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14 avril 2021

Ligier JS 1 : l’auto des deux frères

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 Jo Schlesser et Guy Ligier étaient des frères de course. L’idée de développer et de commercialiser une voiture de sport germa petit à petit dans leur esprit. A force de dévorer les kilomètres au volant de toutes sortes de bolides, de ressentir les défauts, les qualités des engins qu’ils pilotaient, les deux compères engrangèrent dans leur subconscient un cahier des charges idéal. Devait en sortir la concrétisation d’un projet  qui leur tenait à cœur.

par François Coeuret


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Guy et Jo passaient donc du temps à réfléchir à une GT avec laquelle ils pourraient tailler des croupières aux Alpine, Porsche et consorts. La voiture est  pensée pour la course mais si le succès se révèle, les créateurs jugent concevable de l’adapter à la route. La recette idéale s’appuie sur un châssis rigide, une architecture efficace, un moteur puissant et fiable, un poids limité. Sur le papier cela peut paraître simple mais finaliser un tel projet n’est pas une mince affaire.

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L’architecture coule de source, ce sera moteur central arrière à l’instar des Porsche 904 ou Ford GT40 qui en ont largement démontré l’avantage aux mains des deux pilotes. Côté châssis, ce sera une poutre centrale, rigide et légère. Le choix du moteur se porte dans un premier temps sur le Ford Cosworth 1600 FVA. Doucement, les deux hommes remplissent le cahier des charges de leur Ligier-Schlesser. L’objectif est d’en faire une voiture capable de gagner aussi bien sur circuit qu’en rallye.

Malheureusement l’accident mortel de Schlesser en juillet 1968 laisse Ligier seul face à ce projet imaginé à deux. Passé une période d’abattement Guy Ligier reprend courage. Sur les encouragements du journaliste Jean Bernardet, il met en place en 1969 une petite équipe qui va être chargée de faire passer le projet du papier à la piste. Michel Tétu prend la direction des opérations. Cet ancien ingénieur chez CD s’entoure de deux fidèles de Guy Ligier : Pierre Bouillard et Roger Nebout. Un motoriste allemand (Mader), des mécaniciens et spécialistes britanniques de la plasturgie dont un ex-McLaren viennent compléter l’équipe.

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Guy Ligier supervise l’ensemble et valide les différentes directions qui s’appuient sur pas mal d’innovations. Pour limiter le poids sans pénaliser la rigidité, le châssis poutre va être accompagné de panneaux en alu prenant en sandwich de la mousse de polychlorure de vinyle. Double triangulation aux 4 roues, amortisseurs arrière horizontaux, bien sûr freins à disque. La carrosserie est signée Pietro Frua, sa première expérience de style pour une voiture à moteur central. Le résultat est une berlinette aux lignes harmonieuses. Le gabarit est compact avec 3,90m sur 1,70m de large et 1,02m de haut. Malgré tout, son châssis permet un habitacle assez spacieux et surtout, un poids de 687 kg.

Faute de ne pouvoir être produite pour l’instant en série la voiture sera engagée dans le groupe prototype moins de 2L.

La Ligier baptisée JS1 en hommage à Jo Schlesser est présentée au salon de Paris 1969, équipée du Ford Cosworth 1,6L FVA de F2. Quelques semaines plus tard, Guy Ligier est derrière le volant pour prendre le départ du Critérium des Cévennes. Malgré des débuts prometteurs, un support moteur  lâche et contraint son pilote  à l’abandon.

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Dès mars 70, on retrouve Guy et sa JS1 équipée d’un Ford FVC 1.8l de 220 CV au départ sur le circuit d’Albi. Il gagne sa classe. Une deuxième voiture est assemblée pour les 24h du Mans où Guy Ligier sera secondé par Jean-Claude Andruet. 

Puis la JS1 enchaîne les participations… Un abandon au Trophée du Paul Ricard, une victoire à Montlhéry, une 3e place à Magny-Cours. Au Mans les essais se passent bien, l’équipage obtient le 33e temps sur 51 qualifiés. L’auto d’esprit Grand Tourisme est donc inscrite en catégorie Prototype. La gageure consiste à tenir deux tours d’horloge mais l’équipe doit renoncer à la huitième heure suite à une casse de la distribution.

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En septembre les deux Ligier JS1 participent au Tour de France auto. Guy a profité de l’été pour apporter des modifications à sa progéniture. Son empattement a pris 25 cm pour loger une mécanique plus cossue. Derrière le pilote et son copilote, le 4 cylindres a été abandonné pour deux V6. Le premier est un Ford 2.4l avec une culasse Weslake alors que le second, préparé par Neerpasch, est celui qui équipe la Ford Capri 2600. Les voitures sont désormais plus puissantes, plus coupleuses mais aussi plus lourdes puisqu’elles accusent désormais 740 kg. Elles ne verront pas l’arrivée de la course, contraintes à l’abandon sur problème moteur.

En 1971 Ligier tente un Challenge au Mans avec un joli prototype signé Michel Tétu à moteur Cosworth et carrosserie ouverte mais sans réussite.

Pour ce qui concerne la JS1 l’histoire s’est donc arrêtée là. A part les deux exemplaires destinés à la compétition, un exemplaire pour élaborer une présérie aucune version routière aboutie de la JS1 ne verra le jour.

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Guy Ligier n’était cependant pas décidé à jeter l’éponge. Il avait l’intention de la faire évoluer. La JS1 passa le relai à la JS2 équipée du moteur V6 3L Maserati*. La JS2 sera proposée au public mais sa production trop faible ne lui permettra pas une homologation en catégorie GT. L’histoire se poursuivra jusqu’en 1975. Après une dix-neuvième place au Mans 73, une victoire au Tour auto 74, une saison sport honorable cette même année (8e place au Mans- moteur Maserati), la JS2 Cosworth 3L Groupe S connaîtra son heure de gloire en terminant seconde à l’issue des 24H du Mans 1975. La version routière de la JS2 équipée du moteur Maserati de la Merak sera produite à dose homéopathique malgré le partenariat avec Citroën. La production artisanale plombe son coût. Il s’en vendit une petite centaine. La concurrence allemande et italienne, la crise pétrolière sonnèrent le glas de la « Porsche » française. Ligier qui avait senti le vent tourner rebondit comme chacun le sait avec la Formule 1 grâce à Gitanes et à Matra.

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(*) Ligier envisagea un V6 Ford pour la JS2 mais le constructeur américain bloqua le projet au profit de sa GT70 qui s’avéra un échec.

 

ligier js1

- Illustrations ©D.R.

Commentaires

Vroum vrouuuuuuum dans Malzinguette

Écrit par : sylviane Gerzrd | 15 avril 2021

J'ai trouvé surprenant , à cette période , " l'échec " de ce projet de la part de Guy Ligier ; entrepreneur habile , avisé , et au bras long . La disparition prématurée de "son copain" n'explique que peu, la difficulté et le but finalement manqué. Jo Schlesser ; très bon pilote semblait lui, un idéaliste , un rêveur d'une époque des compétitions "romantiques" qui était alors déjà révolue.

Écrit par : Albert | 15 avril 2021

En effet Albert, d'autant que cette voiture avait du potentiel et une bonne motorisation, le V6 Maserati de la Merak. L'essai de la JS 2 série effectué par J. Rosinski à l'époque s'était révélé très positif. Le pilote-journaliste en avait fait l'éloge. A noter qu'à ce moment les autres "GT" françaises étaient elles sous motorisées (Alpine / Matra). Pourtant ces constructeurs avaient le potentiel pour créer un moteur digne de leurs réalisations mais sûrement pas la volonté et/ou les moyens de vraiment briller sur le délicat marché GT.

Écrit par : F.Coeuret | 15 avril 2021

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