Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25 mars 2017

Le Comte et le Commendatore (2e partie)

5e7807aadfba7fa2897643fcb2fefb32.jpg

 

... Alors qu’un chapitre italien de la trajectoire de John se fermait, un autre commençait provisoirement à s'ouvrir. Mais lorsqu’il reçut le premier coup de fil de Ferrari, à la fin de l’année 1960, il répondit non : « Je pensais, “Je dois d’abord apprendre mon métier…” »

Ainsi se terminait la 1re partie de l’article de Nigel Roebuck, paru dans Auto Sport, celle consacrée aux deux roues. Voici maintenant la seconde partie, qui met en scène quelques diableries somme toute assez fréquentes dans le milieu de la course automobile.

Et si l'on veut comprendre pourquoi « Big John » n’a été titré qu’une seule fois sur quatre roues, la réponse se trouve probablement entre ces lignes…

 

 traduit par Francis Rainaut


js-mc61.jpg
1961. Surtees, Cooper T53-Climax ©DR

 

«  Suivit alors une saison avec le Bowmaker team (1), dirigé par Reg Parnell, qui utilisait des Cooper « client » pas vraiment compétitives. L’automne arriva, il y eu un autre appel de Maranello.
« A nouveau, » raconte Surtees, « je refléchis, “Non, si je vais là-bas, je prendrais plus de coups que je n’en reçois en ce moment”. Ils ont une longue liste de pilotes, et je pourrais me perdre dans le nombre, en fin de compte ce n’était pas mon truc. »

Ce fut à cette occasion que John rencontra pour  la première fois Enzo Ferrari, mais quand il déclina l’offre, Ferrari lui annonça, “Vous savez que nous ne vous le proposerons pas une deuxième fois…”
« Je ne croyais pas vraiment Ferrari quand il me dit cela, ça faisait suffisamment longtemps que je fréquentais les Italiens ! Pour être franc, je pensais alors au fond de moi-même,
Tôt ou tard vous aurez besoin de moi…”. »

« Je n’avais pas beaucoup de choix possibles pour 62. Je m’étais grillé chez Lotus en ne restant pas avec eux en 61, et c’était dommage car j’aimais bien Colin et son attitude un peu cavalière. Il construisait les voitures les plus rapides, et si elles avaient été fabriquées selon les standards mécaniques de Ferrari,  personne n’aurait plus eu la moindre chance. Attention, si j’étais resté avec eux, je ne serais peut-être pas aujourd’hui assis ici, en train de discuter avec vous… »

Finalement, Surtees resta avec le Bowmaker team, qui engageait alors des Lola, à l’instigation de John. Il termina quatrième dans le championnat du monde, devant tous les pilotes Ferrari. « Alors ils m’appelèrent à nouveau… »

 

(1)   Bowmaker-Yeoman Credit Racing Team, Ndt

 

Flickr-john_surtees__great_britain_1962__by_f1_history-d6om3c0.jpg
1962. Surtees, Lola MkIV-Climax ©DR

 

«  Douze mois plus tôt, John avait décelé beaucoup d’arrogance et d’autosatisfaction chez Ferrari, qui avait tout gagné en 1961, et ambitionnait clairement de faire au moins aussi bien en 62. A vrai dire, l’équipe ne remporta pas une seule course, et se trouvait désormais assez perturbée. Bizarrement, ça n’était pas pour déplaire à Surtees.
« Comparée à celle de ma précédente visite, la situation pouvait difficilement être plus différente. [Carlo] Chiti était parti, ce qui était probablement une bonne chose – il était toujours dans le dos de [Franco] Rocchi -. Rocchi était un type adorable, tellement calme et modeste. Heureusement, alors que tant d’ingénieurs s’étaient débinés à la fin de 62, lui était resté. »
« L’autre élément était que tous les pilotes étaient partis, eux aussi ! Ferrari déclara, “Nous voulons que vous soyez notre numéro un”, mais je répondis, “Non, non, considérez-moi comme le numéro un aussi longtemps que je serai le plus rapide.” 
« Le Vieil Homme m’annonça, “Nous n’avons pas autant d’argent que cela, mais il y a d’autres avantages”, l’un d’entre eux étant que je pouvais rester au Real Fini (2) pour 1800 lires par jour, tout compris ! C’était l’équivalent d’une Livre ! »
« C’était un peu comme revenir chez MV – une équipe en plein marasme, mais ayant de nouvelles ambitions et déterminée à y arriver. C’était super. Certains jours ils me disaient, “Vas-y, tu peux tester une voiture de route”. D’autres fois, je sortais avec les voitures de sport, tournant autour de Modène… »

 

(2) Le Real Fini est un grand Hôtel **** à Modène, Ndt

 

93088573.jpg
Eugenio Dragoni, Enzo Ferrari ©gettyimages

 

«  Le jeune Mauro Forghieri rejoignit Ferrari au même moment, lui et Surtees s’entendirent parfaitement, mais une nouvelle recrue débarqua au même moment, il s’agissait d’Eugenio Dragoni, personnage qui allait devenir un véritable fléau dans la vie de John.
Dragoni avait été impliqué dans la Scuderia Sant Ambroeus, l’écurie privée qui engagea une Ferrari pour Giancarlo Baghetti en 1961. C’était un homme fortuné, il avait beaucoup de relations, mais personne ne comprit pourquoi Ferrari le nomma team manager un an plus tard ou presque. Où donc, après tout, avait-il acquis ses compétences pour le job ?
« Vous savez, » soupire Surtees, « Je ne peux pas répondre à cette question. A la base il était fabriquant de parfums ! Il avait en quelque sorte,  chez Ferrari, plus d’influence que sa position ne le justifiait - il avait, je pense, des connections avec la famille Agnelli, par exemple -. Il allait jusqu’à manipuler les choses jusqu’à un point que, je le sais, le Vieil Homme n’approuvait pas, mais dans les faits ce dernier s’en lavait les mains. »
Heureux comme il était d’être chez Ferrari, John était déconcerté par l’importance prise par les courses de voitures de sports, particulièrement au Mans.  « Vous sortiez d’une voiture de F1, et là, vous la perdiez de vue pendant une éternité. »

 

1963-Sebring-12-Hours-v-2.jpg
Sebring 1963. 1st Surtees-Scarfiotti, Ferrari 250P ©DR

 

« Ma première course pour Ferrari fut Sebring, et Dragoni essaya immédiatement de me mettre au pas. J’essayais toutes les voitures, et fut affecté sur celle que je préférais, mais lorsque je voulus la rejoindre, je me rendis compte que mon numéro avait été collé sur voiture la plus récente, que je n’avais pas beaucoup testée. »
« J’étais associé à [Ludovico] Scarfiotti, et nous avons pas mal souffert, car des émanations de gaz d’échappements pénétraient dans le cockpit - tous les autres voitures avaient été modifiées pour résoudre ce problème -. Nous étions en train de nous intoxiquer, mais on marchait fort, et nous avons réussi un doublé Ferrari, jusqu’à ce que ce résultat soit contesté… par notre propre équipe ! »

Fort heureusement Pat, ma première femme, était probablement la meilleure chronométreuse dans le milieu, et son tour par tour précis recoupait celui des officiels – à défaut de recouper celui de l’équipe ! C’était un peu une façon de “remettre à sa place la nouvelle recrue”, essentiellement à l’instigation de Dragoni. »
Bien que Surtees apprécie les épreuves de voitures de sport et comprenne leur signification commerciale pour Ferrari, il était un peu irrité par l’importance qu’elles prenaient par rapport à la F1. Tout au long de cette saison 63, il se trouva rarement en position de gagner – excepté au Nürburgring où il remporta sa première victoire en Grand Prix.

L’année suivante, lors du dernier tour de la dernière épreuve, à Mexico, il prit la tête du championnat du monde lorsque la Lotus de Clark subit des problèmes moteur et devint ainsi – éternel cliché - “le premier homme à devenir Champion du Monde sur deux et sur quatre roues”. Un titre qu’il gardera probablement pour toujours.

Pendant toute sa période Ferrari, John fut désagréablement confronté avec l’isolement de la firme. « Je pense que c’était encore pire avant que j’arrive ! OK, c’était une équipe italienne, mais que des Italiens ? Nous avions besoin de capitaliser sur ce qui se pratiquait partout ailleurs – notre carrosserie, par exemple, était en aluminium là où tous les teams anglais utilisaient la fibre de verre -. Je voulais qu’ils construisent de vraies monocoques, et leur suggérais que Lola pouvait nous y aider. Mon sentiment était que si Ferrari faisait les choses d’une certaine façon, et tous les autres d’une façon différente, c’est que nous devions alors évoluer.

 

dragoni-surtees-borsari.jpg
1964. Eugenio Dragoni (débardeur),  John Surtees, Giulio Borsari (combi bleue) ©DR

 

« Je voulais faire de Ferrari une équipe un peu plus internationale, et dans un sens le Vieil Homme a toujours donné sa bénédiction, car il était d’accord pour que je travaille avec Lola, du moment que cela ne soit pas un “vrai” travail, et que ce ne soit pas dans des catégories où Ferrari était lui-même engagé. »
Une autre contrariété venait de la politique alambiquée de la firme au sujet des moteurs, politique qu'encore aujourd'hui Surtees n’a toujours pas compris. « Très honnêtement, je crois qu’ils planaient pas mal… »
En 1965 il a toujours disposé d’un V8 dans sa voiture, là où Lorenzo Bandini avait un flat-12, que John trouvait intrinsèquement meilleur. En 66, la première année de la F1 3-litres, il disposa d’un V12, pendant que Bandini démarrait la saison avec un V6 plus ancien, mais plus performant.

A l’automne 1966, Surtees eut le pire accident de sa vie, en pilotant sa propre Lola T70 à Mosport Park. Gravement touché, il fut néanmoins suffisamment rétabli pour reprendre les tests au printemps suivant, et passa des jours à tourner en rond à Modène au volant d'une petite 2,4-litres V6, sa "voiture de convalescence", comme il l’appelait.
 « Arriva ensuite ce “nouveau” V12 pour 66 – mais en réalité c’était juste un moteur de voiture de sports à course réduite -, donnant moins de 300ch. Comme les moteurs produisaient un son merveilleux, ils se leurrèrent eux-mêmes en pensant que cela était dû à sa puissance… »

Quand il revint à Maranello après son accident, Surtees fut touché par l’accueil qui lui fut réservé, spécialement de la part des mécaniciens. Et même s’il avait été accidenté dans un véhicule autre qu’une Ferrari, le Vieil Homme avait annoncé dès le début qu’aucun autre pilote n’allait être recruté; Surtees s’engagea plus étroitement avec Ferrari, déménageant pour un appartement à Modène. Il pensait, dit-il, finir sa carrière avec l’équipe, mais à ce moment-là se profila le spectre de Dragoni.
« Une partie du problème était due au fait que Dragoni – et quelques-uns de ses complices dans la conspiration, comme Michael Parkes – étaient jaloux de la relation excellente, et détendue, que j’entretenais avec le Vieil Homme… »

 

Forghieri-Surtees-Dragoni-Ferrari-1966.jpg
1966. Forghieri, Surtees, Dragoni ©DR

 

Visiblement, John se souvient avec affection d’Enzo Ferrari, et aime bien se rappeler de lui. « Oh, je pense à lui comme une sympathique fripouille ! Je n’ai jamais eu le moindre doute sur le fait qu’il ait utilisé tous les moyens pour faire son chemin, et je ne crois pas qu'il se distingue particulièrement  à ce sujet. Ce qu’il voulait réaliser par-dessus tout, c’était de promouvoir le nom "Ferrari" dans le monde entier, et c’est exactement ce qu’il a fait avec ses voitures.
« Modène était une chose, mais lorsque vous vous rendiez à Maranello, il régnait..., il régnait littéralement. Il avait son petit noyau d’amis, et cela me plaisait bien, quand le vieux Vittorio Jano se pointait, par exemple. C’était merveilleux de pouvoir discuter avec un type pareil. Pinin Farina, également. C’était des gens qui avait fait partie de la vie de Ferrari, et cela lui apportait toujours une étincelle supplémentaire lorsqu’ils étaient dans le coin. »
« Il aimait bien avoir son whisky, et un jour nous avions le directeur de Glen Grant à Maranello. Je sortis dehors avec eux deux pour déjeuner, et devais ensuite faire faire un tour à ce type à travers les collines. Le type sortit alors une bouteille de malt – qui était plutôt clair – et le Vieil Homme fut enchanté : “Ah, du whisky blanc !” Et dorénavant, chaque fois que je retournais en Angleterre, il me chuchotait, “Du whisky blanc”, et j’en rapportais pour lui.

« Une autre chose dont je me rappelle c’est sa fascination absolue envers [Alec] Issigonis. Quand il débarqua avec une Mini, tout le reste fut oublié ! Nous sortions avec de temps en temps pour rejoindre sa maison sur la côte, avec au volant son chauffeur Pepino,  Ferrari à la place du passager et moi derrière. Il adorait la Mini. »

 

170026_surtees.jpg

 

« Comme pour ses propres voitures, il avait un point de vue… très particulier. La Lusso, par exemple, n’était pas une voiture de sport pure et dure, mais c’était une auto agréable, et très belle à regarder. Mais le Vieil Homme déclara qu’elle était trop belle, que ça n’était pas une vraie Ferrari, et donc il demanda à Pininfarina d’en faire quelque chose de plus brutal ! Ce fut la première des GTB, qui fut un engin terrible. Je suis un peu gêné dire ça, aujourd’hui, mais ce fut le début des problèmes avec Parkes, car c’est lui qui en assura le développement. »
« Les premiers modèles, avec leur nez très court, avaient une gueule horrible. Même le Vieil Homme avait des doutes, il était obligé d’assumer, car c’était la première voiture sur laquelle œuvrait Pininfarina ! A cause de ça, il ne pouvaient pas la modifier trop rapidement, et ainsi les gens durent composer avec ces GTBs salement moches… »
Etant donnée sa relation étroite avec Ferrari, il paraît inimaginable que le Vieil Homme ait été si souvent influencé par le discours de Dragoni, mais, comme le signale Surtees, le discours était très différent par derrière.

« D’un certain coté il avait perdu le contact – il n’y avait pas la couverture TV de toutes les courses en ce temps-là, et en conséquence il était informé par les rumeurs qui lui étaient remontées. Cela dit, il dirigeait beaucoup l’équipe comme si nous étions tous des marionnettes. Il y avait un coté diabolique en lui, en ce sens qu’il était toujours en train de monter les gens les uns contre les autres, dans le but d’obtenir le meilleur de chacun. »

Au printemps 66 Surtees gagna le Grand Prix de Syracuse sur le modèle V12, mais l’opposition était négligeable, et il souligna qu’il n’était pas assez rapide. « Nous avions couru dans l’International Trophy à Silverstone, mais je ne pouvais suivre Brabham, et pourtant  la voiture de Jack n’avait pas énormément de chevaux. »

 

monza666.JPG
1966. 1000km Monza ©Eric Della Faille

 

Pendant ce temps la situation avec Dragoni empirait. Aux 1000km de Monza, John remporta la course, associé à Parkes, mais ce fut une après-midi sous haute tension, car il plut sans discontinuer, et que les essuie-glaces de la nouvelle 330 P3 devinrent rapidement inopérants. (3)
« Effectivement, » raconte Surtees, « on devait rouler encore plus vite pour avoir un peu de visibilité, plus vite qu’on l’aurait souhaité, très honnêtement. Mais Dragoni a quand même voulu servir sa version de l’histoire au Vieil Homme, prétendant que “C’était seulement à cause de Michael que la voiture avait poursuivi, John voulait lui, abandonner…” »

Retour sur Monaco. « A Modène, la petite monoplace V6 était trois secondes au tour plus vite que la V12, et je dis au Vieil Homme, “Je vais vous gagner Monte-Carlo avec celle-ci”. Mais à ce moment-là, je fus repris par Dragoni, “Ferrari produit des véhicules 12-cylindres, il ne serait pas bon que leur pilote numéro un ne soit pas au volant d’une monoplace 12-cylindres”. Je rétorquais, “Mais nous voulons remporter la course, n’est-ce pas ?” J’ai amené la V12 en tête de la course, mais à ce moment-là le moteur a cédé, et Bandini termina second avec la V6… »

 

(3) A rapprocher de l’épopée d’une certaine Matra 630 V12 deux ans plus tard au Mans, Ndt.

 

John Surtees Ferrari 1966 Spa.jpg
Spa 1966 ©DR

 

A Spa, pourtant, Surtees fut impérial. Rocchi avait depuis redessiné la culasse, et le V12 délivrait désormais une puissance plus respectable de 320ch. Sous une pluie torrentielle, John resta dans le sillage de la Cooper-Maserati de Jochen Rindt, pris ensuite le commandement à une douzaine de tours de l’arrivée, et remporta une victoire concluante.
« Après cela, tout le monde était vraiment heureux, mais Dragoni ne m’a jamais dit un mot. Pas un mot. J’estime avoir disputé une course enivrante ce jour-là, mais il est allé gémir à la presse que, “Surtees laisse une Cooper-Maserati mener la course”. J’ai répondu, “Oui, mais j’étais à la bonne place lorsque cette fichue course s’est terminée”. »
La situation devenait ridicule. D’un coté il y avait Surtees, conduisant avec un brio constant, et de l’autre le team manager, cherchant à le saper à chaque occasion. Le point de non retour fut franchi au Mans.

« Nous avions élaboré une stratégie inspirée de celle du lièvre et de la tortue, en escomptant que la Ferrari ne s’arrête pas pour quelque raison stupide. Mécaniquement, il était peu probable de casser - vous pouviez virtuellement la mener comme une voiture de Grand Prix -. Nous estimions, par contre, que les Ford 7-litres, conduites par des pointures telles que Gurney, pouvez facilement casser si vous les poussiez suffisamment fort derrière. »

 

FRC47.jpg
1966. 1000km Monza ©DR

 

« Le plan pour moi était de foncer comme un damné dès le début, mais ensuite Dragoni objecta, non, c’est Scarfiotti qui effectuera le premier relais. Et pourquoi ? Simplement parce-que Gianni Agnelli allait suivre le départ de la course, et qu’il lui serait agréable de voir son cousin, Ludovico, conduire la voiture ! »
« J’ai pensé, “Oh, qu’est-ce que c’est encore que ce truc ? Je ne me sens plus du tout en phase avec cette famille”. J’ai un peu pété un fusible, je l’admets, mais c’était trop. J’ai toujours considéré que Dragoni – et, par extension, Parkes – avait créé une conspiration dans le but de m’éjecter de chez Ferrari. Je pense que cela s’est produit parce que certaines personnes sont stupides et vindicatives – cela n’a rien à voir avec Scarfiotti ou, particulièrement, Bandini, je m’entendais bien avec Ludovico, ainsi qu’avec Lorenzo… il faillit pleurer lorsque j’ai annoncé que je partais. C’était un chouette type, je me rappelle de lui avec une grande tendresse. »

 

1966-MikeSurteesEnzo.jpg

Maranello. M.Parkes, J.Surtees, E.Ferrari ©DR

 

Et Parkes ? « Et bien, nous étions tous les deux pilotes Ferrari, et tous les deux anglais, mais… il fit ce qu’il avait à faire, et moi de même. Le seul moment que nous partagions était lorsque l’on se rendait à une course. Il était, bien sûr, prêt à tout pour être en F1… »

Ainsi, Surtees alla directement à Maranello, et là il se mit d’accord avec Ferrari pour que leurs chemins se séparent. « Je savais ce que je quittais, » dit John. « Je pense que j’aurais gagné au moins un autre championnat avec Ferrari, et j’étais très triste. En un sens, j’ai consacré deux grandes parties de ma vie à deux familles… »
« Ce que j’ai essayé de construire était une sorte de “dynamique Schumacher”, pour faire de Ferrari quelque chose de plus international dans sa perspective. Mais, tu comprends, même pendant l’ère Schumacher, il y a toujours eu un noyau dur du “best of Italia”. »

« Les italiens ont de formidables compétences… une sensibilité artistique très aiguisée, ce sens de la beauté, présent en architecture ou dans l’art, ou dans les lignes superbes d’une automobile. Il est indubitable que ces traits de caractère jouent un rôle essentiel dans tout ce qu’ils font. Là où le bât blesse c’est qu’il s’agissait du seul et unique ingrédient, et que vous devez vous battre avec des gens qui ont davantage d’ingrédients. »

Surtees et Enzo Ferrari se quittèrent en bons termes, et restèrent en contact  jusqu’à la fin du Vieil Homme. « Je le vis pour la dernière fois lors de la présentation de la F40, peu de temps avant sa mort, et ce jour-là il me confia, “Nous devons nous souvenir des bons moments, et non des erreurs…” »

« Après sa mort, j’ai dit que Ferrari connaitrait ses meilleurs jours à partir de ce moment-là, et ils ont effectivement réalisés des choses meilleures et de plus grande envergure. Il n’y avait aucune possibilité pour que le Vieil Homme, avec sa façon de tout contrôler, puisse franchir le cap du XXIe siècle, mais les fondations de tout ceci viennent de lui, d’un seul homme. »

« Une part de moi-même est restée ici à Modène, et y restera toujours. »

 

john-surtees-front.jpg

1966. Silverstone, John Surtees ©DR

 

sebring1963.jpg

Commentaires

Très bel article. merci.

Écrit par : Bruno | 25 mars 2017

"Monza. M.Parkes, J.Surtees, E.Ferrari ©DR"

Nous sommes à Maranello, dans la cour intérieur de l'Officina, à côté des pompes de carburant Schell

Écrit par : Bruno | 25 mars 2017

Mille grazie, Bruno. Tu est littéralement incollable, je devais être un peu à coté de mes pompes...! Shell.
Ce sont les briques qui m'ont trompé, je corrige.

Écrit par : MSo | 25 mars 2017

Passionnant, merci !

Écrit par : Marc Ostermann | 25 mars 2017

magnifique reportage . merci !!!

Écrit par : Adrien Legros | 25 mars 2017

Bonjour. On pourrait lire des heures des articles comme celui là. Merci.

Écrit par : Robin DANIEL | 25 mars 2017

Superbe note, très instructive et qui démontre la grande lucidité et le professionnalisme de Big John. Je connaissais bien sûr l'épisode du départ de Surtees de la Scuderia mais j'ignorais la personnalité manichéenne de Dragoni et par conséquent, sa méconnaissance du sport automobile. Je ne connaissais pas non plus le comportement pour le moins ambigu de Pakes vis à vis de lui. On dit même que Surtees aurait giflé Dragoni lors de cette séance d'essais au Mans.

Écrit par : Daniel DUPASQUIER | 26 mars 2017

Je savais pour Dragoni, mais je ne connaissais pas ses rapports étroits avec Parkes que je tenais pour un honnête homme.
Il faudrait passer la Brenda Vernor à la question pour en savoir plus sur Parkes.
Un grand bravo pour cette note très instructive.

Écrit par : Jean-Paul Orjebin | 27 mars 2017

Les commentaires sont fermés.