14 avril 2020
Stirling Moss, « Le Gars en Or » (réédition)
Stirling Moss vient de nous quitter le 12 avril dernier.
Afin de rendre hommage à cette légende du sport automobile, rencontrée à Rétromobile en 2009, nous rediffusons cette note, publiée le 19 septembre 2015.
R.I.P. Monsieur Stirling Moss
L'actuel doyen des pilotes de Grand Prix, Sir Stirling Moss, OBE, fête aujourd'hui ses 86 ans.
Dans son numéro de juin 1963, la revue Motor Sport publie un article signé Denis Jenkinson juste après que Moss ait décidé de mettre un terme à sa carrière, conséquence de son terrible accident de Goodwood l'année précédente.
Nous avons voulu, à l'occasion de l'anniversaire du pilote anglais, lui rendre un vibrant hommage en publiant l'article de son ami Jenkinson traduit en français.
Sept. 1948, Cooper midget T43, Moss 1st victory ©Getty Images
par Denis Jenkinson
« Au cours des douze derniers mois, on m’a souvent demandé « Comment va Stirling Moss, est-ce qu’il recommencera un jour à courir ? », et tandis que certains parmi ces poseurs de questions faisaient cela uniquement parce que c’était à la mode de le faire, et que Moss c’était l’actualité, il y avait malgré tout un grand nombre de personnes issues de tous les coins de l’Europe qui étaient parfaitement sincères. Cela allait de gens qui connaissaient Moss, comme les mécaniciens de Maserati, à ceux qui ne l’avaient jamais rencontré, mais l’avaient admiré depuis les tribunes ouvertes au public, comme ce petit groupe de Belges enthousiastes qui me sollicitèrent pour lui transmettre leurs vœux de prompt rétablissement.
J’ai rencontré à travers toute l’Europe des gens qui étaient sincèrement inquiets de l’avenir sportif de Stirling Moss, et j’ai toujours répondu, en croisant les doigts, « J’espère qu’il courra à nouveau. » Au bout d’un moment j’ai changé cela en « S’il courre à nouveau » et désormais, comme nous le savons tous, je dois avouer « Il ne courra plus jamais. » Avec l’annonce officielle de sa retraite sportive, qui fait suite à des essais effectués au volant d’une Lotus 19, la course automobile n’a pas seulement perdu l’un de ses meilleurs pilotes, elle a aussi perdu le modèle que tous les concurrents cherchaient à imiter.
May 1955, Mille Miglia victory with Denis Jenkinson ©Keystone/Getty Images
La plus grande qualité de Moss fut incontestablement de ne jamais connaître de « jour sans »; il était toujours au meilleur de sa forme et dans la mesure où la voiture était au point, c’est lui qui devenait la référence au moment même où il débutait ses essais. On pourrait écrire des pages entières sur Moss et ses capacités de pilote, au volant de n’importe quelle voiture, sur n’importe quel circuit, il est fort probable que beaucoup le feront, certains qualifiés pour cela, d’autres beaucoup moins, mais on se souviendra toujours de lui pour sa façon de ne jamais rien lâcher pour obtenir un résultat.
2 Sept. 1956, Monza. 1st Moss, 2nd Fangio ©Getty Images
Certains font référence à Moss comme étant « le maestro » mais pour moi il ne pourra jamais le devenir car il n’a jamais eu le temps de devenir mûr, il a toujours été jeune et « maestro » sous-entend âge, compétence, sagesse et capacités. Moss possède la plupart de ces qualités et une large expérience mais quelque part il n’a jamais montré une personnalité ou un comportement de vrai « maestro » comme a pu le faire Fangio. Quand j’ai rencontré pour la première fois à Lisbonne en 1955 le regretté Mackay-Fraser (1) nous avons passé une soirée en compagnie de Moss, et ce fut l’habituelle soirée animée, avec Moss infatigable jusqu’à 2 heures du matin, heure à laquelle il s’arrêta instantanément pour aller se coucher, pendant que Mac et moi étions heureux de nous laisser aller encore une heure et de se relaxer doucement après un ou deux derniers verres.
(1) Connu sous le surnom de ‘Mac’, le pilote américain Herbert Mackay-Fraser fut le premier à perdre la vie au volant d’une Lotus, le 14 juillet 1957. (NdT)
14 May 1961, Monaco, Lotus-Climax 18 ©DR
Pendant tout ce temps, Mac parlait de Moss comme d’un « Gars en Or » (2) et j’ai toujours pensé que cette appellation était tout-à-fait appropriée. Il n’était pas l’égal de Fangio, étant suffisamment jeune pour être son fils, mais il dominait déjà de la tête et des épaules le reste de ses contemporains. Pour moi Fangio était le véritable « maestro » mais Stirling Moss restera toujours « Le Gars en Or ». Nous avons maintenant derrière nous douze mois de compétition depuis sa dernière course, théâtre de son accident, et on s’est désormais habitué à son absence des grilles de départ. Mais pour ceux d’entre nous qui ont vu Moss à son meilleur niveau - auquel il était la plupart du temps - et à mesure que les nouveaux pilotes établissent de nouveaux records ou réalisent des exploits remarquables, il ne faut jamais oublier de garder notre sens de la mesure lorsque l’on comparera les anciens et les nouveaux.
(2) « Golden Boy » dans le texte original en anglais. (NdT)
17 Jul. 1961, Gallery of Champions ©Getty Images
J’écris ceci à la veille de l’épreuve des 1000 km du Nürburgring, une épreuve au cours de laquelle Moss réalisa deux années de suite des choses en apparence impossibles au volant d’Aston Martin quand il dut composer avec des équipiers moins expérimentés (3), avant d’effectuer le « had-trick » lors de la troisième tentative, secondé alors par un brillant Gurney. Le circuit de l’Eifel fut également le théâtre d’un de ses plus grands triomphes lorsqu’il remporta le Grand Prix d’Allemagne avec sa Lotus-Climax obsolète, battant l’équipe Ferrari toute entière grâce à l’habileté de son pilotage, mais comme je l’ai évoqué un petit peu avant, on pourrait écrire un livre tout entier su le sujet.
(3) 1958, Jack Brabham qui découvre l’Aston Martin et le Nürburgring, 1959, Jack Fairman. (NdT)
20 Apr. 1962, Goodwood, Stirling Moss, Lotus-Climax ©Getty Images
Il a été forcé de se retirer de la course auto pour les raisons qui ont obligé beaucoup de coureurs à le faire avant lui : sa vision est déficiente, sa capacité de jugement affaiblie, sa concentration ne tient pas très longtemps, ses réflexes sont passablement émoussés et enfin son adresse et sa dextérité ne sont pas au niveau où ils devraient être. Toutes ces choses surviennent habituellement chez un homme lorsqu’il atteint un âge avancé, parfois 45 ans, peut-être 55 ans, mais pas 33 ans.
En un instant fugace Stirling Moss est devenu subitement un vieil homme, du moins au regard des exigences requises pour faire partie du cercle des meilleurs pilotes de Grand Prix, tout cela dans un accident survenu lors d’une petite course insignifiante qui ne représentait pas beaucoup plus qu’une rencontre de club ou une petite épreuve sur terre, ce qui à mes yeux constitue le coté le plus désolant de toute cette histoire. »
traduit par Francis Rainaut
Paris 2009, Stirling & his wife Susie ©F.Rainaut
16:47 Publié dans d.jenkinson, s.moss | Tags : goodwood 1962, stirling moss | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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