12 septembre 2023
Rolf Stommelen le frustré de la F1
Le pilote de Cologne, espoir germanique de la fin des années soixante débute en 1970 son parcours chaotique dans la formule reine. Dans son bagage quatre saisons d’endurance au sein de l’équipe Porsche. Engagé chez Brabham avec l’aide du magazine Auto Motor und Sport, il seconde le patron qui reprend du service après le départ de Jacky Ickx. Véloce, il réalise une première saison satisfaisante ponctuée de trois cinquièmes places et une troisième marche sur le podium.
François Coeuret
Destiné à courir
Né en juillet 1943 dans une famille dont les ancêtres étaient chevaliers de la noblesse rhénane, Rolf baigne tout jeune dans l’atmosphère de l’atelier de mécanique de son père. Ce dernier possède aussi une agence de location automobile. Le fiston préfère la mécanique plutôt que de suivre des études classiques supérieures. Après son apprentissage et l’obtention de son diplôme le paternel récompense Rolf en lui offrant à 19 ans une Porsche d’occasion. Le circuit proche du Nürburgring devient le terrain de jeu du jeune homme qui se familiarise avec le pilotage en louant des tours de roulage sur la fameuse piste. Attiré par la compétition il participe plus tard à des courses de côte sur sa Porsche 904 personnelle. Il est repéré par Huschke von Hanstein qui l’engage après sa première victoire. Le directeur du service course de Porsche a pressenti la naissance du brillant pilote qui manque à l’Allemagne. Stommelen vit ses premières saisons dans le giron du constructeur de Stuttgart. A l’orée de la saison 70 il se sent prêt à aborder la F1. Il trouve un volant chez Brabham. Ce fut sa meilleure saison dans la Formule reine.
Déconvenues en F1
Les suivantes seront loin de satisfaire ses espoirs. Stommelen va se fourvoyer au fil de ses engagements. Chez Surtees d’abord en 71. Un choix qui ne va pas se révéler propice, le pilote allemand est servi après le pilote constructeur dans cette jeune écurie. Changement de monture avec la structure Eifelland March en 72. La singulière March revue et modifiée par Luigi Colani se montrera peu compétitive. Ce mauvais aiguillage ne va pas servir la position du pilote rhénan. Stommelen dispute trois Grands Prix sur une Brabham privée de l’écurie MRD en 73(*), il ne se signale pas au sein de cette structure de second plan. Le pilote allemand retrouve une opportunité l’année suivante dans l’écurie Embassy-Hill qui engage deux Lola. Il remplace Guy Edwards blessé. Rolf signe à nouveau chez Hill et ses performances reprennent de l’éclat en 1975 notamment sur le châssis maison. Ainsi se retrouve-t-il en tête du GP d’Espagne quand son aileron arrière cède provoquant une spectaculaire et violente sortie de route. Des côtes cassées, une jambe et un bras fracturés, Il s’en sort avec la vie sauve alors que cinq spectateurs succombent heurtés par les débris de sa voiture.
(*) en français une bouse.
Ce tragique accident met quelque temps entre parenthèses la carrière de l’allemand. Il se remobilise après sa convalescence : « Mon attitude envers le sport automobile n’a pas changé et je continuerai à assumer les risques qu’il comporte ». Rolf reprend du service courant 76, fait des piges sur une Hesketh et au sein du Martini Racing au volant d’une Brabham, il marque un point en Allemagne. Après 1977 année vierge de Formule 1 pour lui, 1978 le relance alors que sa cote en F1 semble se rapprocher du zéro. Le sponsor Warsteiner lui assure un volant chez Arrows. L’année de la dernière chance qui va s’avérer décevante.
L’histoire de cette écurie naissante est singulière. Sans rentrer dans les détails on peut résumer ainsi : Jackie Oliver, Alan Rees et Tony Southgate associés auparavant à Don Nichols chez Shadow quittent l’écurie pour fonder Arrows. Southgate reprend ses plans de la dernière Shadow pour concevoir la première Arrows. Nichols entame une procédure pour plagiat. Au milieu de la saison Arrows doit restituer les monoplaces à Shadow. L’équipe avait anticipé cette décision en demandant à Southgate de construire une nouvelle Arrows dans des délais très rapides. Cette dernière fut beaucoup moins compétitive que le modèle précédent. La fin de saison fut désastreuse. Stommelen réalisa des performances inférieures à celles de Patrese et enregistra de nombreux abandons. On peut penser que l’italien bénéficia de toute l’attention de l’équipe ainsi que des meilleurs blocs Cosworth. Stommelen écœuré par ses résultats et la tournure des évènements renonça à la F1 en fin d’année.
Succès en endurance
Son parcours est assez similaire à celui de Henri Pescarolo qui en 70 fit une bonne première saison de F1. Le français à l’instar de l’allemand poursuivit un parcours erratique au fil des saisons dans cette discipline alors que l’endurance lui sourit. C’est dans ce domaine qu’avait débuté Stommelen après la côte. Il s’y distingue très vite, remporte la Targa Florio en 67, les 1000km de Paris et les 24H de Daytona en 68. Il s’adjuge le record du tour aux essais préliminaires du Mans 69. Le pilote allemand s’impose vite comme un sérieux client sur la piste. Il manifeste d’autre part un caractère enjoué et ouvert dans les paddocks, devient une figure incontournable des circuits. Il passe chez Alfa-Roméo en 70 avec moins de réussite que pendant la période Porsche. Il retrouve ses marques et le chemin des victoires chez le constructeur de Zuffenhausen en 76, il pilotera régulièrement dans l’équipe officielle ainsi que chez Barbour, Brumos, Kremer, Loos, Fitzpatrick ... Il remporte quatre fois les 24 Heures de Daytona pour la marque, deux fois les 1000 km du Nürburgring. Il gagne aussi les épreuves de Pergusa et Watkins Glen 1976, Mugello 77, Mosport et Road America 81. Une infidélité le mène cependant chez Lancia au Mans en 1982, sans succès.
Drame à Riverside
Alors qu’il songe à mettre un terme à sa carrière automobile il remplace Mass en avril 83 lors d’une course IMSA à Riverside sur une Porsche 935 « Moby Dick ». Très satisfait voire dopé psychologiquement par son meilleur temps des essais il part confiant le jour de la course qui va se révéler tragique. Rolf perd l’aileron arrière à pleine vitesse vers la mi-course. La même cause qu’en 1975 entraîne des conséquences beaucoup plus graves. Sa voiture heurte un mur et prend feu. Son décès est annoncé une heure après que les commissaires l’aient extrait de son habitacle. Destin contrarié, Rolf s’apprêtait à officialiser à 39 ans sa retraite prochaine comme il l’avait annoncé à sa femme.
Armoiries Stommelen sur le caveau familial au Melaten-Friedhof de Cologne
- Illustrations ©LAT, ©DR
09:04 Publié dans r.stommelen | Tags : rolf stommelen, porsche 917 | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook | |
Commentaires
Bonjour !
Merci et bravo pour cet article sur ce pilote singulier que j'ai vu courir dans l'Eifelland en 1972 avec son rétroviseur central ; par contre en 1973, la Brabham était celle initialement dévolue à de Adamich accidenté à Silverstone ; supportée par la Ceramica Pagnossin, c'était néanmoins une voiture d'usine engagée par Motor Racing Developments (MRD) au même titre que celles de Carlos Reutemann et Wilson Fittipaldi et c'est John Watson qui la pilota au Grand Prix des USA toujours avec le soutien de Pagnossin. Bien sportivement ! Philippe Vogel
Écrit par : Philippe VOGEL | 12 septembre 2023
Répondre à ce commentaireBonjour Philippe, merci pour ces précisions... Je me suis exprimé de façon péremptoire au sujet de la structure Ceramica Pagnossin MRD... Elle avait tout à fait sa place au sein du paysage F1 de l'époque, même si "privée de gloire" ! (D'autant que la Brabham 73 était une bonne voiture) .
Écrit par : F.Coeuret | 12 septembre 2023
Bonjour et merci pour le partage.
Écrit par : Daniel Robin | 12 septembre 2023
Répondre à ce commentaireStommelen à mes yeux restera indissociablement lié à la Porsche 917 première version, tellement dangereuse qu'aucun cador ne voulait s'y risquer. Sauf l'homme au casque rouge, une sorte de Stephan Bellof avant l'heure.
Lié étrangement aussi à des histoires d'ailerons. Les volets mobiles de la 917, l'aileron qui lâche sur l'Embassy-Hill, et pour finir la même scène sur la 935 "Moby Dick". Sans même parler de la March Colani...
Mais Dieu qu'il a marqué les esprits quand il a fait péter un chrono aux essais préliminaires du Mans. Ceux qui suivaient les courses en 69 s'en rappellent sûrement.
Il est toujours intéressant d'évoquer le parcours de quelques "seconds couteaux" (le terme n'étant aucunement péjoratif) .
Merci à François de l'avoir fait, et bien fait.
Écrit par : Francis Rainaut | 12 septembre 2023
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