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18 juin 2019

Mano a mano

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Sur le podium les deux pilotes européens quittés par leur collègue néo-zélandais prolongent la cérémonie. Ils décompressent après un âpre combat. Celui-ci a duré tout au long des cinquante tours que comptait la course...

par François Coeuret


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En ce début des seventies le circuit du Nürburgring est contesté par l’Association des pilotes de Grands Prix. Après une inspection, c’est au cours du Grand Prix de France que Jochen Rindt présenta à ses pairs un rapport alarmant. Les travaux destinés à améliorer la sécurité sur la célèbre boucle de 22 kilomètres ne pouvaient être réalisés pour le 2 août 1970. Le rendez-vous allemand est délaissé au profit d’une piste plus sûre située dans le Bade-Wurtemberg. Le circuit d’Hockenheim a été validé par le GPDA. Ce dernier a reçu des modifications significatives pour l’époque depuis l’accident tragique de Jim Clark. Deux chicanes ont été aménagées dans les lignes droites et la piste a été bordée de rails. Aux secteurs très rapides de la forêt s’oppose la partie stadium et ses enchaînements serrés. Les pilotes sont confrontés à un choix de réglages cornélien, un compromis peu évident à trouver.

 

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Le point et les essais

L’autrichien Jochen Rindt est en tête du Championnat avec onze points d’avance sur Jack Brabham. Il vient d’enregistrer trois victoires d’affilée. Son enthousiasme est cependant modéré par la relation qu’il entretient avec le patron de Lotus. Sa confiance s’est amenuisée. La raison de cette retenue se nomme Lotus 72. Si la monoplace de Colin Chapman se situe parmi les plus rapides du lot, Rindt juge sa fiabilité précaire aussi bien dans le sens mécanique qu’au niveau sécurité. Chapman n’a d’yeux que pour sa belle création et néglige les arguments de son pilote.

jochen rindt,hockenheim

Jack Brabham a joué de malchance à Monaco comme en Angleterre, ce dont a profité le jeune autrichien qui a le vent en poupe. Sur la piste d’Hockenheim, « Black Jack » a réalisé le douzième temps des qualifications loin derrière Jacky Ickx qui a coiffé de justesse la Lotus de Rindt en s’adjugeant la pole position. Comme son équipier, Regazzoni a exploité la puissance du 12 cylindres de Maranello et obtient le troisième temps. Suivent Siffert (March), Pescarolo (Matra), Amon (March), Stewart (March) puis Rodriguez (BRM), Andretti (March) et Miles (Lotus) qui bouclent le « top ten ».

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La course

Une belle chaleur continentale enveloppe un stadium bondé au baissé du drapeau. Siffert, parti comme une fusée, bondit en tête suivi de Ickx et Rindt avec le reste de la meute des 21 monoplaces. Ickx déborde virilement le Suisse au premier freinage. Il prend la tête. Rindt lui fait subir le même sort dans l’ Ost-kurve. Regazzoni double aussi Siffert au second tour et prend le sillage des deux leaders. L’aspiration joue encore un petit rôle dans les deux lignes droites malgré les chicanes qui cassent l’élan des monoplaces. Rindt se fait pressant derrière la Ferrari de Ickx. Au septième tour il passe le Belge qui est pénalisé face à l’Autrichien par sa quantité de carburant embarqué. Dans la manœuvre Regazzoni reprend la seconde place à son équipier mais Ickx récupère vite sa place.

jochen rindt,hockenheim

Dixième tour Rindt se fait surprendre dans le Stadium et cède le commandement à la Ferrari. Les trois premières monoplaces suivies par Amon sont roues dans roues et les pilotes jouent aux chaises musicales. Regazzoni s’impose furtivement face à Rindt qui rétablit rapidement la situation. Même si les phases de doublage ont lieu la plupart du temps dans les lignes droites à l’approche des chicanes ou dans la longue courbe au fond du circuit les spectateurs n’ont pas le temps de s’ennuyer. Quand les voitures entrent dans le stadium il faut souvent réviser le classement !

Tour 18 : Rindt retrouve la première place au petit jeu de l’aspiration.

Tour 20 : Rindt, Ickx et Regazzoni sont toujours roues dans roues, la bataille fait rage. Du beau spectacle ! Le Suisse va alors surprendre Ickx puis Rindt. Emporté par son enthousiasme Rega va commettre une légère faute qu’il paye cash : Rindt et Ickx repassent !

Tour 26 : Ickx prend le meilleur sur la Lotus 72 dans Ost-kurve et récupère la première place. Au tour 31 son équipier part en tête à queue au fond du circuit, sa transmission cède au moment de reprendre la piste.

Tour 32 : Rindt attaque Ickx à l'aspiration et reprend une nouvelle fois la tête.

Tour 35 : Amon qui était venu chatouiller les deux hommes de tête stoppe soudainement son élan moteur cassé.

Tour 36 : les spectateurs s’agitent dans le stadium : Ickx vient de doubler la Lotus 72 ! Il résiste jusqu’au tour 42. La Ferrari domine sur les parties sinueuses tandis que la Lotus se rapproche dans les secteurs rapides.

Tours 44/45 : Rindt passe puis se fait à nouveau doubler ! Il reste 5 tours tout peut encore changer d’ici le drapeau à damier. Pescarolo en quatrième position  réalise une belle course mais perd l’usage de son 5e rapport, Hulme futur troisième le passe.

Tour 47 : Rindt est dans les échappements de la Ferrari et exerce une énorme pression à laquelle Ickx ploie. Mais ce dernier à l’approche d’une chicane reprend ses droits au tour 48 ! Le public dans le stadium ne doit pas en revenir !

Tour 49 : tournant de la course; le pilote Lotus qui s’était tout de suite collé derrière la Ferrari après s’être incliné réussit à déborder Ickx. Le suspense est à son comble ! Rindt va garder de justesse l’avantage jusqu’au drapeau à damier : sept dixièmes d’avance. Le public exulte ! Les deux hommes ont fait oublier tout le monde. Hulme termine troisième à plus d’une minute du vainqueur. Sept pilotes seulement terminent la course et autant de moteurs ont rendu l’âme lors de ce Grand Prix.

 

jochen rindt,hockenheim

 

Après ce vibrant spectacle le podium fait retomber la tension pour tout le monde ! Le drame veille malheureusement chez Lotus. Rindt abandonnera sur casse moteur à domicile en Autriche lors du Grand Prix suivant. Ce sera sa dernière course.


 

N.B. en écrivant cette note grâce à l’aide de l’excellent site « Statsf1 » qui publie les tour par tour de nombreux Grands Prix, je prends conscience qu’à cette époque et dans mes rêves d’adolescent, c’est à cette course que j’aurais voulu entre toutes assister.

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   - Illustrations ©D.R.

Commentaires

Beau résumé Francis ! On trouve sur youtube l'interview de Ickx par Rindt après la course !
9'10" https://youtu.be/gK3PFj6FR2k

Écrit par : Marc Ostermann | 18 juin 2019

Merci Marc ! Ne surtout pas oublier François, auteur de ce texte, qui nous replonge avec passion au coeur des seventies, une époque où les "commissaires" de course ne se prenaient pas pour des arbitres de fouteballe, et laissaient le talent et le courage pleinement s'exprimer...
Qu'est ce que je pouvais bien faire en août 1970 ? Après un job d'été à la Saviem, pour financer ma licence moto et l'achat d'une Moto Morini, je devais certainement traîner dans la vallée de Chamonix en attendant de rallier Monza en septembre avec la DKW du cousin Willm.
La suite est hélas trop connue...

Écrit par : Francis | 18 juin 2019

Oui tu as mille fois raison ! Et je n'avais pas vu la signature de François, grand merci à lui !!
PS. Moi en août 70 j'étais aux noces d'or de mes grands parents !!

Écrit par : Marc Ostermann | 18 juin 2019

Les commentaires sont fermés.