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10 novembre 2019

Robin Herd (part 3) : A New age

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Robin Herd va prendre du recul au moment même où un jeune ingénieur ayant fait ses premières armes chez Fittipaldi commence à se faire un nom. Mais un Robin peut en cacher un autre, et ce brillant cerveau ne pouvait rester longtemps inactif. 

Herd se passionera alors pour la gestion des déchets, inventant - of course - des processus innovants, et luttant encore et toujours contre les idées reçues.

Au terme d'une vie bien remplie, Robin Herd nous a quitté le 4 juin dernier.

traduit et adapté par Francis Rainaut


robin herd,adrian newey
Max Mosley, Ron Dennis ©TheCahierArchive

S.M. Max

... À la fin de 1977, Mosley, de plus en plus impliqué avec Ecclestone au sein de la Formula One Constructors' Association, vend ses actions March à Robin, qui devient ainsi l'unique propriétaire de la société.

« Max et moi avons travaillé ensemble pendant huit ans et n’avons jamais eu de problèmes. Nous étions en désaccord sur beaucoup de choses, mais arrivions toujours à trouver un moyen d'en parler. C'est un homme très intelligent. Comme Bernie, il prend ce qu'il fait très au sérieux, mais ne se prend pas lui-même au sérieux. Bien sûr, il s'est fait quelques ennemis : chez lui tout est en noir et blanc. J'ai été très surpris par cette affaire de sadomasochisme, car pendant toutes les années où j'ai travaillé et voyagé avec Max, je n'en savais rien. Je déplore la façon dont ces pharisiens l'ont traqué dans sa vie privée. Ce qu'il a fait était complètement légal et lui et son épouse ont un mariage ouvert. Tous ceux qui connaissent vraiment Max le soutiennent. En fait, nos amis communs considèrent mon attachement indéfectible à l'Oxford United FC comme beaucoup plus bizarre et masochiste que tout ce que Max a fait... »

 

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Ron Dennis, Italie 1968

« Max et Ron Dennis ne se sont jamais entendus, évidemment. Mais j'appécie beaucoup Ron. Nous avons travaillé étroitement ensemble en Formule 2 à l’époque du Project 4. Il est très sensible, mal dans sa peau, mais ce manque de confiance peut forger le destin d’un homme. Et ne me dites pas qu'il n'a pas le sens de l'humour, parce qu'il l'a. »

 

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Bruno "Jack O'malley"

En 1978, le département F1 fut vendu à Günter Schmid d'ATS, mais March resta une force majeure en F2, Bruno Giacomelli remportant le titre de Champion d'Europe.

« Bruno était rapide, intelligent, avait un excellent esprit d’équipe mais manquait peut-être de cette force mentale qui est nécessaire pour atteindre le sommet. Il ne parlait pas anglais, je ne parlais pas italien, mais c'était un bon catholique, alors pendant les arrêts aux stands, nous nous hurlions des mots en latin. Parmi les autres pilotes que nous avons rencontrés au fil des ans, Brian Henton était très, très bon. Un pilote d'essai de première classe : un excellent cerveau, qui comprenait ce qui se passait, communiquait bien. Mon tandem de pilotes idéal aurait été Ronnie et Howden, car Howden était un bon pilote et un bon testeur. Ronnie et lui s'entendaient très bien. Et si je ne pouvais pas avoir Howden, j'aurais eu Brian. »

« Lorsque vous travaillez avec des pilotes, vous devez les aider à croire en eux-mêmes. En tant qu’ingénieur de course, la moitié du travail consiste à mettre la voiture au point, l’autre à aider le pilote à être bien dans sa tête. Mais vous ne devez jamais, jamais, raconter de conneries. S'ils découvrent que vous leur avez menti, vous les avez perdus. Je me suis donc efforcé de travailler avec des pilotes que je respectais. Il faut créer un climat de confiance pour pouvoir leur dire, à la fin de la saison, de sauter de cette falaise et qu'ils puissent vous répondre, quand ? »

 

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Le réveil de la Force

En 1980, Mars a construit 93 voitures pour les F2, F3, formule Atlantic et SuperVee, et la même année, le premier châssis pour Indianapolis. Cela n’a pas très bien fonctionné, mais les Angliches ont rapidement compris les exigences particulières d’Indy, les voitures ont eu du succès et d’année en année, ont séduit de plus en plus de clients. En 1981, Tom Sneva était en tête des 500 miles et AJ Foyt a donné à March sa première victoire en Indycar à Pocono. En 1982, on trouvait 13 March sur la grille d'Indianapolis, et cinq d'entre elles se classaient parmi les 10 premières. En 1983, Teo Fabi a placé sa March-Cosworth DFX en pole position, sa moyenne à 207 mph établissant confortablement le record, et Tom Sneva a remporté la course. Cette année-là, March a livré sa 1000ème voiture, un châssis Indy pour Foyt. En 1984, 30 des 33 voitures de la grille Indy étaient des March. De 1983 à 1987, la marque a remporté une série de cinq victoires à Indy 500.

« À l'époque, la compréhension de l’effet de sol n’en était qu’à ses débuts, nous avons donc commencé avec un avantage. Pour un ingénieur, un cerveau, Indianapolis est formidable. Les gens vous expliquent que vous tournez à gauche tout le temps, mais ce n'est pas vraiment comme ça. Les quatre virages sont différents, la direction du vent a un effet important et vous devez obtenir l'équilibre parfait, avec un minimum de survirage pour éviter de perdre de la vitesse. La piste évolue selon la température et depuis combien de temps il a plu. Vous pouvez écouter une voiture qui rentre dans un virage, entendre la note du moteur passer, par exemple, de Sol dièse à Mi, et vous pouvez calculer la vitesse à laquelle la vitesse diminue. Rick Mears est l'un des meilleurs pilotes avec qui j'ai jamais travaillé sur des ovales. Il n'a jamais accepté les circuits routiers, mais sur les ovales, il était sensationnel. »

En 1986, Robin passa la majeure partie de son temps aux États-Unis ou encore dans l’avion. 

« J'étais à bout, vidé. Alors que je prenais l'avion pour la dernière course CART de la saison à Miami, j'ai décidé qu'il était temps d’arrêter, d’abandonner la course auto. Mais Cesare Gariboldi, qui s’occupait d’Ivan Capelli, attendait mon vol. Ivan venait de remporter le championnat F3000 en mars et son sponsor japonais Akira Akagi voulait passer à la F1. »

C'était le début de l'équipe Leyton House F1. Robin a persuadé son vieil ami journaliste Ian Phillips de devenir chef d'équipe :

« Remarquablement talentueux, un homme très fort avec une très bonne compréhension de la course. Très amusant aussi. »

Les moteurs provenaient de John Judd « l'un des héros absolus de la vie ».

 

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Adrian Newey, Leyton House March (à droite)

A. Newey

En 1988, Adrian Newey, employé March de longue date, qui avait joué un rôle clé dans le succès d'Indy, a fabriqué une F1 suffisamment solide pour constituer la référence des F1 atmo. Au Portugal, Ivan s’est qualifié troisième derrière les McLaren et a dépassé Ayrton Senna pour prendre une magnifique seconde place devant Alain Prost. Au Japon, sur le terrain du sponsor, Capelli s’est qualifié quatrième et a brièvement mené.

« Adrian n'avait que 29 ans à l'époque. Il se démarque comme étant le chercheur ultime. Il est incroyablement exigeant - demandez à Christian Horner - car il est tellement perfectionniste. L'argent n'a aucune importance pour lui : si de l'argent est nécessaire, il se contente de dire: "trouvez-le". Mais il produit des voitures brillantes encore et encore. Un homme de premier plan, ainsi qu'un gars extraordinairement gentil. »


 

Entre-temps, en avril 1987, March est devenu public. Robin resta le principal actionnaire et un bloc d'actions fut cédé aux employés-clés restés fidèles à la boite contre vents et marées. March Group plc était initialement évalué à 14,5 millions de £.

« Je n'y croyais pas vraiment. Je m'étais toujours inquiété de pouvoir payer le salaire des gars à la fin de la semaine. Après être passés au public, on nous a dit: "Maintenant, vous devez faire appel à des hommes d’affaires compétents pour faire tourner la boite, des personnes sachant gérer une usine, un directeur général et un président en règle". Les gens ont tendance à vous fréquenter uniquement parce que vous n'êtes qu'un groupe de coureurs, sans réaliser que la compétence des membres d'une équipe de F1 est très élevée. Je me suis mis à l’écart dans un rôle non exécutif, mais les personnes qui sont entrées étaient des idiots et ont dû par la suite être virées. »

 

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Mais les choses n'allaient pas aussi bien en Amérique à ce moment-là, et lorsque le dollar a plongé par rapport à la livre sterling, le marché s'est réduit. Dans d'autres formules également, March n'avait plus trop la cote. Sorti des mains des hommes de la course, la société a décliné. La situation s’est résolue d’elle-même début 1989 lorsque la firme Leyton House d’Akira Akagi a racheté March Racing, ce qui a rendu March Group plc plus svelte et en meilleure forme, et Robin s’est alors tourné vers autre chose.

Comme tout bon sujet britannique qui se respecte, Herd était un passionné de football, et plus précisément d’Oxford United, son club fétiche. Cette passion l’amena à acheter le club dans les années 90. Il a même failli acheter le club de Liverpool, on est loin du bruit des moteurs.

Mais l’ingénieur anglais s’est aussi investi dans la gestion des déchets, qui est alors devenue son plus gros centre d’intérêt; il mit alors toute son intelligence au service de ce projet.

Ses yeux brillaient avec passion lorsqu’il décrivait les différentes étapes de son nouveau procédé - tri et pyrolyse pour provoquer un réarrangement moléculaire - comme il y aurait 40 ans ou plus, il aurait parlé de l'effet de sol ou de la rigidité en torsion du Mallite.

« C'est absolument fascinant. C'est fait en l'absence d'air, donc il n'y a pas d'émissions. Vous produisez une forme de gaz naturel que vous pouvez faire passer par une turbine. Donc, vous avez créé de l'énergie sans utiliser de nouvelles ressources, vous avez extrait tous les composants utiles des déchets, il n'y a pas d'émissions et ils sont neutres en dioxyde de carbone. J'aime l'élégance intellectuelle du cycle. »

« Chacune de ces décharges coûtera entre 40 et 50 millions de livres sterling et desservira une ville de taille raisonnable. Maintenant, nous avons le premier en cours dans le North Yorkshire, le monde entier le veut. Mais faire décoller le projet était une vraie galère. Une des phrases les plus dangereuses de la vie est la suivante : "Si cela semble trop beau pour être vrai, c'est probablement le cas". C'est juste de la merde. À Farnborough, ils ont conservé le petit hangar en bois où travaillait Frank Whittle. Les gens trouvaient que son réacteur était trop beau pour être vrai, et on s'est moqué de lui pendant 10 ans. »

L'élimination des déchets de haute technologie n'est peut-être pas si différente de la Formule 1. Et, même à ce moment-là, le vieil amour de Robin n'était jamais vraiment loin.

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« Je reçois toujours au moins un appel téléphonique chaque jour sur la course automobile. Je dois vous dire qu'il n'y a qu'une chose plus difficile que de passer à la F1, c'est d'en sortir… »

Robin Herd, CBE. ( 23/03/1939 - 04/06/2019 )

 

- Images ©DR

Commentaires

Excellent partage, merci.

Écrit par : Daniel Robin | 10 novembre 2019

Pas banal de passer de la F1 à la gestion des déchets - avec un égal bonheur ! Les GP mènent à tout, à condition de savoir en sortir. Ce n'est pas une simple phrase-cliché : Jean-Pierre Jabouille dit la même chose avec ses propres mots : "en F1, à tous les niveaux, il y a les meilleurs du monde. Pas étonnant, dès lors, qu'ils réussissent aussi dans d'autres domaines..."

Écrit par : eric bhat | 10 novembre 2019

Bonjour et merci pour cet hommage à un ingénieur brillant que j'ai bien connu, un vrai 'racer' à l'ancienne doublé d'un manager ambitieux. Pourquoi ne pas avoir abordé sa collaboration avec Larrousse, quand il développa des châssis sous diverses identités (Fondmetal, Larrousse, Venturi...) via son bureau d'études Fomet ?

Écrit par : Pierre van Vliet | 11 novembre 2019

Bienvenue sur Racing' Memories, Pierre, et merci pour cette contribution qui enrichit le sujet.
L'article original de MotorSport n'abordait pas cette période du début des 90' qui pourrait presque faire l'objet d'une 4ème note.
On se rappelle ainsi qu'après l'épisode Leyton House et au terme d'une période de non-concurrence de trois ans, Herd a œuvré via son bureau d'études Fomet à Bicester et des anciens de March, d'abord pour Fondmetal, ensuite pour Larrousse et Venturi-Larrousse. Et avec comme pilotes entre autres Olivier Grouillard et Ukyo Katayama, un type vraiment sympa d'après mon amie Motoko qui le connaissait bien.
Herd y croyait fort, mais pour pas mal de raisons tout n'a pas fonctionné comme il l'aurait souhaité.
Après, suite de la saga ou pas, c'est à étudier...

Écrit par : RMs | 11 novembre 2019

Quel bonheur de retrouver toutes ces informations sur les années où la course me passionnait. Merci « racing memories ».

Écrit par : Albert | 11 novembre 2019

Passionnant ! Merci !

Écrit par : Marc Ostermann | 12 novembre 2019

L'humour comme je l'adore:
"nos amis communs considèrent mon attachement indéfectible à l'Oxford United FC comme beaucoup plus bizarre et masochiste que tout ce que Max a fait... »

Écrit par : Jean-Paul Orjebin | 18 novembre 2019

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