16 avril 2015
1966' Grand Prix movie - 3 - Spa Francorchamps
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« Sais-tu ce qu'il y a de particulièrement beau dans une voiture ? Quand elle ne marche pas bien, on peut la démonter entièrement, mettre ses organes à nu, découvrir la cause précise du mal et ôter la pièce défectueuse pour la remplacer par une neuve.
Si on pouvait en faire autant pour les humains... »
- Voir aussi: 1966' Grand Prix movie - Ouverture
- Voir aussi: 1966' Grand Prix movie - 1 - Monaco
- Voir aussi: 1966' Grand Prix movie - 2 - Charade
par Francis Rainaut
Un opéra wagnérien :
Vue sous un certain angle, le Grand Prix de Belgique 1966 prend un peu des allures d’opéra wagnérien, on pense plus particulièrement au « Vaisseau fantôme ». Et si l’on ajoute que dans la première version de cet opéra - celle de Paris – les personnages sont des Écossais et non des Norvégiens, la similitude est encore plus frappante. Il faudrait un jour demander à Sir Jackie son « point of vue » sur la question.
Et c'est cette ambiance d’épopée apocalyptique qui est parfaitement restituée par les images de Frankenheimer, permettant par la même à Grand Prix d'accéder au rang de classique de la course auto au cinéma. Songez que dans le premier tour du Grand Prix, pas moins de huit pilotes, soit plus de la moitié de la grille (1) sortirent plus ou moins violemment de la route (2).
(1) McLaren sur McLaren M2B Serenissima, Amon sur McLaren M2B Ford, Arundell sur Lotus-BRM H16, Vic Wilson (?) sur une BRM P261 du Team Chamaco-Collect, et Hawkins sur une Lotus 25 Climax du Team Parnell n’ont pas pu prendre le départ.
(2) Stewart, Bonnier, Spence, G.Hill, Clark, Bondurant, Hulme et Siffert.
Stewart et la sécurité :
Ce qui est également certain, c’est qu’au niveau de la sécurité, il y a eu un avant et un après Spa 1966. J’ai récemment été revoir Grand Prix lors d’une projection privée dans un cinéma du Quartier latin; une chose m’a frappée, lorsque la pluie, ou plutôt le déluge arrive sur le circuit de Spa-Francorchamps, on aperçoit des F1 dans tous les sens, notamment la Cooper-Maserati de Bonnier. Et bien pas mal de spectateurs - pourtant avertis – pensaient que tout cela n’était que du cinéma !
La scène obsédante où Jean-Pierre Sarti sort de la route après une (improbable) défaillance mécanique et où il tue deux jeunes spectateurs fut tournée pendant le week-end de course. Une scène tragique – The Cruel Sport dont parlait justement Robert Daley - mais n'étant pas hélas l'apanage de la pure fiction pendant cette période du sport automobile.
Lors de son accident Bonnier fut précipité à travers la fenêtre d’une ferme, fort heureusement il s’en tira avec des blessures superficielles.
Jackie Stewart, Graham Hill et Bob Bondurant sortirent de la route presqu’en même temps. Tandis que Hill s’en sortait indemne et Bondurant avec seulement quelques coupures et contusions, Stewart fut confronté à une situation autrement plus périlleuse. Il se retrouva piégé dans sa monoplace, qui avait basculé dans un fossé, avec une épaule cassée et des côtes fêlées. Mais, pire encore, l’essence fuyant du réservoir endommagé s’écoulait sur lui. On peut facilement imaginer les instants de terreur que Jackie était en train de traverser.
Il n’y avait aucun commissaire pour aider l’ Ecossais à sortir de là, ni bien sûr pas la moindre équipe médicale présente sur le site. Et ce furent finalement ses condisciples Hill et Bondurant qui le tirèrent de là - grâce à la trousse à outils d’un spectateur - ce qui ne prit pas moins d’une demi-heure ! Imaginez un instant que le feu se soit déclaré, c’est un véritable drame qui se serait produit.
Une fois extrait de sa BRM, Stewart fut installé à l’arrière d’une camionnette en attendant qu’une ambulance arrive. Il fut alors conduit au centre de premiers soins du circuit, pour attendre une deuxième ambulance chargée de l’emmener vers l’hôpital local. Mais celle-ci se perdit en cours de route (!) et Jackie fut finalement transporté vers le Royaume-Uni dans un jet privé, afin d’y recevoir des soins médicaux.
Cet incident devait conduire Stewart à se faire un ardent - et parfois impopulaire - défenseur de la sécurité sur les circuits.
“I would have been a much more popular World Champion if I had always said what people wanted to hear. I might have been dead, but definitely more popular…” dira plus tard Jackie, en ne plaisantant qu’à moitié.
L'éclosion de Jochen Rindt :
Cette course est également marquée par la révélation du talent du pilote autrichien, considéré un peu jusque là comme un jeune chien fou. Après le carnage du premier tour, il ne restait au tour suivant qu’un nombre dérisoire de sept monoplaces, avec en tête John Surtees devant son équipier Lorenzo Bandini puis les Cooper de Richie Ginther et de Jochen Rindt. Des quatre c’était le dernier nommé, le génial Rindt, véritable funambule sous la pluie, qui avait le rythme le plus impressionnant. L'Autrichien manifestait clairement son intention de prendre le commandement de la course.
De fait cela ne lui prit que quelques tours pour passer Ginther, Bandini et Surtees et conquérir la première place, Jochen put alors commencer à rêver à sa première victoire en F1 (3).
Mais alors que le circuit commence à sécher, c’est aussi le moment que choisit le différentiel autobloquant de la Cooper pour casser ! Et dès lors le rythme de Rindt faiblit, la victoire penche à nouveau pour le camp Ferrari. Au 24e tour (sur 28, c’était sur l’ancien circuit de 14 km) Surtees reprend le commandement et réussit dès lors à creuser un écart de 40 secondes pour remporter confortablement ce qui restera son ultime victoire pour la Scuderia.
(3) Cette chevauchée fantastique n'est pas sans rappeler celle effectuée à Rouen deux ans plus tard par un jeune prodige belge mais aussi celle réalisée à Monaco par un jeune Brésilien tout aussi prometteur, quelques dix-huit ans après.
Epilogue belge :
Devant les caméras, c'est en définitive le revenant Pete Aron sur la Yamura qui franchit la ligne d’arrivée en vainqueur. Sans le savoir, Jean-Pierre Sarti, pourtant bien parti pour remporter sa 3e épreuve d’affilée, commence tout juste à emprunter son « highway to hell ». La cote d’Aron, elle, remonte d’un seul coup. On verra ce qu’il sait faire à Zandvoort, pense Stoddard, dubitatif...
Alors Pete Aron, cela ne vous rappelle vraiment personne ? Mais si voyons, Eddie Irvine, le « bad boy » devenu opportunément en 1999 un concurrent sérieux pour le titre de champion du monde...
Une semaine plus tard, Surtees claque violemment la porte de la Scuderia, à l'issue d'une énième altercation avec son directeur sportif Eugenio Dragoni, le même qui lui a refusé la 246 V6 à Monaco, enfin le méchant de l'histoire, quoi.
Selon certaines sources (4), Dragoni suspectait Surtees de divulguer des informations confidentielles concernant la P3 à son ami Eric Broadley en train d'élaborer sa Lola T70 sport-prototype. Il s'en serait ouvert au Commendatore, lequel aurait demandé à son bras droit Franco Gozzi de vérifier ces informations. Mauro Forghieri confirmera cette version (5), à une nuance près ; ce serait Enzo Ferrari lui-même qui aurait eu des soupçons sur Surtees, et donné des instructions à Dragoni pour qu’il rende la vie impossible au champion anglais, ceci afin de provoquer la rupture (!).
La suite est connue, il serait intéressant de savoir dans quelle mesure elle a influencé le scénario définitif de Grand Prix.
Mais ceci appartient à l’épisode final, il reste encore beaucoup de courses à raconter.
(4) Sergio Cassano, « Piloti and Gentiluomini, Gli Eroi Italiani della Ferrari »
(5) Mauro Forghieri, « La Ferrari secondo Forghieri »
Illustrations:
- 2a & 2b ©DR
- 3b: BRM de Bondurant (pseudo Yamura) ©DR
- 4: Siffert, Spence et Bonnier observant la course ©DR
- 5a & 5b: Cooper de Bonnier, Lotus de Spence & BRM de Stewart ©DR
- 6a & 6b: Rindt dans le raidillon & Surtees et Rindt avant la course ©DR
- 7a : McLaren M2A 4,5 L, voiture caméra ©DR
Vidéo:
- Extrait de Grand Prix, épisode Spa-Francorchamps ©MGM
20:29 Publié dans j.bonnier, j.rindt, j.stewart, j.surtees, jp.sarti, l.bandini | Tags : john surtees, spa-francorchamps | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | |
Commentaires
À la suite de son accident, Stewart fera poser un clé (Anglaise) ou Écossaise? scotchée dans son cockpit.
Écrit par : Bruno | 17 avril 2015
Répondre à ce commentaireSur l'histoire du renvoi de Surtees, John avance une autre version, ce serait le britannique Mike Parkes qui aurait monté le renvoi de Surtees pour se voir attribuer une place en F1. Parkes était aussi un pilote ingénieur tout comme Surtees, mais John était plus rapide que lui et surtout était aussi plus écouté dans la Scuderia. Parkes "ne l'emportera pas au paradis" il sera très vite mis hors de combat suite à un accident grave. Pour en revenir au film, observez les casques de Montand Sarti, ils sont ceux dans l'ordre chronologique de Surtees, Parkes et Scarfiotti... pour respecter les changements de pilotes à la Scuderia réelle
Écrit par : Alain Hawotte | 17 avril 2015
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