28 octobre 2012
En souvenir de Günnar, par Mario Andretti
Cela fait près de 35 ans que Günnar Nilsson a remporté sa seule et unique victoire en Grand Prix*. Pour évoquer sa personnalité et son souvenir, qui de mieux placé qu’une des légendes de la course automobile, Mario Andretti, ancien coéquipier de Günnar chez Lotus ?
*Zolder, 5 juin 1977
Par Mario Andretti (traduit par Francis Rainaut)
« Günnar était un esprit libre, un individu vraiment agréable dont il était facile d’être ami. Nous aimions bien ce mec, la famille aussi. Il est rare d’avoir un coéquipier avec qui vous passez pas mal de temps en dehors des week-ends de course. C’était quelqu’un qui comptait beaucoup pour nous, oui réellement, vraiment beaucoup.
Je me rappelle être allé en Suède… et avoir passé du bon temps avec lui là-bas. Bien sûr on devait effectuer des essais, mais étant sur place pour une semaine et demi, nous pouvions aussi vadrouiller et draguer un peu, en quelque sorte.
Il devint un véritable ami. Entre lui et Ronnie (Peterson) je vous laisse imaginer ! J’avais l’habitude de les appeler les « branleurs Suédois ! ». C’était une relation très affectueuse que nous avions ensemble. C’est juste incroyable que nous ayons perdu Günnar de cette façon là. C’est réellement … Bref c’est injuste.
Ce n’est pas très courant d’avoir ce type de relation avec votre coéquipier. Nous nous entendions très bien malgré notre différence d’âge. Je souhaitais vraiment qu’il réussisse. Je voulais intervenir et faire quelques ‘critiques’. Je me rappelle en avoir eu l’occasion au Japon, au Fuji en 1976. C’était pendant les essais. J’étais garé au bord du circuit et je le regardais tourner. Il brutalisait vraiment la voiture et perdait ainsi beaucoup de vitesse.
Je lui ai alors suggéré quelques ‘trucs’ et il gagna ainsi une demi seconde au tour. J’avais plus d’expérience qu’il pouvait en avoir et j’étais totalement prêt à lui en faire profiter. Je voulais juste l’aider à déployer ses ailes. Il y eut une discussion précise au sujet de sa venue à Indianapolis où je pourrais également l’aider. Je souhaitais qu’il essaie tout ça.
Günnar vint en Amérique et couru en IROC en 1978, et il le fit vraiment bien. Ce furent les trois dernières courses qu’il fit avant que la maladie ne prenne vraiment le dessus. J’estime qu’il avait incontestablement le talent pour réussir à Indianapolis, c’est sûr. Avant lui j’étais très copain avec Clay Regazzoni et c’est moi qui lui suggéra de venir à Indy, ce qu’il fit. Mais ce ne fût pas une grande réussite.
Avec Günnar cela commença à la fin de la saison ‘77. Il y avait quelque chose qui n’allait pas car il logeait ici dans ma maison de Nazareth et nous étions en train de voyager. Je crois que nous nous rendions au Japon. Et il ne se sentait pas bien. Nous ne savions pas quoi faire. C’est vraiment à ce moment-là que cela a commencé et tout-à-coup les choses se sont mises à s’accélérer. Il fut alors dépassé par tout cela en un temps relativement court.
Nous étions en 1978, et Ronnie était maintenant mon coéquipier. Günnar était malade, mais personne d’entre nous ne savait réellement à quel point. Puis ce fut l’ ’International Trophy race’ à Silverstone. Je suis sorti de la route très tôt, et j’ai alors décidé de partir et d’aller voir Günnar à l’hôpital. Le cancer avait pris le dessus. Il avait l’air si différent. Je fus anéanti de voir ça.
C’était un homme encore jeune, avec encore tellement à vivre, un grand avenir devant lui et le voir ainsi décliner. C’était… de toute évidence déchirant. Je veux dire que c’est la pire sensation que vous ne puissiez jamais avoir. Il était comme un membre de la famille. C’est une de ces profondes, profondes sensations… Les choses ne sont plus jamais les mêmes quand vous perdez cela.
Mon meilleur souvenir de Günnar ? J’en ai tellement. Quand nous devions courir aux US, il venait habiter dans ma maison et nous montions alors au lac – notre spot de ‘vacances’ si vous voulez. Il est situé à environ 70 miles de l’endroit où je vis et j’y ai tous mes jouets. Ronnie était là-bas, mon fils Michael également. Nous avions de motos – nous avons tout ce que vous pouvez imaginer comme sortes de choses pour vous amuser.
Michael, qui était encore un gamin, faisait des courses avec. Je courrais avec des engins à quatre roues. Nous allions faire du ski nautique et jouer au tennis. Notre objectif était juste de lui faire mordre la poussière vous savez. Vraiment de l’épuiser ! Nous avions ce genre de détentes. J’ai des photos de ces moments-là, tous ensembles.
C’était juste merveilleux d’être avec lui. J’ai également passé des moments très forts avec lui en Suède. Il faut que je vous raconte cela ! Je me rappelle quand nous y étions, bien sûr il avait sa BMW, et nous avions pas mal de verres dans le nez. Et les lois en Suède à ce sujet sont strictes, très strictes.
Pour en revenir à cette histoire, même si vous êtes passager vous êtes responsable, aussi j’ai estimé que j’avais bu quelques verres… mais que j’étais ok. Bon, je suis maintenant en train de conduire et là il est sorti de la voiture et s’est mis à marcher à coté de moi. Il ne voulait vraiment pas être pris dans la voiture ! Je me suis alors rangé sur le coté et nous avons trouvé une paire de bicyclettes et nous avons pédalé jusqu’à la maison pendant huit ou neuf miles. Il y avait des choses dingues comme celle-là. C’était juste trop drôle.
Il ne fait aucun doute que la fin de l’année 1978 fut pour moi une arme à double tranchant. J’ai répété cela plusieurs fois. Monza aurait dû être le plus beau jour de ma carrière mais je n’ai pas pu le fêter. J’étais Champion du Monde de Formule 1. Je me rappelle être en train de parler à ma femme sur le chemin de l’aéroport le lendemain de l’accident de Ronnie – et alors j’ai découvert qu’il avait succombé. J’étais tellement « Oh mon Dieu ». Nous allions célébrer ce titre ensemble et jamais, jamais plus évidemment, nous ne pourrions le faire. Cela a pris du temps. Cela mit longtemps à cicatriser, mais ce ne fût plus jamais pareil. Comme je l’ai déjà dis quand vous avez ce type de relation, vous savez cela fait un grand vide quand cela s’arrête.
Et quelques semaines après avoir perdu Ronnie, Günnar s’en allait à son tour. Ce fut vraiment quelques semaines très dures.
Mais il existe aussi la fondation de Günnar, pour laquelle il était vraiment engagé, ce qui a ramené beaucoup d’argent. C’est merveilleux. Cela montre bien combien d’amis il avait, et comment cela a touché le monde des sports mécaniques d’une manière très positive.
Deux grands amis, que je n’ai pas oublié. »
Merci à Mario Andretti.
Merci à Andy Hallbery pour son interview de Mario.
Merci au site http://www.motorsportretro.com/
Merci à « The Cahier Archive » pour les images additionnelles.
18:50 Publié dans g.nilsson, m.andretti | Tags : gunnar nilsson, mario andretti | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook | |