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Pedro Rodriguez de la Vega

La triste comparaison…

Jochen Rindt son équipier affirmait qu’il était fort comme un taureau de la pampa, la foule le voyait comme un pilote arrogant et mystérieux, ses amis comme un timide introverti...

Signé Alain Hawotte

(1) Voir aussi: j'ai levé mon pouce

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Mais comment en aurait-il pu en être autrement ? Comment un homme qui souffre aurait-il pu respirer la joie de vivre?
Comment un champion aurait-il pu accepter de s’épanouir après le décès de son frère, et pourtant c’est bien d’une tragédie que naquit ce grand pilote.
Comme libéré par la mort du petit Mozart (voir note précédente), il s’affirme et gravit rapidement les marches de la gloire...

Après de multiples performances en sport avec Ferrari, son talent s’ouvre à la monoplace et il fait quelques apparitions avec la Ferrari du NART en 1965 et 66.
En 1967 il entre comme premier pilote chez Cooper et il allume le feu dans l’écurie en remportant, avec un brin de chance d’accord, le 1er GP de la nouvelle F1 3L en Afrique du Sud, mais le feu n’est qu’un feu de paille, la Cooper est lourde et le taureau a beau se démener et jeter ses forces dans la bataille, les portes du succès resteront fermées.
Il quitte alors le Team à l’agonie de John Cooper et trouve de l’embauche chez BRM tout en faisant quelques piges chez Ferrari.

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Nous sommes en 1969 maintenant (1), Pedro est premier pilote chez Ferrari en proto mais la scoumoune qui frappe régulièrement la belle 312P qu’il partage avec Amon, comment pourrait-il en être autrement avec Chris comme équipier, est légendaire; aussi quand John Wyer, pour qui il avait remporté avec Bianchi les 24H 1968, lui propose de rejoindre le volant des monstrueuses Porsche 917 en 1970, l’homme n’hésite pas et il formera avec Attwood d’abord, puis avec Kinnunen l’équipage vedette, rival de leurs compagnons d’équipe Siffert–Redman d’abord, Siffert-Bell ensuite...

Avec Jo SIFFERT les deux hommes livrent une lutte de prestige qui va du Mans à Spa en passant par la Targa Florio, un coup Jo, un coup lui...

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A Spa, dès le départ, il attaque Jo au pied du raidillon, et chose jamais vue, les deux 917 collées par les portières escaladent le raidillon côte à côte... C’est la grande époque des sports Protos, des voitures qui font de l’ombre à la F1... Une F1 que notre homme retrouve tous les 15 jours entre les « GPs » sport … et on garde l'image d'une belle BRM blanche aux couleurs Yardley qui parcourt à la vitesse de l’éclair les forêts des Ardennes Belges pour une deuxième victoire en F1 en 1970.

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Epanoui par cette victoire et ses performances en sport, assoiffé de victoires, c’est une machine à courir qui vient de se redécouvrir, et il saute de baquet en baquet semblant devoir gagner pour les deux "Hermanos Rodriguez" et rattraper ainsi un temps perdu il y a si longtemps...

Un jour de juillet 71, sa Ferrari 512 M se désintègre inexplicablement sur un pilier d'un pont du Norisring, quand on retire le pilote des flammes il est trop tard...

Il était mort en course… comme son frère Ricardo, la triste comparaison avait rattrapé PEDRO RODRIGUEZ.

pedro rodriguez,spa francorchamps

- Photo 4 ©R.Schlegelmilch

- Autres Photos ©D.R.

 

pedro rodriguez,spa francorchamps

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02 juillet 2014 | Lien permanent | Commentaires (3)

j'ai levé mon pouce

pedro rodriguez,reims,jp.cassegrain

A l'heure où l'étoile montante Sergio Perez fait à nouveau briller les couleurs de son pays, Francis Rainaut s'est souvenu d'un autre "grand" mexicain de la formule 1.

 

Allez encore un trésor que ne renierait pas le Pr Reimsparing.

Pedro a hérité de la Matra de Riton, hors-course pour quelques mois.

J’ai levé mon pouce avec mon cousin à la sortie de Paris, et suis arrivé direct dans le paddock pour planter ma tente.

Je verrai la course de F3 dans le stand de JP Cassegrain avec sa mère avec qui nous avons sympathisé.

Pour l’autographe, ce ne peut pas être à Clermont puisque les BRM étaient forfait, c’est donc à Monza (dans le paddock comme d’habitude), j’avais amené quelques photos persos…

On peut dire que c’est d’époque, ah Pedro, quel Matador !

 Francis Rainaut

 

Pedro Rodriguez, Matra MS7, Trophées de France F2 1969,  circuit de Reims-Gueux ©Francis Rainaut

(Note et commentaires  déjà parus en 2006 sur Mémoire des Stands)

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10 octobre 2012 | Lien permanent | Commentaires (19)

Trophée de l’an neuf

pedro rodriguez

Ce jeune homme qui soutient son trophée va bientôt fêter son vingt-septième anniversaire. 

Son regard plonge sur le symbole d’un premier succès dans la discipline reine. Le breuvage festif y pétille encore. 

Adoubé ce jour par ses pairs il deviendra ensuite un seigneur de la course.

Il lui fallut du temps pour obtenir cette consécration. Quatre saisons que l’on pourrait qualifier d’initiatiques. Une sorte de bail trop prolongé car il eut mérité alors qu’un constructeur lui permette d’effectuer des saisons complètes en Formule 1. 

Ses traits sont marqués par l’effort accompli au volant de sa Cooper Maserati. Il a fait fi de son bouquet de fleurs écrasé par la lourde coupe. Il ignore la miss locale tout sourire qui lui a passé la couronne de laurier et fait la bise.

Coiffure en bataille, peau humectée de sueur, l’expression de son visage semble hésiter entre bonheur et peine. Il savoure ce succès tant attendu en le dédiant peut-être à son jeune frère d’arme et de sang perdu prématurément quelques années auparavant. Le sort a déjà scellé le destin de cet homme qui rejoindra inéluctablement la voie funeste subie par son cadet.

Jusqu’à cette issue fatale, d’autres triomphes lui sont promis…

François Coeuret

 

pedro rodriguez
Pedro Rodriguez  (Grand Prix d’Afrique du sud - Kyalami - 2 janvier 1967) 

 

pedro rodriguez
Ricardo Rodriguez

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01 janvier 2022 | Lien permanent

Matra aux 1000km de Monza 1970 - une course réussie

équipe matra elf,pedro rodriguez

Lors d’un article précédent, nous avions laissé l’équipe Matra Simca sur un échec complet au Mans. Cependant, la saison de sport prototypes ne fut pas qu’une suite de déceptions pour l’équipe française… Nous sommes fin avril et le calendrier amène les voitures participant à ce Championnat du monde sur l’autodrome de Monza…

François Coeuret

équipe matra elf,pedro rodriguez

Monza étape précédant les 24 H du Mans pour les bleus

Alors que la nouvelle 660 est en cours d’assemblage l’équipe engage ses 650 adaptées au circuit de Monza pour les 1000km. Brands Hatch l’épreuve précédente courue sous le déluge s’est soldée par un abandon de l’équipage Pescarolo-Servoz Gavin et une douzième place de Brabham-Beltoise. Pour mémoire Daytona et Sebring furent des courses longue distance où les Matra rencontrèrent de nombreux problèmes mais franchirent la ligne d’arrivée. Loin des vainqueurs à Daytona, à une honorable 5e place à Sebring pour la voiture la mieux classée mais derrière Porsche et Alfa-Roméo en 3L. Le succès des 1000 km de Buenos Aires en janvier fut un début en fanfare qu’il faut modérer. Alfa Roméo était la seule autre écurie d’usine parmi les compétiteurs réguliers à se présenter lors de cette épreuve hors Championnat.

 

équipe matra elf,pedro rodriguez

Des 650 allégées à Brands Hatch

Les 650 avant Brands Hatch sont en configuration allégée comme à Sebring pour affronter le sinueux circuit anglais. La carrosserie à l’arrière est bien rognée. Les pilotes réclament de l’appui. Cela passe par le déploiement d’ailerons à l’avant comme à l’arrière. La configuration extrême est réalisée sur la voiture de Brabham-Beltoise équipée du nouveau moteur MS12 tandis que l’autre 650 (moteur MS9) est dépourvue du volumineux appendice avant, se contentant de quelques ailettes sur le capot. Elle dispose d’un aileron arrière plus discret. A Monza on retrouve les capots arrière enveloppants qui reçoivent des ailerons plus petits. Le circuit beaucoup plus rapide exige moins de trainée.

 

équipe matra elf,pedro rodriguez

équipe matra elf,pedro rodriguez

Les essais

Alors qu’en Angleterre les voitures avaient réalisé les quatrième et sixième temps aux essais l’équipe française signe des chronos moins flatteurs face aux Porsche ou Ferrari 5L et 4.5L. Le moteur MS 12 équipe cette fois les deux 650. Brabham-Beltoise se qualifient au treizième rang et Pescarolo-Servoz au douzième. Les pilotes ont tiré le maximum de leur monture compte tenu de la configuration de l’autodrome. Les Alfa de Galli-Stommelen et Adamich-Courage se sont qualifiées juste devant les Matra. Les Autodelta sont au nombre de quatre unités en terre italienne. La course s’annonce très tendue pour l’équipe française. L’enjeu est habituel : duels de classe avec les Alfa Roméo et les Porsche 908. Lutte pour le meilleur classement possible à la distance. Les Porsche 917 et Ferrari 512S partent bien sûr archi-favorites sur la piste italienne.

 

équipe matra elf,pedro rodriguez

La course de Monza

La bataille s’engage au baissé du drapeau entre les deux Porsche Gulf ( Rodriguez-Kinnunen / Siffert-Redman - moteur 4.5L), celle d’Elford-Ahrens (Salzburg-moteur 5L) et les Ferrari 512S usine. Giunti sur la 512 Spyder fait le forcing et contient les Porsche en début de course tandis que les Matra se positionnent derrière ce groupe de leaders. On a trouvé chez Matra le bon équilibre entre appui et trainée minimum. Les Alfa ainsi que beaucoup de pilotes au volant de protos « sport » sont derrière les bleues. Le poids excessif des Ferrari par rapport aux 917 favorise les allemandes. Chez Porsche on va subir cependant de la casse, Piper (boîte), Hermann (moteur). Rodriguez s’empare du commandement mais Siffert prend ensuite le dessus dans le groupe compact de tête. Un incident de course survient lorsque le Suisse sort dans Lesmo gêné par un pilote de GT. Il tape le rail et rentre au ralenti. Son arrêt au stand le retarde considérablement, la 917 ralliera le damier en douzième position. Grâce à leur moteur 5L Elford-Ahrens ont pris le meilleur mais perdent du temps lors d’un ravitaillement. Kinnunen se retrouve en tête pour son relai, le Finlandais est moins rapide que son équipier, aussi voit-il sa marge se réduire. Ahrens le repasse et Giunti se rapproche. Pedro Rodriguez reprend les rênes et repart à l’attaque. Au 91e tour la Porsche de tête crève soudainement à l’arrière. Retour au stand au ralenti pour constater des dégâts irréparables dans un délai rapide, l’équipage renonce. Rodriguez à nouveau leader grignote des secondes sur la Ferrari de Giunti relayé par Amon. La voiture italienne est victime d’un début d’incendie au box, il est vite maitrisé. Perte de temps tout de même qui fait l’affaire de Pedro. Le Mexicain prend le large et l’emporte devant trois 512. Les Ferrari durent s’incliner face à la voiture allemande épargnée d’aléas mécaniques et pilotée de main de maître par Rodriguez. L’arrivée est spectaculaire avec le Mexicain et Amon groupés, mais le Néo-zélandais a un tour de retard.

équipe matra elf,pedro rodriguez

Les pilotes Matra débarrassés aussi de soucis techniques pilotèrent avec brio, finissant cinquièmes et sixièmes. Henri Pescarolo, toujours à l’aise sur les circuits rapides, fait un superbe début de course. Il tient le rythme de la 917 de Herrmann-Attwood et Servoz assure avec des relais très rapides. Les deux voitures ont roulé de concert en milieu de course cependant Brabham-Beltoise vont prendre le meilleur in extremis. La voiture de Pesca-Servoz doit faire un complément d’essence en toute fin de course. Les « Matra boys » ont dominé la classe 3 litres de même que de nombreuses 5L et 4.5L. Cette belle performance a redonné du baume au cœur à l’équipe endurance qui va préparer l’épreuve phare de la saison, les 24h du Mans.

 

équipe matra elf,pedro rodriguez

 - Illustrations ©DR


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18 août 2022 | Lien permanent | Commentaires (1)

All You Need Is Love

john love,pedro rodriguez

Lundi 2 janvier 1967. Si l’on compte bien, ça doit tout juste faire cinquante ans.

Un diable de Rhodésien au volant d'une Cooper-Climax sortie d'on ne sait où s'apprête à remporter le Grand Prix d'Afrique du Sud, en ouverture du championnat du monde à Kyalami. Celui-là, il ne va quand même pas nous refaire le coup de Black Jack en 66, avec son Repco à deux balles, pardon, à deux soupapes par cylindre ! Il ne reste que six tours à parcourir, et deux Cooper sont alors en tête...

signé Francis Rainaut

john love,pedro rodriguez

 

Who’s that guy ?

Mais découvrons un peu qui est John Love, un type né à Bulawayo, Rhodésie du Sud, pays devenu aujourd'hui le Zimbabwe.

Pour ceux qui auraient un peu de mal avec la géographie, Bulawayo se trouve au milieu des terres, quelque part entre les chutes Victoria – sur le Zambèze – et Kyalami en Afrique du Sud.  Le nom de Rhodésie venait de Cecil Rhodes, homme d’affaires britannique fondateur entre autres de la British South Africa Company, chargé de la mise en valeur de ces terres situées au nord du Transvaal et archétype du colonialiste anglais. Mais là n’est pas le sujet.

Simple employé municipal, John s’engage dans la la la 6e division blindée sud-africaine qui opère au Moyen-Orient et en Italie vers la fin de la seconde guerre mondiale. Il n’a pas encore vingt ans, c’est là qu’il apprend à conduire des chars, mais aussi des motos.

john love,pedro rodriguez
Monza, 1945. 6th Armoured Division

 

Rentré dans son pays, il se lie d’amitié avec un compatriote, l’ami Jim Redman, et participe avec lui à de nombreuses compétitions de motos, avant de lui revendre son matériel. Mais lorsque Redman retourne en Europe pour piloter des Honda d’usine, Love lui reste en Afrique et se reconvertit dans la course automobile.

 

john love,pedro rodriguez
 Salisbury, April 1956. John Love #24

 

Love débute en Racer 500 déjà sur Cooper, d’abord une MkIII Jap, ensuite une MkV Norton, et ne tarde pas à enchainer les succès. Tant et si bien qu’on le retrouve en Europe au début des années soixante en formule junior chez « Uncle Ken » Tyrrell, ce qui fait un 2e point commun avec JPB. Love remporte de nombreuses victoires en 62 au volant de sa Cooper T59 ainsi qu’avec une Mini-Cooper dans les courses de tourisme. Arrive la fin de saison sur le circuit Albi. En tentant d’éviter Tony Maggs, John traverse une barrière et se blesse assez salement au bras gauche. Il subit des greffes osseuses et ne recouvrera jamais entièrement l’usage de son bras, ce qui fait un dernier point commun avec notre Beltoise national.

 

john love,pedro rodriguez

 

For your Love

Revenons maintenant à Kyalami, à l'orée de la saison 1967. Comme souvent en Afrique du Sud, ce Grand Prix représente plus une suite de la saison passée que le véritable début de la nouvelle saison. Du reste la Scuderia, en proie à une énième réorganisation interne, n'a pas jugé utile de faire le déplacement, de même que le team McLaren. Tout le monde s'attend à une domination Brabham, on sait les Lotus-BRM H16 fragiles et les Cooper-Maserati trop lourdes. Quant aux BRM et autres Honda... Quatre pilotes locaux sont inscrits, tous motorisés par le  « vieux » Climax 2,7 litres. Il s'agit de John Love sur Brabham, de Dave Charlton et Luki Botha sur Brabham, et de Sam Tingle sur LDS, copie de Brabham. Personne ne leur accorde la moindre chance, ils sont là pour faire le nombre. C'est du moins ce que tout le monde pense.

La première ligne des qualifications est tout sauf une surprise, puisqu'on y retrouve les duettistes Brabham et Hulme. La seconde ligne est partagée par Jim Clark et Pedro Rodriguez qui montre déjà le bout de son nez même s'il semble minuscule à bord de sa Cooper qui parait d'autant plus ventrue que sa proue a été raccourcie dans le but de mieux refroidir l'ensemble. Et ensuite ? Ensuite apparait John Love le Rhodésien, qui conduit sa vieille Cooper ex-Tasman 65 rachetée à l'ami Bruce McLaren. Il se permet quand même de devancer à la régulière des pointures telles que Jackie Stewart, Jochen Rindt, John Surtees et autres Graham Hill.

Les plus initiés se rappellent alors que le Rhodésien a quand même écrasé la concurrence dans le championnat sud-africain avec treize succès en quatorze courses en 1965, suivis de sept victoires en 1966.

 

john love,pedro rodriguez
 Surtees, Kyalami 67. Courtesy f1fanatic.co.uk ©Honda

 

Love is all you need...

Le circuit de Kyalami présente des caractéristiques particulières, haute altitude (1800 m) et forte chaleur. La technique en 1967 est moins bien maîtrisée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Donc dans cette course tout est possible. On en a vite confirmation dès le 2e tour où un premier H16 - celui de Stewart - rend l'âme suivi peu de temps après par un 2e, celui de la Lotus de Clark cette fois-ci. Et de deux !

Les vénérables blocs Maserati ne valent guère mieux, ne parlons pas de la boîte de vitesse de Rodriguez où seuls les 3e et 5e fonctionnent à peu près. Pour le moment John Love bataille avec Dan Gurney pour la troisième place, pas mal du tout pour un local ! La Honda de Surtees suit non loin derrière, elle non plus on ne l'attendait à pareille fête.

Et ce n'est pas fini, les Brabham elles-mêmes connaissent leur lot d'ennuis, celle du patron a des soucis de carburation et celle de Hulme de sérieux ennuis de freins.

Résultat, à 20 tours de l'arrivée, c'est notre motard rhodésien que l'on voit pointer en tête, et de façon assez nette encore. Imaginez la chose aujourd'hui, non cela est impossible, ça n'arrive que dans les bonnes bandes dessinées belges. Love se défend des attaques de Rodriguez qui le suit au volant d'une monture affaiblie, mais à ce point de l'histoire, quelques précisions s'imposent.

En ce temps-là, les pilotes étaient de vrais sportifs, ils partageaient tous plus ou moins la même éthique.

Lors des essais, l'écurie Rob Walker qui engage Jo Siffert sur une Cooper-Maserati rencontre quelques soucis. Des soucis de pompe à essence pour être tout à fait précis. Qu'à cela ne tienne, solidarité de paddock oblige, John Love va prêter une seconde pompe à essence qu'il a en réserve à l'écurie Walker. Pièce qui devait initialement être montée sur sa Cooper-Climax... Fin de la parenthèse.

john love,pedro rodriguez

 

Love, Love, Love !

L'arrivée se profile, il ne reste que sept tours. Love contient toujours Rodriguez, mais petit à petit, le Climax se met à hoqueter, d'abord un peu, ensuite beaucoup plus franchement. Rappelons qu'initialement destinée aux courses tasmanes, dont la distance est plus courte, la Cooper T79 s'est ensuite vue greffée d'un réservoir supplémentaire, visible sur le coté droit, lui permettant en théorie de tenir la distance d'un Grand Prix. Et donc John Love a calculé trop juste !

Le Rhodésien se précipite alors dans les stands, où 2 gallons d'essence - deux gallons ! - furent versés dans le réservoir. Doug Serrurier lui-même était à la manœuvre. Juste le temps de voir passer Pedro Rodriguez, qui n'en demandait pas tant. John Love finira tout de même second, son meilleur, et son pire ! résultat en formule 1. Quant à Pedro, au talent jusqu'alors mésestimé, il avait tout sauf volé sa victoire. L'histoire lui rendra justice, avant qu'une - stupide - course ne nous l'enlève.

A la fin de l'épreuve, il restait suffisamment d'essence dans les réservoirs de Love. C'est la pompe à essence - de remplacement - qui donnait plutôt des signes de fatigue. La vie est ainsi faite.

john love,pedro rodriguez
Décembre 1967. Lancement du Team Gunston

 

Epilogue

Pour l'ex-glorieuse équipe Cooper, ce fut le champ du cygne. Plus jamais on ne la reverra sur un podium de Formule Un. Le moteur Maserati signa lui aussi son ultime succès. Quant aux moteurs Climax, on n'en entendit quasiment plus parler.

John Love, lui, hormis de nombreux succès dans des courses annexes, entrera à jamais dans l'histoire comme étant le premier pilote a avoir engagé une F1 sponsorisée par un cigarettier. Cela se passait début 1968, il s'agissait d'une BT20 rachetée à l'écurie Brabham ainsi que d'une LDS-Repco (1) pour Sam Tingle.

En 1967 l'année qui nous occupe, il fut demandé aux célèbres Beatles de composer et d'interpréter en direct une chanson à l'occasion de la première diffusion d'une émission en mondovision. Je vous laisse deviner le titre de la chanson, chanson qui effectivement fera le tour du monde.

Et  tout cela s'est passé il y a très exactement cinquante ans...

 

(1) LDS étant les initiales de Louis Douglas Serrurier, pilote constructeur sud-africain d'ascendance française.

 

Et comme la période des vœux est désormais ouverte, j'en profite pour souhaiter à tous nos lecteurs et lectrices une bonne et heureuse année 2017 !

 

john love,pedro rodriguez

 

john love,pedro rodriguez
Jim Redman, Honda RC181

  - Illustrations ©DR

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02 janvier 2017 | Lien permanent | Commentaires (7)

Monza 69... en super 8


 En 1969, je voulais devenir Beltoise, Jimmy Page, ou Jean-Luc Godard. Ça dépendait un peu des jours. Alors quand sonne le rendez-vous de Monza, juste avant la rentrée scolaire, je n'oublie pas de prendre avec moi ma caméra Kodak Super 8, le modèle de base M2, "Fun and easy to use".

J'avais complètement oublié ce bout de film, retrouvé par mon cousin Jo qui était avec moi en Italie. On voudrait juste qu'il dure un peu plus longtemps mais comprenez, à 15 ans la pellicule ça coûte cher, pour la GoPro il faudra attendre encore un peu.

Francis Rainaut

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Avec, par ordre d'apparition à l'écran :

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Pedro Rodriguez

En 69, le Mexicain ne fait pas encore vraiment partie des « top drivers ». La faute sans doute aux écuries qu’il a fréquentées jusque-là. Cooper à l’agonie pour sa 1re saison complète en 67, BRM l’année suivante. Le voilà début 69 première gâchette dans le team Parnell-BRM, pas ce que l’on pourrait appeler une promotion. Je le verrai en F2 à Reims au volant de la Matra de Pescarolo, le Mexicain est devenu au fil du temps un véritable mercenaire du Sport automobile. Pas étonnant alors de le croiser dans le paddock de Monza, prêt à effectuer une pige. On aura à nouveau rendez-vous un mois plus tard aux 1000 km de Paris, Rodriguez formant un équipage insolite avec Brian Redman.

« Y'a vingt piges le Mexicain, tout le monde l'aurait donné à cent contre un… »

 

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Jo Siffert

Quand on parle de Pedro Rodriguez, on peut être certain que Jo Siffert n’est pas très loin. Y compris sur un petit film amateur en super 8. A l’instar du Mexicain, Jo n’a pas encore trouvé un vrai volant d’usine, et si les Lotus de Rob Walker sont encore classées premières au concours d’élégance, force est d’admettre qu’elles ne courent pas réellement dans la même catégorie que les monoplaces des top teams. Pour Jo et Pedro, heureusement, il reste encore les courses de Protos et autres voitures de Sport pour se mettre en valeur.

 

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jackie stewart,matra ms80

Ernesto « Tino » Brambilla

Where is Amon ? On attendait Chris Amon au volant d’une toute nouvelle Ferrari, à la place on a Brambilla, Tino de son prénom. Ma che cuzzo fai ? Bon Tino on l’aime bien, il s’est mis en valeur à la Temporada au volant d’une Dino F2, mais au vu de ses temps aux essais, on se pose quand même quelques questions. Ce que l’on ne sait pas, c’est que cet imbécile de Tino s’est fracturé le poignet à moto peu de temps auparavant. Ceci explique donc cela, et le Milanais n’est peut-être ici que pour calmer la déception des tifosis. D’où la présence du Mexicain en arrière-garde. Le lendemain, Pedro prendra le volant de la « vieille » Ferrari, mais avec le casque de Tino pour brouiller un peu plus les cartes. Observez bien les photos des essais, Pedro est toujours très enfoncé dans son baquet.

 

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John Surtees

Pour l’Anglais, seul pilote titré en moto comme en auto dans les catégories reines, l’heure du crépuscule a peut-être déjà sonnée. En fait on se désole un peu de le voir ramer au volant des misérables BRM. L’ère Southgate n’a pas commencée, et le team « British Racing Motors » est bien loin de son lustre d’antan, d’année en année il régresse. Et même le grand Surtees n’y peut pas grand-chose, qu’elle est loin la victoire de 1967 au volant de la Honda.

 

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Colin Chapman

Moustache « British » et polo beige boutonné jusqu’en haut, on est à peu près sûr qu’il s’agit du patron du Team Lotus, qui sait à Monza que son année a plutôt été foutue en l’air, ou presque. La faute sans doute à cette fichue météo et à ces courses full dry qui ont empêché sa dernière merveille la Lotus 63 4WD de se mettre en valeur. A s’il avait eu l’heur de pleuvoir la moitié du temps comme en 68 ! Mais bon, que Chapman ne se plaigne pas trop, l’année suivante ici-même ce sera terrible, on parlera alors de tragédie.

 

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Jochen Rindt

Si Chapman peut maudire une saison gâchée, que dire de Jochen Rindt ? Comment est-il possible qu’un pilote aussi talentueux n’ait encore remporté aucun Grand Prix ? Vous me direz, Chris Amon non plus, mais Jochen est tout de même 1er pilote dans l’équipe championne du Monde en titre. Qu’importe, chaque Grand Prix est un nouveau combat, l’Autrichien figure à chaque fois dans la liste des vainqueurs possibles, la course de Monza ce week-end sera peut-être l’occasion de réparer une injustice.

 

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Denny Hulme

Denny « the Bear » Hulme en 69 est un mec cool. Déjà nanti d’un titre de champion du Monde, il a rejoint l’année dernière son pote Bruce McLaren, et depuis tout baigne. Bruce n’est pas aussi rugueux que son ancien patron Black Jack, les McLaren ne font que progresser, et cerise sur le gâteau, il y a ces courses Canam et là c’est vraiment l’éclate ! Alors oui, Denny est heureux, et ça se voit sur son visage et dans sa démarche. Il balance négligemment son nouveau Bell Star comme le premier potache venu au sortir du bahut, il est là pour faire le job, les résultats vont bien finir par tomber. No stress at all.

 

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Jackie Stewart

Le roi du pétrole aujourd'hui c’est lui. En 1969 la F1 est encore majoritairement britannique, ou assimilée. Stewart est alors considéré comme le successeur naturel du grand Jimmy. A ce propos, lors d’un voyage en stop effectué cet été là en Ecosse, je me souviens avoir regardé attentivement comment conduisaient les autochtones, persuadé qu’ils étaient tous des champions du monde en puissance. Jackie et son mentor Ken Tyrrell sont clairement là pour le titre, ils ont même préféré garder la MS84 initialement prévue pour Servoz-Gavin en réserve pour Jackie, au cas où…

 

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Bruce McLaren

Difficile de regarder ces images du Néo-zélandais sans ressentir un vrai spleen. On ne sait pas pourquoi, les kiwis et leurs bolides orange papaye attiraient naturellement la sympathie. Il y avait chez eux un côté cool qui cadrait très bien avec ces années Woodstock. On ne pouvait évidemment pas prévoir à ce moment-là la fin tragique du gentil Bruce.

 

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Jack Brabham

Restons aux antipodes avec Brabham, « l’ancêtre » du plateau, qui se remet à peine de sa blessure au pied, d’où la nécessité d’être un peu aidé au moment de grimper dans sa monoplace. Sacré « Black Jack », c’est peu dire qu’il nous intimidait, par moments je croyais retrouver mon grand-père maternel, plutôt grand et très intimidant. Sinon je trouvais la BT26 limite moche, mais bon, les goûts et les couleurs…

 

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John Miles

Cette monoplace-là, par contre, elle nous impressionnait. On l’avait déjà vue à Charade, pas trop à son affaire, peut-être qu’à Monza le lunetteux John Miles allait en tirer meilleur parti ? On y croyait sans trop y croire, mais il est clair qu’à cette époque, on aimait bien tout ce qui pouvait remettre en cause l’ordre établi.

 

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Graham Hill

Après la nouvelle Lotus, la vieille Lotus. Après la jeune recrue, le vieux briscard. Champion du Monde en titre, « Mr Monaco » inspirait à la fois la sympathie et le respect. Le 29 novembre 1975 restera un jour éternellement teinté de noir, je ressentis une immense tristesse le jour de la disparition de Mister Graham Hill.

 

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Piers Courage

Dans la même tonalité que Bruce McLaren, Piers Courage, celui dont j’avais piqué les couleurs pour décorer mon 1er casque AGV. Contrairement au Team Walker, l’écurie de Franck Williams symbolisait plutôt l’avenir, peut-être à cause de la jeunesse de ses membres. Cela étant, il eut fallu être devin pour imager cette équipe tutoyer les sommets à peine une décennie plus tard.

 

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Jacky Ickx

Jacky « X » en 69, c’est un peu l’ennemi public numéro un.

- ???

Tentons une explication. D’abord, Jacky n’est pas français, il est belge, ce qui n’est pas exactement la même chose.

Ensuite, Monsieur Ickx nous a fait l’affront d’offrir à nouveau la victoire à Ferrari, alors qu’en toute logique, cet honneur aurait dû échoir à Chris Amon. Pire encore, le pilote belge a osé quitter Ferrari pour Brabham, on se demande un peu… Enfin, last but not least, Jacky a osé résister à Beltoise pas plus tard qu’il y a deux mois à Charade, non mais des fois ! Si l'on ajoute à cela qu’il a eu la « chance » de battre sur le fil le français Larrousse au Mans, vous ne trouvez pas que cela fait un peu beaucoup ? Mais bon, Jacky, c’est un champion du Monde en puissance, c’est une évidence, on se demande juste ce qu’il fait encore chez Brabham. Mais ça, on ne se le demandera pas longtemps.

 

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Ron Tauranac

En pleine discussion avec Jacky, on observe Ron Tauranac, le « cerveau » de l’écurie Brabham. Imaginez un peu Adrian Newey en polo beige taillant la causette à un Hamilton dépourvu de toutes ses breloques. Non, je rêve, ce temps-là est révolu. Quant à Monsieur Ickx, on a appris au fil du temps à l’apprécier et à l’estimer. Peut-être bien l’année suivante, quand il a affirmé être très heureux de ne pas avoir remporté le titre…

 

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Jean-Pierre Beltoise

Levons tout de suite une ambiguïté. On est venu à Monza pour voir gagner Beltoise, ça au moins c’est clair. Après l’exploit de Charade, suivi de la mauvaise pioche de Brands Hatch puis de la méforme des Matra au Nürburgring, ce serait bien le diable si « Beltoise » n’en remporte pas une cette année. Toutes les planètes semblent alignées, Jean-Pierre a montré être capable des plus grands exploits sur les pistes rapides, donc on va mettre une pièce sur la victoire du Français.

… qui ne passera pas très loin de l’exploit, mais ceci est une autre histoire.

 

jackie stewart,matra ms80

Post-scriptum

Pour réaliser ces images sans laissez-passer officiels, il nous fallait être un tout petit peu filous, ou malins, selon le point-de-vue où l’on se place. Je ne sais pas si c’est moi que l’on voit à gauche de cette photo parue dans AutoCourse 1969, mais c’est presque mon sosie. En tous cas, je peux l’avouer aujourd’hui - il y a certainement prescription - nous usions des mêmes stratagèmes. Ce qui nous vaut aujourd’hui le plaisir de visionner ces quelques images de cinéaste amateur utilisant une caméra super 8 d’entrée de gamme, cette même caméra qui me sera subtilisée un an plus tard dans ce beau parc de Monza alors que nous dormions à la belle au soir du terrible Grand Prix de 1970.

Les lecteurs avertis auront remarqué que deux pilotes ayant disputé cette course ne figurent pas sur ces images. Je donne un indice pour l’un des deux, qui saura donner en premier la bonne réponse ?

Et pour quelques images de plus ...

 

jackie stewart,matra ms80

- Photo 5 ©alamy stock photo

- Autres illustrations ©Francis Rainaut

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04 février 2021 | Lien permanent | Commentaires (13)

24H de Daytona 1968 - le hold-up de Porsche

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L'an 1968 : la réglementation du Championnat du Monde Sport-prototype évolue. La catégorie sport oblige l’utilisation d’un moteur issu de la série qui ne dépasse pas 5L de cylindrée et la production de cinquante exemplaires minimum. La catégorie prototype ne doit pas excéder 3L de cylindrée. Exit les monstres US de 7L et les superbes prototypes 4L de Maranello. Qui peut maintenant saisir l’opportunité et tirer les marrons du feu ? 

Début février 1968 : ouverture du Championnat en Floride sur le Speedway et routier de Daytona.

François Coeuret

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Le plateau

John Wyer présente deux Ford GT 40 aux mains de Ickx-Redman et Hobbs-Hawkins, V8 5L optimisé chez Gurney-Weslake. Porsche engage officiellement quatre 907 LH (Lang Heck) de 2,2L à capot arrière effilé. Au volant : Siffert-Herrmann, Mitter-Stommelen, Elford-Neerpasch et un équipage exotique franco-américain Schlesser-Buzzetta. Alfa-Roméo est présent avec quatre 33/2 usine 2Litres (Schütz-Vaccarella, Andretti-Bianchi, Casoni-Biscaldi-Zeccoli, Giunti-Galli).

 

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Autodelta a également dépêché deux Giulia sprint GTA en catégorie Tourisme -2L. La Howmet TX mue par une turbine à gaz (catégorie proto 3L) est l’attraction locale (Heppenstall-Lowther-Thompson). C’est un projet du pilote US Ray Heppenstall qui a convaincu Howmet corporation de se lancer dans la compétition automobile par le biais de cette technologie déjà testée à Indianapolis et par Rover-BRM en Europe. De nombreux pilotes américains sont bien sûr présents au volant de GT ou Tourisme +2L : Mustang Shelby, Chevrolet Corvette, Chevrolet Camaro, Porsche 911 fournissent le gros du plateau. Ferrari est représenté grâce à l’écurie satellite N.A.R.T., Vestey Racing et Raceco-Miami, trois 250LM et une Dino. Quelques étrangetés si l’on peut dire sur ce circuit : une Morgan, MGB, Volvo 122S, Jaguar XKE, Dodge Dart, Lancia Fulvia Zagato, des Triumph (TR4-GT6), plus réalistes une Chevron B6 BMW et une Nomad Ford.

 

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Les essais – la course

Les GT40 Wyer font office d’épouvantail face aux Porsche certes joliment profilées et Alfa-Roméo : 5L contre 2,2L et 2L. La hiérarchie pressentie au vu des données techniques de la liste des engagés se confirme sur la piste. Les Ford réalisent les meilleurs temps devant les Porsche, la Howmet et la Ferrari 250LM N.A.R.T de Piper. Ickx a réalisé la pole battant le record de Gurney en 67 sur la MKII. Giunti-Galli sont victimes d’un accident aux essais, leur Alfa n’est pas réparable. L’Alfa 33/2 de Schütz-Vaccarrella est neuvième, Pedro Rodriguez est dixième temps sur la Ferrari Dino du N.A.R.T. Les GT et tourismes américaines sont puissantes mais lourdes et moins dynamiques, elles ne peuvent jouer la victoire à la distance sauf circonstances exceptionnelles. Les pilotes les plus rapides aux essais sont Gulstrand-Leslie (15e), Patrick-Jordan-Caplan (16e), Grant-Morgan (17e), Revson-Yenko (19e) tous sur Corvette et Donohue-Johnson (20e) sur une Camaro.

 

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Samedi le peloton s’élance en formation puis est libéré au signal du starter agitant son drapeau. Les pilotes Ford prennent la tête suivis des Porsche, de la Howmet, des Ferrari de Piper et Rodriguez, des Alfa. C’est parti pour 24 heures. Au troisième tour Hawkins doit déjà stopper au stand pour un problème électrique, un câble d’alimentation est débranché. Quand la première heure se conclut, Ickx est en tête devant les quatre Porsche usine et la seconde GT 40. La Howmet est rapidement hors course, son pilote est victime d’une sortie de route provoquée par le blocage d’une soupape de décharge. La nuit tombe, Redman s’arrête soudainement en bord de piste et doit renoncer boîte défaillante (58e tour). C’est à ce moment que Hobbs qui avait relayé Hawkins reprend la première position, il a remonté les Porsche au prix d’un bel effort. La course se stabilise un bon moment et entame sa partie nocturne. En milieu de nuit des soucis techniques vont commencer à accabler la seconde GT40. Elle est inexorablement retardée par des stops au box. Elle laisse ainsi les Porsche aux avant-postes. La seconde Wyer va finalement abandonner après 430 tours à la suite d’une fuite du réservoir d’essence.

 

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Siffert-Herrmann tiennent dorénavant longuement la tête mais la 907 va jouer de malchance, elle s’arrête 22 mn au box pour résoudre un problème de frein, le support de pédale est cassé. La voiture repart en seconde position devant Schlesser-Buzzetta. Elford-Neerpasch ont pris la relève en tête, ils s’acheminent sauf problème vers la victoire. En fin de course le staff Porsche laisse conduire Siffert, Herrmann et aussi Stommelen sur la voiture de tête durant quelques tours. Ainsi ces pilotes sont récompensés de leur malchance se trouvant listés sur la feuille de classement en première position. Stommelen vit sa voiture abandonner dans un accrochage alors que son équipier était au volant.

 

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Cet accrochage a impliqué trois autos, la Porsche officielle N°53 (Mitter-Stommelen), la 907 privée N°55 (Steinemann-Spoerry) et la 250LM NART N°81 (Piper-Gregory). Les trois voitures restent sur le carreau. La voiture victorieuse N°54 sera donc créditée au classement final de cinq pilotes : Elford-Neerpasch-Siffert-Herrmann-Stommelen. Les américains Titus-Bucknum (Mustang Shelby) terminent quatrièmes à la distance et premiers de la classe Tourisme +2L devant les trois Alfa 33/2 et la Ferrari 250LM de Gunn-Ortega-Merello.

 

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Porsche égale Ferrari

Comme Ferrari l'avait fait en 1967, Porsche signe un beau triplé. La firme allemande regroupe ses trois voitures sur la ligne d’arrivée pour marquer son succès. Elle va rééditer une performance identique à Sebring (un doublé), clôturant une campagne nord-américaine triomphale. Un véritable hold-up alors que l’écurie Wyer fut accablée d’ennuis (quatre abandons en deux courses).

 

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Les vainqueurs autour de Huschke von Hanstein

 

Au bilan de fin de saison Ford vainqueur aux 24H du Mans remporte le Championnat suivi de très près par Porsche, trois points séparent les deux constructeurs.


 

- Illustrations ©DR

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14 mars 2023 | Lien permanent | Commentaires (1)

24 H de Daytona 1967 - un air de vendetta

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Au début des années soixante Ferrari est en proie à de sérieuses difficultés financières. Ford qui veut se faire un nom en Europe saisit cette occasion pour tenter d’acquérir l’entreprise transalpine. Les négociations Ford-Ferrari sont brutalement interrompues en 1963 par le « Commandatore » qui a bien compris qu’il perdrait le contrôle de son entreprise, tant au niveau de la production de série que du département sportif(1). La prise de participation de Fiat, effective en 69, lui parut la moins mauvaise des solutions pour pérenniser son œuvre.

Après ces pourparlers les rapports du « Drake » avec « the Deuce » (Henri Ford II, ainsi qu'on le surnomme à Dearborn) devinrent extrêmement tendus. En fait une passe d’armes qui ne pourra se poursuivre que sur la piste.

François Coeuret

(1) la légende voudrait qu’il se soit tout simplement levé, en pleine réunion, en disant à son avocat, de façon désinvolte : « bon, c’est l’heure d’aller dîner. »

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Premiers affrontements

Ford pressé d’en découdre en terre européenne sur le circuit des 24 Heures rachète le projet Lola MK6 GT (future GT40) et lance l’offensive qui se solde par deux échecs en 1964 et 65. Les débuts du prototype sont laborieux mais des progrès sont accomplis par la voiture US grâce à Caroll Shelby. Ford remporte Daytona Continental 2000 en 1965. 1966 sera la bonne année à Daytona 24H comme en terre sarthoise où le géant américain fait trébucher l’artisan italien. Ce dernier ne compte pas en rester là et fourbit ses armes pour les prochains combats. L’affrontement suivant a lieu sur les terres de l’oncle Sam et Enzo Ferrari y voit l’occasion d’une « vendetta ».

 

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Ambiance - plateau

Après trois saisons de rivalité, 1967 est présentée comme le combat du siècle en raison de l'effort que les deux marques ont mis dans leurs voitures respectives. Le Speedway de Daytona transpire d’une atmosphère fiévreuse autour des deux rivaux. Des tests effectués par les deux écuries en décembre il ressort que la P3 équipée du futur moteur de la P4 est plus rapide que la Ford. On s’empresse de revoir la copie chez le géant de Détroit qui travaille essentiellement sur l’augmentation de la puissance. Ford présente une MKII boostée mécaniquement, tandis que la Ferrari P4 plus légère compte sur son homogénéité. En arrivant en Floride où se déroule le premier événement de l'année, les deux marques se sont mises en quatre. Ford engage six Mk II et trois anciennes GT40 en soutien. Ferrari a acheminé une nouvelle 330 P4 avec boîte maison et moteur 36 soupapes 450 CV, un coupé P3/P4, une 412P entretenue par Luigi Chinetti, importateur Ferrari aux USA et responsable du North American Racing Team ainsi qu’une autre 412P de l'écurie Francorchamps. La 412P n'est autre qu'une P3/P4 version client équipée du moteur 4L 24 soupapes.

 

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Les essais

Ainsi débutent les entraînements de la deuxième édition des 24 heures en février 1967. Ford est le tenant du titre mais Ferrari n’a jamais été si menaçant. A l’issue des essais la Ford Mk II de Foyt-Gurney réalise la pole position sur le Speedway couplé au routier. Les autres sont aux cinquième (Andretti-Ginther), septième (McLaren-Bianchi), neuvième (Hulme-Ruby), dixième (Bucknum-Gardner) et douzième position (Donohue-Revson). Les Ferrari, pour leur part, occupent les troisième (Rodriguez-Guichet), quatrième (Bandini-Amon), sixième (Parkes-Scarfiotti) et onzième positions (Mairesse-Beurlys). Elles n’ont peut-être pas donné la pleine mesure de leurs performances. La deuxième position de la Chaparral 2F de Phill Hill-Mike Spence à moteur Chevrolet 7L et transmission automatique sème le trouble parmi les deux belligérants. L’oiseau coureur pourrait être un concurrent sérieux pour Ford et Ferrari.

 

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La course

Dimanche vers 15 Heures la Chaparral s'échappe au départ, elle imprime un rythme de course effréné, quatre Ford emboîtent le pas mais à distance tant la 2F est rapide. Ferrari ne cherche pas l’affrontement direct et suit son tableau de marche. Dès la première heure une Ford (Mc Laren-Bianchi) stoppe au stand victime d’une surchauffe. Puis La Ford de Bucknum-Gardner s’arrête avec la perte des rapports 3 et 4. Le staff Ford est inquiet, on imagine que l’épidémie peut gagner les autres Mk II. Après trois heures de course Hill toujours en tête vient de prendre son relai et sort sur un secteur de piste dégradée à l’entrée du banking. Il endommage l’arrière de la Chaparral sur le mur. Retour laborieux au box. Après réparation sommaire et un retour en piste la Chaparral renonce finalement. L’américain reproche à Spence de n’avoir pas signalé le secteur gravillonné. Au jeu des rythmes de ravitaillement deux Ferrari prennent le relai en tête devant la Ford de Foyt-Gurney. Les soucis de transmission se poursuivent chez les américains. A 18H c’est le cas pour Andretti-Ginther; après démontage de la transmission, des éléments s’avèrent défectueux. Les mines se liquéfient dans les stands. Donohue-Revson sont également au box pour changer un amortisseur.

 

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Le combat Ford/Ferrari tourne à l’avantage de Maranello qui porte quatre voitures en tête à la sixième heure. Bien que les Ferrari soient réputées plus fragiles, ce sont les Ford qui trébuchent. La sagesse de la Scuderia paye. Chez Ford on possède deux anciennes transmissions plus fiables type GT40 que l’on pose sur les voitures de McLaren-Bianchi et Gurney-Foyt qui perdent beaucoup de temps au box. Les autres Mk II ont abandonné. Les Ferrari confortablement installées en tête passent une nuit paisible sans forcer sur la mécanique. Le constructeur américain conserve un espoir avec Gurney-Foyt qui sont remontés à la dix-huitième heure en cinquième position. Au cours de la partie nocturne de la course Amon et Bandini ont construit une avance de trois tours sur Parkes-Scarfiotti tandis que Rodriguez-Guichet concèderont 29 tours car ils furent retardés vingt minutes au stand en fin de course.

 

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L’espoir est retombé chez Ford lorsque la Mk II cinquième casse son embiellage après 464 tours. Ne reste plus que la voiture de McLaren-Bianchi qui seront secondés par Gurney-Foyt. Cette dernière chauffe et ne peut inquiéter les rouges. Les voitures italiennes se sont regroupées et mènent un rythme de sénateur dans les dernières heures. Seule la 412 Francorchamps a renoncé sur rupture de boîte comme la seconde Chaparral, une 2D. Franco Lini demande à ses pilotes de franchir la ligne en formation au terme des 24 heures. Ford a subi une sévère correction sur son terrain à cette occasion. Chris Amon ancien pilote Ford explique l’aisance des Ferrari : « Les Ford étaient trop lourdes, nous pouvions être plus rapides sur le routier alors que nous tenions leur rythme sur l’anneau ». Si Ferrari a renoué avec la victoire au mois de juin 2023 au Mans, cette lointaine victoire à Daytona est devenue une légende. Elle est empreinte d’une saveur particulière de « vendetta à l’italienne ».

 

Résultats des 24 Heures de Daytona 1967

1 Lorenzo Bandini/Chris Amon Ferrari 330P3/4 Spa Ferrari SEFAC – 666 tours 1er P +2L
2 Mike Parkes/Ludovico Scarfiotti Ferrari 330P4 Spa Ferrari SEFAC – 663 t
3 Pedro Rodriguez/Jean Guichet Ferrari 412P N.A.R.T – 637 t
4 Hans Hermann/Jo Siffert/Jochen Rindt* Porsche 910 Porsche System Engineering – 618 t 1er P 2L
5 Dieter Spoerry/Rico Steinemann Porsche 906LH Squadra Tartaruga – 608 t
6 Dick Thompson/Jacky Ickx Ford GT40 John Wyer Automotive – 601 t 1er S
7 Bruce McLaren/Lucien Bianchi /Dan Gurney*/AJ Foyt *Ford MkII Shelby American – 593 t
8 William Wonder/Ray Caldwell Ford GT40 Bill Wonder – 573 t
9 Jack Ryan/Bill Bencker Porsche 911S Jack Ryan – 555 t 1er GT
10 George Drolsom/Harold Williamson Porsche 911 George Drolsom – 542 t 1er T 2L

(*) Pilotes engagés sur ces voitures mais n'ayant jamais pris le volant

 

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- Illustrations ©DR


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15 février 2024 | Lien permanent | Commentaires (4)

PILOTE D'USINE, par Johnny Servoz-Gavin (suite)

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Et puis, « Johnny, Johnny* » continue de raconter sa saison 68, qui fut certainement la plus dense de sa brève carrière de pilote. Personne n'a oublié la chevauchée fantastique de la #24 au Mans, où lui et son compère Henri nous ont fait veiller derrière le transistor presque toute la nuit, à l'insu des parents qui , de toute façon, s'étaient déjà pris un choc culturel en pleine figure avec tous ces évènements...
Oui, comment oublier ce matin de septembre où les radios s’époumonaient :

« la Matra toujours dans la course, elle vient de doubler une Alfa juste sous nos yeux pour reprendre la deuxième place ! »

... sans même parler du « Zec »  ...

Francis Rainaut

(*) Georges-Francis

(Fac-similé d'un article de la revue Sport Auto, novembre 1968)

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"APRES le Grand Prix d'Italie, je n'ai pas pu passer la soirée avec mes amis ; pourtant Dieu sait que ce n'est pas l'envie qui m'en manquait, mais M. Lagardère n'arrêtait pas de me dire : « Johnny, dépêchez-vous, on va rater l'avion ! »
Jean-Pierre Beltoise a pris le volant de notre voiture de location et nous fit une démonstration étonnante sur la façon d'utiliser les trottoirs et accotements des autoroutes pour rouler vite quand elles sont encombrées.
Notre vol se déroula dans une ambiance très agréable. Notre boss était très satisfait de ma deuxième place et pour moi c'était la joie car j'avais enfin pu montrer que j'étais capable de terminer un Grand Prix. A Orly, on m'attendait pour m'apporter ma Matra 530 et une valise de linge propre. J'ai aussitôt pris la route pour Le Mans ou nous allions faire des essais d'endurance avec la 630, sur le circuit Bugatti, en vue des 24 Heures. Je suis arrivé au Mans à deux heures du matin, plus fatigué par le trajet entre Orly et Le Mans que par le Grand Prix.
La nuit fut très courte car j'étais sur le circuit à huit heures et Henri Pescarolo tournait déjà : le programme était de faire les 24 Heures du Mans à blanc sur le circuit Bugatti. Tout se passa pas mal jusqu'à quatre heures de l'après-midi, je me relayais très souvent avec Henri, car nous étions intoxiqués par des gaz d'échappement qui entraient dans l'habitacle. Les essais furent écourtés par un tête-à-queue que je fis dans la courbe du Musée. Il était dû un peu à la fatigue de la veille, un peu à cette intoxication. Je suis parti en travers et n'ai pas pu redresser. Les dégâts étaient minimes, mais suffisants quand même pour interrompre les essais. Nous avions pu constater en tout cas, que la voiture tenait très bien la route, mais à notre avis elle n'allait pas assez vite, car nous tournions pratiquement dans les temps de la Matra BRM deux litres.

Notre meilleur temps était en effet de 1'44"8 contre 1'46"1 à la deux litres. Les pilotes étaient déçus, mais les techniciens pensaient avoir trouvé la raison de cette contre-performance : des ennuis d'allumage. Il fut donc décidé de reprendre ce programme d'essais, mais l'ennui est que notre horaire dans les jours à venir était plus que chargé, avec Reims et le GP du Canada. Je suis donc rentré à Paris, pour donner mon linge sale à la blanchisserie, le gros problème de ma vie de bohémien, et passer enfin une bonne nuit afin d'être d'attaque pour repartir le mercredi à Reims ou je devais conduire une Matra Formule 2 de l'écurie Matra International, en compagnie de Jackie Stewart.

 

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Je suis parti pour Reims le matin, et je ne vous dirai pas combien de temps j'ai mis, car un lecteur m'a écrit à la suite de mon article du mois dernier pour mettre en doute mon temps sur Paris-Monaco ! Les essais avaient lieu l'après-midi, mais les concurrents étaient peu nombreux. On a ajusté la voiture à ma position de conduite idéale, et j'ai fait la connaissance de John Coombs, l'associé de Ken Tyrrell, qui faisait fonction de directeur sportif. J'ai essayé ma voiture et celle de Jackie, qui n'arrivait que le lendemain, pour déterminer les rapports de démultiplication et essayer des pneus moins larges. Le circuit de Reims avantage la vitesse pure et nous pensions qu'en diminuant le maître-couple, le gain en ligne droite serait supérieur à la perte d'adhérence en virages.
Nous n'étions que deux à tourner, de sorte que les temps ne furent pas brillants. Quant à notre essai de pneus étroits, il ne s'avéra pas concluant. Le lendemain, en revanche, tout le monde était là, et les choses allaient être beaucoup plus sérieuses. Sur ce circuit, le plus important c'est l'aspiration. Jackie et moi sommes partis dès la première minute et notre tandem ne fut pas long à s'allonger. Les temps étaient déjà très bons. Nous avons pu remarquer que deux de nos rivaux avaient des moteurs « canon » : Rindt et Pescarolo. Dans les lignes droites, il nous était difficile même de les suivre, encore plus de les doubler.

Le jeudi soir, ma position n'était pas trop mauvaise car j'avais le sixième chrono. Rindt s'était arrangé pour gagner les cinquante bouteilles de champagne offertes pour le meilleur tour. Chaque fois qu'il y a une prime au meilleur temps des essais, c'est toujours Rindt qui se l'attribue. Le lendemain toute l'équipe Matra décidait de s'entraider en force. Les quatre voitures allaient faire roue dans roue le Train Bleu pour essayer de descendre les chronos et dès que nous apercevions une voiture d'une autre couleur nous ralentissions.
A plusieurs reprises Rindt, Hill et les autres ont essayé de se joindre à nous, mais nous refusions naturellement de les aider..
Alors ces petits malins ont essayé de nous feinter et ils sont allés s'embusquer dans les échappatoires des deux virages de Muizon et Thillois. Nous ne pouvions pas les voir, mais ils étaient bien placés pour repartir cent mètres derrière nous pour bénéficier à notre insu de notre sillage. C'est ainsi que Rindt nous a encore soufflé cinquante bouteilles de champagne.
Le comte Chandon nous avait donné l'hospitalité de son magnifique château de Sarans et comme le samedi les coureurs de Formule 2 faisaient relâche, j'ai pu y profiter pleinement du calme et faire de la gastronomie. Dans l'après-midi, je suis allé au garage pour le briefing avec John Coombs.
Après une très bonne nuit, le jour de la course était venu.

 

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En Formule 2 à Reims,
le virage de Thillois derrière la Tecno de Regazzoni, la Matra de Beltoise,  les Brabham de Courage et d'Ahrens

 

 

Dix minutes avant le départ, nous étions tous un peu en panique car le temps était très couvert et nous ne savions quels pneus choisir. John Coombs est un type très sympathique qui a une longue expérience de la course, mais avec lui ce n'est pas tout à fait comme avec Ken Tyrrell, aussi ce fut un soulagement de voir Ken arriver, au moment précis où nous devions faire un choix dont l'issue de la course dépendait. Au dernier moment, malgré quelques gouttes qui tombaient, tout le monde opta pour les pneus secs car le ciel avait l'air de vouloir se dégager.
L'aspiration au sein d'un gros peloton, caractéristique du circuit de Reims, est une chose risquée que l'on ne pratique volontiers que lorsque l'on connaît bien ses adversaires et que l'on sait pouvoir leur faire confiance. Parmi les pilotes engagés à Reims, il en était un qui ne nous rassurait pas entièrement sur ce plan : Regazzoni. Dès les premiers tours un peloton de dix voitures s'est formé, Regazzoni était parmi eux et ce fut tout de suite un festival de manœuvres trop dangereuses, de déboîtements à l'aveuglette, de queues-de-poisson etc. Nous nous regardions d'une voiture à l'autre en nous demandant ce qu'il fallait faire, heureusement, tout le monde opta pour la sagesse, pour éviter l'accident à tout prix, et le pilote de Techno ne tarda pas à casser pour le plus grand soulagement de tous.
Nous avons bouclé tour après tour, en escadrille serrée, nous doublant et nous redoublant continuellement. Aux trois quarts de la course, j'ai dû m'arrêter sur ennuis de commande de vitesses à quinze tours de la fin. Déjà, dix tours avant, je n'avais plus de quatrième. Si je faisais 3e, 4e, cela ne marchait pas, alors que si je faisais 3-5-4, cela fonctionnait bien. D'un seul coup, à la sortie de Muizon tout à lâché : la commande s'était rompue, chose très rare. Beltoise avait dû s'arrêter quelques minutes pour changer ses bougies, Rindt avait abandonné et il ne restait plus que cinq voitures dans le peloton, qui pouvaient prétendre à la victoire. La pluie s'est mise à tomber, de plus en plus fort, mais malgré cela je suis rentré à pied, en regardant la course et je suis arrivé sur la ligne juste à temps pour voir gagner mon coéquipier Jackie Stewart. La soirée à Sarans fut mémorable : Stéphane Collaro avait téléphoné en cachette à l'Armée du Salut pour leur demander de venir chanter des cantiques pendant le diner. Ils prirent la chose très au sérieux et tout le monde fut vraiment très surpris. En définitive, ils repartirent très contents : la recette avait été bonne !

Pendant toute la semaine, Claude Leguezec avait propagé la rumeur que Matra allait déclarer forfait pour les 24 Heures du Mans. Je ne sais pas quels étaient ses motifs, mais quant à moi, je savais que le lundi nous allions reprendre notre essai de 24 heures sur le circuit Bugatti. Nous allions donc nous remettre en piste le lendemain à sept heures et nous choisîmes de nous coucher quelques heures avant de prendre la route pour Le Mans à cinq heures, Henri et moi. Beaucoup d'invités du comte Chandon allaient se coucher précisément à ce moment, ce qui fut très commode car ils purent ainsi nous réveiller. J'ai pu encore dormir un peu dans la voiture, car c'est Henri qui conduisait. Nous sommes arrivés au Mans avec un peu de retard et à peine étions nous à pied d’œuvre que j'ai remis ma combinaison, et c'était reparti pour durer le plus longtemps possible. Après quelques heures, nous sommes tombés d'accord pour dire que la voiture marchait beaucoup mieux que la dernière fois. Notre meilleur temps fut de 1'42"4. Mais ce qui s'avéra aussi très bon ce fut l'entraînement dont purent bénéficier notre équipe de mécaniciens et son responsable Gérard Ducarouge.

II faut dire que notre voiture souffre d'un handicap : elle pèse plus de 800 kg car son châssis a déjà reçu trois moteurs différents : le BRM, le Ford 4,7 l et maintenant le Matra V12, ce qui fait que, chaque fois, on a dû rajouter du poids puisqu'on a soudé des tubes et rebouché des trous. Il n'y avait pas d'autre solution car Matra est très pris par le travail sur le nouveau moteur.
Nous avons arrêté les essais à une heure du matin, car nous étions forcés de rentrer à Paris. Henri prenait l'avion pour le Canada l'après-midi même. Quant à moi, je partais le lendemain seulement et je devais retrouver Stewart à Orly pour faire le vol en sa compagnie. A nouveau il y avait juste un jour pour changer de linge et récupérer.
Nous avons décollé le mercredi matin et, grâce au décalage de six heures entre l'Europe et l'Amérique, nous avons eu encore le temps d'aller le même jour, sur le circuit où nous avons retrouvé Ken Tyrrell. Nous avons pu tourner avec une voiture de tourisme pour reconnaître ce parcours nouveau pour nous. Quant à l'équipe Matra-France, fidèle à sa vocation touristique, elle n'est arrivée que le lendemain, une heure avant le départ des essais officieux dont nous allions profiter pour choisir les rapports de boîte.
Le vendredi nous avons été assez déçus par nos chronos. Les caractéristiques du train avant de la Matra MS10 semblaient mal s'adapter à ce circuit très bosselé et très sinueux.
Le samedi matin, les copains avaient loué un hydravion pour visiter la région et j'en ai profité. C'était mon premier voyage au Canada et j'ai été très agréablement surpris par ce pays extraordinaire tout en lacs et en forêts. Nous habitions au mont Tremblant, dans un motel très très agréable avec des bungalows qui entouraient une luxueuse piscine.

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Johnny visait la troisième place de Pedro Rodriguez
au GP du Canada lorsqu'il sortit de la route.

 

Ken Tyrrell et sa femme, Jackie Stewart et moi partagions l'un de ceux-ci. Les Canadiens du Québec sont très francophones, mais leur accent est tel qu'on a parfois de la peine à les comprendre. Ils semblaient très heureux de voir des voitures françaises au départ de leur Grand Prix. Nous étions en septembre et pourtant nous avons pu nous baigner tous les jours et ce fut chaque fois de grandes parties de rigolades, chacun essayant de faire tomber les autres tout habillés dans l'eau. Malgré la rivalité en course, les moments de détente en commun sont les meilleurs. Après chaque dîner, nous faisions des parties de ping-pong acharnées. Au restaurant, je partageais la table de Matra-International et j'en profitais pour perfectionner mon anglais.
La dernière séance d'essais ne fut pas meilleure pour nous que la première et nous avons réussi à être 13e et 15e au départ : Rindt, lui, avait visé les mille dollars du meilleur tour et naturellement il avait gagné. Le moral n'était pas au plus haut, à tel point que Stewart m'a proposé d'aller boire un verre dans une boîte de nuit le samedi soir, pour essayer de nous changer les idées, et Dieu sait si cela ne lui arrive pratiquement jamais.
Le lendemain, il y avait beaucoup de monde sur le circuit, le temps hésitait entre la pluie et le soleil. Finalement, nous sommes tous partis avec des pneus secs et nous avons eu raison. Goodyear avait amené un tout nouveau type de pneus avec un dessin style Indianapolis pour l'arrière et il allait faire merveille sur les McLaren. Ce qu'il y a d'extraordinaire en Formule 1, c'est que les pneus font sans arrêt des progrès.
On ne peut pas dire qui sera le mieux chaussé dans quinze jours ! Le Premier ministre du Canada, Pierre Trudeau, était venu en personne donner le départ. Il est jeune, très sportif et décontracté. Il est arrivé en hélicoptère sur le circuit, accompagné d'une jeune fille en mini-jupe. Lui était en chemise de sport, foulard autour du cou, manches retroussées : tout un programme. Il a été très gentil avec nous et nous avons eu l'impression qu'il aime beaucoup la course automobile. Il aurait même voulu essayer une de nos Formule 1 ! Au centre du peloton, il y avait Jackie, Pedro Rodriguez et moi. Nous nous étions dit que cela serait assez difficile de passer Pedro car il est très nerveux, et nous sommes donc restés derrière lui avec prudence, désireux d'éviter tout accrochage. Au départ, il s'est tout de suite faufilé dans un style très mexicain alors qu'Amon prenait la tête. Nous étions en queue de peloton et Jackie avait perdu l'habitude d'être aussi loin. Le trou s'est formé tout de suite devant nous et il n'y avait pas grand chose à espérer sinon de tourner à sa main en attendant la casse, ce qui allait se révéler bon. Jackie allait casser un triangle de suspension, mais de place en place, je me suis retrouvé quatrième derrière Rodriguez, que je remontais de trois à quatre secondes au tour car il avait des ennuis de moteur. Je me voyais déjà terminant troisième, mais malheureusement, je suis arrivé dans un virage où il y avait une longue trainée d'huile. J'ai voulu l'éviter et j'ai quitté la ligne idéale. Comble de malchance, c'était encore plus gras, je suis parti en tête-à-queue et j'ai heurté les fascines. La biellette de direction était tordue et la voiture était immobilisée.

J'ai passé la soirée avec les copains français et le lendemain matin, nous nous sommes tous retrouvés devant la banque à neuf heures et demie. Quelques minutes après tous les pilotes étaient assis avec leurs directeurs sportifs dans leurs voitures, en train de faire les comptes devant les badauds très étonnés. J'ai profité de la voiture de Matra-France pour retourner à l'aéroport de Montréal ou nous sommes arrivés assez tôt pour faire un peu de shopping avant le départ de l'avion. Nous avons décollé à sept heures du soir, mais le décalage horaire jouait en sens contraire, de sorte que si nous avons atterri à sept heures du matin (heure française) à Orly, il était encore une heure du matin pour nous et j'allais mettre du temps à récupérer de cette nuit, presque blanche.
J'avais heureusement pu dormir, quand même, un tout petit peu dans l'avion, parce qu'on jouait au retour le même film qu'à l'aller. Au petit matin, nous avons demandé à aller visiter la cabine de pilotage, où nous avons été reçus par un commandant très sympathique. Il m'a proposé de rester près de lui pour l'atterrissage, j'ai trouvé cela formidable, vraiment impressionnant.

 

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Johnny, Olga Georges-Picot et la Matra 530

 

Le mardi, j'ai ouvert mon courrier et je me suis occupé de mes affaires, car le lendemain, je partais pour Le Mans. Je suis arrivé au pesage dans la matinée pour passer la visite médicale : on vérifie vos réflexes, votre vue... et on vous tend même une petite bouteille pour voir si vous n'êtes pas diabétique. Il paraît qu'un jour Duncan Hamilton, qui courait pour Jaguar, leur a fait une blague, il y a versé un peu de vin blanc qu'il avait apporté pour cela ! Notre voiture allait arriver et tout de suite les contrariétés commencent. Gérard Ducarouge m'annonce que Leguezec a fait changer la marque des phares. Matra n'a aucun contrat mais moi j'en ai un avec Cibié et ce sont ces projecteurs que avais choisi.
Comme c'est moi qui a mis la voiture au point et qui en suis le responsable, j'estimais avoir mon mot à dire et ce fut le départ d'une énervante sér

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30 décembre 2022 | Lien permanent | Commentaires (6)

Mont-Tremblant 68 : Un démon roulait avec Amon

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Chris Amon a quitté ce monde il y a un peu plus de deux ans. Le Néo-Zélandais, après une longue carrière, retourna sur son île natale et y mena une existence moins tumultueuse que sur les circuits. On lui rappela souvent et avec insistance la malchance qui le suivit méthodiquement comme pour tenter d’obtenir une hypothétique explication au phénomène. Il répondait  invariablement que sa chance fut de rester en vie après quatorze années de compétition automobile.

par François Coeuret

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Eternel malchanceux

Quelques observateurs avertis évoquèrent un manque de perspicacité quant au choix de ses employeurs. Ils argumentèrent sur son esprit rêveur qui manquait de pragmatisme, d’organisation. Certains, rares mais tout de même, oseront dire qu’il était idiot ! (On ne donnera pas de noms pour ne pas faire offense au milieu.) Bon, il est arrivé au « kiwi » de ne pas avoir pris les précautions d’usage avant ou pendant ses courses. GP de Monaco 71 : il débranche par erreur sa pompe à essence sur la grille de départ. GP d’Italie 71 : il porte un casque aux attaches de visière défectueuses. GP de France 72 : il oublie une consigne concernant les graviers acérés amassés  hors trajectoire. Pour  équilibrer ces propos et traduire la réalité, il faut bien dire que la plupart du temps il ne portait aucune responsabilité sur ses ennuis. En fait un démon roulait avec Chris… Mais un démon « inoffensif » pourvu d’un esprit très malicieux. 

 

chris amon,mont-tremblant

 

Saint-Jovite,  septembre 1968 / Circuit Mont-Tremblant

Le Grand prix du Canada  accueille les Formule 1 près de Saint-Jovite (1) sur un circuit au décor naturel comme les années soixante savaient offrir aux amateurs de sports mécaniques. Une piste que beaucoup de pilotes cependant jugent étroite et à la sécurité précaire. Le début de l’année a vu la disparition du grand Jim Clark qui avait démarré le Championnat en trombe. La fin de saison s’avère fort disputée. Avant l’épreuve canadienne  quatre pilotes se tiennent dans un mouchoir de 6 points au classement du Championnat Mondial. Hill, Ickx, Stewart et Hulme  sont en lice pour coiffer la couronne (2). Chris Amon, lui, possède du retard. Quatre abandons enregistrés depuis le début de saison ainsi que le forfait de l’équipe Ferrari à Monaco lui ont plombé sa saison. Cela n’empêche pas le « kiwi » de se battre comme s’il était encore en compétition  pour le titre. Sur les quatre abandons précédemment cités, il faut noter qu’il menait le Grand Prix d’Espagne quand sa pompe à essence le contraignit à stopper.

Lors des essais Amon  a raté la pole position car Rindt au volant de sa Brabham Repco a réalisé le chrono de 1’33’’8  avant lui ! Démon farceur !?

Les deux hommes sont accompagnés sur la première ligne par Jo Siffert sur la Lotus 49 de l’équipe Rob Walker. Gurney (Mc Laren), Hill (Lotus) et Hulme (Mc Laren) occupent la seconde ligne. Jacky Ickx, équipier d’Amon, peut aussi à l’instar de son compagnon d’écurie, se qualifier de malchanceux lors de ces essais. Un accélérateur bloqué occasionne une violente sortie de route l’expédiant  contre le talus. Le belge se casse une jambe lors du choc.

Deux canadiens sont inscrits pour cette course : Al Pease sur Eagle Climax casse son moteur aux essais et déclare forfait. Bill Brack pilote une troisième Lotus 49 officielle, il se qualifie en dernière ligne.

 

chris amon,mont-tremblant

 

La course : Dimanche 22 septembre

La course se déroule par une belle journée automnale. Les arbres autour de la piste commencent à revêtir les couleurs de la saison. Le drapeau s’abaisse. Chris Amon a surpris ses petits camarades en prenant la tête du ruban des Formules 1 qui s’étire sur la piste. Siffert suivi de Rindt chassent derrière mais le Néo-Zélandais ne se laisse pas impressionner et tient sa position de leader. Amon semble insaisissable. Ses poursuivants vont s’essouffler derrière. Gurney casse un radiateur, Siffert est victime d’une fuite d’huile. Hill connaît des vibrations qui le ralentissent. Le moteur de Rindt surchauffe.  Denny Hulme, Bruce Mc Laren et Pedro Rodriguez sont épargnés mais dominés. Ils pointent dans l’ordre derrière  la Ferrari de tête à partir du tour 56. Pour une fois le démon farceur aurait-il changé de cockpit ? La course compte quatre-vingt dix tours et au soixante et onzième tour la situation reste figée… Jusqu’… au soixante douzième … Moment choisi par la transmission de la monoplace rouge pour rendre l’âme !

Et les affres de la malchance reviennent au galop alors qu’Amon rentre péniblement au stand et renonce laissant le champ libre… A d’autres « kiwis » (Hulme-Mc Laren) qui ont réussi à chasser, eux, le démon farceur.

 

chris amon,mont-tremblant

 

Malchance ? Pas si sûr

Ce dernier, il faut le préciser, rattrapa le tir en quelques occasions. Il jugea que la malchance de son protégé avait des limites. Lors du Grand Prix d’Italie 1968 à Monza Chris Amon sort de la piste, il est victime d’une terrible cabriole sans conséquences graves. Le Mans 69, au volant de sa Ferrari 312P  il rattrape la Porsche 917 de John Woolfe  qui sort  de la route devant lui. La voiture se disloque et s’enflamme. Amon percute la 917, sa voiture prend feu à son tour. Il a juste le temps de stopper et s’extraire indemne de son cockpit.  Lors du Grand Prix de Belgique 1976 une violente sortie de route due à une rupture de suspension l’expédie dans les grillages. Sa voiture se retourne, il s’en tire avec une main douloureuse.

Demon prankster watching over him… Jusqu’au 3 août 2016 où le « crabe » emporta Chris Amon à l’âge de 73 ans.

 

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(1)  Du nom de la commune de Saint-Jovite, dans les Laurentides au Québec, parfois improprement appelée Sainte Jovite. De Saint Jovite, frère de Saint Faustin, martyrs du IIe siècle.

(2)  Graham Hill  va finalement tirer son épingle du jeu. Il remporte le championnat grâce à sa quatrième place du Canada, sa seconde aux USA et sa victoire à Mexico. Stewart (Matra) se classe second, Hulme troisième.


 

 

 - Illustrations ©D.R. 

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12 septembre 2018 | Lien permanent | Commentaires (4)

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