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03 octobre 2022

Treize ans d’attente… GP des USA 1971

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1958… 1971
Entre ces deux dates s’écoulèrent quelques années de manque dans notre hexagone. On parle ici de la participation des pilotes français au plus haut niveau des courses de formule 1. De Maurice Trintignant à François Cevert une passerelle enjambe la privation tricolore au sommet des podiums… Les jeunes pousses mirent du temps à atteindre le nirvāṇa.

François Coeuret


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État des lieux

Le circuit de Watkins Glen est désormais plus long de 1700 m (5,472 km). Il a été rénové avec des stands plus larges adaptés aux nouveaux standards de la compétition. Le secteur de « Big Bend » a disparu pour laisser place à une nouvelle ligne de départ. Seule la partie allant des « Esses » à « The Loop » a été conservée. Après celle-ci une portion plus sinueuse conduisant vers la ligne droite des stands a été réalisée. La piste a été resurfacée, des glissières en acier ARMCO couvrent l’ensemble du pourtour du circuit.

Les travaux sont achevés deux jours seulement avant les premiers essais ! Les bordures sont garnies de sable, beaucoup de voitures vont soulever des nuages de poussières durant le week-end.

 

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Parmi les participants habituels…

Le Grand Prix du Mexique a été annulé en raison du décès de Pedro Rodriguez. Le dernier enjeu de la saison est la deuxième place de la coupe des constructeurs qui se dispute entre Ferrari (32 points), BRM et March (30 points chacune). Stewart a le titre en poche. Il a amassé 60 points devant Peterson, Ickx et Cevert qui en comptent respectivement 29, 19 et 17.

Une prime de 50.000 dollars promise au vainqueur - la plus haute récompense décernée par une épreuve de Formule 1 - a attiré des pilotes américains. On en compte six plus un Canadien. Mario Andretti pilote la troisième Ferrari. Roger Penske engage de nouveau une McLaren M19A que se partagent Mark Donohue, qui a réalisé de superbes débuts en Grand Prix en finissant sur le podium à Mosport, et le Britannique David Hobbs qui a déjà conduit en Formule 1 en 1967-1968 et s'est depuis fait un nom en Formule A. Donohue hésite entre participer au Grand Prix ou à une épreuve USAC. Par conséquent, tout en assurant sa propre qualification, il prête sa voiture à Hobbs qui sera chargé de le suppléer en cas de forfait.

 

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Skip Barber et Pete Lovely sont engagés avec leurs voitures privées, de même que l'Anglais Chris Craft et sa Brabham BT33 de l'Ecurie Evergreen(1).

Tyrrell engage une 001 pour Peter Revson. L’américain vient de remporter le championnat CanAm devant Denny Hulme. Revson se réaccoutume au pilotage d'une F1. Il va d'ailleurs rester dans le sillage de François Cevert durant les essais pour parvenir à se qualifier.

 

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John Surtees aligne trois TS9 pour cette épreuve. « Big John » conduit bien sûr sa propre Surtees, sponsorisée par Brooke Bond Oxo, une marque de thé anglaise. Rolf Stommelen, lui,  cède définitivement sa place à Mike Hailwood, lui aussi aidé par Brooke Bond Oxo. L'Américain Sam Posey, une des vedettes de la Formule A, est prévu sur la troisième voiture, avec en réserve Gijs Van Lennep, dont ce serait la deuxième apparition après Zandvoort, au cas où.

BRM place une nouvelle fois au départ une escadrille de quatre P160 confiées à Jo Siffert, Howden Ganley, Peter Gethin et Helmut Marko, tandis que le Canadien John Cannon, champion de Formule A en 1970, conduit une P153.

Jo Bonnier est de retour avec sa vieille McLaren M7C, ainsi qu’Andrea de Adamich au volant de la March-Alfa Romeo. L'Italien prend la place de Mike Beuttler.

Pour ce dernier Grand Prix BRM utilise son moteur Mk2 dans toutes ses monoplaces, exceptée celle de Howden Ganley. Toujours côté moteur, Alfa Romeo a modifié la distribution de son V8.

Enfin John Surtees utilise une nouvelle TS9B à radiateurs latéraux.

 

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L’attraction locale

Le « Bog » est l’endroit où certains spectateurs locaux « s’éclatent », ceux que le spectacle conventionnel des Formules 1 trop européennes lasse vite. Traverser le fossé de boue au volant d’une vieille berline américaine est le défi ludique et apprécié d’une « faune disparate » qui se délecte du petit jeu. Resté embourbé au milieu du Bog expose le propriétaire du véhicule à voir brûler sa carcasse métallique !

 

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Les essais suivis de la course

La concurrence est rude en cette fin de saison puisque les sept premiers sur la grille se tiennent en moins d'une seconde. Malgré un sous-virage affectant la Tyrrell, Stewart obtient la pole position de justesse devant Fittipaldi, devancé de seulement dix-sept millièmes de seconde ! La Lotus 72D est très performante en cette fin de saison. Fittipaldi espère l’emporter pour empêcher Lotus de connaître sa première saison sans victoire depuis 1959. Autre surprise: Hulme se hisse au troisième rang, sa meilleure qualification depuis longtemps. Aucun pilote équipé d’un douze cylindres n'est en première ligne. En deuxième ligne on retrouve Regazzoni et Cevert, suivis par Andretti et Siffert. Ickx est huitième et dernier des pilotes Ferrari. Viennent ensuite Amon, Wisell, Beltoise et Peterson. Les Matra souffrent comme au Canada d'une médiocre tenue de route. Suivent Ganley, Surtees, Hailwood, Schenken, Marko.

Posey se signale par une belle dix-huitième place, devant Donohue, beaucoup moins performant qu'à Mosport.

Mario Andretti et Mark Donohue ne prendront pas le départ. Les deux champions américains s'étaient en effet inscrits à une course d'USAC à Trenton. Celle-ci a été reportée au dimanche à cause de la pluie, et donc Andretti et Donohue sont tenus de respecter leurs engagements. Ainsi David Hobbs récupère la voiture de Donohue.

En conséquence Siffert avance d’une position (6e) de même que les suivants Ickx, Amon, Wisell, Beltoise, Peterson, Ganley, Surtees, Hailwood, Schenken, Marko, Posey. De façon identique Hill part 18e, suivi de Revson, Pescarolo, Gethin, Hobbs, Galli, Cannon, Barber. Adamich, Craft, Bonnier et Lovely ferment la marche. Vingt-neuf voitures prendront donc le départ de la course.

 

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Départ imminent…

Le matin du dimanche 3 octobre, il pleut sur le circuit. Le pilote de la Tyrrell N°9 fait la moue en tirant les rideaux de sa chambre d’hôtel. Il a demandé à Derek Gardner d'augmenter le carrossage négatif à l'avant de sa 002 afin d'améliorer le parallélisme des roues et donc la tenue de route. Il va bientôt s’en féliciter une fois au volant de sa monoplace. Stewart préfère quant à lui s'en tenir à ses réglages originaux. Ickx mécontent aux essais de sa B2 décide d’utiliser l’ancienne B1 pour la course.

Van Lennep doit rester dans le garage car il donne sa voiture à Sam Posey. L'Américain a évidemment la préséance à domicile sur le Néerlandais...

Une aubaine, les nuages se dissipent et c'est sous un beau soleil que la course se déroule.

Le fantasque starter Tex Hopkins abaisse le drapeau vert. Placé à l'extérieur, Hulme prend le meilleur envol et vire en tête au premier virage devant Cevert, très bien parti, Stewart et Regazzoni. Fittipaldi a perdu des places.

Premier tour : Cevert déborde Hulme dans la ligne droite avant « The Loop » et le tasse quelque peu sur la gauche. Stewart saisit l'occasion, plonge à droite et s'empare de la première place. A la faveur d’une petite erreur de Cevert dans « Toe » Hulme passe second.

 

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A la fin de la deuxième boucle, Stewart mène devant Hulme, Cevert, Regazzoni, Siffert, Ickx, Amon, Fittipaldi, Wisell et Beltoise.

Stewart se détache légèrement tandis que Hulme et Cevert sont au coude à coude. Regazzoni un moment menaçant derrière les deux hommes va perdre du terrain. Au 7e tour Cevert passe Hulme. Le français va alors se rapprocher de son chef de file. Au 12e tour la jonction est faite. Les pneus de l’écossais qui sous-vire sont déjà usés. François reste dans le sillage du Champion du monde qui va finalement lui faire signe de passer. La jeune recrue de l’équipe Tyrrell s’échappe au volant d’une monoplace au réglage peaufiné. C’est maintenant Jacky Ickx qui poursuit Cevert. Entre 5 et 6 secondes les séparent. Mais le Belge fait le forcing. Plus à l’aise que le Parisien dans les dépassements d’attardés il va même revenir à une seconde et demi au 41e tour. La bataille fait rage, les deux duellistes battent alternativement le meilleur tour en course qui restera au crédit du belge. Le 45e tour marque le tournant du Grand Prix : Ickx perd tout à coup du terrain victime d’une fuite d’huile. Hulme va déraper sur une trainée et heurter le rail. Cevert qui arrive sur le secteur évite la Mc Laren immobilisée mais dérape aussi et frotte la glissière heureusement sans dommage. Une belle frayeur que le Français compense en lisant son panneau : 32 secondes d’avance sur Siffert. Huit tours encore avant le damier… « Ces huit tours ont duré huit siècles ! » Mais … François cueille enfin les lauriers d’une victoire amplement méritée.

 

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Celle-ci va particulièrement retentir en France ! En troisième position au Championnat du monde, François devient le porte-drapeau du sport auto dans l’hexagone, détrônant ainsi son beau frère. Treize ans qu’un français n’avait pas gagné en F1 depuis Maurice Trintignant !

Une étoile est née mais… Une étoile terriblement filante.

 

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(1) - Dont ce sera la seule et unique participation à un Grand Prix de formule 1, son engagement au Canada la même année s'étant soldé par une non-participation due à une casse moteur.


Video : François Cevert Wins the 1971 USGP

 

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- Illustrations ©DR

- Source concernant le déroulement des essais et de la course : StatsF1

Commentaires

Outre sa classe naturelle et son charme dévastateur, ce qui m'a le plus frappé chez François Cevert est la rapidité avec laquelle il a franchi tous les paliers depuis la Laverda 750cc de chez Couturier jusqu'à la victoire en formule 1.
Premier engagement à Montlhéry sur la Tecno F3, première victoire.
Première saison en F2, victoire à Reims.
Et enfin victoire à Watkins Glen après seulement une saison et demi de F1. C'est peu dire que ce fut jour de fête, on ne s'y attendait pas. Bref l'été indien sur toute la ligne.
Je pense que si Stewart avait choisi de se retirer fin 1972, c'est François qui aurait été Champion du Monde l'année d'après.
Avec des si ...
Belle note de François, un rappel très intéressant de l'engagement en nombre des pilotes locaux et/ou privés.

Écrit par : Francis Rainaut | 03 octobre 2022

Merci pour ce nouvel article à la date anniversaire. L’affiche originale est encadrée dans mon séjour.
Vous avez rafraîchi, et aussi complété, ma mémoire. C’était autre chose la F1 …

Écrit par : Jean-Claude Albert | 03 octobre 2022

En consultant cette note qui relate ce jour mémorable et la non moins fameuse « une » de l’Equipe du Lundi, j’aperçois dans la petite lucarne en haut à gauche le visage d’un de mes héros de jeunesse. Je comprends bien sur que Phil Read « Le Honni » est mort. Je l’ignorais. Je consulte donc internet qui me confirme qu’il est malheureusement bien parti au paradis des légendes ce 6 Octobre, 49 ans jour pour jour après cette immense tragédie qui continue de nous attrister. Tant de souvenirs remontent alors à la surface. J’ai eu l’immense chance de voir ces deux grands pilotes en action et de les approcher au plus près dans les stands. J’ai hélas perdu les photos que j’avais faites de Francois Cevert au grand prix de France au Castellet en 1973 mais j’ai bien conservé celles de Read à Charade et au Paul Ricard, clope au bec dans sa superbe combinaison Bates en cuir rouge. Ago avait inauguré le cuir rouge ou blanc mais pour le haut du corps uniquement. Bien que ma préférence soit toujours allée vers la course automobile, les pilotes motos exerçaient sur moi une réelle fascination. Le déhanchement des pilotes dans les virages était un spectacle grandiose et particulièrement dans les courbes du Thèdes après la montée du petit pont à Charade. Qui n’a d’ailleurs jamais entendu le bruit d’une MV3 ou 4 accélérer ou rétrograder est orphelin d’une des musiques les plus prodigieuses qu’il m’a été donnée d’entendre. A cette époque, hormis les quatre ou cinq ténors des différentes catégories, les pilotes étaient bien souvent de courageux privés ou semi privés et l’ambiance dans le paddock était joyeuse et bon enfant. C’était au moment où Continental Circus le film de Jérôme Lapérousaz relatait cette période de tous les dangers, un superbe et saisissant long métrage avec Jack Findlay comme personnage central. L’incarnation d’un pilote doué mais qui galérait sur des machines imparfaitement préparées. Read et Ago ne s’appréciaient guère et on sentait bien qu’ils ne faisaient pas bon ménage dans le stand MV. Bon, bref c’était une époque formidable durant laquelle la course était belle aussi bien en auto qu’en moto et la disparition de Phil Read me remplit de nostalgie. J’ai appris cela à un de mes amis motards aujourd’hui et il en était bouleversé. Comme moi, il s’étonnait du silence des médias. Mais pour la génération actuelle qui tient la plume dans la presse, même sportive, qu’est ce que ca peut bien lui raconter, Phil Read ?!

Écrit par : Daniel DUPASQUIER | 18 octobre 2022

Ces souvenirs de jeunesse Daniel sont ancrés à jamais dans nos mémoires, ils sont magnifiés par cette période de notre vie. Il est tellement bon d'en parler mais aussi de les "encrer"!... Merci pour ce fervent commentaire... Si vous le souhaitez n'hésitez pas à nous faire parvenir vos sensations au sujet notamment des courses motos de l'époque...Nous sommes déjà prêts à vous lire.

Écrit par : F.Coeuret | 18 octobre 2022

Avec plaisir et passion !

Écrit par : Daniel DUPASQUIER | 19 octobre 2022

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