10 mars 2017
John Surtees, le seul champion du monde sur 2 et 4 roues (*)
Cela ne s’est produit qu’une seule fois dans l'histoire. Un seul pilote a réussi à remporter à la fois le Championnat du Monde moto et auto, John Surtees. En 1956 il devint à tout juste 22 ans Champion de Monde moto dans la catégorie reine des 500cc. Puis en 1960 il passa à plein temps à la course automobile et fut couronné Champion du Monde de Formule 1 en 1964. A l’âge de 26 ans il devint le seul homme ayant jamais remporté le Championnat du Monde sur deux et quatre roues. Depuis il n’y en a pas eu d’autre, peut-être n’y en aura-t-il jamais.
par Alain Hawotte
(*) réédition de la note du 27 septembre 2014
Né le 11 février 1934 à TASTFIELD et donc originaire de la patrie de la F1 moderne, l’Angleterre, John a décroché le titre 64 sur le fil. Lors de la dernière course, le 25 octobre à MEXICO, Clark ou Hill (Graham le père de Damon) auraient pu l’emporter, mais, cette fois et pour une fois, Dame Chance souriait à « Il Grande John », le favori des Tifosi. En effet Clark abandonne en toute fin de course à quelques kilomètres du sacre sur fuite d’huile et Bandini, équipier de John pousse tant et plus Graham Hill à commettre une faute que celui-ci, touché au freinage par la Ferrari de Bandini part en tête à queue et écrase ses échappements… le temps de revenir en course, Bandini et John sont passés à la poursuite de Gurney et de sa Brabham qui devait l’emporter. Dans les derniers tours après l’abandon de Clark, Bandini s’efface offre la deuxième place et le titre à John qui n’en sera jamais vraiment satisfait.
Cependant les années suivantes devaient être marquées par une noire malchance si bien que ce titre semble finalement mérité au vu de la suite. Car chaque fois qu’il s’agit de donner le meilleur de soi-même « Big John » répond présent ! Après ses débuts sur LOTUS en 1960, il passe en 61 sur Cooper chez Yeoman Credit et en 62 sur la Lola officielle engagée par le même team, avec de bons résultats et des places de second. Ferrari fait appel à lui en 63 et la première victoire au Nürburgring vient vite : tout un symbole, le circuit le plus difficile… Champion en 64, luttant avec le peu de moyens de sa Ferrari en 65 derrière un inaccessible tandem Clark-Lotus, 66 devait être à nouveau l’année Surtees. C’est maintenant le drame en disputant le championnat CANAM John est victime d’un accident grave mais il revient encore boitillant et l’orgueilleux pilote se brouille avec Dragoni, directeur d’écurie chez les rouges… Un Dragoni qui voulait favoriser Parkes, et pas Bandini comme beaucoup l’ont cru. Par exemple à Monaco John demande la V8 légère on lui impose la V12 trop lourde mais Surtees se qualifie en 1ère ligne et déclare, « Mr Dragoni, je suis le plus rapide même avec la V12, je vais mener la course mais la voiture ne tiendra pas et Ferrari ne gagnera pas ». Et Surtees de partir le couteau entre les dents, de précéder la Brm de Stewart mais de casser avant la mi-course la transmission de la Ferrari 312 et Ferrari de perdre une course que Bandini finira second au volant de la V8 qui avait tenu, elle ! Retour en Sport à Monza sur une P3 qu’il partage avec Parkes, Dragoni voulant prouver ainsi que John n’avait plus les moyens de conduire vite… Malheur en course la pluie s’en mêle et la P3 tombe en panne de moteur d’essuie-glaces ! Une seule solution vite appliquée par John, rouler plus vite pour que l’eau glisse sur la bulle… et John roule plus vite, plus vite que tout le monde et plus vite, surtout que Parkes ! Tellement vite que la P3 aveugle remporte la victoire.
SPA 1966 les Ardennes, le soleil, en première ligne John et sa Ferrari n°6, départ, raidillon… et juste avant Masta un mur d’eau ! le climat belge, le déluge, la « drache » nationale… seules cinq ou six voitures traverseront ce premier tour épique; en tête : Rindt et Surtees qui observe puis, profitant aussi des ennuis de différentiel de la lourde Cooper Maserati de Rindt qui effectuera un triple tête à queue en pleine ligne droite, John passe à l’attaque et remporte sa plus belle victoire ! Le Mans 66, jeudi midi, John apprend que vu son état de forme, Dragoni considère qu’il ne sera bon qu’à jouer le lièvre pendant les deux premières heures, c’est cela… après Monza et Spa ! Jeudi soir, une 330GT de route quitte le Mans, John a claqué la porte de la Scuderia qui d’ailleurs sera vaincue au Mans cette année là par Ford… Il trouve refuge sur la Cooper Maserati abandonnée par Ginther parti chez Honda et avec cette lourde machine termine plusieurs courses dans les points gagne même à Mexico et termine deuxième du championnat derrière Brabham… les spécialistes se disent que s’il était resté chez Ferrari…
Voilà 1967 un autre défi attend cet homme de challenge, le défi Honda, lourd, très lourd comme sa monoplace d’ailleurs, un soutien discret de l’usine, deux mécanos changés tous les deux mois. « Une fois formés ! » dira John et toujours la volonté de vaincre, sa RA273 est lourde, il le sait alors il appelle Eric Broadley de chez Lola puis prend livraison d’un chassis Indy et aligne l’engin hybride au GP suivant… Monza 67 Clark retardé d’un tour par une crevaison remonte jusqu’à la première place !… et tombe en panne d’essence dans le dernier tour ! Big John et Black Jack Brabham entrent dans l’avant dernière ligne droite ensemble: la Honda en tête… le freinage de la fameuse Parabolica va être décisif mais John a remarqué que de l’huile se trouvait à l’intérieur, celle de Hill dont le Ford avait explosé auparavant… et la Honda blanche et rouge semble ouvrir la porte à la Brabham verte et or, Black Jack plonge à la corde et réalise le piège tendu par Big John, il freine glisse sort large et là le vacarme de la grosse Honda passe sur sa droite, John réaccélère une fraction de seconde plus tôt que son adversaire, la ligne est encore loin, la Brabham remonte, 3e, 4e… et… non John ne passe pas la 5e, il lance le V12 grondant dans son dos en surrégime, il sait que s’il passe la 5e la perte de temps lui fera perdre la course, alors tant pis s’il explose… et le V12 tient dans un bruit aigu à la limite de la rupture, la Honda passe en tête la ligne… pour quelques centimètres John SURTEES vient de gagner son dernier GP de championnat du monde… il terminera dans le top 5 au championnat.
1968, La Honda conçue par le team Surtees et Lola est la RA301, une des plus rapides F1 du plateau… mais au Japon, le rêve de Mr Honda c’est la RA302, équipée d’un V8 refroidi par air, la même technique que le moteur de la future Civic… et tous les efforts sont concentrés sur cette machine, alors celle de John casse ici une rotule, là une durite… alors qu’elle est chaque fois dans le top… la Ra302 débarque en Angleterre, John l’essaie et en ressort effrayé ! Honda, vexé, en confie le volant au pauvre Jo Schlesser qui se tue avec au GP de France que John terminera second derrière Jacky Ickx… Encore aujourd’hui John prétend qu’il aurait pu être champion en 1968, je ne suis pas loin de le croire… fin 68 alors qu’en 69 Honda pouvait enfin toucher au but, la firme se retire touchée par le drame et dépitée par l’échec de la RA302, la Civic sortira même avec un moteur conventionnel… 1969, la galère BRM, après avoir refusé de revenir chez Ferrari, la fierté, toujours cette foutue fierté ! ! ! 1970 et le « fils du vent », un autre de ses surnoms, de devenir le « loup solitaire », le team Surtees achète une Mc Laren M7 que John modifie et avec laquelle il décroche le record du tour à Kyalami… mais John ne vit plus que pour sa voiture la TS7 qu’il aligne au GP de Grande Bretagne, simple bien faite la voiture est un succès mais les moteurs Ford cassent comme du verre… trop d’équipes à fournir et les finances ne suivent pas, John gagnera la GOLD CUP à son volant puis se consacrera de plus en plus à la fabrication et abandonnera le pilotage en course, tout un symbole, au GP d’Italie 1972… l’histoire de son écurie est une autre histoire.
- Photos 1 & 3 ©JohnRoss
- Photo 5 ©GeraldSwan
- Autres photos ©D.R.
20:12 Publié dans j.brabham, j.surtees, m.parkes | Tags : john surtees, ferrari | Lien permanent | Commentaires (11) | Facebook | |
Commentaires
@Alain Hawotte: Bravo! Rien à dire. Ton article fourmille de détails. Par contre,il est
dommage que tu ne te sois guère intéressé à sa période où il fut pilote-constructeur.
(1970 à 1972). C'est vrai,personne ne l'a égalé quand bien même,nous vîmes quantité
de pilotes passer de deux roues à quatre : Mike Hailwood,Jim Redman,Paddy Driver,
Jacky Ickx(champion de Belgique,en trial),Johnny Cecotto,Yannick Dalmas...et j'en
oublie !
Encore bravo !!
Écrit par : Michel Lovaty | 27 septembre 2014
Répondre à ce commentaireOui Michel, on citera en vrac Jean Behra, Jean-Pierre Beltoise, Eric Offenstadt, les frères Brambilla, Bill Ivy, la liste n'est pas exhaustive... Et même Alexander Wurz, mais là ça n'est plus du sport mécanique !
Écrit par : Francis Rainaut | 27 septembre 2014
Répondre à ce commentaireBelle réaction, Francis, pour cette photo de Jules.
Espérons le meilleur pour lui et une pensée pour ses parents.
Écrit par : JP Squadra | 05 octobre 2014
Répondre à ce commentaireMerci de l'avoir remonté.... vraiment, je suis triste ce soir
Écrit par : Hawotte | 10 mars 2017
Répondre à ce commentaireJe suis certain que les habitués de "Memories that Stand out" partagent tous la même tristesse aujourd’hui ... Quel grand bonhomme que John Surtees. Quelle vie !
Écrit par : Francis Rainaut | 10 mars 2017
John Surtees avait vécu l'une des pires choses qui puisse arriver à un père : le décès de son fils. Henry Surtees avait suivi ses traces en devenant à son tour pilote de courses automobiles. Le 19 juillet 2009, sur le circuit de Brands Hatch, une formule 2 pilotées par Jack Clark sort de la piste. La roue arrière gauche de cette voiture est arrachée et elle retombe sur la tête d'Henry Surtees, qui arrivait juste à ce moment là. Sa voiture quitte aussi la piste, le pilote ayant perdu connaissance. Le jeune homme est conduit au centre médical du circuit, puis au Royal London Hospital, où il décèdera. Il avait 18 ans.
Écrit par : Raymond Jacques | 10 mars 2017
Répondre à ce commentaireUn bien bel Hommage à John Surtees tant par les photos que l'écriture. Avoir été Pilotes Moto, Auto et Constructeur, qui plus est ceint de titres Mondiaux sur 2 et 4 roues, Bravo et Merci Monsieur John Surtees !!
Écrit par : patricelafilé | 10 mars 2017
Répondre à ce commentairePilote de légende ,un grand homme qui disparaît.
Écrit par : Robin Daniel | 11 mars 2017
Répondre à ce commentaireLe meilleur article que j'ai pu lire suite à la disparition de Surtees
merci et félicitation
Écrit par : jean-claude | 12 mars 2017
Répondre à ce commentaireEncore un fragment de notre jeunesse qui s'effrite ! Eu égard à la densité de sa carrière, Big John aurait bien mérité que Son Altesse Royale l'élève au rang de Sir John pour le remercier de son immense contribution au prestige du royaume et par delà ses colonies ! D’ailleurs, beaucoup en Grande Bretagne se sont émus qu’il n’en fût jamais ainsi ! John Surtees tiendra tout de même une place tout à fait singulière et unique au firmament des sports mécaniques et ce, pour l’éternité. Car, ce n’est pas demain la veille que l’on connaitra tel champion sur deux et quatre roues. Et comment pourrait-il en être autrement à une époque où les aspirants pilotes sont formatés à leur naissance pour conduire une monoplace et seulement une monoplace qui n’en n’a plus que le nom. John Surtees était assurément d’une autre trempe et d’un autre temps. Il était de ceux qui inspiraient la passion, qui nourrissaient l’imaginaire et qui envahissaient les rêves les plus riches. Il était de cette génération pour qui la fougue, le risque, l’exaltation, la passion, l’humilité et l’aventure étaient autant de principes à accorder pour écrire une partition fantasmagorique dans l’accomplissement d’une chevauchée fantastique. Qu’il est loin désormais ce temps de nos héros. Je note que désormais, Sir Jackie Stewart demeure le seul dépositaire d’une période qui s’éteint un peu plus chaque jour ! On ne peut pas dire que cette disparition ait été bien relayée dans nos médias, l’ayant appris tout à fait incidemment.
On dit que John Surtees fut le premier à passer la courbe Dunlop à fond aux essais du Mans 1965 !?
Écrit par : Daniel DUPASQUIER | 13 mars 2017
Répondre à ce commentaireExact, Daniel, pour avoir le droit d'ajouter "Sir / Dame" à son nom, il faut que le souverain britannique vous élève au grade de "Knight / Dame Commander", KBE/DBE.
John Surtees fut successivement MBE (Member), puis OBE (Officer), et enfin CBE (Commander).
La dernière marche n'était donc pas bien loin. Rappelons en passant le scandale qu'avait suscité en 1965 la nomination des Beatles au simple rang de MBE...
Le 10 mars je sortais d'une belle journée de ski quand le ciel m'est tombé sur la tête. Mais j'ai encore en projet un article sur il grande Surtees. J'ai en commun avec lui un caractère difficile mais aussi le goût de la mécanique. Ado, je n'arrivais pas à déterminer si plus tard je serai Michel Vaillant ou bien Jean-Pierre Vaillant. En fait, je voulais être les deux.
Nino Barlini, Pete Aron, Jean-Pierre Sarti, peu à peu, tous les héros de "Grand Prix" disparaissent, ne reste plus que Scott Stoddard.
En tant que fan des sixties, je prie pour que toutes ces images, elles non plus, ne disparaissent pas. Et c'est bien pour ça que ce site existe.
Écrit par : MSo | 13 mars 2017
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