22 octobre 2014
1966' Grand Prix movie - 2 - Charade
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« ...Notre réputation est basée sur la recherche de la perfection, du plus haut degré de qualité.
Je n’hésite pas à jouer cette réputation à tous les coups, parce que j’ai personnellement une foi absolue dans chaque modèle que je laisse sortir de mon usine, mais je ne veux pas la risquer sur un pilote dans lequel je ne peux pas avoir une confiance totale.
Il y a moins d’une trentaine de pilotes dans le monde vraiment qualifiés pour conduire en Formule 1 et peut-être une demi-douzaine à peine, pour gagner.
Et en ce moment, j’ai de bonnes raisons de penser que tu n’en fais pas partie... »
- Voir aussi: 1966' Grand Prix movie - Ouverture
- Voir aussi: 1966' Grand Prix movie - 1 - Monaco
par Francis Rainaut
Après Monaco (et Spa), le cirque de la Formule 1 se déplace en France, à Reims. Oui, mais pas Frankenheimer, qui n’y est pas autorisé, on ne sait pour quelles obscures raisons. Il imagine à la place une épreuve fictive avant la Belgique sur le magnifique circuit de Charade, non loin de Clermont-Ferrand.
Sauf que du circuit, on ne voit que peu d’images et c’est là un des rares reproches que l’on puisse faire à cette super production (1). On a droit en revanche a des split-screen stylisés qui passent aujourd'hui comme étant un tout petit peu « out ».
Le réalisateur concentre dans l'épisode français beaucoup de scènes sentimentales sans lesquelles un grand film de courses risquerait d'être confondu avec un documentaire au service des aficionados...
A la fin de l'épisode précédent, Jean-Pierre Sarti a rencontré la journaliste Louise Frederickson, américaine et distinguée, dont on pressent assez vite qu'elle pourrait le pousser vers une retraite méritée. Son coéquipier le jeune Barlini ramène d'une virée nocturne dans un bar yé-yé la ravissante Lisa, nouvelle égérie des paddocks résolument « in », c'est ce que doit penser l'ami Jochen assis sur le tarmac, du moins si c'est bien lui. La délicieuse Pat Stoddard prend ses distances avec la course, mais surtout avec le pauvre Scott hospitalisé près des siens.
Eh bien, puisqu’il n’y a pas de véritable course, savourons donc ces à-côtés.
Pour nous mettre l’eau à la bouche, le site de l’INA nous propose quelques séquences du tournage du film sur le circuit des Montagnes d’Auvergne.
The “Yeh-Yeh girl” from Paris
En France on ne la sait pas encore, mais Françoise Hardy est une véritable icône dans le monde anglo-saxon. « Baby Face » Hardy fut un peu comme une mélancolique bouffée d’air frais dans ces sixties vouées au « sex, drugs & rock ‘n’ roll ». Mystérieuse, doucement naïve, et complètement désirable. Elle fut adorée par Bob Dylan, Nick Drake, Mick Jagger, David Bowie, et d’autres encore. Les images incroyables de Françoise, spécialement celles faites par Jean-Marie Périer (qui fit des clichés de sa belle dans des tenues de Dior, Yves Saint Laurent, André Courrèges, et Paco Rabanne), firent instantanément d’elle une icône intemporelle du style. Avec son regard lointain et son sourire désinvolte, elle est comme un rêve mélancolique d’où vous ne voulez pas sortir. Ce qui n’échappa pas à Frankenheimer qui l’incorpora sans hésiter dans sa distribution, même dépourvue de presque toute expérience cinématographique. Le résultat est laissé à l'appréciation de chacun, mais Françoise reste une icône et on ne déboulonne pas une icône.
En écho peut-d'être à Anna Karina dans « Pierrot le Fou » (2), Lisa répond à Nino la première fois qu'il la la drague :
- Je ne danse pas, ... je ne bois pas, ... je ne fume pas...
Sans s'en douter, elle tient sans doute là sa meilleure réplique dans le film. Audiard saura s'en rappeler.
Visite des usines Ferrari à Maranello
Nous l'avions croisé dans « l' Homme de Rio » mais aussi dans « Opération Tonnerre » sous les traits d'Emilio Largo, cette fois Agostini Manetta est bien le Numéro 1 de la firme qu'il a fondé, Manetta-Ferrari.
Au passage on notera que le « Commendatore » est le seul personnage présent à la fois dans Rush et dans Grand Prix. Et si l'on peut grâce aux caméras visiter religieusement ce temple qu'est Maranello, c'est bien parce qu'il a voulu qu'il en soit ainsi.
« Monsieur » Yamura
On commençait à s’assoupir entre la pêche à la ligne et la promenade en pédalo, Monsieur Yamura va se charger de mettre un peu de piment dans l'action. Il nous rappelle qu'ancien pilote de chasse, il a abattu pas moins de dix-sept avions américains durant la seconde guerre mondiale... La suite, nous l'avons laissée en anglais, plus facile à comprendre que le japonais.
Izo Yamura : Some years ago, when I decided to race cars, I tried to buy the Jordan-BRM company.
Pete Aron : Oh yes, I had heard that.
IY : Impatience on my part. I also manufacture radios and sewing machines. In order to save time, I wanted a proven product. That was not to be, however. Racing cars are not merely another product. They require great attention if any success is to be hoped for.
PA : Then that's why you're here.
IY : I have been racing my cars in Formula One for two years, and have yet to win my first Grand Prix. I intend to win, by whatever means are open to me.
PA : That's the right attitude. All you have to do is go fast enough and long enough.
IY : And with the best drivers! Do you want a job with me?
PA : Driving?
IY : Driving, of course.
PA : Who are you dumping?
IY : Dumping?
PA : Ah, which one of your drivers are you getting rid of?
IY : Neither one. I am entering a third car.
PA : That'll be expensive.
IY : Yes.
PA : You've got a driver.
IY : My racing headquarters is at Silverstone, in England. Can you be there next week?
PA : Yes, sir.
IY : We must begin to think about - Spa!
PA : Next week, then.
IY : By the way, you are a terrible broadcaster!
IY : Oh, Mr. Aron, if giving you the job would have meant firing one of the other drivers, would you still have taken it?
PA : ...
IY : Good!
Bernard et Paul-Henri Cahier
Très présent lors du tournage, Bernard Cahier est davantage qu’un trait d’union entre les Etats-Unis et la France. Les nombreuses images qu’il a laissé, entres autres celles prises sur Grand Prix, ont la même qualité sophistiquée que la pellicule du film. A Charade nous découvrons des photos du jeune Paul-Henri qui prendra avec talent le relais de son père, qu’il me soit permis ici de les saluer et/ou de leur rendre hommage, c’est bien le moins que nous leur devons.
Grand Prix vs Shakespeare : Henri IV 1ère partie acte III scene 1
Dans la scène le la réception après sa victoire à Monaco, Hugo avance que Sarti peut désormais parler aux rois, à quoi ce dernier réponds que n’importe quel homme peut en faire autant, mais est-ce que les rois l'écouteront ?
C’est une citation d’un dialogue tiré de la pièce Henri IV de Shakespeare :
- Glendower : Je puis appeler les esprits du fond de l'abîme.
- Hotspur : Et moi aussi je le peux, et il n'y a pas un homme qui ne le puisse, mais viendront-ils quand vous les appellerez ?
Steve McQueen et Grand Prix
Si vous êtes comme moi, vous regardez Grand Prix et pensez immédiatement « 1966… courses d’autos… ou diable est donc McQueen ? ». Steve McQueen était bien sûr le choix initial des studios mais aussi du directeur pour jouer le rôle de Pete Aron. Comme le raconte Frankenheimer dans les bonus du DVD, McQueen était intéressé (ce qui n’est pas une vraie surprise) jusqu’à ce qu’il rencontre le coproducteur Edward Lewis (Spartacus) pour parler du projet. Pour des questions d’emploi du temps Frankenheimer ne put en effet assister à la rencontre et donc il envoya Lewis à sa place.
Nous ne saurons jamais ce qui se serait passé s’il y avait été lui-même, mais nous savons aujourd’hui ce qui est arrivé : McQueen détesta tout de suite Lewis, qui en retour le détesta tout aussi vite ; il ne participa pas au film ; et dans son obstination, il fit une affaire personnelle de faire son propre film de course, qui en définitive aboutit à la débâcle de Le Mans.
D'après Robert Relyea, qui travailla pour la Solar Productions de McQueen, Steve n'adressa plus la parole à Garner pendant près de deux ans.
Neile McQueen nous a donné également son propre récit de Steve apprenant le choix de Garner :
« Chéri, viens maintenant, sois raisonnable, » suppliais-je. « Je déteste avoir à te dire cela, mais tu exagères. Regarde. On t’avait demandé de faire le film, mais tu n’as pas voulu. Jim est un acteur. Tu ne peux pas lui en vouloir d’avoir accepté un rôle que quelqu’un allait prendre. Je veux dire, ça aurait aussi bien pu être Paul Newman ou Jim Coburn. Les producteurs devaient bien évidemment opter pour un grand nom. Il n’y a pas d’embrouilles. Ils n’allaient pas donner le film à un quelconque inconnu uniquement parce que ces stars sont tes amis ! Chéri, tu comprends ce que je veux dire, n’est-ce pas ? »
Quant à la distribution idéale pour Grand Prix, outre Steve McQueen dans le rôle de Pete Aron, j'aurais personellement bien vu Maurice Ronet dans celui de Jean-Pierre Sarti, un autre comédien que Maurice Sarfati pour la voix française de Nino Barlini, et peut-être bien Jacqueline Bisset pour interpréter Louise Frederickson.
Mais en attendant, vivement une véritable course, la prochaine a justement pour décor le Toboggan des Ardennes !
(1) J'ai du patienter 3 ans pour découvrir ce « Nürburgring» français.
(2) Qu'est ce que je peux faire, j'sais pas quoi faire... 1965 « Pierrot le Fou » de Jean-Luc Godard.
- Photo 1b ©The Cahier Archive, Grand Prix de l'A.C.F. 1966 à Reims
- Photo 8, 8b (Amon, Cooper Reims), 9, 9b ©The Cahier Archive
- Autres photos ©D.R
19:56 Publié dans jp.sarti, s.mcqueen | Tags : steve mcqueen, jp sarti | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook | |
Commentaires
"Si pour engager une troisième voiture, j'aurais du licencier un de mes pilotes, auriez vous accepter?"
... Silence. Mais pas du regard...
"Quand il se passe quelques chose comme ça, je mets le pied au planché. Parce que je sais. Je sais que les autres le lèveront"
Écrit par : Bruno | 23 octobre 2014
Répondre à ce commentaireBravo et merci pour ce super "papier" ... J'adore l'interview de Montand... 8h par jour pendant 15 jours chez Jim Russell ! Je ne savais pas que la production était allée jusque -là !
Beaucoup d'infos inédites comme toujours sur ce film. C'est vrai que Montand était peut-être un poil trop vieux pour le rôle, mais ça ne choque pas. Et puis la production voulait du lourd...
J'aimais beaucoup Adolfo Celi et je trouve que le rôle du Commendatore lui va comme un gant !
Écrit par : Marc Ostermann | 27 octobre 2014
Répondre à ce commentaireLes scènes d'entre-courses, les chamailleries de couple et les rivalités bidons sont assez pathétiques. Il reste heureusement les scènes de courses, les briefings et les voitures, d'une valeur documentaire inestimable et, aussi, Françoise Hardy, dont on a oublié à quel point elle était canon.
Bob Dylan l'avait bien remarqué, lui.
Écrit par : ferdinand | 28 novembre 2014
Répondre à ce commentaireTristesse aujourd'hui avec la disparition de Françoise Hardy, elle qui enchanta nos surboums du début des '60 et bien d'autres moments...
Les acteurs de "Grand Prix" quittent la piste les uns après les autres. Il faut nous y faire, mais on a quand même beaucoup de mal.
Écrit par : Francis Rainaut | 12 juin 2024
Répondre à ce commentaireTriste adieu. L'existence est injuste, comment la maladie a-t-elle pu faire souffrir à ce point Françoise, un esprit, une voix, une beauté si pure.
Écrit par : F.Coeuret | 13 juin 2024
Répondre à ce commentaireCompliments pour l'encadré de Françoise Hardy dans une monoplace, mais cela ne ne fait qu"aviver cette "maudite" nostalgie des premières années 60 avec la découverte de ce monde fantastique de la course automobile (aujourd'hui hélas bien révolu) A ces émotions se mêlaient celles des premiers tourments sentimentaux que décrivait si joliment la douce et belle Françoise . Et oui, c'était le temps des copains, le temps de l'amour et de l'insouciance....
Écrit par : Albert | 01 juillet 2024
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