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20 octobre 2023

Rencontres...

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C’était une époque bénie et à jamais disparue où les entreprises privilégiaient la promotion interne par rapport aux diplômes. J’ai 22 ans, des costards impeccables avec des cravates assorties et je m’exprime dans un français châtié (j’ai fait toute ma primaire en école libre catholique). Je n’ai que mon « certif » et mon BEPC en poche mais c’est largement suffisant comme bagage intellectuel à l’époque. Je suis recruté début juillet 1969 par une entreprise qui conçoit et fabrique des fixations mécaniques de sécurité pour l’automobile et l’aéronautique. Et le 9 juillet 1969, le pied de Neil Armstrong se pose sur la Lune, et il y laisse une empreinte quasiment éternelle…

Raymond Jacques


Je commence à un poste d’aide acheteur, puis réclamé par le directeur commercial, je deviens représentant « comptes divers ». Ensuite j’évolue vers des fonctions marketing et communication. Autour des fixations aéronautiques, gravite  un petit monde d’utilisateurs impliqués dans la compétition auto et moto. Voici divers interlocuteurs que j’ai côtoyés à ce titre de plus ou moins près et plus ou moins longtemps, de quelques dizaines de minutes à plusieurs années :

 

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Montlhéry, années 70. Georges Fougeray à gauche, casque blanc

 

Georges FOUGERAY (années 70/80)

Très récent champion pilote de moto à l’époque, nous nous sommes vus dans mon bureau à Suresnes. Pour faire quoi exactement ? Je ne me souviens pas. Ce dont je me rappelle, c’est qu’à l’époque, il venait d’être embauché chez Peugeot Cycles, et qu’il y avait du tirage entre sa société et Thierry Sabine à propos de l’Enduro du Touquet… Un homme très sympathique, sans « grosse tête ».

 

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André de CORTANZE (années 1980)

Pilote et ingénieur tout d’abord chez Alpine, dans les années 70/80 il s’intéresse à la moto et crée la plus spectaculaire de ses innovations, une nouvelle suspension avant sans fourche. Je réussis à lui faire cracher un rendez-vous et je le rencontre chez ELF dans un immeuble sur le port de Gennevilliers. Je lui propose une fourniture gratuite de toutes les pièces dont il aurait besoin contre une présence publicitaire sur les circuits. « Bofff, ouais, mais non. Peut-être un rappel sur le camion….. ». Ce Monsieur m’avait paru fatigué et quelque peu désenchanté… Quelqu’un me dit, tu sais, Cortanze, la moto, maintenant, il s’en fout un peu. Je me fais l’effet d’un marchand de Bibles arrivant à La Mecque…

 

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L'une des motos ELF, à poil !

 

 

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Max SARDOU (1980 – 1981)

Ingénieur mécanicien et aérodynamicien, il pressent l’utilisation que l’on peut faire de l’effet de sol en matière de compétition automobile. Colin CHAPMAN aussi. Après plusieurs contacts téléphoniques, Max SARDOU m’invite à venir voir sa voiture l’ARDEX S80 (Automobile, Recherche, Développement et EXpérimentation), au salon de la voiture de compétition à la porte de Versailles. Je vais le saluer sur son stand et je lui dis : « Elle a une sacrée gueule ! ». En fait, je me pense hypocritement qu’elle est vraiment moche, par trop cunéiforme, avec une sorte de trompe d’éléphant noire sortant du côté droit de la caisse : l’échappement. Sardou me dit de regarder sous la voiture, par l’arrière : il n’y a rien, rien qu’une sorte de tunnel. Lorsque je ressors de la découverte de ce vide, il me regarde avec un petit sourire en coin qui, je pense, trahissait une grande jubilation intérieure.

 

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Le moteur BMW M/88 à 6 cylindres 3.5 litres de 450 ch, trône en plein milieu de la voiture, dans l’habitacle, les pilotes devant s’immiscer entre lui et la porte : bain de vapeur et acouphènes assurés. Ce sont Messieurs Michel Lateste et Patrick Perrier, qu’y vont s’y coller. Sardou me dit qu’il aura (peut-être) Maurice Trintignant comme troisième pilote. Mais Pétoulet ne viendra pas : problème avec son sponsor, ou interdiction de piste par l’A.C.O., Pétoulet ayant plus de 60 ans. L’étrange voiture ne prendra pas le départ. A l’époque Max Sardou m’avait dit que le moteur avait cassé pendant les essais et qu’il n’avait pas de rechange comme peuvent en avoir les grosses équipes. En tous cas, la voiture figure parmi les éliminées non qualifiées… J’ai un peu révisé mon jugement esthétique sur l’Ardex, pas si laide que ça finalement, et qui était sans doute trop en avance sur son temps.

 

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La M63, première Alpine signée Marcel Hubert

 

Marcel HUBERT (année 1989 ou 1990)

Je l’ai rencontré un soir dans le garage d’Yves Courage au Mans. A cette époque il y avait là une concession Porsche et une structure Courage Compétition, qui y construisait les Cougar Porsche de course. Repéré très tôt par Jean Rédélé, Marcel Hubert dessinera toutes les Alpines de compétition à partir de 1963 y compris l’A442 vainqueur des 24 Heures du Mans 1978. Ce soir là, il prit le temps de m’expliquer l’écoulement des filets d’air sur la carrosserie de la Cougar. Un grand professionnel.

 

yves courage,jean rondeau

Yves EMILIENNE alias Yves COURAGE (de 1987 à 1992)

L’usine de la société dans laquelle je travaillais à cette époque-là possédait un siège social à Suresnes (92) où se trouvait mon poste et une usine à Saint-Cosme-en-Vairais (72). La proximité du Mans avait fait se rapprocher certaines entreprises de la région et les teams de compétition. En l’occurrence, mon employeur SIMMONDS S.A., consacrait un budget très important à la sous-traitance mécanique (gratuite…) pour Courage, sans compter les factures du CETIM (centre technique inter professionnel) réglées par l’entreprise pour des études destinées à Courage Compétition. 

Il en résultat une scission profonde du personnel entre les pro-Courage et ceux qui préféraient les actions sociales. Ils s’affrontaient volontiers verbalement dans les couloirs, parfois ça « chauffait » un peu. Pascal Emilienne, le frère d’Yves et en quelque sorte le directeur technique du team me dit un jour, « texto », « SIMMONDS nous usine toutes nos pièces mécaniques sauf celles des moteurs et des boites de vitesses. Si SIMMONDS n’était pas là, l’écurie COURAGE COMPETITION n’existerait certainement pas telle qu’elle est aujourd’hui ». Ite missa est !

 

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Cougar Porsche C20 3ème aux 24 Heures du Mans 1987 (Courage, Raphanel, Regout)

 

Un jour j’appris que le top management de l’usine allait organiser une invitation régionale, réservée aux « initiés ». Je vois mon directeur commercial et je lui propose d’inviter des clients importants à assister aux 24 Heures « de l’intérieur et tous frais payés ». Quelques jours plus tard, il revient d’un comité de direction et me dit « C’est OK pour les 24 Heures, c’est vous qui organisez ». Grâce à Yves Courage j’ai pu avoir une des loges qui surplombent les stands, celles de 1956, juste avant leur démolition. Mes « invités » étaient ravis.

 

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Et enfin un autre Sarthois Jean RONDEAU (1980)

Le SEUL pilote et constructeur ayant gagné les 24 heures au volant d’une voiture portant son nom ! Par l’intermédiaire d’un collègue régional, j’avais été invité à la tour ELF à la Défense pour la présentation à la presse des voitures qui allaient courir les 24 heures (et les gagner). Jean Rondeau fit un bref résumé de son aventure et il adressa les remercîments qu’il devait formuler à l’égard de ceux qui les méritaient…

Nous eûmes également droit à une allocution du sautillant ministre de la Jeunesse Sports, Jean-Pierre Soisson qui bondit sur le micro tel un diable sortant de sa boite.

 

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La Rondeau M379 vainqueur des 24 Heures 1980 (J. Rondeau – J.P. Jaussaud)

 

Jean Rondeau finit sa vie aussi tragiquement que stupidement le 27 décembre 1985. Il avait créé une usine de production de monoplaces de formule Ford, située en banlieue du Mans. C’est en se rendant dans son entreprise, arrivé au passage à niveau de Champagné, il croit avoir le temps de franchir l’obstacle, mais le rapide Paris Rennes percute sa Porsche… Il avait 39 ans.

J’ai rencontré deux fois Jean Rondeau, une fois chez Elf et une autre fois au Mans chez l’un de ses sponsors. A chaque fois, il m’a fait la même forte impression : le gars que rien ne peut arrêter, prêt à déplacer des montagnes avec une pelle à tarte…

 

yves courage,jean rondeau

Voilà ces hommes que j’ai rencontrés d’une manière souvent météorique et parfois sur le temps plus long. Ils m’ont tous impressionné, chacun à leur manière, presque un demi-siècle plus tard, je me souviens encore d’eux.

 

- Illustrations ©DR, ©Christian Vignon

Commentaires

Passionnantes rencontres à caractère mécanico-sportif... Bravo à Simmonds ( et Raymond au Marketing )pour avoir donné un sacré coup de main à la valeureuse équipe Courage.

Écrit par : F.Coeuret | 20 octobre 2023

Pour moi, les 24 Heures du Mans c'était la récréation, avec le Salon de l'Aéronautique du Bourget, autre "amusement professionnel". Pour Yves Courage, c'étaient 24 heures de stress intense...

Écrit par : Raymond Jacques | 23 octobre 2023

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