24 février 2019
Du chianti pour Bracco…
La ville de Biella en Italie est située dans le Piémont, à 80 kilomètres au Nord de Turin et à 80 kilomètres à l’Ouest de Milan. C’est là que se trouvait l’une des plus importantes industries de la laine et du textile en Europe. Cette production perdure encore aujourd’hui, mais seulement dans le très haut de gamme. C’est là que naquit Giovanni Bracco le 6 juin 1908 dans une riche famille d’industriels de la laine. A l’âge de 15 ans, il s’embarque sur un bateau en partance pour le Brésil pour y faire fortune. Il est rapidement rappelé à la dure réalité des choses et il revient en Italie.
par Raymond Jacques
Fiat Balilla 508 S
Du 26 mai au 2 juin 1934 a lieu le premier Tour Automobile d’Italie baptisé Coppa d'Oro del Littorio, ou Coppa del Duce. Giovanni Bracco s’engage dans la course au volant d’une Fiat Balilla 508. Il sort de la route et reste plusieurs semaines à l’hôpital. Il perdra son poumon gauche dans l’aventure et son père lui interdira désormais de courir...
En 1938, après le décès de son père, Bracco reprend le volant d’une Fiat 1500 spider, il finit second de la course de côte Biella – Oropa et gagne sa classe à la Coppa dei Colli Tortonesi.
En 1939 il gagne la course Biella – Oropa sur une Lancia Aprilia à carrosserie spéciale dont il ne reste pas d’image.
Le 22 juin 1947, il participe avec Renato Ballestrero aux Mille Miles sur Fiat 1100S berlinetta numéro 114. L’équipage finit à la neuvième place.
Une Fiat 1100 S berlinetta 1947 Mille Miles, équipage inconnu
Le 28 Septembre, Bracco court à Modène au volant d’une vieille Delage D6 3 litres. Pour éviter une collision avec la Ferrari de Cortese, il fait un écart mais il perd le contrôle de sa voiture et fonce dans la foule. On relèvera cinq morts et plusieurs blessés parmi les spectateurs. Le pilote souffre d’une double fracture à la jambe droite.
L’accident de Bracco à Modène
Bien que psychologiquement touché par l’accident de Modène, Giovanni Bracco achète en 1948 une Maserati A6GCS, modèle piloté par Villoresi et Ascari lors de la course tragique de l’année précédente. Il sera sacré champion d’Italie 1948 avec cette voiture.
Maserati A6CGS 1948
En 1949 Giovanni Bracco acquiert une Ferrari 166 Spyder Corsa avec laquelle il court toute la saison, ainsi que l’année suivante. Il remporte nombre de courses en national et s’adjuge les 12 heures de Pescara, secondé par Marzotto, un autre industriel du textile. Il finit les Mille Miles 1949 en 292ème position avec Umberto Maglioli comme copilote. Le même équipage, avec la même voiture finit quatrième en 1950 !
La Ferrari de Bracco dans la course Parma/Poggio di Berceto en 1950
En 1951, le tandem Bracco - Maglioli finit deuxième des Mille Miles et premier de classe sur la Lancia Aurélia B20 préparée par Bracco avec de plus gros carburateurs. La même voiture finit douzième des 24 Heures du Mans avec le comte Lurani en copilote.
La Lancia Aurélia B20 GT aux Mille Miles 1951
La Lancia Aurélia B20 GT aux 24 Heures du Mans 1951
A la Targa Florio 1951 , Bracco est inscrit sur la Ferrari 340 America numéro 54. Après abandon de cette dernière, il finira la course second sur la Ferrari 212 numéro 14 avec Cornacchia.
Targa 1951 ravitaillement pour le pilote, apparamment pas de l’eau minérale…
Le 25 novembre, Bracco s’engage dans la furieuse Carrera PanAmericana avec la B 20 GT. Il ne terminera pas la course, ayant expédié la voiture dans les décors...
Mille Miles 1952, la course du diable...
Taruffi, qui mène la course, est victime d’une panne définitive de sa Ferrari. Karl Kling secondé par Hans Klenk sur sa Mercedes 300 SL prend la tête. C’est une compétition importante pour la marque et Kling veut gagner ! Bracco, secondé par Adolfo Rolfo prend tous les risques au volant de sa Ferrari 250 S berlinetta Vignale sous la pluie battante. A Florence, à 180 miles (290 km) de l’arrivée, Kling est toujours en tête. Alors Bracco se déchaine, il écrase l’accélérateur de sa voiture, arrive dans les échappements de la Mercedes et il LA DOUBLE ! ! ! A Florence, Kling avait deux minutes d’avance sur Bracco, mais ce dernier arrive à Brescia avec plus de quatre minutes d’avance sur Kling ! Pendant la course, Bracco fuma 60 cigarettes et Rolfo fut certainement très occupé à allumer les Pall Mall pendant que Bracco se battait avec sa mécanique… A peine arrivé, Bracco demanda une bouteille de vin rouge qu’il vida « cul-sec »… Certains prétendirent qu’il fit de même avec une bouteille de Cognac pendant la course ! Pour cette épreuve, il n’avait aucun soutien de Ferrari, mais « il commendatore » dira de lui que son triomphe fut le plus spectaculaire de tous ses pilotes et il renommera sa voiture « 250 MM ».
Karl Kling se contentera de la seconde place avec beaucoup d’amertume...
En 1953, Giovanni Bracco fait partie de l’équipe Lancia de la Carrera PanAmericana, mais le pont arrière de sa D23 casse et c’est l’abandon.
En 1955, Bracco court la Targa Florio sur une Maserati 200 S avec Franco Bordini. Bracco est au volant lorsque la voiture sort de la route. Ce sera sa dernière course, il décide d’arrêter la compétition automobile.
Giovanni Bracco était un homme dépressif, renfermé et parfois colérique, fatigué par le stress de la compétition. Il faisait un usage intensif et notoirement connu de l’alcool et du tabac. Il gardait des séquelles physiques et morales de ses accidents, en particulier celui de Modène qui avait fait cinq morts et qui l’avait psychologiquement ébranlé.
C’était aussi et surtout un gentleman-driver qui avait acheté la plupart des voitures de compétition sur lesquelles il courait et dont la carrière fut égale à celle de certains pilotes professionnels qui furent ses contemporains. Usé par son mode de vie trépidant, il mourut à l’âge de 60 ans le 6 aout 1968 chez lui, à Biella.
La Lancia Aurelia B20 GT # 1010
On peut considérer que la Lancia Aurélia B20 est la première et la mère des voitures de « Grand Tourisme ».
La B20 GT # 1010, moteur # 1009 fut assemblée chez Lancia le 7 avril 1951 et elle fut achetée neuve par Giovanni Bracco. Elle faisait partie d’une série de quatre voitures semi officielles destinées à la course en tant que « compétition-client », avec le levier de vitesses au plancher (# 1005, 1006, 1010, 1013).
Noire à l’origine, elle fut repeinte en rouge « Italie » sur demande du comte Giovanni Lurani qui l’engagea aux 24 Heures du Mans 1951 sous le nom de son « Ecurie Ambrosiana », ne disposant pas lui-même d’une voiture qui soit prête à temps. Il fit équipe avec Bracco pour la course.
La voiture fut modifiée entre le mois d’aout et le mois de novembre 1951 par une entreprise piémontaise (probablement la Carrozeria Rocco Motto de Turin) qui diminua la hauteur du pavillon et repeignit la voiture en épaisses couches de noir pour cacher les imperfections !
1010 avant restauration
1010 restaurée
Un revendeur de Los Angeles la proposait à la vente en 1954 pour $ 4995. Elle a été retrouvée au Texas en 2011 sous la forme d’une épave corrodée et peinte en blanc, couleur choisie par Enrique Ortez Peredo pour la Carrera 1952, la dernière course connue de l’Aurélia. Un fan italien de Lancia, Daniele Turrisi, en fit l’acquisition et la fit rapatrier en Europe. Mais un amateur fortuné la racheta avant qu’elle n’atteigne le continent et il la fit restaurer au Royaume Uni chez Thornley Kelham. Elle fut primée à Peeble Beach en 2015, alors qu’elle était la propriété d’un riche citoyen helvétique de Zurich, Tim Summers.
Palmarès :
Date | Course | Résultat | Pilote |
23/04/1951 | Mille Miles | 2e | Bracco |
03/06/1951 | Coppa della Toscana | 9e | Id. |
10/06/1951 | Caracalla night race | 1er | Id. |
23-24/06/1951 | 24 Heures du Mans | 12e (1er classe) | Bracco / Lurani |
01/07/1951 | Coppa Valsasina | 4e (classe) | Bracco |
15/08/1951 | 6 Heures de Pescara | 1er | Id. |
25/11/1951 | Carrera PanAmericana | Accident | Id. |
23/11/1952 | Carrera PanAmericana | 28e (9e classe) | Enrique Ortez Peredo |
- Illustrations ©D.R.
09:21 Publié dans g.bracco | Tags : giovanni bracco, lancia b20 gt | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
Commentaires
Je ne connaissais pas cet homme intrépide. Merci Raymond de nous éclairer sur le parcours de ce quasi privé sinon « de gloire » comme dirait Philippe Vogel mais de voiture d’usine.
Écrit par : F.Coeuret | 24 février 2019
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