30 mars 2022
Claude Ballot-Lena, la course en équipe
Claude Ballot-Lena est né en août 1936 à Paris. Féru de sport dès l’adolescence il cachait sous sa « grande carcasse » une gentillesse appréciée de tous.
Ses airs nonchalants dissimulaient la détermination de celui qui veut « accomplir sérieusement un truc qui lui plaît ». Il vint au sport automobile par curiosité, pas de plan de carrière ni prétention de réaliser un parcours de champion mais le goût du sport, de l’effort, des défis.
François Coeuret
Tout jeune il pratique le cyclisme et la boxe. Il en gardera comme souvenir un nez cassé mais aussi le respect de l’adversaire et une capacité à jauger ses limites.
« Je ne suis pas un amoureux de l’automobile, si je suis venu à la course c’est par goût de la compétition mais aussi pour voir si on s’y amuse »
dixit le grand gaillard bon vivant.
Claude Ballot-Lena (1936-1999) c’est une carrière de près de trente ans entre le début des années 1960 et 1990, année où il raccroche son casque. Baroudeur des circuits et épreuves routières le pilote parisien s’est forgé un palmarès élogieux participant à des compétitions aussi variées que les rallyes, les courses de voitures de sport, de tourisme et de stock-car américain.
Son palmarès est particulièrement convaincant dans les courses d'endurance, à son actif sept victoires de classe aux 24 Heures du Mans, une victoire au général aux 24 Heures de Spa en 1969 ainsi qu’aux 24 Heures de Daytona en 1983. Son meilleur résultat au Mans a été la troisième place à la distance en 1977.
Le pied à l’étrier
Il s’achète en 62 une Dauphine 1093. Très à l’aise sur circuit il se forge de l’expérience, s’étalonne face à ses adversaires. Il passe à la Berlinette en 63. Peu satisfait de sa monture il acquiert ensuite une Abarth Simca 1300 qui lui apporte de nombreuses victoires de classe. Entre 64 et 65 il en remporte 37 en rallye, circuit et course de côte qui lui valent un contrat fin 65 avec la firme turinoise. Il participe également à la course des 1000 km sur le circuit de Linas-Montlhéry en 1964, une manche du championnat du monde des voitures de sport, terminant 19e au général et deuxième de la catégorie GT 1.3.
Pour la suite le résumé de son énorme carrière nécessite de nombreux paragraphes :
Débuts aux 24h du Mans en 1965
Ballot-Lena fait ses débuts au Mans en 65, il conduit une Abarth 1000 SP, partageant la voiture avec Frank Ruata, mais ne sont pas qualifiés pour la course. Un an plus tard, Ballot-Lena revient au Mans dans le cadre du projet Mini Marcos GT. Il est associé à Jean-Louis Marnat, ils terminent 15e au général et cinquième de la catégorie P 1.3.
« Cette auto plafonnait à 200 en pointe ».
Réflexion de Jo Schlesser à l’époque :
« dis Ballot, il y en a combien des Marcos en piste, je n'arrête pas d'en doubler ! »
En juin 1967, Ballot-Lena rejoint la société française SEC Automobiles pour conduire son prototype CD SP66C-Peugeot au Mans. Partageant une voiture avec Denis Dayan, ils n'ont pas terminé la course. En juillet, au volant d'une BMW 2000 TI. il abandonne aux 24 Heures de Spa.
1968 début de la période Porsche
En 1968, après quelques tentatives décevantes en F3 il revend sa Brabham : « La F3 une grosse bêtise ! Je ne connaissais rien aux réglages d'une monoplace et en plus, je me suis fait avoir par un Anglais qui m'a vendu un Ford Anglia poussif au prix d'un Cosworth ». Il achète une Porsche 911 pour courir à la fois dans les courses de voitures de sport et les rallyes. Il bénéficie de l’assistance client de Sonauto. Ballot-Lena abandonne au Rallye du Maroc et au Tour de Corse mais remporte le Rallye International de Picardie sur sa Porsche 911 R.
Dans les compétitions de voitures de sport, il court dans plusieurs épreuves nationales, puis participe au Mans sur la Porsche 911 T associé à Guy Chasseuil. Ce sera le début d’une longue collaboration. Ils abandonnent après 224 tours.
En 1969, le fait saillant de sa saison est la victoire aux 24 Heures de Spa faisant bien sûr équipe avec Guy Chasseuil sur la Porsche 911 T n°39 de Sonauto. Cette année-là, Ballot-Lena a remporté quelques victoires de classe supplémentaires au Tour de France, aux Coupes du Salon, aux 1000 km de Paris. Aux 24h du Mans, il signe son premier podium en terminant deuxième de la catégorie GT 2.0L toujours sur 911 T.
En rallye, Claude fait ses débuts au Monte-Carlo sans terminer la course au volant d’une Renault 8 Gordini. Il pilote aussi la Porsche 911 T, meilleur classement la troisième place du Rallye du Mont-Blanc.
En 1970, Ballot-Léna a de nouveau un double programme, courses sur circuit et rallyes. Le point d’orgue de l'année est sa première victoire aux 24 Heures du Mans au commande de la Porsche 914/6 #40 partagée avec le compère Chasseuil, ils terminent sixième au général et premier de la catégorie GT 2.0.
« Elle était agile avec ses petites roues sous l'averse. On allait plus vite que les gros protos qui partaient en aquaplaning. On s'est bien amusé mais dès que la piste a séché, qu'est-ce qu'on ramait dans la ligne droite. Pas vu, pas pris, je m'allumais une cigarette pour passer le temps et je la planquais à Mulsanne à cause de commissaires perchés sur le talus ! »
Après avoir bossé avec Chasseuil sur le film « Le Mans » les deux potes rêvent de protos. En fin de saison ils louent une Porsche 908/2 du Martini Racing aux 1000 km de Paris, terminant troisième avec Larrousse.
En rallye son meilleur résultat fut la deuxième place au Rallye International de Picardie sur une Porsche 911 S.
En 1971, Ballot-Lena et Chasseuil remportent les 3 Heures du Mans sur une Porsche 908 mais abandonnent aux 24 Heures du Mans avec la même voiture. En septembre 1971, le Parisien termine troisième du Tour de France sur une Porsche 911.
Fin 1971 nouvelle monture : la Ferrari 365 GTB 4. Cette dernière non encore homologuée termine troisième lors des 1000 km de Paris. Le Parisien partageait le volant avec JC Andruet. Succès du même équipage aux 24h du Mans 1972 : la Ferrari 365 GTB/4 n°39 de Charles Pozzi termine cinquième au général et remporte la catégorie GT.
Un an plus tard, Claude s'associe à Vic Elford : victoire au Mans en catégorie GT avec la Ferrari 365 GTB/4 n°3. Ils ont terminé sixième au classement général.
En 1972 et 1973, Ballot-Lena a continué à courir avec la Porsche 911 S ou 911 Carrera RSR dans le Championnat d'Europe GT, remportant de nombreuses victoires et podiums. Il a également piloté une BMW 2002 Ti au Rallye Monte-Carlo à deux reprises, en 1971 et 1972.
Trois départs avant l'abandon du rallye
En 1973, lorsque le Championnat du Monde des Rallyes est créé, Ballot-Lena prend deux départs sur deux voitures différentes. Au Monte-Carlo, il termine 23e sur une Alpine-Renault A110 1800. Au Tour de Corse, il termine 17e sur une Alfa Romeo 2000 GTV. Dans les deux épreuves, son navigateur était Jean-Claude Morenas.
En 1974, Ballot-Léna fait sa dernière apparition en rallye au Tour de Corse. Il conduisait une Alfa Romeo 2000 GTV et n'a pas terminé le rallye en raison d'un accident. La discipline lui paraît plus fastidieuse que la piste :
« Pour aller vite dans les spéciales, il faut se fâcher. Moi je rigole en conduisant. Je ne suis pas assez méchant en rallye. »
Retour au Mans avec Porsche en 1974
1974 et 1975, Claude renoue avec Porsche dans les courses GT, la 911 Carrera RSR. En compagnie de Vic Elford, il ne termine pas les 24 Heures du Mans 1974. Un an plus tard, Ballot-Lena et Jacques Bienvenue finissent quatrièmes en catégorie GT. Claude enregistre un bon résultat aux 24 Heures de Spa 1974 avec l’Alfa Romeo 2000 GTV, terminant deuxième avec Bernard Beguin.
1976 Objectif Daytona – Le Mans
Claude Ballot-Lena débute la saison par le podium des 24 Heures de Daytona. Associé à Al Holbert il monte sur la deuxième marche (Porsche 911 Carrera RSR).
Au Mans le Parisien pilote le prototype WM P76-Peugeot pour l'Ecurie TS, partageant la voiture avec son ancien partenaire Guy Chasseuil. Ils abandonnent après 125 tours.
Aux 24 Heures de Spa 1976, Ballot-Lena termine quatrième sur l’Alfa Romeo GTV n°34, son équipier est Guy Fréquelin.
En 1977 podium au Mans
Claude débute la saison à Daytona, toujours au côté d’Al Holbert. Cette fois, ils étaient au volant d'une Chevrolet Monza et n'ont pas terminé la course.
De retour en Europe, Ballot-Lena rejoint JMS Racing Team au Mans pour partager la Porsche 935 #40 avec Peter Gregg. Ils sont parmi les plus rapides des équipages du groupe 5 et terminent troisièmes au général. Cela reste le meilleur classement de la carrière de Claude au Mans.
1978 à 1982 Porsche puis Ferrari
Daytona devient la destination habituelle de Claude chaque mois de février. En 1978, il termine neuvième de la course de 24 heures dans une Porsche 935 qu'il pilote avec Peter Gregg et Brad Frisselle. Il est passé à Ferrari aux 24 Heures du Mans aux commandes de la 512 BB/LM #89 pour Pozzi-JMS Racing, partageant la voiture avec Jean-Louis Lafosse mais ne finissant pas la course.
Au volant de la Ferrari 512 BB/LM de Charles Pozzi il enregistre quatre autres tentatives au Mans jusqu'en 1982. A trois reprises il n'a pas réussi à terminer la course mais célèbre sa cinquième victoire de classe en 1981. Il termine cinquième au général et premier en catégorie IMSA GTX associé à Jean Claude Andruet et Hervé Regout.
En parallèle Ballot-Lena pilote une BMW dans des courses de voitures de tourisme. Il termine troisième aux 24 Heures de Spa 1980 au volant de la BMW 530i n°39 du JMS Racing Team en équipe avec Jean Claude Andruet. L'année suivante, il est revenu à Spa dans la même voiture mais n'a pas terminé la course.
Mais aussi le NASCAR
En 1978 et 1979, Claude Ballot-Lena participe à des courses de stock-car US, il réalise six départs et une non qualification dans le NASCAR Winston Cup Series. Il fait ses débuts au Daytona 500 de 1978, au volant de la Dodge #49 pour GC Spencer Racing, bouclant 190 tours pour terminer 22e. Dans la course suivante, le Winston 500 de Talladega, il termine 18e.
Plus tard cette année-là, il retourne à Daytona et Talladega pour courir dans les Firecracker 400 et Talladega 500 mais abandonne dans les deux courses.
« Le Nascar, c'est l'aventure à l'état pur. Contrairement à ce que l'on pense en Europe, le pilotage est extrêmement technique. En plus, il faut un gros cœur pour aborder les courbes de l'ovale à plus de 300. Pendant longtemps je n'arrivais pas garder le pied enfoncé sur l'accélérateur. Un jour, Bobby Allison m'a offert une paire de "Santiag" avec un petit sourire. Il me montrait le talon biseauté, et me disait simplement de le caler sous la pédale ! »
En 1979, Ballot-Lena n'a pas réussi à se qualifier pour Daytona 500 mais a pris le départ à Atlanta 500 dans l'Oldsmobile n° 6. Il est sorti après 168 tours victime d’un sérieux choc. Sa dernière course NASCAR était le Firecracker 400 à Daytona en juillet. Il s'est arrêté sur casse moteur à mi-course.
Victoire aux 24 Heures de Daytona 1983 sur une Porsche 935
En février 1983, Ballot-Lena remporte l'une de ses plus belles victoires aux 24 Heures de Daytona. Il remporte la course dans la Porsche 935 n° 6 du Henn's Swap Shop Racing, en équipe avec Bob Wolleck , AJ Foyt et Preston Henn.
« Super ! mais à l'arrivée, il n'y en avait que pour "Aïe Jay" alors qu'avec Bob, on avait fait tous les relais de nuit et ceux de jour sous la pluie » …
Lors de la course du Mans cette année-là, Ballot-Lena conduit une Porsche 956 pour Fitzpatrick Racing, terminant à la dixième place.
En février 1984, Claude revient à Daytona dans la Porsche 935 Bayside Disposal #86, achève la course de 24 heures à la quatrième place. Ses partenaires étaient Al Holbert, Hurley Haywood, Bruce Leven.
Deux tentatives mancelles pour Jaguar
En juin 1984, Claude rejoint l'équipe Jaguar pour piloter la XJR-5 n°40 aux 24 Heures du Mans. Il partage la voiture avec Tony Adamowicz et John Watson. Ils abandonnent suite à un accident après 212 tours.
Claude abandonne aux 24h de Daytona 1985 avec Jaguar puis revient au Mans en juin 1985 pilotant la Jaguar XJR-5 n°44 avec Bob Tullius et Chip Robinson. Il termine 13e au général et premier de la catégorie GTP.
Un succès de plus au Mans avec une Porsche 961
Pour les 24 Heures du Mans 1986, Ballot-Lena rejoint l'équipe d'usine Porsche pour piloter la Porsche 961 en classe GTX. Le duo est formé avec René Metge, ils terminent septièmes au général en tête de leur catégorie.
Ballot-Lena enregistre deux derniers départs au Mans en 1988 et 1989. Il conduisait la Spice SE88C-Cosworth pour Chamberlain Engineering en 1988, ne terminant pas la course. En 1989, il partage la Porsche 962 de Joest Racing avec Henri Pescarolo et Jean Louis Ricci, l’équipage français finit à la sixième place. Il rencontre des problèmes de vue la nuit.
Voitures de tourisme avec BMW et Ford
Parallèlement à ses engagements en voiture de sport avec différentes équipes dans les années 1980, Ballot-Lena court régulièrement avec BMW dans des courses de voitures de tourisme, dans le championnat national français et européen et bien sûr aux 24 Heures de Spa, mais sans succès notable.
Sa dernière apparition aux 24 Heures de Spa remonte à 1988 alors qu'il pilotait une Ford Sierra RS 500 pour Luigi Racing, il ne termine pas la course.
Retraite en 1990
A 52 ans, Claude Ballot-Lena connaît une saison 1988 chargée, engagé avec le Chamberlain Racing dans le championnat du monde Sports-Prototype mais également avec Whitehall Motorsports dans le championnat IMSA Lights au volant des prototypes Spice.
En 1989, il prend six départs avec la Porsche 962 de Joest Racing et cinq avec la Spice-Cosworth de France Prototeam. La carrière de Claude prend fin en 1990. Cette année-là, il participe pour la dernière fois aux 24 Heures de Daytona avec la Spice SE87L-Pontiac n°79 (abandon sur casse moteur).
Claude Ballot Léna prend alors une retraite bien méritée avec des projets hors compétition. La maladie emporte en 1999 ce baroudeur de la course à l’âge de 63 ans.
- Source : Caradisiac.com
- Illustrations ©DR
15:58 Publié dans aj.foyt, c.ballot-lena, v.elford | Tags : ballot-lena, chasseuil | Lien permanent | Commentaires (5) | Facebook | |
Commentaires
Joli portrait d'un incontournable du sport automobile français. Pilote éclectique comme le montre l'article.
Écrit par : Koenig Gerard | 30 mars 2022
Répondre à ce commentaireJ'étais justement hier à l'enterrement d'un de ses premiers copilotes en rallye en 1962 et 1963 Branko Stoikovitch qui fut également aux cotes de Chasseuil, Piot, Gillet, Marnat, Garant, Poirot, Magne
de plus il possédait un bon coup de volant j'avais de plus la chance de l'avoir pour ami!
Écrit par : Patrice Moinet | 30 mars 2022
Répondre à ce commentaireJoli boulot de François Coeuret : je sais, par expérience personnelle, ce qu'il faut de patience et de persévérance pour finaliser une note comme celle-ci. Merci, et... à la prochaine ! ! !
Écrit par : Raymond Jacques | 01 avril 2022
Répondre à ce commentaire...Sans oublier la mise en page (c'est important) de Francis... Un "travail" d'équipe ...
Écrit par : F.Coeuret | 01 avril 2022
Oui, cher François, pour moi, Francis est inégalable pour dénicher des illustrations, si tant est qu'il existe des nids d'illustrations !
Écrit par : Raymond Jacques | 01 avril 2022
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