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19 mars 2020

Ludovico Scarfiotti, le grimpeur devenu pistard

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Ce 8 juin 1968 dans le joli cadre des Alpes bavaroises, Ludovico Scarfiotti s’est installé dans le cockpit de la Porsche 910 Bergspyder, Il se prépare à une montée d’essai, la dernière de sa carrière…

François Coeuret


rossfeld,ludovico scarfiotti
« Lulu » Scarfiotti, Gianni Agnelli

Il Signore Scarfiotti

Le parcours de Ludovico Scarfiotti fut-il influencé par son appartenance familiale à la famille Agnelli ? Neveu éloigné du grand patron italien et petit-fils d'un des fondateurs de FIAT dont il a hérité le prénom, le jeune turinois à l’allure d’aristocrate fréquente les circuits. Il court pour le plaisir à partir de 1955 sur une Fiat 1100 en révélant à qui voulait le percevoir un coup de volant incisif. Il s’attaque l’année suivante à l’éprouvante épreuve des Mille Miglia, il y confirme son talent par une victoire de classe. Scarfiotti renouvelle la performance en 1957, année où il remporte en parallèle le titre national italien de la montagne catégorie GT.

Il réitère en 58 puis en 59 où au volant d’une Osca 1100, il remporte 12 courses de côte sur 14 dans son championnat national.

 

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Le Mans 1963. Scarfiotti/Bandini

 

C’est en 1960 qu’il tombe dans le giron Ferrari, influence de l’Avvocato ? Sa carrière prend alors de l’essor. Ludovico poursuit son ascension, somme toute naturelle, et s’attaque à la côte mais dans le Championnat d’Europe. L’homme aime la route, pour preuve il obtient une 4e place scratch à la Targa Florio confirmant ses dispositions en matière d’endurance. En 1962, l’Italien remporte son premier titre européen de la montagne sur une Dino 196SP mais illustre son éclectisme en se frottant aux circuits en catégorie sport. Il termine ainsi 3e aux 1000 km de Paris et remporte le Circuito del Garda. Il gagne la confiance de Ferrari et débute 1963 par une victoire à Sebring, puis finit second de la Targa et enfin triomphe au Mans avec Bandini.

 

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Zandvoort 1963

 

Le Commandatore lui offre du coup un baquet de monoplace en F1, celui de la Ferrari 156 mais un accident au Grand Prix de France à Reims le blesse sérieusement aux jambes, ralentissant son parcours.

1964 voit le retour de Scarfiotti en catégorie Sport, il termine second à Sebring et démontre son retour en forme en remportant, associé à Vaccarella l’épreuve du Nurburgring, avant de finir 3e à Reims.

L’italien renoue avec la monoplace en 1965 mais pour deux courses hors championnat chez BRM, commettant une infidélité forcée à la Scuderia qui semble douter de l’Italien dans cette spécialité. Il remporte une nouvelle fois pour Ferrari le Nürburgring en Sport puis dans un domaine qui lui tient à cœur un second titre européen de la montagne sur la Dino 206P.

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Victoire en F1 à Monza

Scarfiotti associé à Parkes triomphe à Spa en 1966 au volant de la sublime Ferrari P3 et faillit bien l’emporter encore une fois au Nürburgring. Targa Florio, Sebring, Le Mans, Nürburgring, Spa... L’italien n’a plus rien à prouver sur les circuits d’endurance aussi retrouve-t-il cette année 66 la monoplace rouge en F1. Le transalpin va réveiller l’amour propre national en coupant en tête la ligne d’arrivée du Grand Prix d’Italie à Monza. Un triomphe ! Il devient un héros et reste à ce jour le dernier pilote italien victorieux de son Grand Prix au volant d’une Ferrari.

La saison 1967 verra Scarfiotti se distinguer toujours en Sport avec trois secondes places à Daytona, Monza et au Mans. Il poursuit en parallèle et avec pugnacité la F1, obtenant hors championnat une 5e place lors de la Course des Champions, une victoire à Syracuse. Il est 6e à Zandvoort mais la Scuderia perd un de ses équipiers cette saison-là en la personne de son compatriote Bandini lors d’un terrible crash au Grand Prix de Monaco. Autre compagnon d’écurie, Parkes subit un grave accident en Belgique qui l’écarte pour longtemps des circuits. L’ambiance s’est fortement détériorée au sein de la Scuderia et Ludovico qui fait fi des liens privilégiés Agnelli-Ferrari entre en désaccord avec l’équipe italienne en fin de saison, il dispute le Grand Prix d’Italie au volant d’une Eagle.

 

 

La rupture est fermement consommée et 1968 voit l’italien en F1 sur une Cooper vieillissante, terminant cependant 4e aux Grands Prix d’Espagne et de Monaco. Il signe aussi en parallèle avec Porsche qui recherche un spécialiste de la montagne, termine second en Sports à Brands Hatch sur une 907. Renouant avec ses anciennes amours, au mois de juin il participe pour la marque allemande à la course de côte de Rossfeld, il y périra à 34 ans lorsque, victime d’un incident mécanique probable, sa voiture sort de la route et tombe dans le ravin.

 

Ludovico Scarfiotti / 18/10/1933 - 8/06/1968 /

rossfeld,ludovico scarfiotti

Postface

En sport automobile, la saison 1968 s'est ouverte le 1er janvier à Kyalami par le Grand Prix d'Afrique du Sud de formule 1. Ludovico « Lulu » Scarfiotti y étrenne son contrat de 1er pilote au sein de l'écurie Cooper. Faut-il y voir un présage ? L'Italien y subit de graves brûlures suite à la rupture d'une conduite d'eau. Il passe alors 2 mois dans une clinique de Johannesburg avant que les chirurgiens ne le relâchent. Lassé par les dissensions « politiques » au sein de la Scuderia, Scarfiotti avait également signé avec Porsche pour une saison complète en sport-prototypes mais aussi en Championnat d'Europe de la montagne au volant de l'ultra-légère - trop légère ? - 910/8 Bergspyder et avec comme équipiers Gerhard Mitter et Rolf Stommelen.

Hormis le fait d'avoir tout remis en cause, l'année 1968 fut, rappelons-le, une année dramatique pour le sport automobile. 7 avril, Jim Clark. 7 mai, Mike Spence. 7 juillet, Jo Schlesser. 7 juin, ou plutôt 8 juin, ...

Mais outre ses blessures, « Lulu » était aussi assailli de problèmes personnels. Son mariage avec Nicoletta Giardi, avec laquelle il eut 2 fils, était en lambeaux, le divorce, dans cette Italie stricte des années soixante, quasi-impossible, rendant illusoire la possibilité de vivre serein avec l'amour de sa vie Ida Benignetti. Tout au contraire, les avocats de sa femme profitèrent de cette liaison au grand jour pour exercer un chantage au divorce et à l'argent. Enfin rien qui ne puisse vraiment apaiser Ludovico. La famille Scarfiotti accepta mal le comportement de leur fils. Tout ce déballage devant les tribunaux se déroula le 29 mai, une semaine tout juste avant le tragique accident de Rossfeld. Il n'est pas déraisonnable de penser que le pilote italien n'ait pas eu toute la concentration nécessaire dans un exercice qui ne supporte précisément pas la moindre distraction.

En courses de Sport aussi, la réussite ne fut pas toujours de son coté cette année-là. Daytona: forfait pour cause de blessures, Porsche un-deux-trois. Sebring: abandon sur panne mécanique au bout de 7 tours, victoire Porsche. Une semaine avant, il aurait dû conduire la Cooper-BRM à la Race of Champions, il n'était pas rétabli. Redman obtint la 5e place à son volant. Une 2de  place en Sports le 7 avril à Brands Hatch améliore un peu la situation, mais c'est le week-end où le grand Jim se tue à Hockenheim. A Monza pour les 1000 km puis ensuite à la Targa Florio, ça ne veut toujours pas sourire. Puis ensuite, direction l'Allemagne pour l'Internationale AvD Alpen-Bergpreis Roßfeld-Berchtesgaden qui se déroule non loin des montagnes autrichiennes et qu'il connait déjà assez bien...

Racing' Memories

 

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- Images ©DR

Commentaires

J'aime beaucoup cette note. Car on y parle d'un pilote un peu méconnu, un de ces "seconds couteaux" qui garnissaient les grilles de formule 1 quand nous étions mômes. Et que l'on connait beaucoup moins que les stars des premières lignes.
Du courage, Scarfiotti n'en manquait pas. Il en faut pour foncer dans les montagnes entourées de ravins. La côte est une épreuve très difficile, très meurtrière aussi. Le Bergspyder était extrême, il avait tout ce qu'il fallait pour se transformer en piège...
Ti saluto, Lodovico.

Écrit par : Francis | 21 mars 2020

Encore un article bien instructif, merci de me faire découvrir des facettes de ce pilote bien sympathique. La Dino, les P3 et P4 : absolument sublimes !

Écrit par : Jean-Claude Albert | 30 mars 2020

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