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17 juin 2021

GP de l’ACF 1921

1921-Segrave .jpg
Henry Seagrave, Talbot

 La France renoue en 1921 avec son Grand Prix, le premier depuis sept ans. Il marque le retour tant attendu à la normalité après le désastre de la Grande Guerre. Cette course est un événement sportif automobile international de premier plan.

par François Coeuret


gp acf 1921

Le circuit

Le circuit du Mans fut choisi pour la reprise du Grand Prix de l’Automobile Club de France après la première guerre mondiale. Le tracé utilisé en 1911 sert de base. A la ligne droite reliant Pontlieue à Mulsanne fut adjointe une nouvelle portion à l’ouest. Le kilométrage est réduit à 17,26 km. La course sera disputée sur trente tours soit un peu plus de 517 km. Les 24 Heures d’endurance du Mans se dérouleront en 1923 jusqu’en 1928 sur ce même tracé.

gp acf 1921
Jean Chassagne, Ballot 3L

 

Les forces en présence

L'événement a attiré trois constructeurs de renommée internationale. Il s’agit de voitures britanniques, françaises et américaines. Le règlement limite à 3 litres la cylindrée. L’écurie Fiat déclare forfait pour des problèmes de surcharge de travail et de manque de main d’œuvre. Les allemands sont interdits de course.

Le constructeur STD (Sunbeam-Talbot-Darracq) représente  la fusion récente des trois marques. Quatre voitures participeront à la course. Trois d’entre elles étaient les mêmes que celles qui avaient participé quelques semaines plus tôt aux 500 miles d'Indianapolis. La réglementation limitée à 3L de cylindrée est identique. Equipées de freins avant et arrière les  STD diffèrent sur ce point de leur configuration  Indianapolis. Elles sont pilotées par Kenelm Lee Guinness (N°4) et Henri Segrave (N°10). Les pilotes français René Thomas (N°5), André Boillot (N°15) complètent l’équipe. Les STD se présentent sous des livrées différentes sur un châssis commun au moteur 8 cylindres identique. Deux carrosseries Talbot (Guinness-Segrave)  queue inclinée courte en diagonale avec deux roues de secours.  Deux carrosseries Talbot-Darracq (Boillot-Thomas) queue pointue type Indianapolis. Les deux autos à carrosserie Sunbeam de Dario Resta et  Louis Zborowski ne sont pas prêtes à temps pour la course.

La société Ballot fondée par Ernest dont le principal actionnaire est Hispano-Suiza s’est relevée rapidement du premier conflit mondial sous l’impulsion de son créateur. Les Ballot 3L sont équipées d’une queue pointue semblable à celle vue à Indianapolis. Elles sont inscrites pour Jean Chassagne (N°8), Louis Wagner (N°14) et l’américain Ralph De Palma (N°1). Jules Goux courra sur le « petit » modèle 2LS (N°18). 

Les américains ont traversé l’Atlantique. Duesenberg engage quatre voitures, leurs pilotes se nomment Jimmy Murphy (N°12), Joe Boyer (N°16) ainsi que les français Albert Guyot (N°6) et André Dubonnet (N°7).

Enfin Emile Mathis (N°3) engage sa voiture éponyme.

gp acf 1921

La course

Les Grands Prix de l’époque se jouaient « contre la montre ». Les positions de départ sont ainsi tirées au sort. Jimmy Murphy s'est blessé à l'entraînement, il a des côtes fracturées et porte un bandage. Il dut supporter la douleur durant  la course. Le circuit avec le passage des concurrents va découvrir des pierres tranchantes. Les crevaisons vont être nombreuses et les arrêts au stand imprévus perturberont l’épreuve. Pour suivre la course un grand panneau de classement va répertorier par numéros les positions des concurrents. 

9 heures du matin, 25 juillet, les autos s’élancent en duos par intervalles d’une demi-minute. La bataille va faire rage entre les Ballot et les Duesenberg mieux chaussées que les voitures anglaises. Murphy et Boyer dominent les premiers tours devant Chassagne et De Palma. Au 7e tour Murphy pointe toujours en tête tandis que derrière Chassagne va prendre le meilleur sur la Duesenberg de Boyer au 9e tour. A la mi-course Chassagne prend la tête alors que Murphy ravitaille. Mais au 17e tour Ballot perd un élément clé de son équipe, Jean Chassagne abandonne réservoir fendu. Lors de ce même tour le moteur de la Duesenberg de Joe Boyer casse. Ralph de Palma sur la Ballot réalise des chronos rivalisant avec ceux de son compatriote Murphy au volant de la Duesenberg américaine. Cependant il est de plus en plus handicapé par un embrayage fatigué. Ses relances après les arrêts ravitaillement  de fin de course sont laborieuses et De Palma va s’incliner.

gp acf 1921
Seagrave & Murphy

 

Des problèmes de pneumatiques ont particulièrement ralenti l’équipe STD dont les gommes trop tendres souffrent en raison de l’état de la piste. Autre conséquence, une pierre frappa le mécanicien de Segrave, Jules Moriceau, il va rester groggy pendant un demi-tour ! Les arrêts aux stands se multiplient pour les STD. René Thomas s'est retiré au 24ee tour après qu'une pierre ait percé son réservoir d'huile. André Boillot bien que conduisant prudemment dut changer sept pneus crevés en course. Son travail dans les stands est méthodique et rapide mais le temps perdu s’avère rédhibitoire. Il a néanmoins obtenu la cinquième place. Guinness[1] a dû lui changer neuf pneus pour finir huitième. Malgré le fait de devoir s’arrêter quatorze fois pour changer un pneumatique à plat, Henri Segrave réussissait à atteindre une moyenne légèrement supérieure à 100 km / h terminant à la neuvième place en 5h 08mn 06s.

 

gp acf 1921

Jimmy Murphy s’impose, remportant la victoire pour les États-Unis. C’est sa première et seule victoire sur le sol européen[2]. Ralph de Palma complète la réussite américaine en finissant second sur Ballot tandis que Jules Goux premier français prend la troisième place au volant de sa Ballot. Suivent deux français : Dubonnet[3] (Duesenberg) et Boillot (Talbot-Darracq).

Murphy a piloté avec brio et courage en raison de ses côtes cassées. Il triomphe des Ballot françaises. Son équipier Joe Boyer qui rivalisait en performance avec lui a été malchanceux. Ballot prendra sa revanche. Jules Goux remportera le Grand Prix suivant, celui d’Italie disputé en septembre près de Brescia.

 

gp acf 1921
Jimmy Murphy

Notes et références

  1. K. Lee Guiness appartenant à la famille des brasseurs est le créateur de KLG Spark Plug Cie.
     
  2. Jimmy Murphy d’origine irlandaise, vainqueur à Indy en 1922, décédera en 1924 lors d’une course disputée à Syracuse dans l’état de New York.
     
  3. André Dubonnet fils de Joseph le fondateur de la marque apéritive, aviateur pendant les deux guerres mondiales, pratiqua aussi le bobsleigh, fut l’inventeur d’un système de suspension vendu à General Motors et s’intéressa avant l’heure à l’énergie solaire à la fin de sa vie. (Décédé en 1980)

 

Classement  GP ACF 1921

Pos.

no 

Pilote

Écurie

Châssis

Tours

Temps/Abandon

   1

12

 Jimmy Murphy

Duesenberg

Duesenberg

30

4 h 7 min 11 s 4

2

1

 Ralph DePalma

Ballot

Ballot 3L

30

+ 14 min 59 s 2

3

18

 Jules Goux

Ballot

Ballot 2LS

30

+ 21 min 27 s 2

4

7

 André Dubonnet

Duesenberg

Duesenberg

30

+ 23 min 7 s 8

   5

15

 André Boillot (TD)

      STD

Talbot-Darracq

30

+ 28 min 6 s

6

6

 Albert Guyot

Duesenberg

Duesenberg

30

+ 36 min 1 s 6

7

14

 Louis Wagner

   Ballot

Ballot 3L

30

+ 40 min 49 s 7

8

4

 Kenelm Lee Guinness

     STD

Talbot

30

+ 59 min 32 s 4

9

10

 Henry Segrave

      STD

Talbot

30

+ 1 h 0 min 54 s 6

Abd.

5

 René Thomas (TD)

      STD

Talbot-Darracq

23

Fuite d'huile

Abd.

16

 Joe Boyer

Duesenberg

Duesenberg

17

Moteur

Abd.

8

 Jean Chassagne

Ballot

Ballot 3L

17

Réservoir

Abd.

3

 Émile Mathis

Privée

Mathis

5

Moteur

NP.

11

 Dario Resta

      STD

Sunbeam

 

Voiture pas prête

NP

 

 Louis Zborowski

      STD

Sunbeam

 

Voiture pas prête

 

- Illustrations ©D.R.

gp acf 1921
Ralph de Palma, Jimmy Murphy

19:34 Publié dans j.murphy | Tags : gp acf 1921 | Lien permanent | Commentaires (6) |  Facebook | |

Commentaires

Il y eut, au départ de cette course, au moins deux véritables «personnages» :

Kenelm Lee Guinness (pas Kenneth, comme je l’avais retenu d’une vieille lecture), de la famille des brasseurs Guinness (ce sont des salariés de l’entreprise qui créèrent le fameux livre des records éponyme). K. Lee Guinness se lança dans la course automobile ainsi qu’à la conquête de records de vitesse. Ayant eu quelques déboires avec les bougies malmenées par les conditions de fonctionnement des machines de records, il créa ses propres bougies sous la marque KLG.
Le 27 septembre 1924, il eut un très grave accident au Grand Prix de San Sabastian au cours duquel son mécanicien fut tué. Il conserva de graves séquelles qui lui firent arrêter la course automobile et le condamnèrent à de longs séjours en hôpital. C’est dans l’un de ces établissements qu’il fut retrouvé mort dans son lit à l’âge de 42 ans, décès dont la cause envisagée est un suicide par «altération de la conscience».

André Dubonnet était petit fils de Joseph Dubonnet, le créateur de l’apéritif qui fit la fortune de la famille. Il s’engagea dans l’armée en 1915 comme artilleur. Il passe dans l’aviation l’année suivante et finit la guerre pilote de chasse.
Après la guerre, il se lance dans la course automobile et fait partie de l’équipe de France de bobsleigh aux J.O. de 1928. Il dépose un brevet de suspension à 4 roues indépendantes dont il vendra une licence d’exploitation à G.M. pour équiper les Chevrolet. Le système sera abandonne à cause d’une fiabilité incertaine. Durant l’entre deux guerres, il fera fabriquer deux prototypes sur base Hispano Suiza, la «Tulipwood» en bois de rose ( ! ! ! ) et la Xénia dessinée par Andreau et réalisée par Saoutchik. En 1935 il crée avec l’ingénieur Chedru le prototype expérimental aérodynamique « Dolphin » équipé d’un V8 Ford et d’une boite Cotal. En 1940, il reprend du service dans l’aviation sur chasseur Morane Saulnier MS 406.
Dans les années 60, les apéritifs Dubonnet (Dubo Dubon Dubonnet) sont revendus à l’Italien Cinzano (tchin tchin Cinzano)… André Dubonnet était membre du Conseil d’Administration de la société Simca pendant plusieurs années avant que la marque ne disparaisse à son tour. Il est décédé le 23 janvier 1980 à l’âge de 82 ans.

Écrit par : Raymond JACQUES | 18 juin 2021

Raymond, voilà un com bien venu, d'abord parqu'il nous rappelle ta présence en tant que lecteur et nous apporte indirectement de tes nouvelles mais aussi parce qu'il complète ma note. En ce qui concerne l'orthographe des noms je remercie l'ami Francis d'avoir rectifié celui d'Henry Seagrave sur les légendes des photos car ma source l'avait bien écorché. J'avoue ne l'avoir pas vérifié. J'ajoute qu'il y a un peu plus d'une centaine d'années en 1918 sévit la grippe dite "espagnole" , un virus H1N1 qui fit entre 20 et 40 millions de morts sur la planète d'après les estimations. La pandémie dura jusqu'en 1921. Certes pas de distanciation, de confinements et de vaccins à l'époque mais une histoire en éternel renouvellement!?

Écrit par : F.Coeuret | 18 juin 2021

La grippe espagnole sévit en France d'avril 1918 à mai 1919, faisant 400000 morts (ou à peu près, car les informations sont divergentes). Mais, le SARS-Cov-2, lui, n'a pas encore dit son dernier mot, et il semble être doté de pouvoirs de transformation redoutables.....
Il se trouve que je m'intéresse plus aux débuts de la course automobile, quand des demi-fous se lançaient à des vitesses incroyables sur des routes bosselées et poussiéreuses, montés sur des automobiles dotées de freins évanescents, de suspensions à lames de ressort dites "en noyaux de pêche" et de pneus dont ne voudrait pas un motard contemporain en 125 cc, voire même un "djeun'" en "scoot'" 49,9 cc ! Mais, peut-être devrais-je consulter un psy...

Écrit par : Raymond JACQUES | 18 juin 2021

Surtout pas de psy Raymond ! Continue à te passionner pour l'histoire du sport auto et envoie-nous des notes de ton cru...

Écrit par : F.Coeuret | 18 juin 2021

Trêve de psy ! Cette note un moment oubliée est remontée à la surface juste avant que ne commence la 1ère séance d'essais libres du GP de France de F1 2021. On pourrait presque croire à l'intervention du surnaturel tant le temps fut compté pour qu'elle sorte enfin.

Merci François de nous faire revivre ces courses où à la place de courbes peinturlurées en rouge et bleu, on avait des virages relevés via des apports de terre.
Au fond c'était peut-être ça la vraie course "bio" ...

Écrit par : Francis | 18 juin 2021

Il fut un temps où les courbes étaient peinturlurées en rouge par les voitures italiennes et en bleu par les voitures françaises. Globalement le rouge devança le bleu (et encore...) dans les hurlements des moteurs à combustion interne gavés d'hydrocarbures, dont les talibans verts ont décidé la mort. Qu'ils se rassurent, les prochains Grands Prix se courront au son d'un rasoir électrique, dont l'improbable énergie coûtera des fortunes à fabriquer, sauf à domestiquer la foudre tombant naturellement et gratuitement du ciel.

Écrit par : Raymond Jacques | 18 juin 2021

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