22 octobre 2014
1966' Grand Prix movie - 2 - Charade
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« ...Notre réputation est basée sur la recherche de la perfection, du plus haut degré de qualité.
Je n’hésite pas à jouer cette réputation à tous les coups, parce que j’ai personnellement une foi absolue dans chaque modèle que je laisse sortir de mon usine, mais je ne veux pas la risquer sur un pilote dans lequel je ne peux pas avoir une confiance totale.
Il y a moins d’une trentaine de pilotes dans le monde vraiment qualifiés pour conduire en Formule 1 et peut-être une demi-douzaine à peine, pour gagner.
Et en ce moment, j’ai de bonnes raisons de penser que tu n’en fais pas partie... »
- Voir aussi: 1966' Grand Prix movie - Ouverture
- Voir aussi: 1966' Grand Prix movie - 1 - Monaco
par Francis Rainaut
19:56 Publié dans jp.sarti, s.mcqueen | Tags : steve mcqueen, jp sarti | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook | |
15 octobre 2014
Peter Revson, an American Lord…
Le passage en formule 1 de cet américain, neveu du magnat de l’industrie cosmétique Revlon (1) et héritier présumé de la fortune de son père Martin fut bref, bref mais intense, laissant comme une odeur de bouquet inachevé...
Au lieu de se contenter de sa vie, toute tracée, de riche playboy aventureux, séduisant et bardé de diplômes, Peter rompt avec sa famille et se lance en vrai professionnel dans sa passion : la course automobile. (2)
par Alain Hawotte
Après avoir fait ses premières armes dans les épreuves locales d'Hawaï, ce qui par ailleurs ne devait pas être trop désagréable, il vient en Europe prendre des cours de pilotage en 1960 à Monza puis retourne ensuite aux USA pour débuter en formule Junior avec une Cooper.
Fort de quelques bons résultats il revient en Europe en 1963 et est repéré par Tim Parnell, il participera à quelques courses de F2 et débutera en F1 lors de la Gold Cup à Oulton Park (course hors championnat en Angleterre vers le mois d'avril).
L'année 1964, le voit réellement débuter en F1 avec Parnell toujours, mais ça ne marche pas, Peter n'est pas au parfum et le Team ne le sent pas trop...
Sage et toujours très professionnel il se rend compte de son erreur, trop jeune, trop vite, trop tôt alors il passe un accord avec le Team LOTUS pour redescendre en F2 et F3 en 1965 et Banco! il gagne à Monaco la course de F3... mais décidément, les monoplaces ne lui plaisent qu'à moitié et Peter retourne aux USA où le sport auto s'apparente à un show qui cadre mieux avec ses instincts… (3)
Cependant Peter fait toujours preuve d'un parfait professionnalisme et il gagne partout, souvent et avec n'importe quelle auto en Trans-am, en Canam, en Indy et en Endurance.
Gérard Crombac qui croit en lui pour la F1 le persuade d'y revenir et pour l'y aider quoi de mieux que de s'associer avec une autre star hollywoodienne : Steve Mc Queen… Steve a besoin d'un excellent premier pilote pour assouvir sa passion de rouler en endurance. Alors en 1970 sur une petite Porsche 908 3L, ils passent tous deux à 23 secondes de la victoire à Sebring battus de justesse par une grosse Ferrari 512S de 5 L conduite par un super Mario…
Cette seconde place relance la carrière de Peter.
En 1971, il intègre pour la Canam le prestigieux Team Mc LAREN : il remporte immédiatement le trophée et termine même second aux 500 miles d'Indianapolis.
Un parfum de victoire flotte à nouveau sur ses épaules et comme les monoplaces de F1 ont pris de l'embonpoint, il parvient à caser plus facilement sa large carcasse dans le cockpit... d'une Mc Laren bien sûr, et plus cocasse encore, d’une YARDLEY Mc Laren ! (Yardley est un parfumeur anglais!) En 1972 il enlève de nombreux podiums et en 1973 c'est la consécration, devant un Hulme déclinant, il apporte les seules victoires du team…
La logique voudrait qu'il soit préféré à Hulme en 1974 comme équipier de Fittipaldi mais non, Hulme est un monument chez Mc Laren et en remerciement des services rendus depuis la mort de Bruce, on ne déboulonne pas le monument.
Qu'à cela ne tienne Peter devenu un des pilotes les plus rapides et recherchés est engagé par le team américain SHADOW... c'est sur cette Shadow qu'il devait trouver la mort aux essais préliminaires du GP d'Afrique du Sud 1974. (4)
Ainsi disparut un homme au talent éclectique méconnu de beaucoup, Peter REVSON !
- Voir à ce sujet The Bryan Times, Saturday, March 23, 1974
(1) Revlon est une marque américaine de cosmétiques et de parfums créée en 1932 par Charles Revson, son frère et un ami chimiste, Charles Lachman. Les Revson ont repris le « L » de Lachman pour le nom de la marque (Revlon).
(2) Selon Jon Thompson qui l’a bien connu, Peter déclarait avec force et à maintes reprises, à ceux qui lui posaient la question: « Je ne suis pas l’héritier ! »
(3) Touché aussi par l’accident mortel au Danemark en 1967 de son frère cadet Douglas « Doug » Revson, qui avait suivi son exemple.
(4) Par une curieuse coïncidence dont l’histoire est coutumière, les destinées de François Cevert et celle de Peter Revson présentent beaucoup des similitudes. Ces deux « beaux gosses » sont les descendants coté paternel de familles juives venues d'Europe de l'Est, ils sont tous les deux morts tragiquement avant d’avoir eu le temps de réaliser leur rêve de devenir le premier champion du monde de leur pays, ou peu s'en faut...
- Photos ©D.R.
22:58 Publié dans p.revson | Tags : peter revson, steve mcqueen | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook | |
05 septembre 2014
Autodromo Nazionale di Monza
Des Houches – entrée de la vallée de Chamonix - à Monza, il n’y a jamais que 261km, ceci depuis que le Tunnel du Mont Blanc a récemment été terminé. C’est nettement moins que la distance du Grand Prix d’Italie 1970, qui lui en totalise 391. C’est la fin des vacances, Monza c’est notre ultime récré avant la rentrée au « bahut », départ le 4 septembre.
par Francis Rainaut
- Voir aussi: Monza, septembre 1970
23:31 Publié dans c.regazzoni, f.cevert, j.rindt, jp.beltoise, p.rodriguez | Tags : monza 1970, jochen rindt | Lien permanent | Commentaires (11) | Facebook | |
02 septembre 2014
Fortune Does Not Always Smile on Talent
L’annonce du décès - le 31 août – de Jonathan Williams (1) nous a tous un peu pris par surprise. Ce fin pilote aura toujours représenté une énigme pour les aficionados des courses de monoplace des 60’s. En plus d’un bon coup de volant, Jonathan possédait un talent de conteur certain pour nous décrire ses expériences diverses en formule 3, en formule 2, en formule 1 et autres sport-prototypes.
Personne d'autre que lui-même ne pouvait donc mieux raconter sa propre trajectoire au sein de l’Anglo-Swiss Racing, de l’écurie De Sanctis, de la Scuderia Ferrari, chez De Tomaso ou encore sur le tournage du film « Le Mans », toutes choses rares et passionnantes, du moins de notre point de vue. Puisse cette note lui rendre hommage.
(1) né en 1942 en Egypte où son père, chef d’escadron de la R.A.F., était affecté.
Jonathan, par ailleurs chroniqueur dans plusieurs publications mais également photographe, nous a laissé ses écrits, que l’on peut consulter à l’adresse suivante et que je vous incite fortement à lire :
http://www.motorsportsmarketingresources.com/short-stories/jonathan-williams/a-mexican-muddle.html
Pour ceux qui auraient un peu de mal avec la langue de Shakespeare, j’ai demandé l’autorisation de traduire et de publier ces textes en français. En attendant, je vous en livre juste un passage qui concerne les débuts de Jonathan en formule junior, dans l’entourage d’un certain Piers Courage, surnommé « Porridge ».
« J’ai rencontré pour la première fois Charles Lucas, « Luke » pour ses amis, en 1960 à l’école d’ingénieurs de Londres que nous fréquentions tous les deux. Les premiers mots qu’il m’adressa, aux alentours de l’heure du repas, furent « Let's go and have a drink ». Cela me parut très positif et nous sommes alors devenus amis et finalement nous partageâmes ensuite un appartement plutôt sordide rempli de pièces de moteurs sur Fulham Road. Comme beaucoup d’étudiants, il était plus intéressé par les courses auto que par les études, je lui ai donc présenté Selwyn Hayward qui construisait les voitures de course Merlyn par l’intermédiaire duquel il acheta une version sport de même que son camarade d’école Piers Courage. J’achetais une formule junior avec des conséquences catastrophiques quand la suspension avant se brisa à Monaco, m’envoyant à l’hôpital. La Princesse Grace vint alors me voir et fut charmante, assise sur l'extrémité de mon lit pendant une demi-heure… »
Jonathan Williams, « Willums », traduction Francis Rainaut
Voir aussi en Addendum les photos d'Alain Hawotte
- Photo 3 ©TheCahierArchive
- Autres photos ©D.R.
14:06 Publié dans j.williams, p.courage | Tags : jonathan williams | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
14 août 2014
Hill,... Phil Hill
L’américain Phil Hill est le trait d’union parfait entre le film "Grand Prix" et les Chaparral. Alain Hawotte nous livre ici sa vision du 1er champion du monde venu des U.S.A.
Phil croit à la chance, Phil croit au destin, Phil craint à la mort,
Et ces notions semblent guider son chemin vers le sommet de sa colline.
Les forces qui semblent diriger sa vie lui donnent le frisson, alors en 1955 après le décès de son ami et professeur, le vétéran Bill Vukovich à Indy et après la tragédie du Mans, Phil s'éloigne de la course automobile pris d’un doute sinistre... et se pose la question : Pourquoi ?
Il ne reviendra qu’appelé par Ferrari, car personne ne refuse un appel de Ferrari pour piloter.
S’il entre chez Ferrari en 1958, c’est en fait parce que le destin de Peter Collins était de perdre la vie au GP du Nürburgring…
Phil est introverti, sensible, amateur d’art et de musique, tout le contraire d’un chevalier des temps modernes… (1)
C’est presque par hasard qu’en 1961 Phil est encore en course pour le championnat, survient alors une autre marque du destin, à Monza, son équipier Von Trips entre dans la foule et se tue, il ne sera pas le champion du monde 1961 ce sera Phil car les 156 Ferrari étaient imbattables cette année-là et que dans la Scuderia l'ordre était Von Trips, Hill, Ginther...
En 1962, les Ferrari sont à la peine et Phil aussi, perdu dans ses pensées… 63, 64 et 65 chez ATS et Cooper ne lui apporteront rien de bon, à part peut-être le désir de quitter la monoplace…
Attiré par les performances en soliste au début de sa carrière, c’est surtout en duo avec Gendebien qu'il marquera peut être plus les esprits. Il gagne d'abord trois fois au Mans avec Olivier, le belge.
Quittant Ferrari et la F1, il est alors appelé par Ford pour mettre au point les GT40, mais il ne profitera pas de son travail car engagé par une autre écurie américaine et partageant avec Sharp le patron lui même, puis avec Bonnier et Spence le volant de beaux oiseaux blancs du Texas, les Chaparral, il en obtiendra le plus de notoriété jusqu’en 1967.
Il arrêtera sa carrière lorsque ses belles Chaparral seront déclarées hors la loi en 1967 en remportant sa dernière course le BOAC 500 avec une 2F frappée du numéro 1, dernier clin d'œil au destin.
Restant dans le monde automobile en restaurant de belles mécaniques dans sa Californie natale, Phil nous quittait discrètement le 28 août 2008.
Ah oui j’oubliais, Phil a, sans émotion particulière car c’était son destin et que pour s’accomplir il perdit un équipier, quand même gravi la colline, il est le discret champion du monde 1961, un certain Phil HILL.
signé Alain Hawotte
(1) 1954 "Quand j’ai débuté la compétition, je ne pensais pas au danger. Je pense que je filtrais les informations dans mon cerveau pour diminuer les côtés négatifs et amplifier les côtés positifs. Après plusieurs années, j’ai commencé à prendre conscience que c’était un sport dangereux ou il y avait des accidents et on pouvait se tuer. J’ai commencé à faire de l’anxiété et j’ai développé un ulcère à l’estomac".
- Images ©D.R.
17:13 Publié dans p.hill, w.vontrips | Tags : phil hill | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
01 août 2014
"Jeannot" Behra
Jean, comme beaucoup de pilotes, débute sur des motos en 1938 et il sera champion de France de 1947 à 1950. Notre homme aime la moto mais décide que la course, la vraie cela se dispute en voiture, il est bercé par les noms de Fangio, Ascari et les envie...
Signé Alain Hawotte
- Voir aussi: A quelques mètres près
C’est ainsi qu’un beau jour de 1949 il débute sur une Talbot-Lago au grand prix du Salon (1) en F1 à Montlhéry. Plus de 400 km de course pour un résultat honorable une place de 6e à huit tours du vainqueur Raymond SOMMER.
Mais le déclic se fera en rallye, eh oui, l’éclectisme de Jean fait déjà merveille, en 1950 au « Monte » il termine parmi les cinq non pénalisés et premier des Simca dont le superviseur est Amédée GORDINI, tout se met en place, doucement, et il débute pour GORDINI en sport au Bol d’Or, course atypique de 24h pour un seul pilote.
Jean en tête doit abandonner sur panne mécanique, rappelez vous c’est une Gordini, mais il fait forte impression.
Il entre ainsi officiellement en 1951 dans l’équipe Grand Prix de Gordini et ne tarde pas à remporter en 1952 le Grand Prix de France à Reims, hors championnat malheureusement mais devant tous les cadors, Ascari en tête, mais une autre performance passera inaperçue, sa 3e place à Berne après avoir amené la Gordini par la route, soit 600 Km sans autoroute pour... rôder le moteur. La nuit, sans phares, il a dépassé le camion Lancia et roulait devant lui dans ses phares, quelle époque ! (2) Imaginez la même chose aujourd’hui !
Jean sera une des vedettes de cette saison 52 mais la terminera sur un lit d’hôpital au Mexique. Gordini engage deux voitures de sport à la PANAMERICAINE, et Jean est en tête, il gère mais il sera victime d’un accident stupide, dans une épingle, un mexicain a accroché son pancho où il a pu mais surtout en masquant le panneau de signalisation du virage dangereux ! Panneau que Jean ne voit pas et voilà la Gordini dans le ravin avec Jean. 53 et 54 encore des victoires avec Gordini, peu mais surtout des pannes, le budget de l’équipe est... inexistant, les exploits de Jean le placent en 55 chez Maserati il gagne en sport avec Moss et terminera 4eme en 56 au championnat de F1. En 57 il opte pour BRM en F1 et pour Porsche en sport avec des hauts et des bas, panache à Monaco quand confortablement en tête il bat le record du tour à la volée, vanité...... car il abandonne peu après, sans freins.
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Mais quand Jean est dans une voiture de course, il va le plus vite qu’il peut ! Pour 59 Jean signe enfin chez Ferrari, Ferrari qui l’avait repéré depuis la période Gordini. Mariage bref et houleux, Jean ne s’entendant pas avec le directeur d’écurie, il claque la porte et poursuit avec Porsche en F2 tout en entreprenant de construire sa propre voiture monoplace à moteur Porsche qu’il ne conduira jamais. Jean est , le 1er août 59, sur le circuit de l’Avus, il participe le lendemain à une course de F1 avec sa Porsche F2... mais Jean sur un circuit, il veut courir, il cherche la vitesse, la passion, la fougue, alors quand un pilote privé, effrayé par le banking, lui propose sa Porsche sport RSK, Jean enfile ses gants, coiffe son casque blanc à damiers noir et blanc et saute au volant. Dans un nuage de pluie, Jean prend un départ extraordinaire, sur la portion interminable d’autoroute qui relie les deux virages, les deux seuls du circuit, les Porsche Usine, plus rapides, de BONNIER et de VON TRIPS le dépassent… mais Jean est un compétiteur pour qui participer ne suffit pas, et il s’accroche, reprenant dans les bankings aux briques luisantes, les secondes perdues en ligne droite. Jean s’accroche, mais, soudain, au 4eme tour l’arrière de la Porsche argentée se dérobe, elle glisse vers le haut sur le miroir de briques du virage relevé à 45 degrés, la Porsche heurte le mur de béton, Jean est propulsé en l’air, il ne se relèvera pas... Ainsi disparaît à 39 ans un homme qui souhaitait arrêter la course, devenir constructeur et créer une école de pilotage pour en sortir le 1er champion du monde français.
« Quand je doublais mes adversaires, Ascari et les autres, je ne m’inquiétais pas, j’étais sûr de ne pas les revoir, mais quand je doublais Jean, je n’étais jamais sûr qu’il ne s’accrocherait pas et me repasserait plus tard ! C’était un vrai coureur, le plus vite possible quels que soient la voiture, les circonstances, toujours le plus vite possible : tel était JEAN BEHRA » dira Stirling Moss.
(1) Lors des 9es Coupes du Salon
(2) Voir "les Princes du Tumulte" de Pierre Fisson.
- Photo 1 ©R.Larcher Vesoul
- Photo 2 ©TheCahierArchive
- Autres photos ©D.R.
Addendum :
Pour compléter la note d'Alain Hawotte sur Jean Behra, savourons cet extrait d’un article de l’écrivain Roger Vailland, extrait déjà publié en 2009 sur le site AutoDiva.
- Behra, qui essayait sa biplace des Mille Milles, avait doublé un camion à 180 à l'heure. C'est-à-dire que les paysans qui fanaient dans un pré voisin avaient vu la voiture de Behra qui doublait un camion.
Mais Behra perçut, sentit la chose autrement. Behra vit la route qui précipitait vers lui l'arrière d'un camion. Il visa entre le camion et le bord gauche de la route. Le camion passa sur sa droite, à grande vitesse, cul en arrière.
La route précipita aussitôt vers lui l'amorce d'un virage que le cul du camion avait caché. Behra essaya de faire ce qu'il fallait faire, mais le talus cogna la roue avant gauche. La route se déroba. Plus de tapis roulant. La voiture était dans le pré et tournait sur elle-même comme une bobine.
Au premier tour que la voiture fit sur elle-même, Behra se jeta sous le tableau de bord, pour ne pas être écrasé par la voiture, dans l'instant qu'elle avait les roues en l'air. Quand la voiture amorça son second tour sur elle-même, il se dressa au contraire, afin de profiter de la force centrifuge pour se faire éjecter. Dans un accident de ce genre, le risque le plus grand est d''être écrasé par la voiture ou de flamber avec elle. Donc, il faut sauter ou se faire éjecter. Il fut éjecté.
Les paysans qui fanaient virent le pilote jaillir de la voiture et décrire un arc dans le ciel. Il atterrit sur du foin, soixante mètres plus loin. La voiture continuait de rouler sur elle-même. Elle paraissait poursuivre le coureur. Elle s'arrêta à une dizaine de mètres de lui, à cinquante mètres du talus. Elle ne flamba pas.
Behra se releva; il tenait sur ses jambes. Il tâta son corps, ses membres. Avec cinq accidents graves, et quelques autres, c'est un corps reconstruit par les chirurgiens, avec ça et là des jointures de métal, des tendons en matière plastique. Tout semblait avoir tenu.
Il passa la main sur son visage, il la retira pleine de sang. Il tâta. L'oreille gauche manquait. Il partit à la recherche de son oreille et la retrouva dans l'herbe. Il la ramassa. Il y tenait beaucoup.
C'est une admirable oreille, en matière plastique, qu'il a fait faire à Londres, après son accident au Tourist Trophy. Une oreille si bien faite que, depuis un mois que nous étions à l'Hôtel Royal, et bien que sachant qu'il avait une oreille de matière plastique, nous n'étions jamais parvenus à savoir laquelle. Nous n'osons pas le lui demander.
Behra retrouva un peu plus loin son casque, qu'il ramassa. Il mit son oreille dans le casque et alla se placer sur le bord de la route, pour héler une voiture qui passait et se faire conduire à l'hôpital. Le lendemain, quand nous lui fîmes visite: "Vous vous rappelez, dit-il à Cordélia, je vous avais dit que mon vrai nom c'est Trompe-la-Mort."
"Avant les vingt-quatre heures du Mans" de Roger Vailland, Cahiers Roger Vailland, Ed. Le Temps des Cerises.
15:07 Publié dans j.behra, Pilotes | Tags : jean behra, gordini, avus | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | |