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15 décembre 2016

Rega

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Clay Regazzoni ©TenTenths

 

Dix ans aujourd’hui que « Rega » (1) nous a quitté, dans ce p***in d’accident de la route près de Parme en Italie, quelques jours à peine avant Noël.

Dix ans et pourtant c'est comme s'il était encore avec nous, pour nous influer encore un peu de son courage, de sa joie de vivre et de sa pêche.

Ciao Clay ! Grazie di tutto.

par Francis Rainaut

(1)  Gianclaudio « Clay » Regazzoni, 1939-2006


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Clay Regazzoni, Silvio Moser ©DR

 

Deux images de Rega me reviennent aujourd'hui spontanément à l’esprit.

La première vers la fin de l’été 1970.

- C’est qui ce Regazzoni, un italien ?

- Non, un suisse, ou plutôt un tessinois, donc presque un italien.

- On dit qu’il a un pilotage un peu « viril ».

- C'est vrai, il a été impliqué dans un sale accident dans lequel l’anglais Chris Lambert y est resté, mais on n'était pas là pour voir, et puis comme par hasard c'est les media anglais qui disent cela... (2)

Ce jour-là, on devait être à Monza, et pour clore ce triste week-end il fallait un vainqueur, ce fut ce ‘Rega’ qui brûlait ainsi toutes les politesses et décrochait la victoire dès son 5e Grand Prix. Chris ou Jean-Pierre n’avaient donc plus qu’à attendre, sans même parler de François…

On apprit plus tard que le tessinois, fils de carrossier auto, mais plutôt porté sur le football (3), s’était à 24 ans tardivement pris de passion pour le sport automobile, via la fréquentation d’un copain de Lugano, Silvio Moser.

Rega débute avec de petites anglaises, à l’assaut… de quelques courses de côte.  Peu de temps après il effectue un stage sur le circuit de Montlhéry au sein d’une école de pilotage suisse, juste le temps d’obtenir une licence l’autorisant à conduire des monoplaces. Débuts en formule 3 en 1965 au volant d’une misérable – et rétive – de Tomaso.

1966 avec l’ami Silvio au volant de brabham F2 et F3 est déjà plus remarquable, mais se termine par un gros crash en finale F3 à Monza.

clay regazzoni,silvio moser
 GB 1979. Regazzoni, de Graffenried ©CahierArchive

 

La seconde image, c’est la joie qui illuminait le visage de Clay tout en haut du podium de Silverstone en 1979, alors qu’il venait d’offrir à celui qui n’était pas encore « Sir » Frank Williams sa toute première victoire, juste dix ans après les débuts de l’anglais dans la catégorie reine.

Clay prenait ainsi sa revanche sur tout le gotha de la formule 1 qui s’était dépêché de l’enterrer après ses quelques saisons au volant de montures de seconde catégorie.

Mais avant cela il faut rappeler les débuts de l’épopée avec Tecno, des passionnés venus du kart avec qui il s’empara du championnat d’Europe F2, domaine qui était devenu petit à petit la chasse gardée des Matra-boys.

clay regazzoni,silvio moser,niki lauda

Epopée qui faillit se terminer de façon irrémédiable à Monaco en formule 3, où le tessinois traversa littéralement un rail, ce qui dut coûter cher en cierges offert à Sainte Dévote, et Dieu sait si ceux-là étaient mérités.

La suite est un peu mieux connue, Clay fait ses débuts en F1 à Zandvoort chez Ferrari, en alternance avec Ignazio Giunti. Des débuts brillants – 4e place – dans un contexte tragique, avec la disparition de Piers Courage. Suivent une nouvelle 4e place, un abandon, enfin une seconde place à Zeltweg, « Rega » commence à se faire un nom.

 

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 RoC 1971©Gerald Swan

 

Après de tels débuts, les deux années qui suivent sembleront un peu ternes, excepté une victoire à la Race of Champions en 1971. Il renoue même avec le style un peu « brouillon » de ses débuts, détruisant un nombre conséquent de châssis, tant en F1 qu'en Protos avec les 312 PB.

A la fin de l’année 1972, « Big Lou », l’imposant patron de B.R.M., parvient à le recruter en arguant qu’il possède la voiture qui peut gagner le championnat. La fine équipe débute sur les chapeaux de roue à Buenos Aires, lors du premier GP de la saison : pole position, 28 tours en tête et, …pfuittt. Clay répliquera plus tard à Louis Stanley « Tu m’as bien baisé avec ton championnat ! alors combien tu me payes ? ».  Mais il fait aussi cette année-là plus ample connaissance avec son coéquipier, un jeune autrichien qui semble avoir un ordinateur dans la tête.

Ces deux là ne vont pas tarder à partir chercher fortune ailleurs, nous voilà à la fin 73, Lauda a déjà séduit le maître de Maranello, il va grandement aider au recrutement du tessinois. Lui et son complice Nikolaus vont convaincre Forghieri de travailler à l'anglaise sur ce qui deviendra la B3.

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  1974. Regazzoni, Lauda ©CahierArchive

 

La saison 1974, on la connait tous un peu par cœur. Belle et efficace, la B3 va ramener la Scuderia sur la voie du succès. Tant et si bien qu’à un GP de la fin de saison, Regazzoni partage la tête du championnat avec Fittipaldi. Donc si Clay termine le GP des USA devant Emerson, ce sera lui le nouveau champion. Niki Lauda qui a connu pas mal de pépins techniques cette année là est tout disposé à l’aider.

Et puis, tout ira de travers lors de ce Grand Prix. Déjà au cours d’essais à Watkins Glen une semaine avant la course, Clay s’est luxé la cheville lors d’un accident. Les essais du GP se passent à peine mieux, mais La Ferrari n’est que l’ombre d’elle-même, en proie à de sérieux problèmes de suspension. Un amortisseur est même complètement défectueux, ce qui surprend de la part d’un top team. Enfin, comme si tout devait terminer sur une note bien sombre, l’autrichien Helmuth Koinigg perd la vie dans un horrible accident un an jour pour jour après François Cevert. « Rega » ne sera pas champion du monde. Le rêve est passé mais ce n’est pas cela qui empêchera  Clay de dormir. Et puis il a assouvi son rêve de gosse en triomphant sur le Nürburgring ! Dès l’année suivante, il est clairement positionné comme numéro deux.

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Italie 1974. ©Scuderia Ferrari/Sutton Images

 

Les victoires commencent alors à se faire plus rares, mais qu’importe, Clay conduit les 312T et 312T2, les meilleures F1 du monde, et aussi les plus belles. Il accroche à nouveau le GP d’Italie à son palmarès, alors imaginez un peu le délire chez les tifosis ! Il inaugure aussi le palmarès du GP de Long Beach. Mais à la fin de l’année 76, le compte n’y est pas, Clay est remplacé par l’argentin Reutemann. 

clay regazzoni,silvio moser

 

Retour des émotions fortes en 1977, pas au volant de l’Ensign F1 qui fait ce qu’elle peut, mais bien sur l’ovale d’Indianapolis. Clay effectuera une impressionnante cabriole aux essais des 500 miles au volant d’une McLaren-Offy sponsorisée par Teddy Yip. Ce qui ne l’empêchera pas de se qualifier au milieu de la 10e ligne avant de connaître des soucis mécaniques en course.

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Ça commence tout doucement à sentir la fin de carrière pour le tessinois,  mais « Rega » va s’accrocher, et après une saison chez Shadow – version originale – il retrouvera l’olympe en signant avec Frank Williams, qu’il a fréquenté sur les pistes de formule 3 quelques années auparavant à l’époque de Jürg Dubler.

Les choses prennent un peu de temps à se mettre en place, puis c’est une seconde place à Monaco et surtout la victoire, la première de Frank, à Silverstone ! Pas de champagne pour la fêter – sponsors saoudiens obligent – mais quelle belle journée pour toute l’équipe. Je revois encore la couverture de Grand Prix International, Clay nous avait à nouveau tous bluffés et entre nous, on préférait nettement que ce soit « Rega » plutôt que ce teigneux d’Alan Jones.

Ce fut l’apothéose pour le tessinois, l’année suivante il retournera dans une équipe Ensign supposée renforcée. Jusqu’au GP de Long Beach, où sa pédale de frein va casser net, alors qu’il roule à 280 km/h. Clay aurait dû normalement y rester, mais une bonne fée continue à veiller un tout petit peu sur lui.

Clay c’était un peu tout ça, mais c’était aussi beaucoup plus que tout ce que l’on pu écrire sur le personnage. L’émotion est palpable quand on entend ceux qui l’ont bien connu, comme Jean-Claude Arnold sous les couleurs duquel il a couru, parler de leur « pote » Rega…

Dans un monde avide de paraître et au sein duquel une parole ne vaut presque plus rien, des potes comme ça, on en redemande, alors au risque de me répéter,

Ciao Clay ! Grazie di tutto.

 

RTSArchives, 26 oct. 1980

Ecoutons parler Rega. On pense à Georges Brassens, il y a la même humanité dans la voix, et tant pis si les images ne sont pas HD.

 

(2) Chris Lambert, jeune anglais doué, était le coéquipier d'un certain Max Mosley au sein du London Racing Team

(3) « Viveur, danseur, joueur de football et, à ses heures perdues, pilote. » C’est ainsi que je définirais Clay Regazzoni, le brillant, l’éternel hôte d’honneur des événements mondains et chouchou de la presse féminine. Ainsi commence le chapitre qu’Enzo Ferrari consacre à Clay Regazzoni dans ses mémoires Piloti chez Gente

 

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Regazzoni chez Tecno ©Jean-Claude Arnold

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Mexico, oct ou nov 1970 ©Jean-Claude Arnold

Commentaires

Clay Regazzoni, c'était aussi celui qui après sa victoire à Silverstone en 1979, ne déboucha pas le Champagne par respect pour ses Sponsors.
Dès GP suivant, du jus de fruit était systématiquement près pour une éventuelle victoire Williams.
C'était l"époque des Gentleman.

Ciao Gianclaudio

Écrit par : Bruno | 16 décembre 2016

j'attends la suite avec impatience !

Écrit par : Michel Lovaty | 16 décembre 2016

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