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02 janvier 2017

All You Need Is Love

john love,pedro rodriguez

Lundi 2 janvier 1967. Si l’on compte bien, ça doit tout juste faire cinquante ans.

Un diable de Rhodésien au volant d'une Cooper-Climax sortie d'on ne sait où s'apprête à remporter le Grand Prix d'Afrique du Sud, en ouverture du championnat du monde à Kyalami. Celui-là, il ne va quand même pas nous refaire le coup de Black Jack en 66, avec son Repco à deux balles, pardon, à deux soupapes par cylindre ! Il ne reste que six tours à parcourir, et deux Cooper sont alors en tête...

signé Francis Rainaut


john love,pedro rodriguez

 

Who’s that guy ?

Mais découvrons un peu qui est John Love, un type né à Bulawayo, Rhodésie du Sud, pays devenu aujourd'hui le Zimbabwe.

Pour ceux qui auraient un peu de mal avec la géographie, Bulawayo se trouve au milieu des terres, quelque part entre les chutes Victoria – sur le Zambèze – et Kyalami en Afrique du Sud.  Le nom de Rhodésie venait de Cecil Rhodes, homme d’affaires britannique fondateur entre autres de la British South Africa Company, chargé de la mise en valeur de ces terres situées au nord du Transvaal et archétype du colonialiste anglais. Mais là n’est pas le sujet.

Simple employé municipal, John s’engage dans la la la 6e division blindée sud-africaine qui opère au Moyen-Orient et en Italie vers la fin de la seconde guerre mondiale. Il n’a pas encore vingt ans, c’est là qu’il apprend à conduire des chars, mais aussi des motos.

john love,pedro rodriguez
Monza, 1945. 6th Armoured Division

 

Rentré dans son pays, il se lie d’amitié avec un compatriote, l’ami Jim Redman, et participe avec lui à de nombreuses compétitions de motos, avant de lui revendre son matériel. Mais lorsque Redman retourne en Europe pour piloter des Honda d’usine, Love lui reste en Afrique et se reconvertit dans la course automobile.

 

john love,pedro rodriguez
 Salisbury, April 1956. John Love #24

 

Love débute en Racer 500 déjà sur Cooper, d’abord une MkIII Jap, ensuite une MkV Norton, et ne tarde pas à enchainer les succès. Tant et si bien qu’on le retrouve en Europe au début des années soixante en formule junior chez « Uncle Ken » Tyrrell, ce qui fait un 2e point commun avec JPB. Love remporte de nombreuses victoires en 62 au volant de sa Cooper T59 ainsi qu’avec une Mini-Cooper dans les courses de tourisme. Arrive la fin de saison sur le circuit Albi. En tentant d’éviter Tony Maggs, John traverse une barrière et se blesse assez salement au bras gauche. Il subit des greffes osseuses et ne recouvrera jamais entièrement l’usage de son bras, ce qui fait un dernier point commun avec notre Beltoise national.

 

john love,pedro rodriguez

 

For your Love

Revenons maintenant à Kyalami, à l'orée de la saison 1967. Comme souvent en Afrique du Sud, ce Grand Prix représente plus une suite de la saison passée que le véritable début de la nouvelle saison. Du reste la Scuderia, en proie à une énième réorganisation interne, n'a pas jugé utile de faire le déplacement, de même que le team McLaren. Tout le monde s'attend à une domination Brabham, on sait les Lotus-BRM H16 fragiles et les Cooper-Maserati trop lourdes. Quant aux BRM et autres Honda... Quatre pilotes locaux sont inscrits, tous motorisés par le  « vieux » Climax 2,7 litres. Il s'agit de John Love sur Brabham, de Dave Charlton et Luki Botha sur Brabham, et de Sam Tingle sur LDS, copie de Brabham. Personne ne leur accorde la moindre chance, ils sont là pour faire le nombre. C'est du moins ce que tout le monde pense.

La première ligne des qualifications est tout sauf une surprise, puisqu'on y retrouve les duettistes Brabham et Hulme. La seconde ligne est partagée par Jim Clark et Pedro Rodriguez qui montre déjà le bout de son nez même s'il semble minuscule à bord de sa Cooper qui parait d'autant plus ventrue que sa proue a été raccourcie dans le but de mieux refroidir l'ensemble. Et ensuite ? Ensuite apparait John Love le Rhodésien, qui conduit sa vieille Cooper ex-Tasman 65 rachetée à l'ami Bruce McLaren. Il se permet quand même de devancer à la régulière des pointures telles que Jackie Stewart, Jochen Rindt, John Surtees et autres Graham Hill.

Les plus initiés se rappellent alors que le Rhodésien a quand même écrasé la concurrence dans le championnat sud-africain avec treize succès en quatorze courses en 1965, suivis de sept victoires en 1966.

 

john love,pedro rodriguez
 Surtees, Kyalami 67. Courtesy f1fanatic.co.uk ©Honda

 

Love is all you need...

Le circuit de Kyalami présente des caractéristiques particulières, haute altitude (1800 m) et forte chaleur. La technique en 1967 est moins bien maîtrisée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Donc dans cette course tout est possible. On en a vite confirmation dès le 2e tour où un premier H16 - celui de Stewart - rend l'âme suivi peu de temps après par un 2e, celui de la Lotus de Clark cette fois-ci. Et de deux !

Les vénérables blocs Maserati ne valent guère mieux, ne parlons pas de la boîte de vitesse de Rodriguez où seuls les 3e et 5e fonctionnent à peu près. Pour le moment John Love bataille avec Dan Gurney pour la troisième place, pas mal du tout pour un local ! La Honda de Surtees suit non loin derrière, elle non plus on ne l'attendait à pareille fête.

Et ce n'est pas fini, les Brabham elles-mêmes connaissent leur lot d'ennuis, celle du patron a des soucis de carburation et celle de Hulme de sérieux ennuis de freins.

Résultat, à 20 tours de l'arrivée, c'est notre motard rhodésien que l'on voit pointer en tête, et de façon assez nette encore. Imaginez la chose aujourd'hui, non cela est impossible, ça n'arrive que dans les bonnes bandes dessinées belges. Love se défend des attaques de Rodriguez qui le suit au volant d'une monture affaiblie, mais à ce point de l'histoire, quelques précisions s'imposent.

En ce temps-là, les pilotes étaient de vrais sportifs, ils partageaient tous plus ou moins la même éthique.

Lors des essais, l'écurie Rob Walker qui engage Jo Siffert sur une Cooper-Maserati rencontre quelques soucis. Des soucis de pompe à essence pour être tout à fait précis. Qu'à cela ne tienne, solidarité de paddock oblige, John Love va prêter une seconde pompe à essence qu'il a en réserve à l'écurie Walker. Pièce qui devait initialement être montée sur sa Cooper-Climax... Fin de la parenthèse.

john love,pedro rodriguez

 

Love, Love, Love !

L'arrivée se profile, il ne reste que sept tours. Love contient toujours Rodriguez, mais petit à petit, le Climax se met à hoqueter, d'abord un peu, ensuite beaucoup plus franchement. Rappelons qu'initialement destinée aux courses tasmanes, dont la distance est plus courte, la Cooper T79 s'est ensuite vue greffée d'un réservoir supplémentaire, visible sur le coté droit, lui permettant en théorie de tenir la distance d'un Grand Prix. Et donc John Love a calculé trop juste !

Le Rhodésien se précipite alors dans les stands, où 2 gallons d'essence - deux gallons ! - furent versés dans le réservoir. Doug Serrurier lui-même était à la manœuvre. Juste le temps de voir passer Pedro Rodriguez, qui n'en demandait pas tant. John Love finira tout de même second, son meilleur, et son pire ! résultat en formule 1. Quant à Pedro, au talent jusqu'alors mésestimé, il avait tout sauf volé sa victoire. L'histoire lui rendra justice, avant qu'une - stupide - course ne nous l'enlève.

A la fin de l'épreuve, il restait suffisamment d'essence dans les réservoirs de Love. C'est la pompe à essence - de remplacement - qui donnait plutôt des signes de fatigue. La vie est ainsi faite.

john love,pedro rodriguez
Décembre 1967. Lancement du Team Gunston

 

Epilogue

Pour l'ex-glorieuse équipe Cooper, ce fut le champ du cygne. Plus jamais on ne la reverra sur un podium de Formule Un. Le moteur Maserati signa lui aussi son ultime succès. Quant aux moteurs Climax, on n'en entendit quasiment plus parler.

John Love, lui, hormis de nombreux succès dans des courses annexes, entrera à jamais dans l'histoire comme étant le premier pilote a avoir engagé une F1 sponsorisée par un cigarettier. Cela se passait début 1968, il s'agissait d'une BT20 rachetée à l'écurie Brabham ainsi que d'une LDS-Repco (1) pour Sam Tingle.

En 1967 l'année qui nous occupe, il fut demandé aux célèbres Beatles de composer et d'interpréter en direct une chanson à l'occasion de la première diffusion d'une émission en mondovision. Je vous laisse deviner le titre de la chanson, chanson qui effectivement fera le tour du monde.

Et  tout cela s'est passé il y a très exactement cinquante ans...

 

(1) LDS étant les initiales de Louis Douglas Serrurier, pilote constructeur sud-africain d'ascendance française.

 

Et comme la période des vœux est désormais ouverte, j'en profite pour souhaiter à tous nos lecteurs et lectrices une bonne et heureuse année 2017 !

 

john love,pedro rodriguez

 

john love,pedro rodriguez
Jim Redman, Honda RC181

  - Illustrations ©DR

Commentaires

Merci pour ce compte rendu, que j'avais du lire à l'époque sur un Sport Auto, ou un Automobile, à moins que ce ne soit au détour d'un Virage.

Les meilleurs choses à tous pour 2000dixsept.

Écrit par : Bruno | 02 janvier 2017

très intéressant et si bien raconté

Écrit par : jean-claude | 02 janvier 2017

Encore une bien belle histoire, merci !
Meilleurs vœux à Francis et à tous ses lecteurs.

Écrit par : J.P. Squadra | 02 janvier 2017

Une belle histoire -une de plus Francis -qui nous ramène loin en arrière mais qui reste pourtant si présente en témoin d'une merveilleuse époque de sport automobile
Merci !

Écrit par : Koenig | 02 janvier 2017

Merci de nous avoir rappelé et si bien raconté ce bel épisode !

Écrit par : Marc Ostermann | 02 janvier 2017

Une belle histoire qui rendait la F.1 d'alors passionnante à suivre. Merci Francis.
Tu devrais,d'ailleurs,nous en raconter plus !
Meilleurs voeux.

Écrit par : Michel Lovaty | 02 janvier 2017

très belle histoire ,bien raconté .

Écrit par : Robin Daniel | 03 janvier 2017

Les commentaires sont fermés.