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20 octobre 2012

... c'est au moins Fangio qui est au volant ! (II)

jm.fangio,mike hawthorn

Durant les deux tours qui suivent son arrêt calamiteux au stand, Fangio s’attache consciencieusement à faire chauffer ses gommes Pirelli, sans vraiment chercher la performance. Il espère surtout que côté Ferrari, ces derniers comprennent que pour lui la victoire n’est plus une priorité, que désormais seule la troisième place compte, et qu’il a ainsi accepté  de laisser gagner les autres monoplaces rouges.

 

- Voir aussi: ...c'est au moins Fangio qui est au volant ! (I)


jm.fangio,mike hawthorn

Lors du 15e tour, on intime l’ordre aux pilotes Ferrari de baisser le rythme. Mais au 17e tour, Fangio passe la ligne et réalise une performance tellement incroyable qu’elle laisse tout le monde sans voix durant un court instant.

Comme il l’écrit lui-même dans ses mémoires (1), l'Argentin conduit comme un dément. «Je négociais chaque virage sur le rapport supérieur me disant à chaque fois que c'était une folie.»

En un seul tour, l’Argentin vient de reprendre 12 secondes sur les deux machines de Maranello, alors qu’il en comptait plus de 50 de retard au tour précédent !

17e tour : Fangio 9’28’’5 ; Hawthorn 9’41’’6
18e tour : Fangio 9’23’’4 ; Hawthorn 9’35’8

Fangio est alors à 14 secondes des deux Anglais et vient de boucler un tour à 145,7 km/h de moyenne quand la Scuderia Ferrari se décide enfin à réagir. Prévenus, Hawthorn et Collins haussent le rythme. Mais Fangio est déchaîné. À deux tours de l’arrivée, la Maserati rejoint les deux Ferrari.

La foule n’en croit  pas ses yeux ni ses oreilles quand le speaker lui annonce durant ce tour de jonction que le record du tour a été battu ! 9’17’’4 (147,3 km/h de moyenne).

19e tour : Fangio 9’21’’6 ; Hawthorn 9’38’’4
20e tour : Fangio 9’17’’4 ; Hawthorn 9’33’’5

L’Argentin, après avoir signé le meilleur temps, qui ne sera battu que bien plus tard par Jim Clark, déborde dans la foulée Collins qui ne se laisse pas faire pour autant. La lutte dure un moment. Se doublant et se redoublant, les deux hommes s’affrontent de manière chevaleresque, quand Fangio passe définitivement l’Anglais et sa Ferrari à la corde derrière le virage des stands, dans une manœuvre un peu musclée avec deux roues dans l’herbe et les deux autres sur la piste. Profitant de cette lutte, Hawthorn prends une centaine de mètres d’avance que l’Argentin comble très rapidement. Le pilote Maserati double finalement le futur champion du monde 1958 de manière franche et sans bavure lors du dernier tour.

Malgré leur volonté, les deux Anglais durent s’incliner lourdement face au futur quintuple champion du monde.

"Ça alors, mille tonnerres ! c'est au moins Fangio qui est au volant !"

jm.fangio,mike hawthorn

 

jm.fangio,mike hawthornLorsque le drapeau à damier s’abaisse devant le bolide de Fangio, les mécanos de la Scuderia de Modène sautent et s’embrassent sans retenue, le sourire aux lèvres. La foule hurle sa joie, et c’est porté en triomphe par le public que Juan Manuel Fangio, "El Chueco", s’en va recevoir la couronne de lauriers du vainqueur qui le récompense pour son exploit.

Mais ce que l'on retient aussi de ce 4 août 1957, ce sont les paroles de Fangio à sa descente de voiture. Epuisé nerveusement, il avoue: «Je pense que j'étais possédé aujourd'hui. J'ai fait des choses au volant que je n'avais jamais faites et je ne veux plus jamais conduire comme cela.»

Épilogue : En 1957, Fangio était intouchable et décida de se retirer de la F1 en fin d’année. Il fera pourtant deux courses en 1958. Le GP d’Argentine et le GP de France ou il avait débuté sa carrière en 1948 au volant d’une Gordini. Lors de ce même GP de France 1958, Hawthorn en lutte pour le titre mondial et en passe de remporter le Grand Prix, arrive derrière Fangio pour lui prendre un tour. Ce qu’il ne fit pas. Après la course, l’Anglais dira : " On ne prend pas un tour à Fangio". L’Argentin prendra définitivement sa retraite, à la plus grande satisfaction de sa femme Beba, pour s’occuper de ses affaires commerciales dans son pays.

Ses grands amis Musso et Collins, 2 authentiques champions eux aussi, trouvent la mort respectivement en Juillet et en Août de cette année-là.

 

jm.fangio,mike hawthornPost scriptum : En 1940, Fangio remporte sa première grande épreuve, le Gran Premio del Norte, une longue course harassante de deux semaines et de 9445 km entre Lima au Pérou et Buenos Aires en Argentine via la traversée de la cordillère des Andes par des cols qui culminent à plus de 4000 mètres. Ceux qui ont voyagé comme je l'ai fait de ce coté-ci de l’Amérique Latine mesurent d’autant mieux la valeur de cette performance.

 

 Francis Rainaut

 

jm.fangio,mike hawthorn

(1) Fangio, Ma vie à 300 à l'heure, Plon, 1961, 300 pp.

1. FANGIO G.P Allemagne 1957©François Blaise

2. FANGIO G.P Allemagne 1957©DR

3. FANGIO 1er, Hawthorn 2e G.P Allemagne 1957©François Blaise

4. Autographe El Chueco©Francis Rainaut

5. Maserati 250F Age d'or 2007©Francis Rainaut

Commentaires

Si mes souvenirs sont bons, j'ai lu jadis un article consacré à Gunnar Nilsson sur feu Mémoire des Stands...

Écrit par : Linas27 | 22 septembre 2012

Merci Francis Rainaut pour ce rappel de la carrière de Fangio. J'ai particulièrement apprécié les photos couleurs rares de François Blaise et l'allusion au monde d'Hergé.
La vignette en haut à gauche avec un Gunnar Nilsson au sommet de sa forme présage d'un prochain article?

Écrit par : JP Squadra | 20 octobre 2012

Hélas JP - et Bonjour - c'était aujourd'hui l'anniversaire du décès de Günnar qui, nous le savons tous, ne s'est pas tué sur un circuit.
Mais il y a sûrement de quoi écrire sur cette période qui vit un peu la renaissance du "Team Lotus"; j'ai conservé longtemps une maquette Tamyia de la Lotus 78 qui était un peu mon chef d’œuvre dans le genre, c'est vous dire si je la connais bien.

Écrit par : MSo | 20 octobre 2012

La volonté de certains "ex intervenants" souhaitant poursuivre la démarche de Patrice Vatan est fort louable. Elle se traduit par un éclatement de la formule qui faisait unanimité : "Classic courses", "Mémory that stands out" ( c'est honnête d'avoir supprimé la première formule conservant les mots "mémoire des stands"), peut-être d'autres...Merci à ceux qui s'attellent à la tâche! Pour les nostalgiques : beaucoup d'articles MdS sont encore présents dans la sphère cybernétique comme s'ils ne pouvaient disparaître à jamais : on en retrouve une bonne quantité sur le site globedia [recherche : Mémoire des stands].

Écrit par : Linas27 | 23 octobre 2012

Je découvre ce site par cette note. Beau récit sur ce qui reste certainement une des plus belles courses de Formule 1.
Une petite pique (amicale) de quelqu'un qui n'a jamais eu d'autre note que 0 en dictée : pour esquisser une suite de MdS, et prendre le titre mérité de TTCB, il faut bannir toutes formes de fautes d'orthographe, de grammaire et de syntaxe. Dans le septième paragraphe de cette deuxième partie, je pense que "la foule n'en croit pas SES yeux ni SES oreilles..."
Ce détail n'enlève bien sûr rien à la qualité du récit.
Bon courage pour ce blog.
P.S : en 5 ans, j'avais tout de même pris une fois en défaut Patrice (vexé!).

Écrit par : Christian Burdet | 24 octobre 2012

Merci Christian pour vos encouragements et aussi votre première contribution à "Memory that Stands out" ! Je copierai 30 fois ...

Écrit par : MSo | 24 octobre 2012

Une jolie piqûre de rappel avec ce beau texte sur cette course mémorable avec, cerise sur le château, (on est au Nürburgring !) deux photos magnifiques de François Blaise. Longue vie à MSo...

Écrit par : Marc Ostermann | 09 octobre 2014

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