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Rechercher : L ETOFFE D'UN HEROS

L’élan brisé de Claude Storez

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 Dans un récent échange épistolaire - via internet - avec Francis Rainaut, je lui disais que la crise du (« de la », disent les initiés) Covid m’avait mis le moral dans les godasses et que je n’avais pas envie d’écrire quoi que ce soit. Et puis, j’ai pensé ensuite qu’il fallait que je me motive pour trouver un sujet de choix, issu de la lointaine époque où je pouvais raisonnablement rêver de devenir à mon tour un pilote de course, comme n’importe quel poulbot parisien. Et bien j’en ai trouvé un, bien planqué dans les tiroirs de l’oubli !

Raymond Jacques

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Prélude

Claude Tonin Horace Storez nait le 7 novembre 1927 à Paris. Son père Léon Storez, un industriel producteur de carton, était aussi un pilote amateur reconnu. Claude était un garçon intelligent, sympathique et il aimait le sport. Tout naturellement, il commença la compétition automobile avec son père en 1950, et en 1951 le binôme père-fils courut le Tour de France Auto sur Simca Sport.

Dès 1953 il devint pilote officiel chez DB. Avec Marc Gignoux[1] sur une HBR, il termine 4e des 24 Heures de Spa Francorchamps. Le même équipage termine 5e de la catégorie « Sport » au Tour Auto. En octobre, il finit troisième de la Coupe de Paris à Montlhéry derrière Schlesser et De Portago.

 

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Mille Miles 1954

 

En 1954, il court sur Monomill[2] et gagne le Grand Prix du Comminges à Saint Gaudens (dernière course courue sur ce circuit). Puis, avec Faure, il finit premier des moins de 750 cc aux Mille Miles sur une barquette DB HBR, et second du Tour de France Auto avec Herbert Linge sur Porsche 550.

Dans les années qui suivirent, de 1956 à 1958, associé à Robert Buchet sur Porsche 356 Carrera coupé et 356 Carrera Speedster, Claude Storez et son compère vont écumer les compétitions les plus prestigieuses et y conquérir force places d’honneur : rallye des Routes du Nord, de Touraine, d’Armagnac, Liège Rome Liège, Critérium Neige et Glace, Tour de France Automobile, etc. 

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Storez et Buchet, Coupe des Alpes 1956

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Bagarre aux 1000 kilomètres de Paris 1956 virage de la Ferme à Montlhéry. La Porsche 550 de Veuillet/Storez laisse sur place la Maserati 150S d’Annie Bousquet/Alejandro De Tomaso qui exécute un pas de danse, tandis que la Ferrari 500TR de « Eldé »/De Changy est allée « tutoyer le mur » !

 

Claude Storez sera sacré champion de France des rallyes en 1956 et 1957.

 

Les 24 Heures du Mans

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La Porsche de 1956

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Storez - Le Mans 1957

 

Claude Storez compte cinq participations et cinq abandons :

AnnéeVoitureCo pilotesRésultat
1954DB RenaultVidilles - LucasAbandon 1re heure boite de vitesses
1955DB PanhardR. BonnetAbandon 9e heure distribution
1956Porsche 550/4PolenskiAbandon 8e heure distribution
1957Porsche 550 A RSCrawfordAbandon 24e heure panne d'essence
1958Porsche 718 RSKVon FrankenbergAbandon 9e heure accident

 

La Formule 1

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La DB F1 de Claude Storez

 

A cette époque, le règlement technique de la F1 semble assez curieux, pour ne pas écrire « délirant ». Les voitures doivent être des monoplaces mues soit par un moteur de 2500 cc maximum à alimentation atmosphérique, soit par un moteur de 750 cc équipé d’un compresseur[3]. René Bonnet pensait qu’il pouvait construire deux ou trois voitures extrapolées de la Monomill pouvant délivrer environ 90/100 ch, la différence de puissance par rapport aux 2,5 litres étant compensée par la légèreté et la maniabilité.

Deux voitures sont engagées au Grand Prix de Pau 1955. La numéro 26 est pilotée par Paul Armagnac ( une manière de « régional »… ) et la numéro 24 par Claude Storez. La concurrence est relevée : Maserati 250 F, Lancia D50, Ferrari 500 et 625. 

Les pilotes sont aussi des « calibres » : Jean Behra, Eugenio Castellotti, Alberto Ascari, « Fon » De Portago, Louis Rosier… 

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GP de Pau : Storez mène devant Armagnac

 

Nos deux « DB boys » se qualifient en avant dernière ligne pour Armagnac, en dernière ligne pour Storez. Armagnac finit en dixième position et dernier classé, Storez subit une casse mécanique à mi-course. René Bonnet comprend que son intuition était mauvaise, il ne renouvellera pas l’expérience en F1.

 

La dernière course

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En 1957 Claude Storez acheta chez Porsche une Speedster Carrera dont il fit livrer le châssis en Italie chez Zagato pour y faire fabriquer à la main une carrosserie plus légère et plus aérodynamique. La Porsche en ressortit habillée d’aluminium avec un « museau » profilé à phares carénés genre 718 RSK, voire Fiat-Abarth 750, et deux dérives sur les ailes arrière. Elle fit ensuite un passage chez Porsche pour le remontage de la mécanique et des essais et contrôles divers et variés.

 

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La Porsche Zagato au Tour Auto 1958

 

Claude Storez s’engagea sur cette voiture numéro 143 au 6e Tour de France Auto du 15 au 21 septembre 1957 accompagné du fidèle Buchet, l’équipage finissant 6e de la catégorie GT, derrière une horde de Ferrari 250 GT et une Mercedes 300 SL pilotée par Stirling Moss. Dans le Tour Auto 1958, la Porsche Zagato revêt le numéro 139 mais elle doit abandonner sur le circuit du Mans sur casse mécanique.

 

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Deux clichés pris sur la ligne de départ de la course de Reims montrent que la voiture avait « tapé » à l’avant droit : traces sombres sur l’aile, bulle de phare et antibrouillard arrachés…

 

Puis vint ensuite le Rallye des Routes du Nord 1959. Cette épreuve comportait un passage sur le circuit de Reims le 7 février 1959. Storez partit en première ligne, mais l’avant droit de sa voiture portait des marques de « touchette » :

Premier tour, Storez est suivi dans la longue ligne droite de la Nationale 31 par un autre pilote de Porsche 356, Gonzague Olivier, qui témoigne : il suivait Storez et, à l’approche du virage de Thillois, les feux stop de la Porsche de tête se sont allumés et la voiture est partie brutalement sur la droite, pour décoller du sol et retomber le nez dans un fossé. Storez est éjecté de la voiture, fracture ouverte à une jambe, casque enfoncé sur le crâne. L’hélicoptère de la gendarmerie le transportera jusqu’à l’hôpital de Reims, où les médecins ne pourront que constater le décès du pilote.

 

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La voiture disparut rapidement du circuit et elle ne fut jamais retrouvée ! Elle paraissait pourtant réparable, mais son précieux moteur à quatre arbres à cames en tête a dû attirer des convoitises…. On peut supposer que cette sortie de route ait été provoquée par une rupture mécanique à l’avant droit, ou par l’éclatement du pneumatique. De toute évidence, aucune expertise de l’épave ne fut possible…

Claude Storez laissa le souvenir d’un garçon sympathique, épanoui et cultivé. Il était surtout un superbe pilote, spécialiste des petites et moyennes cylindrées, que ce soit sur route ou sur piste. 

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Sa courte carrière est foisonnante, d’une extraordinaire richesse, aussi j’ai décidé de n’en extraire que quelques traits marquants, plutôt que d’afficher une énumération exhaustive soporifique et finalement sans grand intérêt.

 

Une Porsche 356 Speedster Zagato neuve ?

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Deux des neuf Speedster Zagato « continuation »

 

Le Zagato Classic Program a lancé ( en 2016 ? ) la (re)fabrication de 9 Speedster et de 9 coupés montés sur des plateformes de 356 authentiques au prix unitaire de 350.000 USD. Elles ont toutes été vendues… Il semblerait toutefois qu’elles n’aient pas été équipées du célèbre moteur de compétition Carrera à quatre arbres à cames en tête. Seuls de très rares spécialistes vendent des composants à des prix stratosphériques. Je n’ai pas trouvé de trace de la possibilité de commander un moteur complet chez Porsche. De plus, ces modèles sont dépourvus des dérives aérodynamiques  qui « ornaient » les ailes arrière de l’original.

 

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Neuve ! Sortie d’usine…

 

L’unique voiture originelle ayant disparu sans espoir de retour, les techniciens et ingénieurs de Zagato partirent des quelques photographies en noir et blanc qu’ils purent récupérer dans les archives de l’entreprise et dans celles du musée Porsche pour construire un modèle numérique tridimensionnel. Puis, les techniques de fabrication manuelle traditionnelle furent mises en œuvre en partant de ce modèle informatique, exactement comme fut fabriquée la voiture de Claude Storez par des artistes du tas virgule et du postillon (outils du « choumac »[4] et du tôlier formeur).

 

Renaissance :


 

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Notes « de bas de page »

  1. Marc Gignoux, patron de la société pharmaceutique et cosmétique Gifrer, créa en 1954 avec René Bonnet, Charles Deutsch et la SOCODEC (crédit automobile) la Société Française des Véhicules de Course pour organiser la première filière française de formation de pilotes de course. Les voitures étaient les Monomill.
     
  2. La Monomill était une monoplace dérivée du Racer 500 DB, mais équipée du flat-twin 850 cc de la Panhard Dyna Z délivrant 55 ch, en remplacement du moteur de la Dyna X réalésé à 500 cc sur le racer. DB en fabriqua entre 20 et 30 exemplaires tirés au sort par les pilotes juste avant le départ de chaque course. La première (et seule) série de courses fut remportée par Jo Schlesser. La course automobile fut interdite en France après le drame des 24 Heures du Mans 1955 et les Monomill furent revendues. Certaines furent utilisés par le Club des Mille sur l’autodrome de Montlhéry. D’autres s’aventurèrent en Formule Junior où ils furent régulièrement battus par les moteurs quatre-cylindres plus puissants.
     
  3. Il d’agissait d’un compresseur à entrainement mécanique et non d’un turbo compresseur, entrainé par une turbine mue par les gaz d’échappement. Ce dernier fut fabriqué pour la première fois à La Courneuve par l’ingénieur français Auguste Rateau pour donner du souffle aux moteurs Renault des avions d’observation et de bombardement Bréguet XIV de la guerre 1914-1918, afin de gagner en vitesse et en altitude. L’introduction du turbo compresseur en F1 sera l’œuvre de Renault en… 1977 avec la RS1. Le premier qui eut l’idée de « souffler » le mélange air essence dans un moteur thermique fut Louis Renault qui déposa un brevet en 1902.
     
  4. « Choumac », le chaudronnier aéronautique, spécialiste du formage des tôles d’aluminium.

 

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11 décembre 2020 | Lien permanent | Commentaires (2)

Au sombre héros de l'amer

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Parmi les pilotes ayant tiré leur révérence au cours de l'année écoulée, il en est un que l’on pourrait sans aucun doute considérer comme le mal-aimé. Il avait pourtant surpris tout le monde en réalisant la pole dès son premier Grand Prix. Carlos offrait alors le profil d’un futur champion du monde.

Mais lorsque les opportunités de remporter le titre furent bien réelles, il les laissa filer sans que personne ne comprenne vraiment …

Francis Rainaut

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Jakob Reutemann et sa famille

Préambule

Lorsque l'on évoque la saga de la famille Reutemann, je ne peux m'empêcher de faire un rapprochement avec celle de ma propre famille maternelle, originaire elle aussi de Suisse alémanique. Qu'on en juge : d'un coté on a Jakob Reutemann, originaire de Guntalingen dans le canton de Zurich. Chassé de son pays par la pauvreté et la faim, Jakob embarque au Havre en mai 1859 avec sa femme et ses quatre enfants dans un voilier cargo en partance pour San Carlos, province de Santa Fe. Carlos le pilote est l'arrière petit-fils de Jakob. A son arrivée en Argentine, Jakob écrit ceci :

« L'administrateur nous informe que nous serons propriétaires de nos lots dans les 5 ans et pendant ce temps nous devons donner un tiers de la récolte à l'administration. Peut-être qu'ils doivent manquer beaucoup de choses et coutumes de leur vieux pays. Mais là-bas, les familles avec peu de terres ne sortent presque jamais de leurs dettes et leurs enfants doivent être employés comme ouvriers. Ici, il fait beau, il y a de l'eau à 15 mètres de profondeur. Le premier travail est de creuser un puits et puis de construire un ranch avec le matériel que l'administration leur donne. »

A peu près aux même moment, Jacob Thomann, originaire de Biberstein, canton d'Argovie, quitte son pays avec toute sa fratrie, probablement pour les mêmes raisons, la Suisse faisant en effet partie au XIXe siècle des pays pauvres, et même très pauvres. Mais lui choisit la France, un proche cousin y a déjà émigré, et il débarque donc à Puteaux pour s'occuper de l'entreprise d'impression et teinture d'indiennes créé par ce même cousin. Charles mon grand-père est le petit-fils de Jacob.

Là s'arrête les comparaisons, mais comprenez que le sujet ne manque pas de m'interpeler. Et voilà pour ceux qui s’imaginent un peu vite que Carlos Reutemann est né avec une cuillère en argent dans la bouche.

 

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Le beau ténébreux

Ouvrons notre « Grand Prix Guide 1973 », et observons ce qui est écrit au sujet du pilote argentin :

« S’il est un pilote qui durant toute la saison 1972 a été marqué par une noire malchance, c’est bien Carlos Reutemann. L’année avait pourtant bien commencé…

… En 1973 tout pourrait changer. Indiscutablement Reutemann fait partie des pilotes les plus rapides de l’heure. Il ne lui manque peut-être qu’un minimum de confiance en son propre talent. »

On ne saurait mieux dire. D'année en année, on aurait pu ressortir à chaque fois la même analyse. Et pourtant, Carlos a bien frôlé un, voire plusieurs titres mondiaux.

 

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1981 : Lauriers volés

Lorsqu'on se penche sur la saison 81, on peut estimer qu'on a vu le meilleur Carlos Reutemann, mais aussi le pire. Comme toujours. Sauf que cette fois, tous les éléments étaient en place pour un sérieux challenge au championnat : une Williams FW07C extrêmement performante, un nombre record d’arrivées dans les points et des moments de grâce de la part de l’homme dans le cockpit.

On n'avait pas eu la même sensation la saison précédente, la première de Reutemann avec l’équipe de Didcot. Carlos avait été submergé par l’hyper-agressivité et la pointe de vitesse en course d’Alan Jones, mais aussi étouffé par la consigne qui était que si les pilotes Williams se retrouvaient en positions un-et-deux, eh bien Carlos devait céder à Alan. Ainsi, un pilote qui avait besoin de se sentir aimé était moins important que ce fils de pute outrecuidant qui n’aurait pas dévié de sa position même si vous aviez conduit un char au-dessus de sa tête.

Reutemann a néanmoins remporté le GP d’Afrique du Sud en février 1981 – sauf qu’il s’agissait d’un événement hors championnat. La course de Long Beach fut donc la première course de la saison, et là Carlos a craqué sous la pression intense de Jones, qui a remporté l’épreuve. Et c’est peut-être ce qui a poussé l’Argentin à ignorer les signaux agités de plus en plus frénétiquement dans un Rio mouillé pour l’emporter juste devant son coéquipier.

« Avec le recul, nous aurions dû lever les ordres de l’équipe en 1981 », admettra plus tard Patrick Head. « Si j’avais été à la place de Carlos, j’aurais probablement fait la même chose ! Mais telles étaient les conditions et il les avait acceptées. Et donc, à partir de cette course, Alan a déclaré la guerre. »

Reutemann a magnifiquement conduit à Buenos Aires, bien qu’il ait été dominé par les Brabham qui avaient contourné la nouvelle règle de 81 concernant l’écart de 6 cm entre le dessous de la voiture et la piste. À Imola, Carlos s'est de nouveau traîné dans le sillage de Piquet, mais à partir de Zolder, Williams s’était senti obligé de suivre une voie similaire à celle de Brabham. Et là, Reutemann a pris la pole - de près d’une seconde - et a hérité de la tête lorsque la voiture de Jones a s’est écrasée dans les barrières suite à une défaillance de la boîte de vitesses. Et ce, deux jours seulement après un accident mortel dans la pit-lane au cours duquel Carlos a renversé un mécanicien Osella qui est tombé sur le chemin de sa Williams.

A Monaco, il a détruit son aileron avant sur la voiture d’un rival. À Jarama, il a raté une autre grande occasion, permettant à Villeneuve de le dépasser au deuxième tour, avant de perdre deux places dans les derniers tours. Dans les deux cas, il aurait dû exploiter le fait que la Brabham de Piquet était dans les barrières.

En France, Reutemann était cinquième lorsqu’il a été percuté par une autre voiture.

 

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C’est tout, je ne marquerai plus de points cette année...

Arrive Silverstone. La scène du neuvième tour est extrêmement importante dans cette histoire de ce qui aurait pu être. Head explique : « En premier lieu, quand Goodyear est revenu après six mois d’absence, Brabham a beaucoup mieux géré le retour des Michelin radiaux. Donc à Silverstone, notre voiture n’était pas la meilleure, mais Carlos est resté à l’abri des ennuis et a terminé deuxième. Il était alors en tête du championnat avec 17 points d’avance, et pourtant il est entré dans le camping-car, s’est assis et a déclaré, "C’est tout, je ne marquerai plus de points cette année." Et ce bien que nous ayons déployé une importante évolution aérodynamique, qui comprenait un nouveau fond plat, pour Hockenheim et qu'il soit redevenu compétitif; il est resté sombre et négatif jusqu’à la fin de la saison. »

La paire Williams aurait pu réussir un doublé en Allemagne, mais dans les deux cas, leurs moteurs les ont laissé tomber et ils ont ainsi offert la victoire à Piquet. L’Österreichring n'a pas réussi plus que cela à Reutemann, de plus en plus tourmenté. A Zandvoort, deux points ont été gaspillés à cause d’une manœuvre stupide sur Laffite. Et à Monza, tour de qualification tout à fait sensationnel mis à part, la course de Carlos fut plutôt terne, héritant de la  troisième place aux dépens de Piquet dans le dernier tour. L’avant-dernière manche à Montréal n’a rapporté aucun point, suite à un mauvais choix de gommes dans des conditions de déluge.

Tout cela ne lui laissait qu’un point d’avance sur Piquet alors qu’ils se dirigeaient vers la finale à Las Vegas.

Alors, qu’est-ce qui s’est mal passé sur le parking du Caesar’s Palace ?

« Carlos a dit qu’il avait des problèmes de boîte de vitesses », dit Head.

« Mais nos mécaniciens n’ont rien trouvé d'anormal. Il y avait peut-être un peu d’air dans le circuit d’embrayage ou quelque chose comme ça. Mais il n’y avait certainement pas de dommages aux crabots ni aucun dégat à l’intérieur de la boîte.

« Carlos avait un conseiller qui, chaque minute tout au long des essais, lui avait donné un aperçu de la situation de Piquet. Il n’arrêtait pas de dire des choses comme : "Nelson est dans une mauvaise position, il s’est esquinté le dos ; J’ai parlé à son entraîneur et il ne pourra pas faire plus de trois tours en course", etc. Donc, quand Piquet est revenu derrière lui [au 17e tour], cela a embrouillé l’esprit de Carlos car il s’était mis en tête que Nelson n’avait pas les moyens de lutter. »

Cela n’explique pas pourquoi le poleman avait l’air si effacé dans les premiers tours. Ni pourquoi, au moment où Piquet s’est effondré dans les derniers tours, Carlos était tellement loin qu'il ne put en profiter.

Reutemann méritait-il donc le titre ?

Non, pas si l'on considère qu'il n’est pas allé le chercher quand l’occasion s'est présentée. Cependant son talent  était  presque magique et l'hypothèse qu’il aurait pu délaisser cette opportunité de gloire mondiale  rend  un  personnage déjà  fascinant encore plus convaincant...

 

Mais laissons à Brenda Vernor le mot de la fin :

« Carlos Reutemann est parti à la fin de 1978, l’année où j’ai rejoint l’équipe. Il est rentré une fois dans mon bureau (je ne l’avais jamais rencontré auparavant) et je me suis immédiatement arrêté de taper ; je n’avais jamais vu un aussi bel homme ! »

 

Carlos Alberto Reutemann
né le12 avril 1942 à Santa Fe
décédé le 7 juillet 2021 à Santa Fe

 

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Carlos Reutemann, Ferrari 312 T2 ©Guy Royer

 

Carlos Reutemann, gallerie

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Lole 1966. Fiat Cordoba 1500

 

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1969 Huayra Ford F100

 

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1969 Cordoba

 

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1970 Brabham F2

 

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1972 Brabham BT34

 

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1974 Brabham BT44

 

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1976 Brabham BT45

 

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1978 Ferrari

 

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2021 Hôpital Santa Fe

 - Illustrations ©DR

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11 janvier 2022 | Lien permanent | Commentaires (3)

Ligier JS 1 : l’auto des deux frères

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 Jo Schlesser et Guy Ligier étaient des frères de course. L’idée de développer et de commercialiser une voiture de sport germa petit à petit dans leur esprit. A force de dévorer les kilomètres au volant de toutes sortes de bolides, de ressentir les défauts, les qualités des engins qu’ils pilotaient, les deux compères engrangèrent dans leur subconscient un cahier des charges idéal. Devait en sortir la concrétisation d’un projet  qui leur tenait à cœur.

par François Coeuret

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Guy et Jo passaient donc du temps à réfléchir à une GT avec laquelle ils pourraient tailler des croupières aux Alpine, Porsche et consorts. La voiture est  pensée pour la course mais si le succès se révèle, les créateurs jugent concevable de l’adapter à la route. La recette idéale s’appuie sur un châssis rigide, une architecture efficace, un moteur puissant et fiable, un poids limité. Sur le papier cela peut paraître simple mais finaliser un tel projet n’est pas une mince affaire.

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L’architecture coule de source, ce sera moteur central arrière à l’instar des Porsche 904 ou Ford GT40 qui en ont largement démontré l’avantage aux mains des deux pilotes. Côté châssis, ce sera une poutre centrale, rigide et légère. Le choix du moteur se porte dans un premier temps sur le Ford Cosworth 1600 FVA. Doucement, les deux hommes remplissent le cahier des charges de leur Ligier-Schlesser. L’objectif est d’en faire une voiture capable de gagner aussi bien sur circuit qu’en rallye.

Malheureusement l’accident mortel de Schlesser en juillet 1968 laisse Ligier seul face à ce projet imaginé à deux. Passé une période d’abattement Guy Ligier reprend courage. Sur les encouragements du journaliste Jean Bernardet, il met en place en 1969 une petite équipe qui va être chargée de faire passer le projet du papier à la piste. Michel Tétu prend la direction des opérations. Cet ancien ingénieur chez CD s’entoure de deux fidèles de Guy Ligier : Pierre Bouillard et Roger Nebout. Un motoriste allemand (Mader), des mécaniciens et spécialistes britanniques de la plasturgie dont un ex-McLaren viennent compléter l’équipe.

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Guy Ligier supervise l’ensemble et valide les différentes directions qui s’appuient sur pas mal d’innovations. Pour limiter le poids sans pénaliser la rigidité, le châssis poutre va être accompagné de panneaux en alu prenant en sandwich de la mousse de polychlorure de vinyle. Double triangulation aux 4 roues, amortisseurs arrière horizontaux, bien sûr freins à disque. La carrosserie est signée Pietro Frua, sa première expérience de style pour une voiture à moteur central. Le résultat est une berlinette aux lignes harmonieuses. Le gabarit est compact avec 3,90m sur 1,70m de large et 1,02m de haut. Malgré tout, son châssis permet un habitacle assez spacieux et surtout, un poids de 687 kg.

Faute de ne pouvoir être produite pour l’instant en série la voiture sera engagée dans le groupe prototype moins de 2L.

La Ligier baptisée JS1 en hommage à Jo Schlesser est présentée au salon de Paris 1969, équipée du Ford Cosworth 1,6L FVA de F2. Quelques semaines plus tard, Guy Ligier est derrière le volant pour prendre le départ du Critérium des Cévennes. Malgré des débuts prometteurs, un support moteur  lâche et contraint son pilote  à l’abandon.

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Dès mars 70, on retrouve Guy et sa JS1 équipée d’un Ford FVC 1.8l de 220 CV au départ sur le circuit d’Albi. Il gagne sa classe. Une deuxième voiture est assemblée pour les 24h du Mans où Guy Ligier sera secondé par Jean-Claude Andruet. 

Puis la JS1 enchaîne les participations… Un abandon au Trophée du Paul Ricard, une victoire à Montlhéry, une 3e place à Magny-Cours. Au Mans les essais se passent bien, l’équipage obtient le 33e temps sur 51 qualifiés. L’auto d’esprit Grand Tourisme est donc inscrite en catégorie Prototype. La gageure consiste à tenir deux tours d’horloge mais l’équipe doit renoncer à la huitième heure suite à une casse de la distribution.

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En septembre les deux Ligier JS1 participent au Tour de France auto. Guy a profité de l’été pour apporter des modifications à sa progéniture. Son empattement a pris 25 cm pour loger une mécanique plus cossue. Derrière le pilote et son copilote, le 4 cylindres a été abandonné pour deux V6. Le premier est un Ford 2.4l avec une culasse Weslake alors que le second, préparé par Neerpasch, est celui qui équipe la Ford Capri 2600. Les voitures sont désormais plus puissantes, plus coupleuses mais aussi plus lourdes puisqu’elles accusent désormais 740 kg. Elles ne verront pas l’arrivée de la course, contraintes à l’abandon sur problème moteur.

En 1971 Ligier tente un Challenge au Mans avec un joli prototype signé Michel Tétu à moteur Cosworth et carrosserie ouverte mais sans réussite.

Pour ce qui concerne la JS1 l’histoire s’est donc arrêtée là. A part les deux exemplaires destinés à la compétition, un exemplaire pour élaborer une présérie aucune version routière aboutie de la JS1 ne verra le jour.

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Guy Ligier n’était cependant pas décidé à jeter l’éponge. Il avait l’intention de la faire évoluer. La JS1 passa le relai à la JS2 équipée du moteur V6 3L Maserati*. La JS2 sera proposée au public mais sa production trop faible ne lui permettra pas une homologation en catégorie GT. L’histoire se poursuivra jusqu’en 1975. Après une dix-neuvième place au Mans 73, une victoire au Tour auto 74, une saison sport honorable cette même année (8e place au Mans- moteur Maserati), la JS2 Cosworth 3L Groupe S connaîtra son heure de gloire en terminant seconde à l’issue des 24H du Mans 1975. La version routière de la JS2 équipée du moteur Maserati de la Merak sera produite à dose homéopathique malgré le partenariat avec Citroën. La production artisanale plombe son coût. Il s’en vendit une petite centaine. La concurrence allemande et italienne, la crise pétrolière sonnèrent le glas de la « Porsche » française. Ligier qui avait senti le vent tourner rebondit comme chacun le sait avec la Formule 1 grâce à Gitanes et à Matra.

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(*) Ligier envisagea un V6 Ford pour la JS2 mais le constructeur américain bloqua le projet au profit de sa GT70 qui s’avéra un échec.

 

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- Illustrations ©D.R.

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14 avril 2021 | Lien permanent | Commentaires (3)

GP de l’ACF 1921

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Henry Seagrave, Talbot

 La France renoue en 1921 avec son Grand Prix, le premier depuis sept ans. Il marque le retour tant attendu à la normalité après le désastre de la Grande Guerre. Cette course est un événement sportif automobile international de premier plan.

par François Coeuret

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Le circuit

Le circuit du Mans fut choisi pour la reprise du Grand Prix de l’Automobile Club de France après la première guerre mondiale. Le tracé utilisé en 1911 sert de base. A la ligne droite reliant Pontlieue à Mulsanne fut adjointe une nouvelle portion à l’ouest. Le kilométrage est réduit à 17,26 km. La course sera disputée sur trente tours soit un peu plus de 517 km. Les 24 Heures d’endurance du Mans se dérouleront en 1923 jusqu’en 1928 sur ce même tracé.

gp acf 1921
Jean Chassagne, Ballot 3L

 

Les forces en présence

L'événement a attiré trois constructeurs de renommée internationale. Il s’agit de voitures britanniques, françaises et américaines. Le règlement limite à 3 litres la cylindrée. L’écurie Fiat déclare forfait pour des problèmes de surcharge de travail et de manque de main d’œuvre. Les allemands sont interdits de course.

Le constructeur STD (Sunbeam-Talbot-Darracq) représente  la fusion récente des trois marques. Quatre voitures participeront à la course. Trois d’entre elles étaient les mêmes que celles qui avaient participé quelques semaines plus tôt aux 500 miles d'Indianapolis. La réglementation limitée à 3L de cylindrée est identique. Equipées de freins avant et arrière les  STD diffèrent sur ce point de leur configuration  Indianapolis. Elles sont pilotées par Kenelm Lee Guinness (N°4) et Henri Segrave (N°10). Les pilotes français René Thomas (N°5), André Boillot (N°15) complètent l’équipe. Les STD se présentent sous des livrées différentes sur un châssis commun au moteur 8 cylindres identique. Deux carrosseries Talbot (Guinness-Segrave)  queue inclinée courte en diagonale avec deux roues de secours.  Deux carrosseries Talbot-Darracq (Boillot-Thomas) queue pointue type Indianapolis. Les deux autos à carrosserie Sunbeam de Dario Resta et  Louis Zborowski ne sont pas prêtes à temps pour la course.

La société Ballot fondée par Ernest dont le principal actionnaire est Hispano-Suiza s’est relevée rapidement du premier conflit mondial sous l’impulsion de son créateur. Les Ballot 3L sont équipées d’une queue pointue semblable à celle vue à Indianapolis. Elles sont inscrites pour Jean Chassagne (N°8), Louis Wagner (N°14) et l’américain Ralph De Palma (N°1). Jules Goux courra sur le « petit » modèle 2LS (N°18). 

Les américains ont traversé l’Atlantique. Duesenberg engage quatre voitures, leurs pilotes se nomment Jimmy Murphy (N°12), Joe Boyer (N°16) ainsi que les français Albert Guyot (N°6) et André Dubonnet (N°7).

Enfin Emile Mathis (N°3) engage sa voiture éponyme.

gp acf 1921

La course

Les Grands Prix de l’époque se jouaient « contre la montre ». Les positions de départ sont ainsi tirées au sort. Jimmy Murphy s'est blessé à l'entraînement, il a des côtes fracturées et porte un bandage. Il dut supporter la douleur durant  la course. Le circuit avec le passage des concurrents va découvrir des pierres tranchantes. Les crevaisons vont être nombreuses et les arrêts au stand imprévus perturberont l’épreuve. Pour suivre la course un grand panneau de classement va répertorier par numéros les positions des concurrents. 

9 heures du matin, 25 juillet, les autos s’élancent en duos par intervalles d’une demi-minute. La bataille va faire rage entre les Ballot et les Duesenberg mieux chaussées que les voitures anglaises. Murphy et Boyer dominent les premiers tours devant Chassagne et De Palma. Au 7e tour Murphy pointe toujours en tête tandis que derrière Chassagne va prendre le meilleur sur la Duesenberg de Boyer au 9e tour. A la mi-course Chassagne prend la tête alors que Murphy ravitaille. Mais au 17e tour Ballot perd un élément clé de son équipe, Jean Chassagne abandonne réservoir fendu. Lors de ce même tour le moteur de la Duesenberg de Joe Boyer casse. Ralph de Palma sur la Ballot réalise des chronos rivalisant avec ceux de son compatriote Murphy au volant de la Duesenberg américaine. Cependant il est de plus en plus handicapé par un embrayage fatigué. Ses relances après les arrêts ravitaillement  de fin de course sont laborieuses et De Palma va s’incliner.

gp acf 1921
Seagrave & Murphy

 

Des problèmes de pneumatiques ont particulièrement ralenti l’équipe STD dont les gommes trop tendres souffrent en raison de l’état de la piste. Autre conséquence, une pierre frappa le mécanicien de Segrave, Jules Moriceau, il va rester groggy pendant un demi-tour ! Les arrêts aux stands se multiplient pour les STD. René Thomas s'est retiré au 24ee tour après qu'une pierre ait percé son réservoir d'huile. André Boillot bien que conduisant prudemment dut changer sept pneus crevés en course. Son travail dans les stands est méthodique et rapide mais le temps perdu s’avère rédhibitoire. Il a néanmoins obtenu la cinquième place. Guinness[1] a dû lui changer neuf pneus pour finir huitième. Malgré le fait de devoir s’arrêter quatorze fois pour changer un pneumatique à plat, Henri Segrave réussissait à atteindre une moyenne légèrement supérieure à 100 km / h terminant à la neuvième place en 5h 08mn 06s.

 

gp acf 1921

Jimmy Murphy s’impose, remportant la victoire pour les États-Unis. C’est sa première et seule victoire sur le sol européen[2]. Ralph de Palma complète la réussite américaine en finissant second sur Ballot tandis que Jules Goux premier français prend la troisième place au volant de sa Ballot. Suivent deux français : Dubonnet[3] (Duesenberg) et Boillot (Talbot-Darracq).

Murphy a piloté avec brio et courage en raison de ses côtes cassées. Il triomphe des Ballot françaises. Son équipier Joe Boyer qui rivalisait en performance avec lui a été malchanceux. Ballot prendra sa revanche. Jules Goux remportera le Grand Prix suivant, celui d’Italie disputé en septembre près de Brescia.

 

gp acf 1921
Jimmy Murphy

Notes et références

  1. K. Lee Guiness appartenant à la famille des brasseurs est le créateur de KLG Spark Plug Cie.
     
  2. Jimmy Murphy d’origine irlandaise, vainqueur à Indy en 1922, décédera en 1924 lors d’une course disputée à Syracuse dans l’état de New York.
     
  3. André Dubonnet fils de Joseph le fondateur de la marque apéritive, aviateur pendant les deux guerres mondiales, pratiqua aussi le bobsleigh, fut l’inventeur d’un système de suspension vendu à General Motors et s’intéressa avant l’heure à l’énergie solaire à la fin de sa vie. (Décédé en 1980)

 

Classement  GP ACF 1921

Pos.

no 

Pilote

Écurie

Châssis

Tours

Temps/Abandon

   1

12

 Jimmy Murphy

Duesenberg

Duesenberg

30

4 h 7 min 11 s 4

2

1

 Ralph DePalma

Ballot

Ballot 3L

30

+ 14 min 59 s 2

3

18

 Jules Goux

Ballot

Ballot 2LS

30

+ 21 min 27 s 2

4

7

 André Dubonnet

Duesenberg

Duesenberg

30

+ 23 min 7 s 8

   5

15

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17 juin 2021 | Lien permanent | Commentaires (6)

Victoire de l’aigle. GP de Belgique 1967

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L’ex G.I. engagé dans la guerre de Corée se passionne à son retour au pays pour la conduite sportive. Il est né à Port Jefferson (Long Island) aux US. Son aisance au volant est remarquée par Luigi Chinetti qui lui confie le volant de Ferrari sport. L’ « Ingeniere » lui donne ensuite sa chance en F1. Dan va devenir une valeur sûre pour les écuries de Formule 1. L’homme n’était pas dénué d’esprit d’entreprise. A l’instar de quelques pilotes il se lança dans la construction de monoplaces. Celles-ci portaient naturellement le nom du symbole des Etats Unis.

par François Coeuret

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Le challenge Gurney

L’aventure commence en 1966. Dan Gurney qui lie une carrière aux USA à une autre en Europe courut en F1 pour Ferrari, BRM, Porsche puis Brabham. Il a offert à Porsche et Brabham leur premier succès en Formule 1. A l’aube de la saison F1 66 il n’affiche que trois victoires à son compteur. Mais Clark le considère comme son plus dangereux adversaire. A l’issue de la saison 65, il quitte l’écurie Brabham pour emboîter le pas de son ancien employeur et celui de Bruce Mc Laren. Créer une équipe de Formule 1.

Gurney s’est lancé dans la construction d’une monoplace baptisée Eagle. Elle est conçue par Len Terry. Cette monopace est destinée à courir sur deux fronts. Aux US en formule USAC (MK2) avec un bloc V8 Ford et en Formule 1 (MK1) équipée d’un V12. En attendant le Weslake 3 litres commandé par Gurney et conçu par Aubrey Woods, transfuge de BRM, la MK1 est équipée d’un moteur Climax 2.8L 4 cylindres. Une mécanique qui n’est pas parmi les plus puissantes. Elle assurera le début de saison 66. La voiture équipée du propulseur initial sera prête pour le Grand Prix d’Italie.

Cette première saison sera difficile, 4 points glanés et une douzième place au classement pilotes du Championnat du monde. Si le châssis Eagle est bien né, Gurney a été confronté au manque de fiabilité mécanique de sa monture. Le V12 souffre d ‘un problème de jeunesse, la récupération d’huile est déficiente, il se « noie » et perd de la puissance. Weslake doit revoir sa copie.

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Un but atteint

Début janvier 67 Gurney utilise le Climax en Afrique du Sud où il abandonne à la suite d’un problème de suspension. Le V12 Weslake remanié est prêt pour la Course des Champions le 12 mars ( hors Championnat ). Gurney l’étrenne par une victoire de bon augure pour la suite de la saison. Mais à Monaco, l’Américain renonce en début de course sur rupture de pompe à essence. A Zandvoort c’est un souci d’alimentation qui ruine encore la course de Dan parti en première ligne, deuxième temps des essais. Consolation royale, le 11 juin il triomphe au Mans associé à Foyt sur la Ford MK IV.

 

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Spa-Francorchamps

A l’aube du Grand Prix de Belgique disputé à Spa, Hulme sur sa Brabham est en tête du Championnat devant Rodriguez, Clark, Brabham, Amon au volant respectivement d’une Cooper, Lotus, Brabham, Ferrari.

Le châssis Eagle se comporte à merveille, le V12 Weslake à la sonorité envoûtante tourne enfin rond. Il reste à couvrir la distance d’un Grand Prix de Championnat du Monde. Le circuit de Spa est un des points d’orgue de la saison. Les essais sont dominés par la Lotus 49 de Clark qui réalise une pole exceptionnelle en 3’28’’1. Dan Gurney se positionne en outsider à trois secondes de l’Ecossais. Il domine Hill troisième temps des essais au volant de la deuxième Lotus.

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Une journée ensoleillée est prévue pour la course ce 18 juin. Clark bondit en tête au départ tandis que Hill reste sur la grille pour un problème de batterie. Gurney s’élance moyennement. Stewart au volant de la BRM H16 double Rindt et part chasser Clark. Dan double Rindt et Amon lors du deuxième tour et occupe ainsi la troisième position. Les trois hommes commencent alors à asseoir leur domination. Clark réalise un début de course fantastique mais au treizième tour son élan est brutalement coupé. Son Cosworth tourne sur sept cylindres. Il passe par les box, une bougie est cassée. L’écossais perd du temps et repart en huitième position. Stewart prend le relai en tête mais pour huit tours. Gurney remonte régulièrement sur la BRM. En fait Stewart est en délicatesse avec sa tringlerie de boîte qui saute, il doit maintenir son levier. Gurney fond sur sa proie comme le ( tel un ) pygargue. Il passe en tête au 21ème tour et s’envole. Parkes est sorti violemment, sa voiture s’est retournée, il est victime de fractures. Stewart poursuit malgré son problème alors que Clark qui tentait de remonter est maintenant en proie à des soucis d’embrayage. Gurney a battu le record du tour pendant sa remontée sur Stewart. Le pilote américain passe le drapeau à damier avec un peu plus d’une minute d’avance sur la BRM. Le Team Eagle triomphe. Gurney est radieux, autant pour son équipe que pour lui. Il sait que sa victoire, somme toute chanceuse, est aussi le fruit du travail effectué par l’ensemble des membres de son écurie ( Voir L'étoffe d'un héros dans Racing’ Memories ).

 

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La suite de la saison sera moins favorable. Gurney monte une fois encore sur le podium, une troisième place au Canada mais il est victime d’abandons à répétition sur problèmes mécaniques lors des autres courses. L’Américain termine huitième du Championnat.

dan gurney,eagle,aar

 

L’aigle retourne au nid

En 68 Gurney poursuit en F1 mais les performances de son Eagle sont en baisse. En manque de budget pour faire évoluer sa voiture il finira la saison sur une Mc Laren. On le retrouvera en 70 lorsqu’il reprendra le volant d’une Mc Laren F 1 pour quelques courses après la disparition de Bruce. A partir de 1969 Dan Gurney se consacre aux courses américaines, Nascar ( Ford-Chrysler ), CanAm avec une Mc Laren , USAC avec ses Eagle. Ces dernières triomphent à trois reprises lors des 500 Miles d’Indianapolis, en 68 ( B. Unser-champion ), 73 ( G. Johncock ) et 75 ( B. Unser ). Bobby Unser est champion en 1974. Si Dan remporte plusieurs victoires en USAC il échoue très près du but sur le speedway d’ Indy, second en 68, également en 69 puis troisième en 70. Il raccroche alors son casque et se consacre à la direction de son écurie. Après le Championnat USAC, le CART ainsi que la catégorie IMSA où son équipe se distingue. Son retour en Indy Car en 1996, 1998 et 1999 se solde par de faibles résultats. AAR (All American Racers) réduit ensuite son activité. La structure dirigée par son fils participa au projet « Delta Wing » concrétisé lors des 24H du Mans 2012. Le pilote constructeur s’est éteint en janvier 2018 à l’âge de 86 ans.

 

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- Photos ©D.R.


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28 août 2019 | Lien permanent

L’écurie du soleil levant : 1964-1968

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Ronnie Bucknum, Honda RA271 - Allemagne 1964

Soichiro Honda se lance au début des années soixante dans le grand bain de la compétition automobile. La Formule 1 sera la vitrine de son offensive sur le marché automobile mondial. Il contacte Colin Chapman qui réalise une étude châssis tandis que le constructeur japonais conçoit un moteur. Un prototype est élaboré, cependant les deux hommes n’arriveront pas à conclure leur accord. Après cette approche de partenariat avec Lotus en 1963, la firme Honda décide d’aligner une monoplace cent pour cent nippone courant 1964.

par François Coeuret

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Soichiro Honda - Honda RA270

 

1964 - 1965 : La légende de Momotarõ

- 1964 -

La réglementation d’alors impose un moteur n’excédant pas 1500cc dont l’architecture reste libre. Honda a travaillé sur un compact et puissant 12 cylindres en V dont la particularité est d’être installé transversalement dans la monoplace, référencée RA271. Le châssis monocoque aluminium « maison » est conçu par Yoshio Nakamura, il est couplé à une structure tubulaire recevant le groupe propulseur. Cette jolie voiture aux couleurs blanche et rouge marquant son origine fera ses débuts au GP d’Allemagne à la mi-saison. Des essais de mise au point furent menés auparavant par Jack Brabham.

L’équipe Honda est allée « dénicher » son pilote aux USA, un marché qui intéresse particulièrement le constructeur. Phil Hill est contacté, il décline l’offre mais recommande Ronnie Bucknum qui est engagé. Ce dernier est un spécialiste des courses sport sur son continent. Il s’est forgé une réputation de metteur au point et un palmarès en endurance outre Atlantique. Il est à noter que deux épreuves seulement ont lieu sur le continent américain en 64, 65, 66 aux USA et Mexique tandis qu’en 67 et 68 s’y ajoute le Canada.

 

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R.Bucknum - RA271 essais Zandvoort 1964 ©gettyimages Bernard Cahier

 

Bucknum débarque donc sur le Nürburgring avec un bagage vierge en matière de monoplace. Ces débuts ne sont donc pas faciles sur ce long circuit de 22,810 km. Lors des essais l’Américain se qualifie bon dernier ayant concédé près d’une minute au poleman John Surtees sur Ferrari. La Honda est handicapée par près de soixante kilos d’embonpoint face à la Ferrari 158 mue elle par un 8 cylindres. Bucknum prend cependant un bon départ le jour de la course puisqu’il pointe à la treizième position au premier tour. Il va se montrer régulier et au fil des tours se retrouve onzième après dix tours couverts. C’est au 11e tour qu’il commet une erreur, un tête-à-queue provoquant son abandon.

Sa course suivante a lieu en Italie. Sur l’autodrome de Monza, il obtient un excellent dixième temps sur la grille de départ, montrant que son 12 cylindres était dans le coup sur ce circuit rapide. Passant 16e lors du premier tour, l’Américain va remonter jusqu’à la 7e place au douzième tour mais ses freins vont lâcher et précipitent son abandon au tour suivant.

Bucknum dispute ensuite son Grand Prix national sur le circuit de Watkins Glen. Quatorzième temps aux essais, le pilote Honda navigue entre les 12es et 13es positions jusqu’au tour 44 puis accède à la 10e place au 49e tour. Malheureusement son joint de culasse le trahit deux tours plus tard, le contraignant à l’abandon. Ainsi s’achève les débuts de l’écurie Honda en F1, elle fait l’impasse sur le dernier Grand Prix, celui du Mexique, pour préparer la saison 65.

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Richie Ginther - Spa 1965

 

- 1965 -

L’écurie japonaise s’adjoint les services d’un second pilote américain, Richie Ginther. Bucknum est particulièrement chargé du développement de la monoplace RA272 qui est une évolution du précédent modèle, son moteur est remanié. L’écurie nippone est absente lors du Grand Prix d’Afrique du sud qui se déroule le 1er janvier, elle démarre la saison à Monaco où les deux pilotes se qualifient en dernière ligne. Ginther casse sa transmission lors du premier tour et Bucknum sa boîte au 33e tour, il reste donc du pain sur la planche. La situation s’améliore à Spa, Richie finit sixième dans les Ardennes marquant le premier point de l’écurie au Championnat Mondial. Son équipier renonce sur rupture de transmission. En France une nouvelle douche froide attend les deux pilotes qui sont éliminés sur défaillance de l’allumage. Ginther, seul engagé en Angleterre, subit encore une fois les affres d’un allumage récalcitrant. Aux Pays-Bas le problème est résolu. Richie Ginther parti en première ligne a mené les deux premiers tours. Il termine à la sixième place, certes à un tour du vainqueur mais s’adjuge le dernier point attribué au classement. En Allemagne les deux monoplaces ont déclaré forfait. Monza marque le retour des japonaises qui enregistrent deux abandons; Ginther stoppe en délicatesse avec son allumage tandis que Bucknum casse son moteur. Après ces résultats en dents de scie, la campagne américaine va s’avérer favorable.

 

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Ronnie Bucknum - Watkins Glen 65

 

Aux Etats-Unis les deux voitures terminent le Grand Prix, respectivement en 7e position pour Ginther et 13e pour Bucknum. C’est au Mexique, dernière épreuve de la saison, qu’arrive la consécration. L’équipe Honda y effectua des essais préliminaires pour adapter son moteur à l’altitude. Travail fructueux, Richie Ginther triomphe menant la course de bout en bout. Ce sera son unique succès en F1. Bucknum finit cinquième. Cette saison tumultueuse se termine bien pour l’équipe Honda. Clark a conduit Lotus au pinacle en remportant un second titre devant Graham Hill et sa BRM. Honda a glané onze points, terminant 6e au classement constructeurs.

 

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1966 - 1968 : Le retour de la puissance 

- 1966 -

Changement de réglementation en 66 avec le passage au moteur 3L. L’étude et la conception d’un nouveau moteur prend du temps. Honda opte pour une solution plus conventionnelle par rapport à son premier moteur. Il s’agit d’un V12 placé en position longitudinale de 3000cm3 avec échappement au centre du V. La voiture nommée RA273 n’est prête que pour le Grand Prix d’Italie… Les pilotes sont les mêmes que l’année précédente mais seul Ginther va courir, la seconde voiture n’étant pas prête.

 

soichiro honda,john surtees

Richie Ginther, RA273  - 1966 

 

A Monza Richie Ginther obtient un honorable 7e temps à une seconde de la pole. En course l’Américain prend un bon départ, va même tenir un moment la seconde position. L’éclatement d’un pneu est à l’origine d’une violente sortie dont il se tire miraculeusement indemne. Au Grand Prix suivant à Watkins Glen deux voitures sont engagées, Bucknum reprenant du service. Ginther enregistre un bon huitième temps alors que son collègue part en fond de grille. Bucknum abandonne au 58e tour victime de sa transmission et Ginther ne couvre que 81 tours sur 108. La saison s’achève avec la course de Mexico, les deux voitures terminent cette fois le Grand Prix, Ginther à la quatrième place et Bucknum à la huitième. Un bon résultat ponctuant une saison tronquée. Le bilan révèle une monoplace encore handicapée par un poids excessif. L’équipe japonaise doit confirmer et réaliser une prochaine saison complète.

 

 

soichiro honda,john surtees

John Surtees, RA273 - Kyalami 1967

 

- 1967 -

Les pilotes de l’écurie Honda, Ginther et Bucknum sont sur le départ. La firme japonaise cherche une pointure pour concrétiser ses espoirs. Elle se tourne vers John Surtees qui est engagé fin 66. Ce dernier, réfugié chez Cooper, sort d’un divorce précipité avec Ferrari. Les japonais décident de concentrer leurs efforts sur une seule voiture.

La monoplace RA273 reprend du service mais son manque de compétitivité va pousser l’équipe à créer une nouvelle voiture en cours de saison. La nouvelle RA300 est signée Lola qui a adapté un châssis Indy pour les Japonais (1). John Surtees très lié avec la firme de Broadley n’est pas étranger à ce choix. Les ingénieurs japonais ont ainsi concentré leurs efforts sur le moteur. Cependant la combinaison des deux éléments accuse encore trop de poids sur la balance par rapport aux concurrents les plus en vue comme Lotus et Brabham qui utilisent des V8. Elle sera opérationnelle lors du Grand Prix d’Italie en septembre.

En attendant, la nouvelle recrue d’Honda attaque la saison par une belle troisième place en Afrique du Sud acquise certes après les abandons de Clark, Hill et Stewart. C’est un bon présage cependant… A Monaco Surtees joue de malchance, il est troisième au tiers de la course mais trahi par son moteur qui rend l’âme.  Le pilote anglais va ensuite poursuivre une mauvaise passe. Au Pays Bas une panne d’accélérateur le stoppe net tandis qu’en Belgique la belle Honda ne couvre qu’un tour, son arbre à cames cède, trois abandons en trois courses. Le moral tombe et ce n’est pas fini… En terre française, au Mans, l’équipe est contrainte de déclarer forfait.

 

(1) Voir sur le sujet Comme un air de famille ...

 

soichiro honda,john surtees

Surtees, RA300 - Mexico 67

 

John Surtees retrouve la vision du drapeau à damiers sur ses terres à Silverstone, sixième place avec un point supplémentaire à son crédit. Lors de la course suivante sur le  Nürburgring, il se montre tenace accrochant une belle quatrième place. Il remonte ainsi à la huitième position au Championnat. Il reste quatre Grands Prix, les nippons font l’impasse sur celui du Canada pour préparer au mieux la nouvelle RA300 qui débutera à Monza. Surtees qui n’est qualifié qu’en neuvième position va réaliser une superbe remontée jusqu’aux avant-postes. Il est second derrière Clark qui a remonté un tour après une crevaison. A l’approche du dernier tour, le pilote Honda profite de la panne d’essence de l’Ecossais à quelques encablures de l’arrivée pour l’emporter sur le fil avec deux dixièmes d’avance sur Brabham. Victoire chanceuse mais succès qui stimule l’équipe japonaise. Aux Etats Unis une panne d’alternateur réduit à néant une belle remontée en début de course. Le dernier Grand Prix au Mexique permet à Surtees d’obtenir une quatrième place le menant en quatrième position au classement du Championnat : 20 points à égalité avec Chris Amon pilote Ferrari. C’est la meilleure saison de la firme Honda depuis ses débuts en Formule 1. Le talon d’Achille de la RA300 fut encore son poids, un domaine sur lequel Honda va travailler pour la saison 1968.   

                                          

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Surtees, RA301 - Pays-Bas 68

 

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John Surtees et Yoshio Nakamura - 1968

 

- 1968 -

Une nouvelle voiture est en gestation, Honda valide un moteur 8 cylindres en V et va utiliser largement le magnésium coté châssis dans le but d’alléger l’ensemble. La RA300 reprend cependant du service en ce début 68, le premier Grand Prix en Afrique du Sud a lieu le 1er janvier. Honda présente une voiture aux mains de Surtees qui réalise un septième temps encourageant aux essais. En course ses performances vont décliner jusqu’à une huitième place décevante. Jim Clark remporte sa dernière victoire en Championnat du Monde après avoir survolé la course. En Espagne est engagée la RA301 V12, évolution de sa devancière, d'inspiration également Lola. Le V12 est remanié, admission au centre du V, échappements latéraux. La voiture sera  équipée à la mi-saison de dérives sur le capot avant et d’un aileron arrière très en vogue cette année-là. A Jarama la boîte de vitesses rend l’âme en fin de course alors que « Big John » tenait une belle troisième place. A Monaco Surtees réalise une performance encourageante aux essais, un quatrième temps mais casse malheureusement sa boîte en course au 17e tour. Il roulait alors en seconde position. La scoumoune continue, à Spa la Honda pointe en deuxième position au dixième tour, un problème de suspension stoppe Surtees au tour suivant. Au Pays Bas l’alternateur défaillant annule les espoirs du pilote anglais au cinquantième tour.

 

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Jo Schlesser - RA302 1968 

 

Arrive le Grand Prix de France à Rouen, Honda y présente la nouvelle RA302 V8. Surtees rétif préfère rester fidèle à la 301 et l’écurie embauche le Français Jo Schlesser pour lui faire effectuer son baptême en course. Surtees obtient le septième temps aux essais tandis que la 302 en plein déverminage obtient le 17e temps à 8 secondes de la pole. Jacky Ickx remporte la course sous le déluge devant Surtees. Le malheureux Jo Schlesser va périr à la suite d’une sortie de piste dans la courbe des Six Frères. Sa voiture s’enflamme sous le choc et le feu attisé par le magnésium du châssis ne sera pas circonscrit à temps. C’en est presque fini de l’expérience 302.

L’écurie Honda a subi un gros traumatisme lors de ce drame et va terminer la saison avec la 301. Surtees finit cinquième en Grande Bretagne. Le pilote anglais renonce rapidement dès le troisième tour en Allemagne sur défaut d’allumage. Il réalise en Italie une superbe pole à Monza mais sort dans Lesmo en voulant éviter la Ferrari de Chris Amon en perdition. La campagne américaine de fin de saison est contrastée, panne de boîte de vitesses au Canada mais podium aux Etats Unis, une troisième place après une belle remontée. Le Mexique se solde par un abandon pour surchauffe moteur sur la voiture de Surtees mais une cinquième place pour Bonnier qui disposait d’une deuxième RA301.

 

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©Road & Track - Werner Bührer

 

Ce Grand Prix solde l’engagement de Honda en F1 puisque le patron décide de stopper sa participation en cette fin 1968. La première époque Honda en Formule 1 est consommée, la firme japonaise y reviendra à partir de 1983 en tant que motoriste, avec une voiture complète entre 2006 et 2008 mais ceci est une autre histoire.

 

 

Addendum : comment Honda s'est lancé en Formule 1

par Francis Rainaut

 

Pour enrichir cette note, nous publions ici un extrait du livre: « Monsieur HONDA tel qu’il s’est raconté à Yves Derisbourg », livre à recommander à tout visiteur de ce site, ainsi qu'aux autres.

Ce livre est publié aux éditions Under Control.

 

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Jean-Louis Bousquet, l’avocat au pied lourd

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Parallèlement à ses études de droit le Parisien Jean-Louis Bousquet occupe ses périodes de loisirs sur les circuits de karting. Ces moments ludiques vont prendre petit à petit une bonne place dans son emploi du temps. Son aisance au volant  le mène à la compétition.

En 1973 Jean-Louis Bousquet participe au championnat de France Elite face à une concurrence relevée, des acteurs coriaces. Il l’emporte devant, excusez du peu, un certain Alain Prost.

François Coeuret

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Karting puis Formule Renault

La saison suivante Jean-Louis finit septième lors du championnat du monde, une belle performance compte tenu du niveau très élevé de la compétition. Le parisien se sent prêt à passer à l’automobile après le karting. Prost va en faire autant au sein de la filière Elf après sa victoire au volant Elf 1975. Mais Jean-Louis Bousquet a 26 ans en 1975, ce n’est plus tout à fait un jeune espoir à l’image de son adversaire auvergnat. Qu’importe, l’appel du volant est aussi impérieux pour l’avocat parisien. 

 

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Il participe en tant qu’indépendant au Championnat de France de Formule Renault en 1975 sur une Martini, remporte une victoire, deux podiums et termine huitième au classement final. 

 

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Formule Renault Europe

Après cette saison encourageante Jean-Louis Bousquet passe à la F Renault Europe dans l’écurie Antar Danielson l’année suivante et réalise trois podiums qui le mènent à la sixième position au championnat. Il redouble en 1977 sur une Lola. Il se bat au sommet de cette série, remporte quatre succès, il se positionne à l’issue de cette saison comme le dauphin d’Alain Prost à qui il mena la vie dure. Les deux pilotes terminent la saison avec trois points d’écart. JLB court aux 24H du Mans cette même année sur une Porsche 934, il finit 19e et troisième de la catégorie avec Grandet et Dagoreau.

 

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Production puis F3

Bousquet est un talent mais son âge comme son manque de soutien auprès des commanditaires influents du sport auto ne vont pas orienter sa carrière vers les sommets. En 1980 JLB pilote une Volvo en production et se lance en F3, Il évolue au volant d’une Orca Toyota au sein de la structure de Marcel Mignot. Il monte sur le podium du circuit Bugatti (troisième). Aux 24 Heures du Mans il rejoint l’équipe WM, sa voiture abandonne.

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En 1982 il va faire dorénavant de la Production sa spécialité. Il pilote une Talbot Tagora peu compétitive après la Volvo. Le pilote parisien est embauché chez Renault en 85, deux victoires, quatre podiums et une cinquième place au classement final avec la R5 Turbo Superproduction. En 1986 deuxième saison Superproduction sur la R5 Turbo, Jean Ragnotti est son co-équipier. Il remporte deux courses et se classe quatrième au Championnat, Ragnotti finit sixième. En 87 Bousquet accroche la cinquième place au championnat, son co-équipier Comas est champion toujours sur la R5 Turbo.

 

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« Basket »

1988 « Basket » comme on le surnomme dans les paddocks pilote la R21 Turbo 4X4 à moteur transversal qui atomise la concurrence en Super production. Ragnotti est champion tandis que Bousquet qui collectionne les pole positions obtient trois succès. 

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En 1989 c’est toujours au volant de la R21 Turbo 4X4 qu’il dispute la saison Supertourisme nationale. Le règlement impose la position longitudinale du moteur comme sur le modèle de série. Renault doit adapter cette nouvelle disposition. La deuxième partie de la saison sera fructueuse mais le titre échappe au constructeur français, Jean-Louis finit neuvième au général et Ragnotti second. Bousquet court sur une Cougar C22 lors des 24H du Mans cette année-là mais sa participation se solde par un abandon. 

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Changement de monture pour les saisons 1991 et 92 avec la Mercedes 190. Plutôt satisfaisantes pour le Parisien toujours en Championnat Supertourisme : deux victoires, huit podiums au cumul des deux saisons.  

Jean-Louis Bousquet n’eut pas à rougir en comparant ses performances à celles de Prost ou Ragnotti. Il avait bien l’étoffe d’un champion mais des conjonctions ne se sont pas réalisées, celles qui lui auraient permis d’accéder aux Formules supérieures comme la F2 ou la F1. Il n’est pas le seul à avoir raté le train menant vers la voie royale.  Ce qui ne retire rien à son talent. Il mit fin à sa carrière de pilote pour se consacrer à son métier d’avocat notamment au sein du Groupe Bouygues.   

 

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- Illustrations ©DR

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24 avril 2023 | Lien permanent | Commentaires (3)

24H de Daytona 1969, course à l’élimination

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Le circuit de Daytona en ce début février 1969 fut le théâtre d’une course dont le scénario se résuma à un seul qualificatif : « indécis ». En matière de course automobile comme chacun le sait tout peut se produire mais en cette année la destinée mit du temps pour élire son vainqueur.

A n’en pas douter elle affichait la fibre Yankee.

 

Texte de Louis Galanos* (Sportcarsdigest.com),
traduit et adapté par François Coeuret

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Ambiance

A Daytona Beach la migration annuelle de fin janvier amène pilotes et amateurs de voitures de sport sur le Speedway pour la première grande course d'endurance internationale de la saison, les 24 Heures.

A l'est de la ville de Daytona, du côté de la plage, l'artère principale, connue sous le nom d'A1A, est sillonnée par des voitures exotiques telles que des Ferrari, Alfa Roméo, Cobra, Lancia avec une pincée de MG, TR4 accompagnées des inévitables gros tanks locaux Ford, Pontiac et autres Chevrolet. La « faune » qui circule près des voitures arbore le plus souvent larges pattes et cheveux longs et porte ce que certains osent appeler dernière mode. On voit aussi déambuler beaucoup de jeunes femmes bottées aux jupes très courtes, certaines d'entre elles ne dissimulant pas grand chose de leur anatomie. Il ne fait guère de doute que beaucoup de résidents disons âgés soient souvent victimes de problèmes cervicaux. L'explication ? Beaucoup de têtes se tordent et se retournent pour apprécier les morphologies. N’a-t-on pas qualifié cette année 69 d’érotique ?

Dans l’espace réservé au public les camping-cars, caravanes, pick-up et voitures particulières se positionnent pour plusieurs jours. Les tentes et auvents fleurissent, les spectateurs s’organisent. Les plus démunis se contentent de leur sac de couchage étalé sur une chaise longue en aluminium.

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Les engagés

Dans l’enceinte du circuit, côté voitures l’esthétique prime. Les graciles Porsche 908 3L à la silhouette effilée côtoient les compactes Ford GT40 qui rivalisent avec les Lola T70. Parmi ces dernières celle de l’écurie Penske (MkIIIb) affiche la robe la plus seyante, un bleu foncé avec liseré or du plus bel effet (Donohue-Parsons). La Matra 630 aux formes généreuses joue aussi la « pin-up » (Pescarolo-Servoz-Gavin).

Porsche vainqueur en titre a déplacé l’armada, cinq 908L, L pour Lang heck, (Siffert-Hermann)-(Attwood-Buzetta)-(Elford-Redman)-(Schütz-Mitter)-(Stommelen-Ahrens). John Wyer Automotive présente deux GT40 livrée bleu horizon (Ickx-Oliver)-(Hobbs-Hailwood). Du côté des Lola, l’équipe américaine AIR appartenant à l’acteur James Garner engage deux T70 MkIII (Leslie-Motschenbacher et Patrick-Jordan), l’écurie Switzerland présente une T70 MkIIIb (Norinder-Bonnier) en parallèle avec une Porsche 910. Ferrari est absent, la 312P n’est pas prête. Porsche 906, 907, 910, Alfa 33/2, Ferrari Dino, Chevron B8 complètent le plateau proto tandis que les nombreuses Porsche 911T, des Chevrolet Camaro, Corvette, des Pontiac Firebird, Mercury Cougar couvrent le plateau GT.

Dans la presse automobile à l'époque on évalue les chances de Ford et de ses GT40 engagées par les Anglais de John Wyer Automotive. Ford est le champion en titre grâce à sa victoire mancelle obtenue face à Porsche.

 

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Qualification / Course

Les discussions de bord de piste tournaient autour des performances des Porsche. Allaient-elles renouveler leur domination de l'année précédente traduite par un triplé vainqueur. Les perspectives paraissaient bonnes. La dernière version de la Lola T70 (MkIIIb) semblait cependant pouvoir donner la réplique aux protos allemands. Lors des qualifications, la Penske (préparation moteur Traco) a réussi à se placer deuxième sur la grille prouvant le travail minutieux et efficace de l’équipe américaine. Les Porsche 908 étaient première, troisième, quatrième, sixième et septième. La Lola Bonnier s’est qualifiée cinquième. Les Gulf GT40 se sont positionnées en retrait aux 8e et 9e places. Henri Pescarolo est victime d’un crash lors des essais nocturnes. La 630 est irréparable, le pilote français s’en tire avec quelques contusions.

Vers 15h, le samedi 1er février 1969, le drapeau vert tombe sur les 63 voitures engagées dans la course. Les cinq Porsche usine ainsi que les Lola de Donohue et Bonnier vont commencer à prendre leurs distances avec le reste du peloton. Chacune des Porsche avait un panneau coloré pour aider à identifier la voiture à distance et le panneau brillait dans l'obscurité. Pendant ces premières heures de course, les Porsche ont échangé la tête si souvent que l'opérateur du tableau de classement a eu du mal à tenir les positions. Une répétition de la course de 1968 semblait s’installer.

Pour Penske, la perspective d'avoir l'une des voitures les plus rapides en piste et peut-être de gagner s'est rapidement évanouie en raison d'un grave problème de remplissage de carburant. Le système de pompe ne pouvait débiter que 20 des 37 gallons dans le réservoir, ce qui nécessitait de ravitailler toutes les 40 à 45 minutes, environ deux fois plus souvent que prévu. Un problème de dégazage est en cause.

Plus tard, Mark Donohue, qui est aussi ingénieur, a admis que le problème de carburant était de sa faute. Il a déclaré: « J'ai moi-même conçu le système de carburant et j'en suis entièrement responsable. » Malgré ces problèmes, la Penske Lola a continué à bonne distance des leaders.

Avant que l'obscurité ne tombe sur le Speedway, la T70 Bonnier se retire après avoir heurté le mur du banking. Au 84e tour, l'une des Porsche s’arrête de façon inattendue. Brian Redman remarque des gaz d'échappement pénétrant dans le cockpit et rejoint les stands avant de s’intoxiquer. Un collecteur d'échappement cassé en est responsable, les mécaniciens Porsche ont mis plus de 20 minutes à le remplacer.

Au fil des heures Porsche est aux prises avec des problèmes moteur.

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La Penske de son côté a dû s’arrêter deux fois aussi pour des réparations sur les collecteurs d'échappement fissurés qui ont coûté 90 minutes d’intervention. Autre souci, un démarreur bloqué a pris encore 23 minutes pour être réparé. En plus des problèmes persistants de remplissage de carburant l’équipe américaine est accablée. Il est question de retirer la voiture car elle a trop de retard derrière les Ford et Porsche. Cependant Roger Penske persévère et ordonne les réparations. La Penske Lola pour couronner le tout entre en contact avec la Porsche 908 #51 de Richard Attwood / Joe Buzetta. L’incident provoque un arrêt au stand pour des réparations de carrosserie (principalement à l'aide de ruban adhésif).

Porsche va enregistrer des casses à répétition. La déroute des allemandes a commencé à 00h15 puis 00h25 et 02h58. À 05h20, après le retrait des trois Porsche une quatrième renonce (Attwood-Buzetta). Cette débâcle installe les Ford en tête. Mais en fin de nuit la GT40 conduite par David Hobbs et Mike Hailwood rejoint son stand. Le problème est une culasse fissurée qui cause une perte de liquide de refroidissement. Finalement cette avarie conduit à leur élimination.

La Ford GT40 de Jacky Ickx et Jackie Oliver est en tête. Mais les pilotes ont peu de temps pour en profiter car leur voiture souffre également d'une culasse fissurée. Leur abandon est survenu de façon spectaculaire lorsqu'à 07h35, Ickx a heurté le mur de béton en raison d’une fuite. L'incendie qui a suivi a éliminé la voiture, Ickx s'en est sorti indemne.

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Alors que le soleil est levé sur le Daytona Speedway, la 908 rescapée de Mitter-Schütz en a profité pour prendre la tête. La Penske Lola est en deuxième position, à quelques 200 miles derrière le leader. La situation de la Porsche ne dure pas longtemps. Coup de théâtre la 908 rentre au stand avec un arbre intermédiaire cassé. C’est l’abandon, la Lola N°6 hérite du leadership à l’usure. Une autre Lola suit en seconde position mais à distance respectable. La pugnacité de Penske a payé. Les cinq dernières heures de course furent tendues pour les leaders. L’équipe Penske amène sa voiture à une victoire chanceuse mais bien méritée. Les pilotes Mark Donohue et Chuck Parsons ont parcouru 2.383,75 miles à une vitesse moyenne de 99,268 miles / h. La Lola T70 Mk III d'Ed Leslie et Lothar Motschenbacher a terminé deuxième, 30 tours derrière le vainqueur pour le plus grand plaisir de l'acteur et propriétaire de l'équipe James Garner. La Pontiac Firebird 305 de Jerry Titus et Jon Ward a terminé troisième à 35 tours du vainqueur, première de sa catégorie. La meilleure Porsche termine quatrième. La 911T privée pilotée par Tony Adamowicz, Bruce Jennings et Herb Wetanson remporte sa catégorie GT 2L.

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Triste épilogue

L’histoire de la Lola de l’écurie Penske prend une tournure inattendue par la suite. Elle participe aux 12 Heures de Sebring où un problème de suspension la conduit à l’abandon. Alors que les prochaines 24H du Mans constituent le prochain objectif de Penske, un évènement incontrôlable va contribuer à sa perte. Sur le chemin de retour à Philadelphie depuis Sebring, l’auto va disparaître avec son transporteur. L’action s’est déroulée devant le motel où dormaient les deux chauffeurs. Si le camion a été retrouvé, la Lola avait disparu avec les outils de l’écurie. L’enquête policière permit de retrouver les voleurs. Ces derniers avaient démonté une grande partie des pièces mécaniques. Le moteur avait été monté sur une Shelby Cobra. Le châssis fut retrouvé endommagé après cette opération. En conséquence, Penske et Donohue ont été contraints d'abandonner leur voyage en France.

La victoire de l'équipe Penske à Daytona en 1969 représente « le » grand succès international de la Lola T70. Quelques semaines après la course américaine, Porsche dévoilait sa légendaire 917 à Genève. Le monde des courses d'endurance allait en être bouleversé.

La belle T70 prit à cette occasion un sérieux coup de vieux.

 

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Photos :  ©Louis Galanos et Fred Lewis

 

(*) Louis Galanos était à l’époque (fin 60 début 70) étudiant et travaillait en parallèle comme officiel au Sport Car Club of America. Il a suivi les courses de Daytona et Sebring amassant des souvenirs et de nombreuses photos durant l’âge d’or des courses d’endurance. Il est maintenant professeur retraité à Gainesville en Floride.

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30 mars 2020 | Lien permanent | Commentaires (6)

Un secret dévoilé : l'Alfa Romeo F1 2500 cc tipo 160

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Une "projection" de l'Alfa 160 à partir de l'Alfa 159

IL est facile d'imaginer les sentiments de profonde émotion, de joie intense mêlée de satisfaction que durent ressentir le 26 novembre 1922 Lord Carnarvon et Howard Carter quand ils découvrirent en Haute-Egypte, la tombe du pharaon Tut Ank-Amon et ses fameux trésors.

Toutes proportions gardées, ce sont les mêmes sentiments que nous avons ressentis lorsqu'un pur hasard nous fit découvrir le trésor caché d'Alfa Roméo, un secret très longtemps bien gardé, que de longues investigations nous ont permis de percer à jour. Ceci nous permet aujourd'hui de mettre sous les yeux des lecteurs toute une matière technico-sportive d'une importance indiscutable, connue jusqu'à ce jour de très rares privilégiés seulement...

par Giuseppe Busso

(in Sport Auto #70)

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En fait, personne ne soupçonnait chez Alfa Roméo l'existence d'études, de projets complets, de plans et d'éléments construits (le moteur !) d'une voiture de Grand Prix du plus haut intérêt et totalement inconnue.

Même la documentation la plus récente ou livres historiques parus, consacrés exclusivement à la maison de Milan, tel celui de Peter Hull et Roy Slater (officieux) ou celui de Luigi Fusi (que l'on peut considérer comme officiel ou presque) ne laissent poindre la moindre trace de ce trésor en puissance, pas plus que le moteur 12 cylindres G.P. n'est exposé dans le Musée privé de la maison. Suivant la trace d'un bon guide, nous sommes parvenus à faire la lumière sur tout un projet remontant à 1952 déjà, mais qui n'en a pas perdu pour autant de son intérêt puisque sa publication permet d'en révéler toute l'originalité. Il est demeuré très moderne, même pour aujourd'hui, ce qui permet de juger du haut degré technique comme du génie inventif des bureaux d'études chargés chez Alfa Roméo de la préparation des projets en tenant compte des expériences acquises.

D'une manière générale, l'on pensait que depuis la conquête du deuxième championnat du monde par l'inoubliable Fangio au volant de la fameuse Alfa Romeo « 159 » 8 cylindres, 1500 cm3 suralimentée, la grande maison milanaise se désintéressait de la compétition, d'autant que l'on en arrivait à la nouvelle formule des 2500 cm3 sans compresseur. Et pourtant, il n'en était rien, bien au contraire. C'est dans le plus grand enthousiasme en effet que les ingénieurs de la maison se mirent au travail en 1952, en vue de réaliser un projet d'avant-garde. Alfa Roméo entendait faire une rentrée fracassante dans le monde des courses de G.P., tout comme le firent d'ailleurs Mercédès et Lancia à la même époque. L'Alfa Roméo type « 160 » représentait une voiture de G.P. à 12 cylindres, de 2500 cm3, à traction sur les quatre roues et qui, aujourd'hui encore, est de conception très moderne. On se souvient qu'à cette époque déjà Porsche avait travaillé à la traction sur les quatre roues sur la Porsche-Cisitalia et que, plus tard, la Ferguson anglaise allait connaître le même principe. D'autre part, comme sur les actuels dragsters américains, le pilote y était assis tout à l'arrière. Mais alors que sur les bolides destinés à couvrir un quart de mille cette position a été adoptée non pas tant en raison d'études scientifiques que pour charger davantage les roues motrices, augmenter leur adhérence et leur permettre de mieux transmettre au sol les fulgurantes accélérations de moteurs démesurément gonflés par rapport au poids de l'engin, cette position du pilote procédait chez Alfa Romeo d'une véritable étude. Or, cette réalisation précède de quinze ans la voiture américaine de record Goldenrod qui détient l'actuel record du monde de vitesse sur route pour voitures à traction normale et qui est conçue selon ce même principe. La position du siège de l 'Alfa Roméo était le fruit de longues recherches qui tenaient compte également de facteurs psychologiques propres au pilote lui-même. Giuseppe Busso, le constructeur du bolide, y voyait une facilité pour aborder les courbes. Busso, c'était non seulement le technicien capable de venir à bout de tous les problèmes mécaniques, mais aussi l 'homme en mesure de nous en révéler tous les secrets et de nous lever un coin du voile cachant cette voiture futuriste.

Mais, avant de présenter Giuseppe Busso, citons encore Garcea, Nicolis et Bruno Zava. Tous faisaient partie de l'équipe dirigée par Orazio Satta Puglia qui avait en main à cette époque la mise au point technique de tous les modèles Alfa Romeo. Turinois de naissance, Giuseppe Busso commença sa carrière en 1937 chez Fiat, mais fut appelé chez Alfa Romeo par Satta en 1939 déjà. Il travailla au service de compétition et bureau technique jusqu'en 1946. Alors que régnait la plus grande confusion chez Alfa Romeo à la fin de la guerre et que l'on ne savait guère ce que l'on allait construire, Busse passa alors chez Ferrari où il travailla une année et demie avant que Satta ne fasse à nouveau appel à lui. Il regagnait ainsi définitivement sa place au centre de recherches et projets de la maison de Milan.

Giovanni Lurani

 

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1951. JM Fangio, Alfa Romeo 159

 

Une singulière expérience

Il y a longtemps déjà que nous voulions faire connaître aux passionnés de l'automobile sportive une expérience singulière réalisée en 1952 et qui, malgré les ans, n'en garde pas moins, en raison de son contenu technique, tout son intérêt.
Les raisons mêmes de cette, expérience, datant du mois d'octobre 1952, ont pris naissance quelques années plustôt, en jugeant du comportement de l'Alfa Roméo « 512 » à moteur arrière 12 cylindres, qui fit ses premiers et derniers essais en 1939 et 1940. C'est avec le plus grand intérêt que l'on suivait chez Alfa Roméo les résultats de la voiture de course d'avant-guerre d' Auto-Union, qui présentait déjà la particularité d'avoir un moteur central. La marque allemande participa aux Grands Prix dans la période comprise entre 1934 et 1939. Les années 1934 à 1937 étaient placées sous le régime de la formule selon le poids du véhicule, qui ne devait pas dépasser 750 kg à sec, sans pilote ni pneumatiques. Dès 1938 entrait à nouveau en vigueur une formule basée sur la cylindrée, limitée à 4500 cm3 pour les moteurs à aspiration libre et à 3000 cm3 pour les moteurs suralimentés. De 1934 à 1937, Auto-Union participa à la compétition avec un modèle de voiture à moteur arrière, un 16 cylindres de 4350 cm3 suralimenté à l'origine et qui termina sa carrière avec une cylindrée de six litres. Cette voiture offrait comme principale caractéristique des accélérations exceptionnelles, tout spécialement à la sortie des courbes lentes, avec les avantages d'une bonne répartition des masses comme du poids sur l'essieu arrière. Quant à la tenue de route, c'était une autre question : la voiture était difficile à manier et il n'y avait que quelques pilotes de grande classe en mesure de la maitriser et d'en exploiter les possibilités. Elle demandait en effet une conduite très spéciale si l'on voulait tirer profit des avantages dus à son architecture inusitée.
Le meilleur des pilotes de cette voiture fut, sans contredit, Bernd Rosemeyer. A partir de 1935, il est difficile de dissocier les noms d' Auto- Union et de ce pilote trop tôt disparu dans les victoires remportées par cette marque qui put compter également sur les talents d'Achille Varzi et de Hans Stuck.
A fin 1937, après une belle saison en 1935, meilleure encore en 1936, mais moins bonne en 1937 puisque marquée par la supériorité des Mercédès, Auto-Union devait renouveler et moderniser son matériel si cette marque entendait rester dans le coup. Indiscutablement, la voiture était trop difficile à manier par le fait que le pilote était assis beaucoup trop à l'avant. On recula donc son siège; en 1938, c'était l'accident fatal à Rosemeyer dans sa tentative de record de vitesse sur route effectuée sur l'autoroute Francfort-Darmstadt.

La voiture mise au point par Auto-Union pour 1938 était une réalisation entièrement nouvelle. Elle était équipée d'un moteur de 3 litres à compresseur, et, malgré sa position centrale, le pilote était assis déjà beaucoup plus en arrière que précédemment, tout près de l'emplacement qu'il occupe sur les voitures d'aujourd'hui. Mais c'est pour ce modèle précisément que Auto-Union aurait dû pouvoir disposer d'un pilote d'essai de la classe de Rosemeyer. Heureusement, l'usine put compter sur les services de l'inoubliable Tazio Nuvolari qui se décida à changer d'employeur après de longues années passées chez Alfa Roméo. Il fallut quelque temps néanmoins pour mettre définitivement au point la voiture et Nuvolari devait pour sa part s'habituer au nouveau mode de conduite. Ce n'est en définitive que vers la fin de 1938 que ce dernier glana ses premiers succès, à Monza et Donington. L'année suivante fut plus catastrophique encore pour les Auto-Union que les ennuis mécaniques reléguaient toujours aux dernières places, alors que son principal adversaire Mercédès était non seulement en mesure d'améliorer ses bolides et de les perfectionner, mais pouvait encore compter sur une phalange de pilotes d'élite (Carraciola, von Brauchitsch, Lang et Seaman). Muller n'en gagna pas moins au volant d'une Auto-Union le G.P. de l'A.C.F. et Nuvolari la course de Belgrade.

 

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De haut en bas l'Alfa Romeo 152 qui ne courut jamais; l'Auto-Union 1936-1937;
celle de 1939, avec son poste de pilotage rapproché de l'arrière; la Ferrari 1966 V12;
l'Alfa Romeo 159 et enfin le poste de pilotage modifié de celle-ci lors des essais
entrepris par les techniciens d'Alfa Romeo.

 

Modèle 512 : un vice de construction

Les conclusions à tirer de cette époque ne parlaient certainement pas en faveur d'une voiture à moteur arrière, d'autant moins encore avec une disposition du groupe mécanique et emplacement du poste de pilotage dans une situation identique ou pire que celle adoptée sur les premières versions Auto-Union.
Néanmoins, l'Alfa Roméo « 512 » à moteur arrière, dont le projet remonte aux années 1938-1939, présentait un poste de pilotage plus avancé encore que sur les premières Auto-Union ! On ne saurait justifier une telle attitude qu'en raison d'intérêts personnels mal compris, d'autant plus que l'on connaissait la tendance d' Auto-Union à vouloir reculer toujours davantage le siège du pilote et que l'on ne pouvait pas ne pas tenir compte des succès remportés par la fameuse Alfette « 158 » née en 1937 et qui continua à les cumuler longtemps encore après la guerre.
C'est en 1939 que j'arrivai chez Alfa Roméo. Je n'y avais encore rien à dire et mon expérience n'était pas encore suffisante pour qu'elle me permette de participer au débat. Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai pu me faire une opinion sur les Auto-Union en discutant en 1947 chez Ferrari, à Maranello, avec Tazio Nuvolari qui me confia ses impressions sur les premières et deuxièmes Auto-Union. Je compris alors les raisons des mauvais résultats des essais entrepris avec la 512, confiée pour la circonstance à Sanesi et Canavesi.

C'est alors que je réalisai qu'il ne s'agissait nullement d'une petite erreur réparable, mais bel et bien d'une faute dans la conception générale. Pour la première fois, il me vint à l'esprit l'idée d'un siège de pilote placé en arrière de l'essieu arrière. Mais il s'écoula bien quatre ans avant qu'il m'ait été possible de donner une forme tangible à cette idée.
Je ne m'étendrai guère sur la période 1948-1951, pour passer tout de suite à l'une des phases les plus exaltantes de ma vie à Portello puisque c'est entre le printemps et l'été 1952 qu'il fallut se mettre à l'étude d'un modèle de large diffusion à construire en série (ce fut la Giulietta dont le succès fut celui que l'on sait) tout comme à celle d'une voiture de formule pour celle qui entrerait en vigueur en 1954.

C'est à fin avril 1952 que je parlais pour la première fois d'une monoplace à poutre tubulaire centrale faisant corps avec le moteur, la boîte de vitesses, la transmission et, naturellement, avec poste de pilotage en arrière de l'essieu arrière.
L'ingénieur Satta, chef du service de recherches, m'autorisa à coucher sur le papier cette idée inhabituelle, ce que je fis avec grand enthousiasme. J'étais convaincu qu'une voiture de course avec siège placé tout en arrière serait plus facile à conduire. Non seulement le pilote a une bonne visibilité sur l'ensemble de la voiture, mais il contrôle également la position de l'arrière du véhicule, alors que dans le mode de construction usuel, il n'est pas possible de le faire.

 

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Une voiture plus facile à conduire

Assis derrière l'essieu arrière, le pilote peut beaucoup mieux se rendre compte des écarts que font ses roues arrière et, tenant compte de ce facteur, j'attendais de cette nouvelle conception qu'elle permette de conduire le véhicule de manière plus précise et plus facile. Une telle disposition permettait également une bonne répartition des masses tout en assurant une bonne charge sur les roues arrière motrices, le pilote étant aussi en porte-à-faux derrière celles-ci, ce qui ne représentait pas un inconvénient. La voiture à construire selon ces principes pouvait également être conçue pour recevoir quatre roues motrices ou les deux postérieures seulement. En fait, elle était destinée à la nouvelle formule 1 qui devait entrer en vigueur en 1954 et qui prescrivait des moteurs de 2500 cm3, normalement alimentés, ou alors des moteurs suralimentés de 750 cm3. C'était donner le coup de grâce au compresseur car il ne serait venu à l'idée de personne de construire un engin de 750 cm3 suralimenté.
Le 13 juillet 1952, je rendis visite à Fangio à l'Hôpital de Monza où il avait été hospitalisé à la suite d'une sortie de piste lors du 5e G.P. de l'Autodrome disputé le 8 juin. Je lui montrais mes projets sommaires et lui expliquais mes raisons; il manifesta un grand intérêt pour la question, voyant même des chances de succès pour ma proposition.

 

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Essais avec une Alfette transformée

Alors, à peine terminées les vacances, je pus faire préparer pour fin août une des Alfette « 159 », transformée pour la circonstance avec des moyens de fortune, afin que je puisse expérimenter ma théorie dans la pratique. L'essentiel, c'était de faire quelques tours de circuit à Monza, pour juger de la question de la place du pilote, Ni lapuissance du moteur, ni le poids de la transformation, ni les commandes improvisées ne devaient permettre de battre le record du tour qui appartenait à Fangio et qu'il avait réalisé avec une Alfette, en 1951, en 1'55"3. Toutefois, les expériences faites lors des deux journées d'essais secrets des 16 et 22 octobre devaient me confirmer mes vues et me faire poursuivre en toute hâte la réalisation du programme de la nouvelle monoplace.

Sanesi, qui avait effectué les essais regrette d'ailleurs aujourd'hui encore que ce projet n'ait pas été réalisé. Et pourtant c'est dans un état des plus sceptiques qu'il s'était approché de l'engin un peu monstrueux, comme s'il s'était agi d'une bombe. Il avait fallu reculer la direction, le pédalier, la commande des vitesses et, dans la fièvre des préparatifs, on avait laissé à sa place originale le petit pare-brise, ce contre quoi Sanesi protesta à juste titre et il fallut improviser l'adaptation qui s'imposait.

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L' « Oiseau Blanc » de Nungesser & Coli

 

Sanesi conquis

N'ayant couvert que quatre tours de circuit seulemént, Sanesi s'arrêtait aux boxes pour confier ses premières impressions. Il se plaignait de ne pas trouver facilement les vitesses et de ne pas avoir au volant une position d'un style plus classique. En outre, à vitesse élevée, il devait retenir de la main ses lunettes. Il n'en réalisa pas moins un tour en 1'59" et ce fut Sanesi qui expliqua ce temps par la maniabilité de l'engin, particulièrement extraordinaire dans les virages; il n'était pas loin de partager l'avis qu'à l'avenir toutes les voitures de course seraient construites selon ce principe. Pour les techniciens de la maison, ces séances d'essais de Monza furent des journées historiques.
On savait que l'on venait de voir les promesses d'une chrysalide qui ne demandait qu'à sortir de son cocon. Or cette même équipe de techniciens fut chargée d'étudier la construction de la Giulietta et les plans de la voiture de Formule 1 disparurent dans un tiroir. Et ce n'est qu'en 1954 que fut construit le premier dragster avec siège en arrière de l'essieu arrière !
Le Musée de l'Air à Paris conserve parmi ses trésors les mieux gardés le châssis de l' « Oiseau Blanc » de Nungesser et Coli qui disparurent sans laisser de traces lors de leur tentative de la traversée de l'Atlantique en avion. Alfa Roméo possède aussi un rescapé de la 160 : il s'agit du moteur 12 cylindres dont les pièces construites furent assemblées mais qui n'arriva jamais à son état de marche. Sanesi pense que les choses ne devraient pas en rester

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André Guelfi, « l’original »…

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Les lecteurs de « Racing’ Memories » connaissent mon insatiable appétit pour les bizarreries architecturales, mécaniques et humaines. C’est dans ce dernier domaine que j’ai porté mon attention sur un personnage totalement atypique mais plus connu dans le domaine des affaires (de toutes natures…) que dans la compétition automobile : André Guelfi, dit « Dédé la sardine ».

Raymond Jacques.

andré guelfi

Né au Maroc en 1919, André Guelfi doit son surnom au fait qu’il développa la congélation du poisson frais directement sur les bateaux de pêche. Il se constitua une belle fortune dans des activités diverses et variées : pêche, hôtellerie de luxe, industrie textile et services « intermédiaires ». C’est dans ce type d’activité – l’affaire Elf - qu’il fut amené à fréquenter la prison de la Santé à Paris, ou il fit la connaissance de Bernard Tapie.

Mais André Guelfi fit aussi une très honnête carrière de pilote de course privé voire même semi officiel. Son plus grand titre de gloire est sa participation au Grand Prix du Maroc 1958 F1 et F2, couru à Casablanca, sur lequel il était engagé sur une Cooper T45 de F2 privée. Il part en dernière position, mais il finit la course avant dernier, devançant un certain… Graham Hill ! ! ! Neuf de ses compétiteurs avaient abandonné, dont l’infortuné Stuart Lewis Evans, qui se tuera au quarante et unième tour de la course.

Jean Lucas, créateur de l’écurie Los Amigos, qui était plutôt une sorte de club privé, permit à André Guelfi de multiplier ses participations aux 24 Heures du Mans au volant de diverses Gordini. Voici son palmarès :

 

Année
VoiturePilotesRésultat
1950Delahaye 175Guelfi / SerraudAbandon batterie HS
1951Ferrari 212Guelfi / LarivièreAccident mortel de Larivière
1952Osca MT 4Guelfi / DamonteEmbrayage
1953Gordini T15SGuelfi / LoyerAbandon moteur HS
1954Gordini T30SGuelfi / Pollet6èmes
1956Gordini T31SGuelfi / Da Silva Ramos
Allumage
1957Gordini T31SGuelfi / Guichet
Soupapes
1958
Jaguar Type DGuelfi / "Mary"Accident mortel de "Mary"

 

andré guelfi

Il courut aussi en Afrique hors championnat, remportant en 1953 le Grand Prix de Vitesse d’Agadir et le Circuit de Marrakech Sports. On le vit sur d’autres circuits africains au Maroc et au Sénégal. Entre 1950 et 1958 on le vit aussi à Montlhéry, à Spa Francorchamps, à Lisbonne, à Pescara, à Monza… Durant cette période, il participa à plus d’une trentaine de courses.

A ma connaissance, André Guelfi est le seul pilote des 24 Heures du Mans à avoir perdu sur accident mortel deux de ses coéquipiers :

·      Le 23 juin 1951 Jean Larivière, garagiste à Agadir, perd le contrôle de la Ferrari 212 Export blanche numéro 30 au Tertre Rouge, à l’entrée des Hunaudières. La voiture quitte la route et pénètre dans un jardin dans lequel se trouve un fil de fer tendu qui décapite l’infortuné pilote.

·      Le 21 juin 1958 Jean Brussin, alias « Mary » perd le contrôle de sa Jaguar type D numéro 11 dans la courbe Dunlop, juste après les stands. La météo est exécrable et les accidents sont nombreux. La Jaguar est réduite à l’état d’épave coupée en deux. Le moteur, la boite de vitesses et la transmission de la voiture seront récupérés par Michelotti qui en équipera une voiture de salon.

 

andré guelfi

Le curieux destin de la barquette Gordini 24S n°34 :

Elle fut engagée au Tour de France Auto 1954 pilotée par Guelfi et Julio Quinlin, une plaque vissée sur le tableau de bord rappelle toutes les compétitions auxquelles elle a participé et le nom de tous ses pilotes. Sa dernière course fut les Mille Kilomètres de Paris en juin 1956 avec l’équipage Manzon Guelfi, contraint à l’abandon sur casse moteur. Cette énumération se termine par ces mots : « Vendue à la Romancière Françoise Sagan ».

andré guelfi

"La vitesse n’est ni un signe, ni une preuve, ni une provocation, ni un défi, mais un élan de bonheur ".

Françoise Sagan.

Françoise Sagan posséda de nombreuses voitures de sport : Jaguar XK et type E, AC Bristol, Aston Martin, Ferrari, dont une 250 GT California. Il semble que la vente de cette Gordini hors normes fut réalisée par l’entremise d’André Guelfi, qui se transforma en moniteur d’auto-école pour permettre à l’acheteuse de dompter le « monstre » de huit cylindres en ligne et 3000 centimètres cubes. Quoi qu’il en fût, le montant de la transaction permit à Amédée Gordini d’éponger la totalité de ses dettes !

En 1999 André Guelfi publia son autobiographie sous le titre « l’Original ».

 

Voir aussi : Guelfi le Jdidi

andré guelfi

 - Illustrations ©DR

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24 janvier 2022 | Lien permanent | Commentaires (9)

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