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03 novembre 2017

Grand Prix de l’ACF 1954 : d’un souffle entendu…

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La décennie Fangio - II -

  « Prêté » par Mercedes qui a retardé la sortie de sa voiture,  le Champion du Monde argentin a remporté les Grand prix d’Argentine et de Belgique sur une Maserati en début de saison avant de rentrer dans le giron allemand au volant de la nouvelle Mercedes W196. Enfin prête pour l’épreuve française, cette dernière répond à la récente réglementation, moteur 2500cc atmosphérique (ou 750cc suralimenté), carburant libre. En terre rémoise l’impressionnante « machine de guerre » va survoler la course.

par François Coeuret


Juan Manuel Fangio est largement en tête du Championnat devant Trintignant avant la manche française. Le circuit de Gueux accueille 25 voitures en ce début juillet. Six marques vont concourir : Maserati (250F - A6SSG), Ferrari (553 - 625 - 500), Gordini (T16) , HWM (53), Vanwall (Special) et la nouvelle Mercedes (W196). La production allemande arbore une élégante carrosserie aérodynamique enveloppante adaptée aux longues lignes droites du circuit de Reims. Son aspect « sport » tranche avec celui, plus traditionnel, de ses concurrentes.

 

fangio,ascari,karl kling 

 

Les essais confirment au niveau du chronomètre l’impression de puissance dégagée par l’allemande. Fangio s’impose pour 1 seconde face à son équipier allemand Kling tandis que son compatriote Froilán Gonzáles (Ferrari) de même qu’Alberto Ascari (Maserati) se sont « sorti les tripes ». L’Italien est troisième à 1’’1, l’Argentin suit à 1’’2. Les écarts se creusent ensuite : 2’’2 Marimón sur Maserati, 5’’7 Bira (Maserati), 5’’9 pour le troisième homme Mercedes Hans Herrmann… Les pilotes français les plus rapides se classent 9e : Trintignant, 12e : Manzon, 13e : Rosier, tous trois sur Ferrari. Les Anglais Hawthorn (Ferrari) et Salvadori (Maserati) partiront respectivement en huitième et dixième position. L’Argentin Mieres obtient le onzième temps sur Maserati. Les Gordini de Behra , Pollet, Frère et Berger ne peuvent suivre le rythme sur le rapide circuit de Reims. A défaut de chasser le chrono, elles courent la prime de départ, principale ressource financière de l’écurie.

 

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  JM Fangio, Karl Kling, Alberto Ascari

 

L’apparente ambiance sereine et conquérante chez Mercedes n’est qu’une façade. Les calculs de consommation sont revus à la hausse au point de nécessiter un arrêt ravitaillement  supplémentaire en course (1). L’équipe est inquiète, la solution consiste à installer un réservoir supplémentaire. L’usine est appelée pour faire confectionner dare-dare et ramener au plus vite les outres additionnelles. Les W196 seront prêtes à temps, les mécanos ont bien travaillé.

 

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Dimanche 4 juillet 14h30 les voitures sont mises en grille, deux Mercedes une Maserati, deux Champions du Monde en première ligne. Le temps est menaçant, les Mercedes carénées prennent beaucoup de place sur la piste aux côtés des autres monoplaces qui paraissent bien frêles. 14h45 le drapeau s’abaisse, Kling s’élance devant la meute avec Fangio dans ses roues tandis qu’Ascari, en proie à des soucis de transmission, se fait déborder par nombre de concurrents. Gonzáles fait illusion pendant quelques tours en suivant de près les deux Mercedes mais elles vont s’échapper, prenant plusieurs longueurs d’avance sur la Ferrari de l’Argentin et celle d’Hawthorn. Au troisième tour Fangio prend le dessus sur Kling mais ne le lâche pas pour autant. Behra se fait remarquer en accrochant la treizième place sur sa Gordini. La transmission d’Ascari a finalement rendu l’âme; Hans Herrmann remonte, il va venir inquiéter Gonzáles troisième. Il passe l’Argentin au onzième tour mais ce dernier reprend sa position au tour suivant. Le moteur de Gonzáles casse peu après dans Thillois, Herrmann évite de peu la Ferrari en tête à queue. Hawthorn aussi a renoncé, sur casse moteur. Trois Mercedes pointent alors en tête, Herrmann tente de se rapprocher de ses équipiers mais son moteur très sollicité se met à fumer. Sa fougue l’a amené à effectuer un surrégime qui s’avère fatal, l’Allemand abandonne.

 

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Quarante secondes séparent maintenant les leaders de Marimón troisième. Sa Maserati souffre soudain de problèmes de boîte de vitesse, l’arrêt au stand du pilote argentin offre la troisième place à Bira, lequel est suivi de près par Trintignant et Behra. Les trois pilotes assurent le spectacle, roues dans roues alors qu’ils se présentent de front dans Thillois Behra heurte Trintignant. Le pilote Gordini perd quatre tours au stand pour réparer, sa course est compromise. Les deux hommes s’expliqueront virilement après la course.

A mi-course Bira concède une minute et demie sur l’inaccessible duo de tête qui change souvent de position. Trintignant est contraint d’abandonner, la dernière Ferrari officielle disparaît. Soudain la pluie s’invite, Fangio dans ces conditions difficiles creuse petit à petit l’écart sur son équipier. Manzon va aussi en profiter pour passer Bira. La pluie passagère  quitte la fin de course, Bira reprend sa troisième place au cinquante-huitième tour.

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La fin de course approche, soudain Fangio qui caracolait à l’avant poste lève le pied, les spectateurs s’émeuvent... La plupart n’ont bien sûr pas vu le panneautage de son stand, Mercedes souhaite une arrivée groupée. Les deux hommes font jonction jouant au jeu du chat et de la souris. Dans la dernière ligne droite après l’épingle de Thillois le moteur de Bira a désamorcé, le prince cède la troisième place à Manzon. Villoresi (Maserati) se classe cinquième et Behra ferme la marche des pilotes classés.

Les deux Mercedes ont passé la ligne pratiquement côte à côte. Kling, discipliné, a logiquement  maintenu un léger écart en faveur de son chef de file. El Chueco (2) sera Champion pour la seconde fois à l’issue de cette saison. La décennie Fangio est bel et bien établie.

 

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(1)  Le carburant utilisé par Mercedes se compose du cocktail suivant : benzol (45%), alcool méthylique (25%), essence (25%), acétone (3%), nitrobenzène (2%).

(2)  Surnom sarcastique donné à Fangio, littéralement « le tordu » en référence à ses jambes arquées.

 

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"Beba" Berruet, Fangio, Kling

 

 - Photo 1 ©Jesse Alexander Archive

 - Photo 5 ©Cahier Archive

 - Autres photos ©DR

Commentaires

Je me suis toujours demandé comment les instances de la formule 1 de cette époque avaient pu accepter les carrosseries "fermées" des Mercedes W 196 "streamliner"... Mais, étant moi-même propriétaire de l'une de ces merveilleuses autos en version Norev au 1/43ème, avec un numéro de course en relief, je résolus de ne plus me poser cette question... Quant à la rivalité Maurice Trintignant versus Jean Behra, elle se résumait à des positions irréconciliables. Behra considérait Trintignant comme un bourgeois nanti et peu doué, et Trintignant considérait Behra comme un "pilote surfait".....

Écrit par : Raymond Jacques | 03 novembre 2017

Et tout ça, le lendemain de ma naissance !

Écrit par : Daniel DUPASQUIER | 15 novembre 2017

J'allais faire le même commentaire ! C'est également mon premier GP, puisque je suis né trois semaines avant la course... le 15 juin pour être précis.
Aussi, quand mon père parlait de Fangio, je comprends mieux aujourd’hui tout le respect qu'il lui inspirait.

Écrit par : Francis Rainaut | 15 novembre 2017

Je dois encore avoir quelque part le Paris Match relatant cette course dont on m'avait offert un exemplaire pour l'un de mes anniversaires dans les années 80. Curieusement, c’était plutôt ma mère qui me parlait de course automobile, mon père n’avait lui aucune inclination particulière pour cette discipline. Maman me racontait ses souvenirs de petite fille car son père, mon grand père, plus curieux qu’amateur, avait l’habitude lorsqu’il séjournait dans les Hautes Pyrénées d’emmener ses enfants à Pau et au circuit du Comminges les jours de course. Elle y a vu le gratin des pilotes d’avant guerre sans trop se rappeler de leurs patronymes. Mais bien des années plus tard, lorsque elle me racontait ces merveilleux moments et que j’évoquais le nom des champions de cette époque qu’elle avait oublié, ses souvenirs devenaient précis et admiratifs. Aux âmes bien nées !!

Écrit par : Daniel DUPASQUIER | 16 novembre 2017

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