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02 novembre 2022

4868 WK, the fastest E type ever!

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En 1961, Jaguar étonne le monde en sortant sa Type E, qui succède aux célébrissimes XK (1). Son design hyper tendu lui octroie, en France, le sobriquet « la chaussure italienne », un must de la mode masculine de l’époque ! Dessinée par l’aérodynamicien Malcolm Sayer, elle dérive étroitement des « type D » qui courent en endurance et qui gagnent les 24 Heures du Mans en 1955, 1956 et 1957. En 1960, le prototype « E2A » très proche de la future « E » est commandé et engagé au Mans par Briggs Cunningham. Piloté par Walt Hansgen et Dan Gurney, il abandonne à la 10e heure sur casse moteur (pistons).

Raymond Jacques


Proto E2A.jpg

Le proto E2A aux 24 Heures du Mans 1960

 

Dès sa sortie, la spectaculaire Type E est engagée en compétition où elle s’oppose aux Ferrari de grand tourisme. Mais la lutte est inégale et la Britannique est régulièrement battue par les Italiennes. La direction de Jaguar décide donc de lancer pour la saison 1963 la fabrication de 12 voitures (2) modifiées pour la compétition. La base retenue sera le roadster équipé d’un hard top. Elles suivent une cure d’amaigrissement de 165 kilos (poids à vide 975 kg) grâce au remplacement de l’acier par l’aluminium pour la carrosserie. Les moteurs XK 3,8 litres font aussi l’objet d’essais de fonderie d’aluminium (3) pour fabriquer les nouveaux blocs et culasses du « vieux » straight six, mais ces moteurs s’avèrent trop fragiles et peu fiables. Aussi Jaguar revient aux blocs en fonte de fer, dont voici les caractéristiques techniques :

  • 6 cylindres en ligne 3800 cc, double arbre à cames en tête (DOHC suivant la terminologie anglo-saxonne).
  • 340ch à 6500 tr/mn,
  • 380 Nm à 4500tr/mn,
  • 3 carburateurs Weber 45 DCOE (ou injection Lucas sur les moteurs alu).

Les boites de vitesses Jaguar (les « célèbres » Moss ?) originelles sont à 4 rapports mais elles seront parfois remplacées par des ZF à 5 vitesses.

… et ainsi nait la Jaguar Type E « lightweight »…

 

Aux USA, Briggs Cunningham s’active pour engager sur les pistes américaines les 3 modèles (sur les douze « usine ») qu’il a achetés ! Il engage sa première « Lightweight » aux 12 Heures de Sebring de mars 1963 (n°20), pilotée par Bruce McLaren et Walt Hansgen. Elle est accompagnée par celle engagée par Kjell Qvale (3) qui est pilotée par Ed Leslie et Frank Morrill (n°23). Elles terminent en septième position pour la numéro 23, en huitième position pour la numéro 20, à un tour d’écart.

 

jaguar e

Peter Lindner sur 4868 WK (1000 km de Paris 1964)

 

En Europe, Peter Lindner l’importateur de Jaguar en Allemagne (4) engage sa « Lightweight » aux Mille Kilomètres du Nürburgring 1963 courus le 19 mai. Il prend le départ avec son co-pilote Peter Nöcker et il engage aussi une Type E « normale », qu’il confie à l’équipage Fleck Vehling. Aucune des deux voitures ne finira la course… 

Aux 24 Heures de Mans, Briggs Cunningham dispose enfin de ses trois voitures. La n°14 est attribuée à Pabst Hansgen, la 15 à Cunningham Grossman, et la 16 à Richards Salvadori. Cette dernière finira sur accident, la 14 abandonne sur bris de boite de vitesse, la 15 finira à la 9e place. La « cible » Ferrari est encore loin…

Déçu par la prestation de sa Lightweight, Peter Lindner se rend chez Jaguar où il s’entretient avec Malcolm Sayer qui, ipso facto, retourne à sa table à dessin. D’autres utilisateurs de type E Lightweight font la même démarche et étudient des carrosseries plus aérodynamiques que celle du spider hard top. Ces voitures porteront le surnom de « Low drag » soit, en français, trainée aérodynamique minimale. La voiture de Lindner – immatriculée 4868 WK – sera le seule repensée par son créateur Malcolm Sayer. Une autre lightweight sera elle aussi transformée en low drag (5).

 

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4868 WK avant son « intervention esthétique »

 

1964 : aux 1000 kilomètres du Nürburgring l’équipage Lindner Knöcker « DNF » comme l’écrivent nos amis anglo-saxons : boite de vitesses récalcitrante, plus accident.

Aux 24 Heures du Mans, Peter Lindner aligne sa « 4868 WK », toujours assisté de son fidèle Peter Nöcker, sous le numéro 16. Ils abandonnent à la 16e heure de course, le joint de culasse ayant déclaré forfait (6). Une revanche pourra être prise en octobre aux 1000 Kilomètres de Paris sur l’autodrome de Montlhéry…

 

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Combat des Low Drags au Mans 1964 : 49 FXN vs 4868 W

 

L’accident ! Le 11 octobre 1964 il pleut sur la région parisienne, mais la course continue sur le mythique circuit du plateau de Saint-Eutrope. Soudain, la Jaguar numéro 16 (même numéro qu’aux 24 Heures du Mans), au moment où elle passe devant les tribunes, quitte violemment la piste et percute la Simca Abarth 2000 GT numéro 51 de Franco Patria avec une extrême violence, alors que celle-ci s’apprêtait à reprendre la piste après un arrêt au stand. Le jeune espoir italien (21 ans) est tué sur le coup, ainsi que trois commissaires de piste : Jean Pairard (le "P" des voitures de course VP), René Dumoulin et Roger Millot. 

Peter Lindner mourra à son arrivée à l’hôpital Cochin en fin d’après midi. La voiture était alors en sixième position. Que s’est-il passé ? On parle d’aquaplaning, peut-être provoqué par une casse moteur… L’épave est transportée dans l’un des garages situés sous le banking est du circuit pour y être examinée et expertisée. Puis elle tombe dans l’oubli… Cette lightweight # S850662 était la cinquième de la série de 12 produites par l’usine.

La Jaguar de Peter Lindner :

crash 4868wk 1.jpg

crashwk4868 e.jpg

 

La Simca Abarth 2000 GT de Franco Patria (7) :

Sumca Abarth F.Patria.jpg

 

Une réplique de 4868 WK fut créée par Lynx à Hastings (LE spécialiste des « copies » de Jaguar de course) sur la base d’une coque neuve livrée par l’usine et après la récupération de quelques pièces réutilisables (propriété du team Toro Rosso ?). 

Mais une véritable reconstruction a été réalisée en 2007 par Classic Motor Cars sur demande de Jaguar, partant de la voiture accidentée, ce qui représente une manière d’exploit professionnel tout à fait fantastique : les tôles ont été remises à plat (!), puis reformées manuellement par des « choumacs » (8). Et la voiture à repris le même aspect que celui qu’elle présentait au départ de la course (voire mieux) après quelques 7000 heures de travail !

 

(1)     sauf aux USA où elle s’appelle XKE.

(2)       à l’origine 18 voitures sont prévues, mais la fabrication s’est arrêtée à 12. Jaguar décidera de vendre les « six restantes » au début du présent siècle à des prix AAAAARGL !...

(3)       Kjell Qvale est un businessman américano norvégien, gros distributeur Jaguar sur la côte Ouest des USA et promoteur de la Jensen Healey.

(4)       Peter Lindner ou son père ? Ce qui revient au même, on va pas pinailler…

(5)       « 49 FXN » redessinée par le Dr Samir Klat pour les 24 Heures du Mans 1964, certainement l’une des deux seules provenant d’une vraie « lightweight » originelle avec 4868WK. Beaucoup sont des « recréations », voire des copies plus ou moins serviles.

(6)       Peter Lindner avait fait monter sur sa voiture un moteur en aluminium dont la fiabilité était plutôt douteuse. Il semblerait que les moules utilisés pour la fabrication de ces moteurs légers, n’étaient rien d’autre que les moules standards, destinés à mouler de la fonte de fer. OUPS !........

(7)       Franco Patria était inscrit ai départ de ces 1000 km de Paris sur la Simca Abarth 2000 GT numéro 50 (rouge), mais il mourut dans la numéro 51 (bleu pâle). Ces voitures étaient, d’après les commentateurs de l’époque, des « GTO killers », mais elles cassaient comme du cristal. Il est donc possible que Franco Patria ait changé de monture en cours de course.

(8)       Le choumac, c’est le chaudronnier aéronautique, spécialiste du travail de l’aluminium et des alliages dérivés. Des gars capables de transformer une boite de conserve en avion de chasse !

 

Il se peut que cette note comporte des erreurs et des omissions. La vie d’une voiture de course est faite de modifications, de transformations telles qu’il m’est difficile d’en tirer un texte exhaustif, totalement précis et définitif. Je compte donc sur les lecteurs pour apporter les compléments d’information et les précisions qui s’imposent.

 

Petite anecdote marginale et amusante :

La présentation à la presse de la Type E se déroule en marge du Salon International de l’Automobile de Genève au restaurant du Parc des Eaux Vives.

Le coupé #885005 est exposé à l’intérieur du restaurant : impossible de faire un essai ! La veille de l’évènement, Sir William Lyons exige alors qu’un autre coupé soit mis à la disposition de la presse pour réaliser des essais routiers ! Un jeune attaché de presse, Bob Berry, quitte alors Coventry à 19 heures au volant de #885002 et fonce comme un fou furieux dans la nuit vers Genève, malgré la pluie et les bancs de brouillard ! ! ! Il y arrive à 11 heures 40, soit 20 minutes avant l’ouverture des festivités… Un fulgurant passage au garage Jaguar de Genève permettra de faire un nettoyage express de la voiture.

Il n’y a pas un seul mètre d’autoroute en France à cette époque, et Bob Berry a effectué le trajet à 110 km/h de moyenne ! ! ! ! !

 

Couv Autocar.jpg

19:50 Publié dans p.lindner, w.hansgen | Tags : jaguar e | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook | |

Commentaires

L'illustre type E notamment la version " lightweight " mérite ce rappel historique qui nous rafraîchit efficacement la mémoire.

Écrit par : F.Coeuret | 03 novembre 2022

Le 11 octobre 1964, je prends un autocar du réseau Citroën à la Porte d'Orléans pour aller jusqu'à la station "Pavillon Bleu" sise juste en face du raidillon qui monte jusqu'à l'Autodrome. J'ai 17 ans, donc pas de permis de conduire et encore moins de voiture, mais de bonnes jambes et les silhouettes du circuit, de l'anneau de vitesse et des tribunes apparaissent devant moi très rapidement.

Une longue file de voitures est bloquée le long du raidillon, tandis que des ambulances et autres voitures de gendarmerie dévalent la descente, klaxons deux tons hurlants...

Je me précipite sur la première des guitounes en béton panneautée "caisse" où efficient des dames emmitouflées et j'achète un billet. Trop tard, j'arrive trop tard...

Timide, je n'ose pas poser de questions et j'écoute les conversations autour de moi : "Ils sont tous morts... Jaguar contre Abarth... C'est le moteur de la Jag qui a explosé... Dérapage en face des stands...

Les jours suivants, les journaux annoncent les décès de Peter Lindner le pilote de la Jaguar, de Franco Patria le pilote de la Simca Abarth 2000GT, et des commissaires de piste Jean Pairard (le "P" des voitures de course VP), René Dumoulin et Roger Millot. On parle d'aquaplaning, mot étrange que j'entends pour la première fois, on parle de la Simca Abarth 2000 GT terreur des Ferrari GTO, mais qui casse comme du cristal et de "4868 WK", the fastest E Type ever, la plus rapide des type E jamais construites.

Écrit par : Raymond Jacques | 03 novembre 2022

Le texte ci-dessus est issu de celui paru dans le regretté feu "Mémoire des Stands". Je ne me souviens plus quand...................

Écrit par : Raymond Jacques | 06 novembre 2022

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