Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17 août 2020

La fois où Steve McQueen et Peter Revson ont failli gagner Sebring

McQueenRevsonVL70-1.jpg

 Ce fut certainement la voiture la plus « starisée » de toute l’histoire de Sebring, ses deux pilotes étaient des légendes.

L’un d’eux fréquenta Miss Univers, apparut dans des émissions de télévision, fit la promotion de marques comme Rolex, eut sa propre ligne de lunettes de soleil, et fut désigné athlète le plus sexy des U.S.A. par un magazine américain en 1973. L’autre pilote était Steve McQueen.

adaptation Francis Rainaut


20200321-221712-copy-745x267.jpg

Lorsque Peter Revson accepta de faire équipe avec Steve McQueen pour participer aux 12 Heures de Sebring en 1970, chacun en prit bonne note. Toute l’attention, bien sûr, était focalisée sur McQueen.

Après avoir joué dans des films à succès tels que La Canonnière du Yang-Tsé ou Bullitt, McQueen était devenu en 1970 l’une des plus grandes stars d’Hollywood. Mais c’était aussi un coureur dans l’âme... Son engagement aux 12 Heures de Sebring était sa deuxième participation à la prestigieuse course. En 1962, McQueen avait conduit une Austin-Healey dont le moteur rendit l’âme après 71 tours.

 

sebring62.JPG
Sebring 1962. Steve McQueen

 

En 1970, McQueen avait à nouveau la course à l’esprit. Il avait prévu de faire un film basé sur les 24 Heures du Mans et voulait alors relancer sa propre carrière de pilote. Il acheta donc une Porsche 908 Spyder et l’engagea pour les 12 Heures de Sebring prévues le 21 mars. Lorsque le formulaire d’inscription fut soumis, il n’avait pas encore de copilote. En fait, son copilote ne fut choisi qu’une semaine avant la course. Et il était tout aussi intéressant que McQueen.

Né à New York, Peter Revson était surtout connu à l'époque à cause de son entourage familial. Son oncle avait fondé Revlon Cosmetics et Peter a longtemps été dépeint comme un « New‑yorkais mondain » en plus d’être un héritier de la firme de cosmétiques. Mais comme on peut l’imaginer, une famille qui fait des millions dans la vente de maquillages et autres vernis à ongles ne se souciait pas vraiment des voitures de course de leur fils. L’ascension de Peter dans la hiérarchie des courses s’est faite par un travail acharné et les propriétaires d’équipe durent l’embaucher pour conduire leurs voitures sans qu’il apporte le moindre d’argent.

En 1967, Revson était pilote d’usine pour le programme Ford GT40. Lors d’une séance d’essais privée à Daytona en mars de cette année, un pneu déchiré envoya la Ford de Revson faire un tonneau les quatre roues en l’air un peu comme la Mercedes CLR au Mans en 1999. Il se sortit indemne de ce spectaculaire looping. En Trans-Am, Revson conduisait une Mercury Cougar pour Bud Moore. En 1968, il devint pilote d’usine pour AMC en Trans-Am et conduisit pour Carroll Shelby dans la Can-Am. En 1969, il termine cinquième en tant que rookie à l’Indy 500 et remporte une course d’IndyCar à l’IRP.

Lors des 12 Heures de Sebring en 1970, Revson était censé être le coéquipier de Mark Donohue AMC Javelin appartenant à Roger Penske. Mais moins de deux semaines avant la course, la voiture fut disqualifiée quand il devint clair qu'AMC ne pourrait pas construire assez de Javelin similaires pour atteindre le quota de voitures de production SCCA. Revson étant sur la touche, McQueen l’a alors rapidement embauché comme copilote.

 

mcqueen-minibike-mcart.jpg

Au milieu de tout ça, l’acteur était aux prises avec une blessure qui menaçait sa course. Deux semaines plus tôt, McQueen s’était cassé le pied gauche en six endroits alors qu’il courait en moto dans le Nevada et avait à peine obtenu l’autorisation médicale pour courir à Sebring. Il avait besoin de porter un énorme plâtre ignifugé qu’il appelait sa « botte de Frankenstein ». Du papier de verre fut collé en dessous du plâtre afin d’offrir suffisamment de grip sur la pédale d’embrayage.

78 voitures étaient engagées dans la course pour seulement 70 autorisées à prendre le départ. La pole fut obtenue par Mario Andretti au volant d’une Ferrari 512S. La voiture McQueen-Revson se qualifia en 15e position.

Au départ de la course, c’est Steve qui était au volant de la 908 #48. Pour la première fois, l’événement ne commença pas par traditionnel « départ Le Mans » avec des pilotes courant vers leur voiture. Considérant qu’il pouvait à peine marcher, McQueen était tout heureux qu’ils se soient débarrassés de cet anachronisme, plaisantant qu’ « ils auraient du le pousser à travers la piste sur un fauteuil roulant. »

À mi-course, Andretti menait, les Ferrari étant alors 1-2-3. McQueen et Revson étaient à sept tours derrière. Il fut signalé que le meilleur temps au tour de McQueen était d’environ 2 minutes 50 secondes. En comparaison, le meilleur de Revson était plus rapide d’environ sept secondes. On ne sait pas comment ils se sont répartis les relais, mais Revson a certainement conduit la plus grande partie du temps. Après avoir terminé ses relais, McQueen imbibait son pied cassé dans de l’eau chaude.

 

sebring70-porsche908.jpg
Steve McQueen en piste

 

Andretti conduisait la Ferrari 512S #19. Partageant la voiture avec Arturo Merzario, Mario s’est un peu mis en retrait de la course. Lentement, les Ferrari furent frappées par des problèmes mécaniques, leurs voitures abandonnèrent ou perdirent des tours dans les stands. À deux heures de la fin, Andretti était toujours en tête, mais Revson avait grimpé à la deuxième place.

À ce stade, le célèbre commentateur Chris Economaki lâcha carrément

- « Si une star de cinéma sur une seule patte gagne cette course, vous vous demandez vraiment si c’est de la course. »

À une heure et 45 minutes de la fin, Andretti a remis la voiture à Merzario. À ce moment-là, ils avaient 10 tours d’avance, environ 25 minutes devant Revson. Mais la Ferrari était en danger. C’était la boîte, les vitesses sautaient et Merzario reçu l’ordre de rouler très lentement afin de préserver la voiture. À ce moment, Mario a été expédié sur la voiture de ses coéquipiers, la #21 Ferrari, qui était à un tour derrière Revson. Andretti est monté dans la voiture et a essayé de rattraper les voitures devant, une précaution si la voiture de tête devait casser. À un peu plus d’une heure de la course, la boîte de vitesses de la #19 a finalement rendu l'âme et Merzario l’a garée sur le côté de la piste.

 

70sebandretti05.jpg
Mario Andretti sur la #19

 

Cet abandon a mis en place le scénario d’une bataille épique de trois voitures pour la victoire. La tête de la course était dorénavant occupée par une Porsche 917 K usine partagée par Pedro Rodriguez, Jo Siffert et Leo Kinnunen. Devant Revson et McQueen. Andretti était maintenant troisième dans le même tour, sur la voiture d'Ignazio Giunti et Nino Vaccarella.

A 26 minutes du drapeau à damiers, la Porsche 917 K conduite par Rodriguez est entrée dans les stands. La voiture connaissait depuis le début d'incessants problèmes mécaniques et le moyeu avant droit finit par casser. Un long arrêt aux stands pour réparer fit tomber la Porsche à quatre tours.

Cela a donné le leadership à Revson. Aussi improbable que cela ait semblé, la voiture un peu dépassée, partagée par un acteur infirme et un héritier des cosmétiques épuisé était malgré tout en tête de la course. Mais ça ne dura pas longtemps. Un tour plus tard, Andretti dépassa Revson pour reprendre à nouveau la tête et creuser un écart tangible avec la #48.

Avec deux tours à faire et une grosse avance, Andretti s’arrêta alors pour remettre un tout petit peu de carburant et retourna en piste. La Ferrari gagna en définitive avec un écart de 23 secondes sur Revson et McQueen, classés deuxièmes au général. Leur deuxième place signifiait également qu’ils avaient remporté la classe Sports Prototype 3000. C’est la combinaison d’une voiture supérieure et d’un pilote légendaire qui les a battus pour la victoire globale.

« (Mario) est un pilote si rapide que ça a fait toute la différence », a déclaré Revson plus tard à Auto Racing Digest. « Je suis convaincu que si Mario n’avait pas pris le relais, nous aurions gagné. »

 

Sebring+1970+PWP.jpg

 

Bien que McQueen et Revson n’aient pas remporté l'épreuve, ils ont fait beaucoup mieux que les prévisions les plus optimistes. Y compris celles des pilotes.

« La voiture était assez bonne, » a dit Revson. « Mais Steve avait ce plâtre sur son pied, et je ne pensais pas que nous puissions faire un aussi bon résultat. Steve a de l’endurance, cependant, et il a surtout du cran. Il a fait un travail fantastique compte tenu de son handicap. » 

Mais il y a certains qui soutiennent que Revson et McQueen ont effectivement gagné la course et que seule une erreur de notation a donné la victoire à la Ferrari. Un article de Louis Galanos donne le point de vue d’un chronométreur qui dit Revson était en fait en avance d’un tour complet sur Andretti. Lorsqu’on lui a demandé dans son camping-car après la course s’il aimerait protester contre le classement, McQueen répondit qu'il était satisfait de sa deuxième place et qu'il ne voulait pas de controverse.

Environ une heure après la course, McQueen a quitté son camping-car et a appelé Revson à travers la foule. « Hey Peter, ils veulent à nouveau te tester. » McQueen a tapé dans la main de Revson - un high-five en anglais - et a quitté la piste avec une escorte de police. Leur bref partenariat était terminé.

 

porsche-908-29-LM70-M.jpg
La Porsche 908 Solar Production au 24H du Mans 1970

 

Dans l'optique de réaliser son film « Le Mans », McQueen devrait courir les 24 Heures du Mans cette année-là sur une Gulf Porsche 917 usine avec Jackie Stewart. Malheureusement, les studios de cinéma lui interdire de courir, de sorte que son engagement dans la course française fut retiré. La Porsche Sebring de McQueen fut utilisée comme véhicule caméra au Mans pour enregistrer des scènes du film. Le Mans est sorti en Juin 1971.

Deux mois après Sebring, Revson fut engagé par l’équipe McLaren. Il remporta la pole pour l’Indy 500 en 1971 et finit deuxième de la course. Il remporta ensuite le championnat Can-Am 1971 pour l’équipe et courut pour eux à temps plein en Formule Un en 1972. Revson a remporté deux Grand Prix en 1973 et a terminé cinquième au Championnat du monde en 1972 et 1973. À ce stade, Peter était l’un des principaux pilotes U.S., apparaissant dans les publicités pour Rolex, vitamines, et les voitures à sous. Il avait sa propre ligne de lunettes de soleil et sortait avec Miss Univers. Tragiquement, Revson a perdu la vie le 22 mars 1974 lorsque une panne mécanique a envoyé sa Shadow F1 dans un garde-corps sud-africain.

 

wp24897a80_05_06.jpg

La participation de Steve McQueen à Sebring en 1970 reste l’une des plus spectaculaires de l’histoire de la course. La course elle-même n’est pas loin de s’être jouée comme un film avec une fin presque scénarisée.

Mais même alors, il serait difficile de croire qu’un acteur avec une seule jambe valide pourrait s’approcher si près de la victoire.

... d'après un post de nascarman sur www.racing-reference.info


- Illustrations ©D.R.

Commentaires

Merci à Francis qui nous a présenté ce très médiatique équipage US ainsi que les péripéties de cette course peu ordinaire... On ne peut s'empêcher de penser que sans son handicap McQueen aurait pu retourner la situation et gagner l'épreuve... Peut-être alors aurait-il entamé une nouvelle carrière? Celle de pilote automobile, il en possédait l'étoffe.

Écrit par : F.Coeuret | 17 août 2020

Très doué Steve et avec Peter Revson un équipage sérieux, dommage qu'il n'y a pas eu d'autres courses .

Écrit par : Daniel Robin | 17 août 2020

Les commentaires sont fermés.