07 mai 2018
Bankings(*) ! Lequel sera le plus « raide » ?
La compétition automobile, tout comme la haute couture, a ses modes. Elles sont le reflet d’un moment de l’histoire et de la société qui vit ce moment.
Avant nos modernes tourniquets, qui sont conçus pour qu’aucun pilote ne s’y tue et pour que les télévisions du monde entier se voient obligées de payer des droits de retransmission ahurissants au bénéfice d’une poignée d’organisateurs, les premiers circuits automobiles fermés et uniquement dédiés à la course se devaient de présenter des virages relevés, nommés « banking » chez nos amis anglo-saxons.
En voici quelques uns, par ordre d’ouverture et tous construits avant la Seconde Guerre Mondiale
par Raymond Jacques
(*Bank : talus, berge, levée de terre).
12:24 Publié dans a.ascari, j.behra, j.siffert | Tags : alexandre lamblin, raymond jamin | Lien permanent | Commentaires (12) | Facebook | |
17 janvier 2018
L'étoffe d'un héros
"Avec un dernier sourire sur son si beau visage, Dan s'en est allé vers l'inconnu juste avant midi ce dimanche 14 janvier...", a écrit son épouse Evi dans un communiqué (1).
Dan Gurney, c’était à la fois Buck Danny et Michel Vaillant, Gurney c’était un mythe, un héros à qui tous les garçons voulaient ressembler, et par pudeur je ne vous parlerai pas de ce qui pouvait bien traverser la tête des filles.
C'est avec d'autant plus d'émotion que l'on relit aujourd'hui les réponses qu'il avait apporté aux questions formulées par les lecteurs de MotorSport Magazine en 2003.
adaptation Francis Rainaut
12:59 Publié dans b.mclaren, b.unser, d.gurney, j.behra, m.parkes | Tags : dan gurney | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | |
25 novembre 2016
Les coulisses de la Scuderia (2): Romolo Tavoni
« Au milieu des années cinquante, Romolo Tavoni fût confronté à un dilemme : il pouvait travailler aux cotés d’un Enzo Ferrari tyrannique… ou bien se faire virer. Cinquante ans après, il expliquait à Chris Nixon, de la revue MotorSport, qu’il avait pris la bonne décision. »
Tavoni, Tavoni... le type qui s'est pris une gifle de Behra à Reims en 59 ? Nous avons eu envie d'en savoir un peu plus long sur l'ancien bras droit d'Enzo Ferrari, en traduisant pour nos lecteurs cet article paru en 1998 dans MotorSport.
traduit par F.Rainaut
09:36 Publié dans e.ferrari, j.behra, p.hill, w.vontrips | Tags : romolo tavoni, enzo ferrari | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook | |
01 août 2014
"Jeannot" Behra
Jean, comme beaucoup de pilotes, débute sur des motos en 1938 et il sera champion de France de 1947 à 1950. Notre homme aime la moto mais décide que la course, la vraie cela se dispute en voiture, il est bercé par les noms de Fangio, Ascari et les envie...
Signé Alain Hawotte
- Voir aussi: A quelques mètres près
C’est ainsi qu’un beau jour de 1949 il débute sur une Talbot-Lago au grand prix du Salon (1) en F1 à Montlhéry. Plus de 400 km de course pour un résultat honorable une place de 6e à huit tours du vainqueur Raymond SOMMER.
Mais le déclic se fera en rallye, eh oui, l’éclectisme de Jean fait déjà merveille, en 1950 au « Monte » il termine parmi les cinq non pénalisés et premier des Simca dont le superviseur est Amédée GORDINI, tout se met en place, doucement, et il débute pour GORDINI en sport au Bol d’Or, course atypique de 24h pour un seul pilote.
Jean en tête doit abandonner sur panne mécanique, rappelez vous c’est une Gordini, mais il fait forte impression.
Il entre ainsi officiellement en 1951 dans l’équipe Grand Prix de Gordini et ne tarde pas à remporter en 1952 le Grand Prix de France à Reims, hors championnat malheureusement mais devant tous les cadors, Ascari en tête, mais une autre performance passera inaperçue, sa 3e place à Berne après avoir amené la Gordini par la route, soit 600 Km sans autoroute pour... rôder le moteur. La nuit, sans phares, il a dépassé le camion Lancia et roulait devant lui dans ses phares, quelle époque ! (2) Imaginez la même chose aujourd’hui !
Jean sera une des vedettes de cette saison 52 mais la terminera sur un lit d’hôpital au Mexique. Gordini engage deux voitures de sport à la PANAMERICAINE, et Jean est en tête, il gère mais il sera victime d’un accident stupide, dans une épingle, un mexicain a accroché son pancho où il a pu mais surtout en masquant le panneau de signalisation du virage dangereux ! Panneau que Jean ne voit pas et voilà la Gordini dans le ravin avec Jean. 53 et 54 encore des victoires avec Gordini, peu mais surtout des pannes, le budget de l’équipe est... inexistant, les exploits de Jean le placent en 55 chez Maserati il gagne en sport avec Moss et terminera 4eme en 56 au championnat de F1. En 57 il opte pour BRM en F1 et pour Porsche en sport avec des hauts et des bas, panache à Monaco quand confortablement en tête il bat le record du tour à la volée, vanité...... car il abandonne peu après, sans freins.
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Mais quand Jean est dans une voiture de course, il va le plus vite qu’il peut ! Pour 59 Jean signe enfin chez Ferrari, Ferrari qui l’avait repéré depuis la période Gordini. Mariage bref et houleux, Jean ne s’entendant pas avec le directeur d’écurie, il claque la porte et poursuit avec Porsche en F2 tout en entreprenant de construire sa propre voiture monoplace à moteur Porsche qu’il ne conduira jamais. Jean est , le 1er août 59, sur le circuit de l’Avus, il participe le lendemain à une course de F1 avec sa Porsche F2... mais Jean sur un circuit, il veut courir, il cherche la vitesse, la passion, la fougue, alors quand un pilote privé, effrayé par le banking, lui propose sa Porsche sport RSK, Jean enfile ses gants, coiffe son casque blanc à damiers noir et blanc et saute au volant. Dans un nuage de pluie, Jean prend un départ extraordinaire, sur la portion interminable d’autoroute qui relie les deux virages, les deux seuls du circuit, les Porsche Usine, plus rapides, de BONNIER et de VON TRIPS le dépassent… mais Jean est un compétiteur pour qui participer ne suffit pas, et il s’accroche, reprenant dans les bankings aux briques luisantes, les secondes perdues en ligne droite. Jean s’accroche, mais, soudain, au 4eme tour l’arrière de la Porsche argentée se dérobe, elle glisse vers le haut sur le miroir de briques du virage relevé à 45 degrés, la Porsche heurte le mur de béton, Jean est propulsé en l’air, il ne se relèvera pas... Ainsi disparaît à 39 ans un homme qui souhaitait arrêter la course, devenir constructeur et créer une école de pilotage pour en sortir le 1er champion du monde français.
« Quand je doublais mes adversaires, Ascari et les autres, je ne m’inquiétais pas, j’étais sûr de ne pas les revoir, mais quand je doublais Jean, je n’étais jamais sûr qu’il ne s’accrocherait pas et me repasserait plus tard ! C’était un vrai coureur, le plus vite possible quels que soient la voiture, les circonstances, toujours le plus vite possible : tel était JEAN BEHRA » dira Stirling Moss.
(1) Lors des 9es Coupes du Salon
(2) Voir "les Princes du Tumulte" de Pierre Fisson.
- Photo 1 ©R.Larcher Vesoul
- Photo 2 ©TheCahierArchive
- Autres photos ©D.R.
Addendum :
Pour compléter la note d'Alain Hawotte sur Jean Behra, savourons cet extrait d’un article de l’écrivain Roger Vailland, extrait déjà publié en 2009 sur le site AutoDiva.
- Behra, qui essayait sa biplace des Mille Milles, avait doublé un camion à 180 à l'heure. C'est-à-dire que les paysans qui fanaient dans un pré voisin avaient vu la voiture de Behra qui doublait un camion.
Mais Behra perçut, sentit la chose autrement. Behra vit la route qui précipitait vers lui l'arrière d'un camion. Il visa entre le camion et le bord gauche de la route. Le camion passa sur sa droite, à grande vitesse, cul en arrière.
La route précipita aussitôt vers lui l'amorce d'un virage que le cul du camion avait caché. Behra essaya de faire ce qu'il fallait faire, mais le talus cogna la roue avant gauche. La route se déroba. Plus de tapis roulant. La voiture était dans le pré et tournait sur elle-même comme une bobine.
Au premier tour que la voiture fit sur elle-même, Behra se jeta sous le tableau de bord, pour ne pas être écrasé par la voiture, dans l'instant qu'elle avait les roues en l'air. Quand la voiture amorça son second tour sur elle-même, il se dressa au contraire, afin de profiter de la force centrifuge pour se faire éjecter. Dans un accident de ce genre, le risque le plus grand est d''être écrasé par la voiture ou de flamber avec elle. Donc, il faut sauter ou se faire éjecter. Il fut éjecté.
Les paysans qui fanaient virent le pilote jaillir de la voiture et décrire un arc dans le ciel. Il atterrit sur du foin, soixante mètres plus loin. La voiture continuait de rouler sur elle-même. Elle paraissait poursuivre le coureur. Elle s'arrêta à une dizaine de mètres de lui, à cinquante mètres du talus. Elle ne flamba pas.
Behra se releva; il tenait sur ses jambes. Il tâta son corps, ses membres. Avec cinq accidents graves, et quelques autres, c'est un corps reconstruit par les chirurgiens, avec ça et là des jointures de métal, des tendons en matière plastique. Tout semblait avoir tenu.
Il passa la main sur son visage, il la retira pleine de sang. Il tâta. L'oreille gauche manquait. Il partit à la recherche de son oreille et la retrouva dans l'herbe. Il la ramassa. Il y tenait beaucoup.
C'est une admirable oreille, en matière plastique, qu'il a fait faire à Londres, après son accident au Tourist Trophy. Une oreille si bien faite que, depuis un mois que nous étions à l'Hôtel Royal, et bien que sachant qu'il avait une oreille de matière plastique, nous n'étions jamais parvenus à savoir laquelle. Nous n'osons pas le lui demander.
Behra retrouva un peu plus loin son casque, qu'il ramassa. Il mit son oreille dans le casque et alla se placer sur le bord de la route, pour héler une voiture qui passait et se faire conduire à l'hôpital. Le lendemain, quand nous lui fîmes visite: "Vous vous rappelez, dit-il à Cordélia, je vous avais dit que mon vrai nom c'est Trompe-la-Mort."
"Avant les vingt-quatre heures du Mans" de Roger Vailland, Cahiers Roger Vailland, Ed. Le Temps des Cerises.
15:07 Publié dans j.behra, Pilotes | Tags : jean behra, gordini, avus | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |
05 octobre 2012
3055 et 3059
« 3059 »
27 mai 1956, Paris, Porte de Choisy. L’année scolaire va bientôt se terminer. Encore un mois à attendre pour partir en vacances. Jean-Louis L. va encore me rafler la première place, comme l’année dernière et comme l’année d’avant. Frank I. sera encore troisième, comme l’année dernière et comme l’année d’avant. C’est une espèce de rituel : on fait 1, 2, 3. Raymond Poulidor doit déjà courir en vélo, quelque part dans le Limousin, mais personne n’a encore entendu parler de lui dans le 13ème arrondissement, où j’habite avec mes parents. Je ne peux donc pas dire que je suis « le Poulidor » de la classe…
Claude, c’est le fils ainé de mes voisins de palier. Il est parti il y a quelques mois faire son service militaire en Algérie. Il donne rarement de ses nouvelles, et celles qu’il envoie ne sont pas bonnes. Il y a de la castagne dans le bled. Le mois dernier, ça a chauffé à Palestro. Vingt soldats français ont été tués. La mère de Claude ne sait pas exactement où il est, ce qu’il fait, et crève d’angoisse en attendant une hypothétique prochaine lettre…
27 mai 1956, Nürburgring. Ils sont venus, ils sont tous là, tous les grands pilotes de l’époque, de Fangio à Moss en passant par Behra, Gendebien, Maglioli, Brooks, Von Trips, de Portago et tous les autres… Ils vont en découdre sur mille kilomètres de virolos, dans lesquels il ne faut pas craindre la mort…
Fangio et Castellotti ne pourront pas imposer le gros quatre-cylindres de leur Ferrari 860 Monza. Ils finiront comme moi à l’école et comme « Poupou » au Tour de France : seconds. Stirling Moss a cassé la suspension arrière de sa Maserati 300 S numéro 5. Son équipier Behra ne peut que s’arrêter au stand et constater les dégâts. Qu’importe, le binôme ira renforcer l’équipage de la 300 S numéro 6 pilotée par Taruffi et Harry Schell. Le duo transformé en quatuor gagne la course au volant de « 3059 ».
Montlhéry, 20 juin 1999, Grand Prix de l’Age d’Or. Je ne connais pas Monsieur Werner. Je regrette infiniment de ne pas connaitre personnellement Monsieur Werner. Si je le connaissais aussi bien que j’ai connu Jean-Louis L. et Frank I. dans mon enfance, je lui aurais demandé de me faire faire un tour dans « 3059 », puisqu’elle appartient désormais à sa famille…
Ce dimanche-là, Monsieur Werner à mené « 3059 » à la victoire dans le Ferrari Maserati Historic Challenge. Il a conduit sa Maserati 300 S arborant le numéro 43 comme une voiture de course doit être conduite : pour gagner. Malgré un tout droit à la bretelle des Deux Ponts, assorti du contournement de la guitoune des commissaires de piste, il a dominé une meute époustouflante de bolides rouges, conduits par des gens qui, pour la plupart, ne ménagent pas leurs montures. Et pourtant, elles n’ont plus de prix, ces montures… Mais elles sont tellement plus belles sur la piste que dans un musée… Elles sont immortelles…………
« 3055 »
10 juin 1956, Paris, Porte de Choisy. Bientôt les grandes vacances. Elles durent trois mois, car, à la campagne, on a encore besoin de bras pour les moissons. Les écoliers sont donc cordialement invités à retrousser leurs manches pour aider les moissonneurs… Pour moi, les vacances, c’est Lit-et-Mixe, dans les Landes. J’ai neuf ans et vais retrouver mes copains les enfants du village. Avec eux, j’ai appris à reconnaître les « pins francs », ceux dont les pommes sont copieusement garnies de délicieux pignons. Je vais prendre le train avec ma mère, mon père viendra plus tard. J’aime beaucoup prendre le train de grande ligne, celui dont les wagons ont des compartiments. Et puis, si on arrive assez tôt à la gare d’Austerlitz, j’irai voir la locomotive qui tire le train. Elles sont électriques – des énormes 2D2 - sur Paris Hendaye, alors qu’il y a encore beaucoup de locos à vapeur en service sur les autres lignes. Les cheminots, qui sont plutôt badins, leur ont donné des surnoms tels que « la Femme Enceinte » ou « la Waterman », qui rappellent la forme de leurs cabines. N’empêche que, entre Bordeaux et Dax, dans les longues lignes droites des Landes de Gascogne, ça tire à cent quarante à l’heure… Elles seront bientôt remplacées par les modernes sœurs des machines des records du monde de vitesse de 1955 : BB 9004 et CC 7107, qui ont allègrement dépassé les 330 kilomètres à l’heure sur cette même portion de ligne.
10 juin 1956, autodrome de Montlhéry. Les premiers 1000 Kilomètres de Paris se déroulent sous un ciel maussade et une pluie persistante. Le museau rouge de la Maserati numéro 1 semble accroché au tuyau d’échappement de la DB-Panhard numéro 68. Gérard Laureau appuie à fond sur l’accélérateur de sa petite barquette à conduite centrale, comme s’il voulait en enfoncer le plancher en aluminium. Ne pas se laisser doubler devant les tribunes. Mais la lutte est trop inégale : flat-twin de 750 centimètres cube contre six-cylindres trois litres bialbero. Au volant de la Maserati, Jean Behra a dépassé la petite voiture bleue avant même la passerelle Dunlop. Il a pris la tête de la course dès le deuxième tour, et il la gardera jusqu’à l’arrivée. La pluie n’a pas cessé de toute la journée, et les abandons ont été nombreux.
Question abandon, la Maserati gagnante de ces 1000 km de Paris (s/n 3055) à été servie deux semaines auparavant. Engagée aux 1000 Kilomètres du Nürburgring avec Moss et Behra comme équipage, elle a été contrainte à l’abandon, suspension arrière cassée. C’est sa sœur « 3059 » qui a gagné. A Montlhéry, ses deux pilotes, le bouillant Behra très efficacement secondé par l’expérimenté Louis Rosier, ont offert sa revanche à « 3055 ». La DB Panhard numéro 68 gagne sa classe, emmenée par l’équipage Laureau-Héchard.
JaC alias Raymond JACQUES
Illustrations 1, 2 et 3. ©JaC
09:25 Publié dans j.behra | Tags : jean behra | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
18 septembre 2012
A quelques mètres près...
1958 - 1959 - Dans la cour de récré, il y a un terrain de basket. Ses lignes blanches, peintes au sol, sont aussi un circuit pour courses de voitures. Je pilote la Talbot-Lago bleue numéro quatre. Et je suis plutôt bon pilote. Le pouce sur le capot, une pichenette, et ma Talbot-Lago s’élance… Toute la difficulté réside à ne pas sortir de la ligne blanche. Si on en sort, on revient au point de départ. Mon plus féroce adversaire est Michel M. Il pilote une méchante Auto-Union de record vert pâle avec des roues rouges. J’ai beau préparer très soigneusement ma Talbot, bien graisser les essieux au savon, Michel M. arrive souvent en tête, avec sa voiture profilée à la fantastique tenue de route. Il a lui-même décidé qu’il était « Fangio » ! Moi, je m’en fiche : je suis « Jean Behra » ! ! !
Août 1959 - C’est le magazine qui propose à ses lecteurs « le choc des photos et le poids des mots ». Dans ce numéro, il montre une photo floue, en noir et blanc, représentant l’accident de Jean Behra sur le banking de l’Avus, le 1er aout 1959. Une vague silhouette humaine, qui semble exécuter un vol plané en plein ciel, y est signalée par un cercle. C’est le corps du pilote français, éjecté de sa voiture, qui effectue là sa dernière cabriole… Quand je découvre cette page, je suis figé d’horreur : « je » suis mort………
La grande trouille des pilotes de cette époque était de capoter, de se retrouver prisonniers dans leurs voitures retournées, et d’y mourir brûlés vifs dans l’incendie qui n’aurait pas manqué de se déclarer ! Jean Behra avait donc mis au point une technique très personnelle qui lui permettait de se faire volontairement éjecter de sa voiture en cas de violente sortie de route. Il y avait laissé – pour le moins - une oreille (la droite, avantageusement remplacée par une prothèse*) et un morceau de son nez, mais il s’en était toujours sorti vivant. Rapiécé, suturé, brûlé, fracturé, recousu mais vivant.
L’Avus ne doit pas son nom à quelque empereur romain (très) en avance sur son temps, mais c’est le sigle acronyme correspondant à Automobil Verkehr und Ubung Strasse, soit, approximativement, « route d’exercice et de circulation automobile ». En fait, il s’agissait d’une portion d’autoroute publique toute aussi droite que le mètre étalon du pavillon de Breteuil. D’une longueur totale d’un peu plus de huit kilomètres, le circuit empruntait alternativement chacune des deux chaussées de l’autoroute. Il était terminé d’un côté par une sorte d’épingle à cheveux qui reliait ces deux chaussées, et de l’autre par un virage relevé, très en vogue dans l’entre deux guerres, la Nordkurve. Surnommé « le Mur de la Mort », ce banking était, selon la rumeur de l’époque, le plus incliné et le plus large du monde. C’était surtout une piste de briques à peu près plate, contrairement à celles de Montlhéry ou de Monza qui sont incurvées. Elle était extrêmement cassante pour les mécaniques, et elle se transformait en terrible patinoire à la moindre pluie. Conçu au départ pour battre des records de vitesse, l’Avus était quelque peu inadapté aux courses classiques.
En ce pluvieux 1er août 1959, deux pilotes firent le même terrible valdingue dans le banking de la Nordkurve. Jean Behra y laissa la vie, parce que sa Porsche RSK numéro 21 vint heurter de plein fouet et en marche arrière un socle de béton qui avait servi de support à une batterie de DCA pendant la guerre. Pour tout arranger, les organisateurs avaient dressé des mâts supportant des drapeaux – sans doute ceux des pays compétiteurs - au sommet de l’anneau de vitesse, et dont l’un d’entre eux fut abattu dans l’accident. Lorsqu’un spectateur (???) prit la photo du vol plané du pilote français publiée dans « Paris-Match », Jean Behra avait probablement déjà été tué, écrasé par le moteur de sa Porsche et par l’extrême violence du choc. Carel Godin de Beaufort eut, lui, rendez-vous ce jour-là avec la chance : la sortie de piste de son spyder Porsche dans la Nordkurve fut amortie par des arbres et la voiture retomba sur ses roues comme un chat retombe sur ses pattes… Carel contourna le virage relevé par l’extérieur et reprit la course ! ! ! Mais il fut rapidement arrêté par les commissaires… Contrairement à Montlhéry, où une sortie de l’anneau de vitesse ne pouvait se solder que par un drame (comme le malheureux Benoit Musy et sa Maserati 200 S, le 7 octobre 1956), le virage relevé de l’Avus ne finissait pas en manière de falaise abrupte comme celui du circuit français, mais il était doté d’une sorte de contre-pente. On comprend alors comment ce miracle a pu se produire. De Beaufort décida de poser au sommet du banking, pour une photo qui explique tout…
Ce jour-là, le pauvre Behra n’avait vraiment pas de joker dans son jeu… Il aurait pu s’en sortir s’il n’avait pas percuté ce maudit socle de béton. A quelques mètres près……………
* L’histoire raconte que Behra adorait enlever sa prothèse dans les moments les plus inopportuns. Ce qui devait, j’imagine, lui procurer une grande jubilation intérieure !
Raymond JACQUES, alias JaC, peintre épisodique, provincial et banlieusard à la fois.
1. Crash JeanBehra by JaC©JaC
3. JeanBehra by JaC©JaC
En définitive, ce ne sont pas deux, mais bien trois pilotes qui sortirent du banking ce jour là.
MsO
11:30 Publié dans j.behra | Tags : jean behra | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |