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30 mars 2020

24H de Daytona 1969, course à l’élimination

LOLA Penske Dyat 69.jpg

Le circuit de Daytona en ce début février 1969 fut le théâtre d’une course dont le scénario se résuma à un seul qualificatif : « indécis ». En matière de course automobile comme chacun le sait tout peut se produire mais en cette année la destinée mit du temps pour élire son vainqueur.

A n’en pas douter elle affichait la fibre Yankee.

 

Texte de Louis Galanos* (Sportcarsdigest.com),
traduit et adapté par François Coeuret


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Ambiance

A Daytona Beach la migration annuelle de fin janvier amène pilotes et amateurs de voitures de sport sur le Speedway pour la première grande course d'endurance internationale de la saison, les 24 Heures.

A l'est de la ville de Daytona, du côté de la plage, l'artère principale, connue sous le nom d'A1A, est sillonnée par des voitures exotiques telles que des Ferrari, Alfa Roméo, Cobra, Lancia avec une pincée de MG, TR4 accompagnées des inévitables gros tanks locaux Ford, Pontiac et autres Chevrolet. La « faune » qui circule près des voitures arbore le plus souvent larges pattes et cheveux longs et porte ce que certains osent appeler dernière mode. On voit aussi déambuler beaucoup de jeunes femmes bottées aux jupes très courtes, certaines d'entre elles ne dissimulant pas grand chose de leur anatomie. Il ne fait guère de doute que beaucoup de résidents disons âgés soient souvent victimes de problèmes cervicaux. L'explication ? Beaucoup de têtes se tordent et se retournent pour apprécier les morphologies. N’a-t-on pas qualifié cette année 69 d’érotique ?

Dans l’espace réservé au public les camping-cars, caravanes, pick-up et voitures particulières se positionnent pour plusieurs jours. Les tentes et auvents fleurissent, les spectateurs s’organisent. Les plus démunis se contentent de leur sac de couchage étalé sur une chaise longue en aluminium.

MATRA 630 DAYT 69.jpg

Les engagés

Dans l’enceinte du circuit, côté voitures l’esthétique prime. Les graciles Porsche 908 3L à la silhouette effilée côtoient les compactes Ford GT40 qui rivalisent avec les Lola T70. Parmi ces dernières celle de l’écurie Penske (MkIIIb) affiche la robe la plus seyante, un bleu foncé avec liseré or du plus bel effet (Donohue-Parsons). La Matra 630 aux formes généreuses joue aussi la « pin-up » (Pescarolo-Servoz-Gavin).

Porsche vainqueur en titre a déplacé l’armada, cinq 908L, L pour Lang heck, (Siffert-Hermann)-(Attwood-Buzetta)-(Elford-Redman)-(Schütz-Mitter)-(Stommelen-Ahrens). John Wyer Automotive présente deux GT40 livrée bleu horizon (Ickx-Oliver)-(Hobbs-Hailwood). Du côté des Lola, l’équipe américaine AIR appartenant à l’acteur James Garner engage deux T70 MkIII (Leslie-Motschenbacher et Patrick-Jordan), l’écurie Switzerland présente une T70 MkIIIb (Norinder-Bonnier) en parallèle avec une Porsche 910. Ferrari est absent, la 312P n’est pas prête. Porsche 906, 907, 910, Alfa 33/2, Ferrari Dino, Chevron B8 complètent le plateau proto tandis que les nombreuses Porsche 911T, des Chevrolet Camaro, Corvette, des Pontiac Firebird, Mercury Cougar couvrent le plateau GT.

Dans la presse automobile à l'époque on évalue les chances de Ford et de ses GT40 engagées par les Anglais de John Wyer Automotive. Ford est le champion en titre grâce à sa victoire mancelle obtenue face à Porsche.

 

daytona beach,roger penske

Qualification / Course

Les discussions de bord de piste tournaient autour des performances des Porsche. Allaient-elles renouveler leur domination de l'année précédente traduite par un triplé vainqueur. Les perspectives paraissaient bonnes. La dernière version de la Lola T70 (MkIIIb) semblait cependant pouvoir donner la réplique aux protos allemands. Lors des qualifications, la Penske (préparation moteur Traco) a réussi à se placer deuxième sur la grille prouvant le travail minutieux et efficace de l’équipe américaine. Les Porsche 908 étaient première, troisième, quatrième, sixième et septième. La Lola Bonnier s’est qualifiée cinquième. Les Gulf GT40 se sont positionnées en retrait aux 8e et 9e places. Henri Pescarolo est victime d’un crash lors des essais nocturnes. La 630 est irréparable, le pilote français s’en tire avec quelques contusions.

Vers 15h, le samedi 1er février 1969, le drapeau vert tombe sur les 63 voitures engagées dans la course. Les cinq Porsche usine ainsi que les Lola de Donohue et Bonnier vont commencer à prendre leurs distances avec le reste du peloton. Chacune des Porsche avait un panneau coloré pour aider à identifier la voiture à distance et le panneau brillait dans l'obscurité. Pendant ces premières heures de course, les Porsche ont échangé la tête si souvent que l'opérateur du tableau de classement a eu du mal à tenir les positions. Une répétition de la course de 1968 semblait s’installer.

Pour Penske, la perspective d'avoir l'une des voitures les plus rapides en piste et peut-être de gagner s'est rapidement évanouie en raison d'un grave problème de remplissage de carburant. Le système de pompe ne pouvait débiter que 20 des 37 gallons dans le réservoir, ce qui nécessitait de ravitailler toutes les 40 à 45 minutes, environ deux fois plus souvent que prévu. Un problème de dégazage est en cause.

Plus tard, Mark Donohue, qui est aussi ingénieur, a admis que le problème de carburant était de sa faute. Il a déclaré: « J'ai moi-même conçu le système de carburant et j'en suis entièrement responsable. » Malgré ces problèmes, la Penske Lola a continué à bonne distance des leaders.

Avant que l'obscurité ne tombe sur le Speedway, la T70 Bonnier se retire après avoir heurté le mur du banking. Au 84e tour, l'une des Porsche s’arrête de façon inattendue. Brian Redman remarque des gaz d'échappement pénétrant dans le cockpit et rejoint les stands avant de s’intoxiquer. Un collecteur d'échappement cassé en est responsable, les mécaniciens Porsche ont mis plus de 20 minutes à le remplacer.

Au fil des heures Porsche est aux prises avec des problèmes moteur.

daytona beach,roger penske

 

La Penske de son côté a dû s’arrêter deux fois aussi pour des réparations sur les collecteurs d'échappement fissurés qui ont coûté 90 minutes d’intervention. Autre souci, un démarreur bloqué a pris encore 23 minutes pour être réparé. En plus des problèmes persistants de remplissage de carburant l’équipe américaine est accablée. Il est question de retirer la voiture car elle a trop de retard derrière les Ford et Porsche. Cependant Roger Penske persévère et ordonne les réparations. La Penske Lola pour couronner le tout entre en contact avec la Porsche 908 #51 de Richard Attwood / Joe Buzetta. L’incident provoque un arrêt au stand pour des réparations de carrosserie (principalement à l'aide de ruban adhésif).

Porsche va enregistrer des casses à répétition. La déroute des allemandes a commencé à 00h15 puis 00h25 et 02h58. À 05h20, après le retrait des trois Porsche une quatrième renonce (Attwood-Buzetta). Cette débâcle installe les Ford en tête. Mais en fin de nuit la GT40 conduite par David Hobbs et Mike Hailwood rejoint son stand. Le problème est une culasse fissurée qui cause une perte de liquide de refroidissement. Finalement cette avarie conduit à leur élimination.

La Ford GT40 de Jacky Ickx et Jackie Oliver est en tête. Mais les pilotes ont peu de temps pour en profiter car leur voiture souffre également d'une culasse fissurée. Leur abandon est survenu de façon spectaculaire lorsqu'à 07h35, Ickx a heurté le mur de béton en raison d’une fuite. L'incendie qui a suivi a éliminé la voiture, Ickx s'en est sorti indemne.

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Alors que le soleil est levé sur le Daytona Speedway, la 908 rescapée de Mitter-Schütz en a profité pour prendre la tête. La Penske Lola est en deuxième position, à quelques 200 miles derrière le leader. La situation de la Porsche ne dure pas longtemps. Coup de théâtre la 908 rentre au stand avec un arbre intermédiaire cassé. C’est l’abandon, la Lola N°6 hérite du leadership à l’usure. Une autre Lola suit en seconde position mais à distance respectable. La pugnacité de Penske a payé. Les cinq dernières heures de course furent tendues pour les leaders. L’équipe Penske amène sa voiture à une victoire chanceuse mais bien méritée. Les pilotes Mark Donohue et Chuck Parsons ont parcouru 2.383,75 miles à une vitesse moyenne de 99,268 miles / h. La Lola T70 Mk III d'Ed Leslie et Lothar Motschenbacher a terminé deuxième, 30 tours derrière le vainqueur pour le plus grand plaisir de l'acteur et propriétaire de l'équipe James Garner. La Pontiac Firebird 305 de Jerry Titus et Jon Ward a terminé troisième à 35 tours du vainqueur, première de sa catégorie. La meilleure Porsche termine quatrième. La 911T privée pilotée par Tony Adamowicz, Bruce Jennings et Herb Wetanson remporte sa catégorie GT 2L.

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Triste épilogue

L’histoire de la Lola de l’écurie Penske prend une tournure inattendue par la suite. Elle participe aux 12 Heures de Sebring où un problème de suspension la conduit à l’abandon. Alors que les prochaines 24H du Mans constituent le prochain objectif de Penske, un évènement incontrôlable va contribuer à sa perte. Sur le chemin de retour à Philadelphie depuis Sebring, l’auto va disparaître avec son transporteur. L’action s’est déroulée devant le motel où dormaient les deux chauffeurs. Si le camion a été retrouvé, la Lola avait disparu avec les outils de l’écurie. L’enquête policière permit de retrouver les voleurs. Ces derniers avaient démonté une grande partie des pièces mécaniques. Le moteur avait été monté sur une Shelby Cobra. Le châssis fut retrouvé endommagé après cette opération. En conséquence, Penske et Donohue ont été contraints d'abandonner leur voyage en France.

La victoire de l'équipe Penske à Daytona en 1969 représente « le » grand succès international de la Lola T70. Quelques semaines après la course américaine, Porsche dévoilait sa légendaire 917 à Genève. Le monde des courses d'endurance allait en être bouleversé.

La belle T70 prit à cette occasion un sérieux coup de vieux.

 

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Photos :  ©Louis Galanos et Fred Lewis

 

(*) Louis Galanos était à l’époque (fin 60 début 70) étudiant et travaillait en parallèle comme officiel au Sport Car Club of America. Il a suivi les courses de Daytona et Sebring amassant des souvenirs et de nombreuses photos durant l’âge d’or des courses d’endurance. Il est maintenant professeur retraité à Gainesville en Floride.

Commentaires

J’avais oublié cette belle histoire Merci de me rappeler ces bons moments.

Écrit par : Jean-Claude Albert | 30 mars 2020

à l'époque la fiabilité était moyenne !
Pour les PORSCHE, j'ai du mal à me rappeler si c'est à DAYTONA ou plutôt SEBRING ( joints de dilatation sur la piste) que les 908 eurent des problèmes de Chassis fissuré.
Pour PENSKE il fût de retour avec les mêmes couleurs avec la 512 M

Écrit par : Docteur_Oliv | 31 mars 2020

C'est bien lors de la course suivante à Sebring 69 que les 908/2 connurent des soucis de châssis (deux abandons sur 5 pour cette raison). La piste de Sebring causa aussi l'abandon de la Lola Penske (suspension endommagée). Ickx/Oliver en profitèrent pour l'emporter devant la Ferrari 312 P d'Amon-Andretti.

Écrit par : F.Coeuret | 31 mars 2020

Les chassis PORSCHE étaient "en Aluminium" et étanches en principe. ils étaient gonflés avec un gaz et la baisse de pression montrait les fissurations

Écrit par : Docteur_Oliv | 31 mars 2020

Vous m'en apprenez "Docteur Oliv", je pensais que les tubulures remplies de gaz étaient une nouveauté sur le châssis 917. Merci pour l'info...

Écrit par : F.Coeuret | 31 mars 2020

Quelle idée aussi de s'arrêter dormir avec dans le camion une auto de cette valeur, mais bon on refait pas l'histoire et tous ça fait partie du folklore des courses US. En tous les cas merci de nous faire partager cette histoire.

Écrit par : Daniel Robin | 31 mars 2020

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