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06 mars 2017

Enlèvement à La Havane

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Le premier « Gran Premio de Cuba » fut couru le 25 février 1957. C’était une épreuve de 500 kilomètres réservée aux voitures de sport et prototypes. Elle regroupa 18 coureurs qui s’affrontèrent sur un circuit de 5,591 kilomètres tracé en pleine ville de La Havane, en grande partie sur le Malecon, le célèbre boulevard du front de mer. Elle fut remportée par Juan Manuel Fangio sur Maserati 300 S, « Fon » de Portago sur Ferrari 860 s’adjugera le record du tour, mais il sera éliminé sur panne mécanique.

par Raymond Jacques


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23 février 1958, La Havane. Les essais du second « Gran Premio de Cuba » viennent de se terminer. Fangio a quarante-six ans, il est auréolé de ses cinq titres de champion du monde de formule un et il a décroché la pole position. Il a pris pension avec d’autres pilotes dans un établissement luxueux, le Lincoln Hotel. Vers 21 heures, il descend de sa chambre pour aller diner. Trois jeunes hommes l’attendent dans le hall. L’un d’eux appuie le canon d’un révolver dans le dos de Fangio, en lui intimant l’ordre de le suivre. Un ami du pilote argentin saisit un presse-papier et fait mine d’attaquer l’agresseur, mais celui-ci menace en braquant son arme : « Restez tranquilles ! Autrement, je tire ! ». Et Fangio et ses ravisseurs quittent l’hôtel, montent dans une voiture et démarrent sans se presser...

 

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Le Mouvement Révolutionnaire du 26 Juillet (M26), une organisation d’opposition paramilitaire, qui combat avec acharnement le dictateur Batista, revendique aussitôt cet enlèvement. Les journaux du monde entier font immédiatement leur « une » avec cet évènement, de New-York à Paris, de Buenos Aires à Tokyo. Le M26 fait ainsi une entrée tonitruante sur la scène politique internationale et bientôt le monde entier apprendra le nom de son leader : Fidel Castro.

 

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24 février 1958, La Havane. Contrairement à ce qu’espéraient les révolutionnaires, le départ du « Gran Premio de Cuba » est donné dans l’après-midi du lundi. Mais ils ont réalisé un exploit médiatique sans précédent, et qui en inspirera plus d’un par la suite… Cependant, l’enlèvement de Fangio fit au moins un heureux : Maurice Trintignant. Il devait conduire à La Havane la Ferrari qu’il avait précédemment pilotée à Buenos Aires, mais celle-ci ne pouvant pas entrer dans l’avion qui avait été affrété pour la transporter à Cuba, « Pétoulet » s’était retrouvé piéton à la Havane… L’équipe Maserati, qui a perdu son pilote star, lui propose alors de prendre le départ avec la 450 S numéro 2 préparée pour Fangio, ce que Trintignant accepte avec empressement.

 

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Le « Gran Premio de Cuba » 1958 a attiré trente deux pilotes et plus de 100000 spectateurs. Ces derniers se pressent sur les trottoirs et aux fenêtres, certains sont juchés sur les lampadaires qui bordent le circuit improvisé. Il n’y a aucune protection, ni pour les pilotes qui rasent les bordures de trottoirs, ni pour les spectateurs massés le long des rues.

 

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Et ce qui devait arriver arriva au sixième tour de la course, qui aurait dû en compter quatre vingt dix. Un pilote local, Armando García Cifuentes au volant d’une Ferrari 500 TR, dérape sur une flaque d’huile et entre dans la foule : il tue sept spectateurs et en blesse une quarantaine d’autres.

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La course ne dépassera pas ce sixième et funeste dernier tour. Stirling Moss sur Ferrari 335 S est déclaré vainqueur devant Masten Gregory sur Ferrari 410 S et Carrol Shelby sur Maserati 450 S. Maurice Trintignant, à qui Guérino le chef mécanicien du team Maserati, avait conseillé un départ prudent pour bien prendre en mains la 450 S, finit onzième de cette sinistre course.

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24 février 1958, La Havane, 23 heures. Une voiture s’arrête devant l’immeuble discret de la mission militaire de l’Argentine à Cuba. L’ambassadeur argentin est déjà là, il a été prévenu quelques heures auparavant. L’opération de « retencion patriotica » concoctée par Castro lui-même et mise en œuvre par Faustino Pérez arrive à sa fin et Juan Manuel Fangio est remis à ses compatriotes par les révolutionnaires. Ils seront bientôt surnommés « barbudos », les photographies de leurs visages aux systèmes pileux plus ou moins hirsutes apparaissant de plus en plus souvent dans les pages de journaux.

 

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Il n’y eut pas de « Gran Premio de Cuba » en 1959, pour cause de révolution castriste. Le dernier grand prix eut lieu en 1960, gagné par Stirling Moss au volant d’une Maserati Tipo 61 « birdcage » et couru sur un aérodrome désaffecté. Juan Manuel Fangio disputera encore  le Grand Prix d’Argentine le 19 janvier 1958 et le Grand Prix de France le 6 juillet de la même année, puis il mettra un terme à sa carrière de pilote de courses. Fulgencio Batista fut contraint à l’exil en 1959 et il mourut à Marbella en Espagne en 1973. Quant à Fidel Castro, le monde entier connait son histoire.

 

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En 1981, Juan Manuel Fangio se rendit à Cuba pour y conclure un contrat pour le compte des camions Mercedes-Benz. C’est l’organisateur de son enlèvement, Faustino Pérez devenu ministre de l’industrie, qui viendra l’accueillir à l’aéroport. Fidel Castro quittera quelques instants une réunion internationale importante pour aller saluer le pilote argentin et lui présenter ses excuses.

 


1958 Cuban Grand Prix

 

- Illustrations ©DR 

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