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05 octobre 2012

3055 et 3059

«  3059 »

jean behra

 

27 mai 1956, Paris, Porte de Choisy. L’année scolaire va bientôt se terminer. Encore un mois à attendre pour partir en vacances. Jean-Louis L. va encore me rafler la première place, comme l’année dernière et comme l’année d’avant. Frank I. sera encore troisième, comme l’année dernière et comme l’année d’avant. C’est une espèce de rituel : on fait 1, 2, 3. Raymond Poulidor doit déjà courir en vélo, quelque part dans le Limousin, mais personne n’a encore entendu parler de lui dans le 13ème arrondissement, où j’habite avec mes parents. Je ne peux donc pas dire que je suis « le Poulidor » de la classe…

Claude, c’est le fils ainé de mes voisins de palier. Il est parti il y a quelques mois faire son service militaire en Algérie. Il donne rarement de ses nouvelles, et celles qu’il envoie ne sont pas bonnes. Il y a de la castagne dans le bled. Le mois dernier, ça a chauffé à Palestro. Vingt soldats français ont été tués. La mère de Claude ne sait pas exactement où il est, ce qu’il fait, et crève d’angoisse en attendant une hypothétique prochaine lettre…

27 mai 1956, Nürburgring. Ils sont venus, ils sont tous là, tous les grands pilotes de l’époque, de Fangio à Moss en passant par Behra, Gendebien, Maglioli, Brooks, Von Trips, de Portago et tous les autres… Ils vont en découdre sur mille kilomètres de virolos, dans lesquels il ne faut pas craindre la mort…

Fangio et Castellotti ne pourront pas imposer le gros quatre-cylindres de leur Ferrari 860 Monza. Ils finiront comme moi à l’école et comme « Poupou » au Tour de France : seconds. Stirling Moss a cassé la suspension arrière de sa Maserati 300 S numéro 5. Son équipier Behra ne peut que s’arrêter au stand et constater les dégâts. Qu’importe, le binôme ira renforcer l’équipage de la 300 S numéro 6 pilotée par Taruffi et Harry Schell. Le duo transformé en quatuor gagne la course au volant de « 3059 ».

jean behra

Montlhéry, 20 juin 1999, Grand Prix de l’Age d’Or. Je ne connais pas Monsieur  Werner. Je regrette infiniment de ne pas connaitre personnellement Monsieur Werner. Si je le connaissais aussi bien que j’ai connu Jean-Louis L. et Frank I. dans mon enfance, je lui aurais demandé de me faire faire un tour dans « 3059 », puisqu’elle appartient désormais à sa famille…

Ce dimanche-là, Monsieur Werner à mené « 3059 » à la victoire dans le Ferrari Maserati Historic Challenge. Il a conduit sa Maserati 300 S arborant le numéro 43 comme une voiture de course doit être conduite : pour gagner. Malgré un tout droit à la bretelle des Deux Ponts, assorti du contournement de la guitoune des commissaires de piste, il a dominé une meute époustouflante de bolides rouges, conduits par des gens qui, pour la plupart, ne ménagent pas leurs montures. Et pourtant, elles n’ont plus de prix, ces montures… Mais elles sont tellement plus belles sur la piste que dans un musée… Elles sont immortelles…………

 

« 3055 »

jean behra

10 juin 1956, Paris, Porte de Choisy. Bientôt les grandes vacances. Elles durent trois mois, car, à la campagne, on a encore besoin de bras pour les moissons. Les écoliers sont donc cordialement invités à retrousser leurs manches pour aider les moissonneurs… Pour moi, les vacances, c’est Lit-et-Mixe, dans les Landes. J’ai neuf ans et vais retrouver mes copains les enfants du village. Avec eux, j’ai appris à reconnaître les « pins francs », ceux dont les pommes sont copieusement garnies de délicieux pignons. Je vais prendre le train avec ma mère, mon père viendra plus tard. J’aime beaucoup prendre le train de grande ligne, celui dont les wagons ont des compartiments. Et puis, si on arrive assez tôt à la gare d’Austerlitz, j’irai voir la locomotive qui tire le train. Elles sont électriques – des énormes 2D2 -  sur Paris Hendaye, alors qu’il y a encore beaucoup de locos à vapeur en service sur les autres lignes. Les cheminots, qui sont plutôt badins, leur ont donné des surnoms tels que « la Femme Enceinte » ou « la Waterman », qui rappellent la forme de leurs cabines. N’empêche que, entre Bordeaux et Dax, dans les longues lignes droites des Landes de Gascogne, ça tire à cent quarante à l’heure… Elles seront bientôt remplacées par les modernes sœurs des machines des records du monde de vitesse de 1955 : BB 9004 et CC 7107, qui ont allègrement dépassé les 330 kilomètres à l’heure sur cette même portion de ligne.

 

10 juin 1956, autodrome de Montlhéry. Les premiers 1000 Kilomètres de Paris se déroulent sous un ciel maussade et une pluie persistante. Le museau rouge de la Maserati numéro 1 semble accroché au tuyau d’échappement de la DB-Panhard numéro 68. Gérard Laureau appuie à fond sur l’accélérateur de sa petite barquette à conduite centrale, comme s’il voulait en enfoncer le plancher en aluminium. Ne pas se laisser doubler devant les tribunes. Mais la lutte est trop inégale : flat-twin de 750 centimètres cube contre six-cylindres trois litres bialbero. Au volant de la Maserati, Jean Behra a dépassé la petite voiture bleue avant même la passerelle Dunlop. Il a pris la tête de la course dès le deuxième tour, et il la gardera jusqu’à l’arrivée. La pluie n’a pas cessé de toute la journée, et les abandons ont été nombreux.

Question abandon, la Maserati gagnante de ces 1000 km de Paris (s/n 3055) à été servie deux semaines auparavant. Engagée aux 1000 Kilomètres du Nürburgring avec Moss et Behra comme équipage, elle a été contrainte à l’abandon, suspension arrière cassée. C’est sa sœur « 3059 » qui a gagné. A Montlhéry, ses deux pilotes, le bouillant Behra très efficacement secondé par l’expérimenté Louis Rosier, ont offert sa revanche à « 3055 ». La DB Panhard numéro 68 gagne sa classe, emmenée par l’équipage Laureau-Héchard.

JaC alias Raymond JACQUES

Illustrations 1, 2 et 3. ©JaC

 

09:25 Publié dans j.behra | Tags : jean behra | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |

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