30 juin 2021
« Remordu », le pilote en costard-cravate
Guy Hansez en tenue de pilote (*)
Dans une précédente note j’évoquais un noble pilote de F3 « screamer », le comte polonais (d’origine) Adam Potocki. Eh bien voici un autre comte, passablement gratinoche celui-ci : le comte belge Guy Hansez, alias « Remordu ».
(*) « Remordu » ne paraissait jamais en public autrement qu’habillé en complet veston et cravate. Le casque bol genre « Cromwell » pouvait être remplacé par un chapeau mou si le règlement de la course le permettait (photo Adolphe Conrath).
par Raymond Jacques
Guy Hansez est né en Belgique à Arlon le 9 avril 1905 dans une famille fortunée et il est décédé à Bruxelles le 28 septembre 1978. Il eut la chance de connaitre trois vies différentes dans le domaine des sports mécaniques :
Gillet 1928 Supersport 500cc 1 cyl.
Motard de compétitions.
Entre 1922 et 1930, il court sur des motocyclettes de 500 cc des marques Saroléa et Gillet sous le pseudonyme de « Bentley ». Il disputera cinq Grand Prix sans véritable succès autre qu’une neuvième place sur le circuit de Francorchamps en 1930.
Aviateur et pilote de raids africains.
Il obtient son brevet de pilote d’avions de tourisme en 1932 et il achète un biplan De Havilland DH 60 Moth, puis il ouvre trois aérodromes privés sur le sol de la Belgique.
Le 28 mars 1934, il effectue la première liaison aérienne Anvers – Léopoldville en quatre jours et demi sur un biplan De Havilland DH.83 Fox Moth, avion doté d’une cabine passager pouvant accueillir 3 à 4 personnes.
En 1936, il se perd au-dessus du désert libyen et doit exécuter un atterrissage forcé. Il n’est secouru que trois jours plus tard.
11 avril 1934. Guy et Marie-Louise Hansez retour de Léopoldville sur le DH83 Fox Moth
En 1939, il organise une tournée africaine à bord de son Percival Vega Gull, un moderne monoplan quadriplace à moteur de 205 ch, tournée au cours de laquelle il visite, au nom du roi des Belges, diverses capitales africaines.
Au début de la guerre, Guy Hansez est réquisitionné avec son avion comme « estafette » aérienne. Mais son appareil, ainsi que beaucoup d’autres, sera détruit au sol le 10 mai 1940, devant l’avance fulgurante des troupes allemandes.
Zolder en 1963 sur la Ferrari GTO #3757 ex J. Swaters écurie Francorchamp
Pilote de courses automobiles.
Après la guerre, Guy Hansez exploite une compagnie d’avions taxis « Hans-Air » et une société de négoce de pièces et d’équipements aéronautiques. Parallèlement, il se lance dans la course automobile sur circuits et en côte. Il adopte le pseudonyme « Remordu », dont la signification profonde m’échappe quelque peu…
Zolder 1963. Mauro Bianchi ? - Ben Pon - "Remordu"
On le voit en 1961 engagé au volant de diverses Ferrari 250 GT à Zandvoort et à Montlhéry. En 1962, il s’engage aux Coupes du Salon à Montlhéry, où il finit troisième sur sa Ferrari GTO personnelle.
La voiture est engagée la même année aux 1000 Km de Paris avec « Eldé » et « Beurlys » comme pilotes. Le trio belge de pseudonymes est disqualifié à cause d’un article du règlement qui ne prévoit que deux pilotes par voiture…
En 1963, la GTO fera une incursion au Grand Prix d’Angola où elle finira sixième.
En 1964, « Remordu » commanda chez Porsche une 904 dotée d’un 6-cylindres. Lorsque la voiture fut prête, il se rendit à Zuffenhausen où il dut constater que sa haute taille et son fort gabarit l’empêchaient de s’asseoir sur le siège du pilote ! Il se mit en devoir de faire modifier la carrosserie pour être enfin en mesure de la conduire.
Il en résulta une voiture bossue, certes, mais pas disgracieuse, du moins à mon avis.
Avec cette Porsche, il court de 1964 à 1967, avec quelques succès, mais costard et cravate restent inamovibles :
Les « petites misères » de Monsieur le comte.
Lors de la course de côte de Tros Marets (Malmédy, Belgique) en octobre 1969, « Remordu » redescendit la route avant que la fin de la course n’eut été officiellement annoncée. D’où un risque évident de grave collision frontale, ce qui motiva le Royal Automobile Club de Belgique pour retirer sa licence de coureur à « Remordu ».
1964 Internationales Avusrennen, « Remordu » envoie sa Porsche dans le décor
Aux 1000 km de Paris 1962, il engage sa GTO personnelle avec 3 pilotes, ce qui est interdit par le règlement de l’épreuve et l’équipage est disqualifié (voir ci-dessus). Néanmoins, « Remordu » s’installe au volant de la voiture et se lance pour quelques tours du circuit sans prêter la moindre attention aux drapeaux qui lui intiment l’ordre d’arrêter. Résultat : Monsieur le comte perd sa licence.
« Béret » pour la BMW de Monsieur le comte, probablement en course de côte
Guy Hansez utilisa aussi une Lamborghini, sa dernière voiture de course fut une Renault 8 Gordini. Il arrêta la compétition automobile de son plein gré en 1970. A part son activité d’avion-taxi et de négoce de matériel aéronautique, il semble que « Remordu » fut aussi banquier. A cette époque, les pilotes privés des sports mécaniques préféraient utiliser un pseudonyme pour éviter le facile reproche : « Il dilapide l’argent de son entreprise dans des jouets aussi couteux que dangereux ! ».
- Illustrations ©D.R.
16:44 Publié dans remordu | Tags : remordu | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook | |
Commentaires
Un article bien dépaysant, merci Raymond.
Rappelons que c'est lors des Coupes du Salon 1962 que le grand Henri Oreiller, prince de la vitesse, s'est tué, au volant lui aussi d'une Ferrari 250 Gto.
"Remordu" eut plus de chance en terminant second ...
Écrit par : Francis | 30 juin 2021
Répondre à ce commentaireMerci Francis pour les suppléments d'illustrations que tu as su trouver et qui complètent parfaitement "Les Aventures du Baron Hansez" ! Je dois reconnaître que tu as un don particulier pour cet exercice...
Écrit par : Raymond Jacques | 01 juillet 2021
Il semblerait que Remordu arriva troisième de cette course, le second étant André Simon sur une GT 250 SWB #2973, dixit racingsportscars.com
Écrit par : Raymond Jacques | 03 juillet 2021
En fait il prend le volant de "sa" GTO aux 1000 kms de Paris sans etre engage c est un truc qu il a fait d autres fois ou encore de redescendre une Course de Cote sans y etre invite.....
Écrit par : Patrice Moinet | 30 juin 2021
Répondre à ce commentaireQuel personnage ce Guy Hansez! Il gagne à être (re)connu par les lecteurs de Racing'memories.
Écrit par : F.Coeuret | 01 juillet 2021
Répondre à ce commentaireTout à fait d'accord ! De tous les personnages que j'ai pu décrire sur Racing Memories, le baron Hansez est certainement le plus curieux, le plus bizarre, le plus - pour employer une expression moderne - "le plus rock n'roll". Je suis vraiment très content de l'avoir sorti des brumes de l'oubli, car il est représentatif d'une époque qui ne reviendra jamais plus. Ce que je déplore.
Écrit par : Raymond Jacques | 01 juillet 2021
Du caractère ce Monsieur, merci pour cette note rafraichissante.
Écrit par : Orjebin Jean-Paul | 10 juillet 2021
Répondre à ce commentaireIl semble que le surnom du Comte provienne du fait qu'il était mordu des sports mécaniques, c'est-à-dire fanatique, et qu'après une interruption, il revint et s'estimait remordu.
C'est ce qu'on m'avait raconté dans ces années-là.
Écrit par : Dominique | 05 septembre 2021
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