commentaires se sont un peu tus ici ! Et pour rebondir sur une contibution que j’avais lu ici sur la fréquentation des blogs nés du sabordage du précédent qui avait fédéré nombre d'amateurs éclairés rassemblant non sans humour des contributeurs ayant vécus un peu les mêmes émotions autour de la course automobile sans en être acteurs, je dirais que je suis assez heureux d'avoir découvert par hasard MSO. Il traite en effet de sujets plus proches de ce qui m'intéresse, de manière très renseigné et détaillé de ce que j'ai connu pour une période donnée. Ce qui se passe depuis une vingtaine d'années dans le sport automobile ne me dit rien qui vaille, ne me procure aucune émotion et je m'en suis détourné. Quel est en effet l’intérêt d’un grand prix de F1 aujourd’hui et des 500 Miles d’Indy où tous les châssis et donc les silhouettes sont identiques. Votre blog, au contraire d’un autre, est également bien plus lisible et facile à parcourir. Je regrette que les échanges ne soient pas plus nombreux et plus intenses qu’autrefois, ailleurs !

Écrit par : Daniel DUPASQUIER | 13 avril 2017

Je partage totalement votre analyse en ce qui concerne ce qu'est devenu le sport automobile depuis deux ou trois décennies. Personnellement, j'ai commencé à m'en détourner lorsque les voitures sont devenues des panneaux publicitaires hérissés de dispositifs plus ou moins aérodynamiques et esthétiquement discutables, et lorsque les circuits sont devenus des tourniquets conformes aux exigences de la télévision, "big money" oblige... J'ai aussi amèrement regretté la disparition de ce fameux blog sur lequel j'avais écrit quelques notes, et dont la seule continuité est le présent MTSO, sur lequel Francis Rainaut me fait l'honneur et l'amitié de faire paraitre quelques unes de mes petites histoires...

Écrit par : Raymond Jacques | 14 avril 2017

Non Daniel, il n'y a pas - pour l'instant - de note sur le ténébreux Carlos. Ici, vous le savez, on aime bien célébrer les anniversaires. Reutemann est né le 12 avril 1942, à Santa Fé. Son grand-père venait de Suisse alémanique, et je n'y suis pas indifférent puisqu'une une partie de ma famille vient d'Aarau. Au chapitre des mauvaises nouvelles, il faut savoir qu'il se bat depuis un moment contre une de ces saloperies que l'on ne souhaite pas à son pire ennemi.
Bien qu'étant toujours concerné par le Sport automobile du XXIe siècle, je trouve qu'avec le recul des années, il est plus intéressant de revivre en détail les aventures passées, ne vous étonnez pas si je n'écoute de musique pratiquement que sur des vynils et que je me régale de chefs d’œuvres classiques - mais néanmoins restaurés - du cinéma.
Ce blog - qui n'est qu'une activité annexe puisque je travaille encore - existe car il n'a nulle part son équivalent, et qu'il correspond à une démarche sincère, exigeante et passionnée. Ce qui manque, c'est le temps, mais de mon point de vue, plutôt ne rien publier que de publier des choses médiocres...

Écrit par : MSo | 13 avril 2017

L’hommage que Daniel Dupasquier rend à Benoist et Grover Williams au pied de cette nouvelle excellente note a d’autant plus sa place qu’il semblerait que la sulfureuse Violette Morris soit justement à l’origine de l’arrestation de nos deux héros.
Sa connaissance du sport automobile fut utilisée par la Gestapo pour approcher et débusquer le réseau des « automobilistes »
Pour rappel, Grover Williams sera arrêté le 2 aout 1943, déporté et exécuté alors que Benoist arrêté le 4 aout réussira a s’échapper en sautant de la Traction Citroën qui le conduisait rue des Saussaies .
Nous savons hélas qu’il sera de nouveau arrêté presque un an plus tard, déporté puis exécuté par les nazis en septembre 1944.
Comme vous tous, l’attitude de Chiron , avant , pendant et après la guerre me dégoûte.
J’espère que d’avoir donné le nom de Chiron à une Bugatti moderne ne décèle pas autre chose que de l’amnésie chronique de la part des dirigeants du groupe Volkswagen AG.
C’est vrai que ce type de note passionnante, très bien documentée et aussi bien commentée ne se trouve plus que sur ce blog .

Écrit par : Orjebin Jean-Paul | 18 avril 2017

Les commentaires sont fermés.